Figures féminines à l'origine du peuplement de l'île de la Réunion
L'île de la Réunion est déserte lorsque les Arabes la découvrent au XVe siècle et la nomment Dina Morgabin[1]. Ce n'est qu'en 1663 que le peuplement débute avec l'arrivée de Français et Malgaches ; l'île prend le nom d'île Bourbon[2] en 1649. Après deux débarquements sans suite[3], deux colons français, dont Louis Payen[4], arrivent, accompagnés de dix Malgaches (sept hommes et trois fillettes), en provenance du comptoir de Fort-Dauphin sur l'île de Madagascar. Les Malgaches étaient des serviteurs, le commerce de traite étant jusque là interdit par la Compagnie des Indes Orientales (cela changera avec l’arrivée d’Étienne Regnault en 1665). Ce seront les premiers habitants sédentaires.
Les femmes sont rares et donc très convoitées. Cette disproportion sème la discorde entre les colons et les Malgaches. D’autres femmes arriveront de France dès 1667, et des Indes vers 1678.
De 1678 à 1718, il n’y a plus d’arrivée de femmes, les seules femmes présentes sur l’île étant issues de l’union des couples qui s’étaient déjà formés sur le territoire. Les hommes, quant à eux, continuent de débarquer sur l’île. Cette infériorité numérique des femmes entraînera des mariages fortement précoces avec des jeunes filles de 10 à 14 ans, et cela durera jusqu’à environ 1700.
À l’époque, on recense alors douze à quinze mères de famille malgache, sept à huit mères de familles françaises, et quinze à seize femmes d’origines indienne et portugaise. Le nombre d’enfants par couple variait de dix à seize[5].
Arrivée des premières malgaches
Ce fut le , que le Saint-Charles accosta sur l’île de la Réunion, avec, à son bord, deux sœurs malgaches de 8 et 9 ans : Marie Caze, née vers 1655 à Anôsy et morte en 1735, et Marguerite Caze, née vers 1654, la date de sa mort restant aujourd’hui inconnue. Ces jeunes filles sont les premières femmes de l’île de la Réunion[6]. La troisième femme s’appelait Anne Finna[7], née en 1641 à Anôsy, elle épouse un malgache appelé d’Antoine Haar en 1667 à Saint-Paul. Très peu d’informations sont disponibles sur elle.
Ce sera Marie Caze qui donnera naissance à la première réunionnaise, après avoir épousé Jean Mousse elle accouche le de sa fille, Anne Mousse. Elle a vu sa fille naître mais la verra aussi mourir en 1733. Elle aura une seconde fille, Cécile Mousse, née vers 1675. Après la mort de son époux, elle se marie à nouveau avec le français Michel Frémont. Marguerite, quant à elle, épouse également un malgache du nom d’Étienne Lambouquiti ; de leur union naissent onze enfants : huit garçons et trois filles.
Trois autres sœurs Caze sont arrivées après 1663, probablement en 1671 :
- Anne Caze, née en 1650 et morte le , elle épouse Paul Cauzan[8], le second de Louis Payen, à Fort-Dauphin ; de cette union naquit François Cauzan en 1671. En 1678, à la suite de la mort de son mari, elle épouse le Français Gilles Launay, compagnon d'Étienne Regnault, le premier gouverneur de Bourbon. Avec lui elle aura cinq enfants, parmi lesquels seules deux filles, survivront Marguerite et Anne.
- Jeanne Caze, épouse un malgache nommé Gilles Leheretchi. Elle et sa sœur Marguerite, n’étant pas mariées à des Français, n’ont pas pu échapper au système esclavagiste de l’époque qui fut mis en place à partir de 1680 sur l’île, elles finissent donc esclaves de leur sœur Anne Caze, leurs enfants également.
- La dernière sœur Caze à être arrivée sur le territoire s’appelait Marie-Anne Caze, elle débarque sur l’île Bourbon vers 1676 ; elle se marie en 1680 avec le français François Rivière et donne naissance, le , à sa fille Françoise Rivière.
Anne Mousse
Anne Mousse[9], née le , est la fille de Jean Mousse et de Marie Caze. Elle est la troisième naissance de l'île. Mais, la première naissance féminine. Elle a grandi à Saint-Paul et lorsqu’elle atteint 19 ans, elle épouse un colon français de 53 ans, nommé Noël Tessier. Elle se marie la même année que sa sœur Cécile, en 1687. Ils s’installent tous les deux sur une concession du gouverneur à Sainte-Marie, dont ils seront les premiers habitants. Sur ces terres, la canne à sucre pousse en abondance ; pour la broyer, ils fabriquent le premier fangourin. Le couple possédaient à l’époque 35 bœufs, 50 cochons, 130 cabris. Ils avaient également cinq esclaves (deux femmes et trois hommes) qui les aidaient dans les tâches agricoles ainsi que ménagères. Ils auront huit enfants dont six filles. Anne devient notable et fonde une chapelle en 1729. Sa sœur est, elle aussi, venue s’installer à Sainte-Marie avec son époux Gilles Dugain. En 1713, 52 personnes issus de neuf familles vivent à Sainte-Marie. Huit familles, soit 47 personnes, appartiennent à la branche Tessier-Dugain.
À 54 ans, elle épouse en secondes noces en 1722, Dominique Ferrère un portugais qui avait 20 ans de moins qu’elle. Elle n’aura aucune descendance avec cet homme.
Avant sa mort, Anne Mousse est la grand-mère de 65 petits-enfants, comme dernière volonté, elle demande la création d’un centre paroissial. Elle s’éteint le . En septembre de la même année, ses fils et ses gendres font des donations de terrains à la congrégation des Lazaristes pour la construction d’édifices religieux. En 1754, la construction de l’église, du presbytère et du cimetière sera achevée.
Louise Siarane
Louise Sariane fait partie d’une vague d’émigration de Fort-Dauphin vers l’Île Bourbon. La cause étant les évènements du , marquant le début d’une insurrection de 2000 villageois malgaches contre les colons français. Plus de la moitié de ces villageois seront massacrés et seulement 63 personnes parviendront à fuir. Parmi elles, Louise Siarane, son compagnon français Étienne Grondin qu’elle épouse vers 1669 et leur fils. Ils partent de Madagascar à bord du vaisseau Blanc Pignon originellement chargé d’acheminer des livres d’argent à Surate. Leur voyage dure deux ans, passant par le Mozambique et les Indes. C’est en mai 1676 qu’ils finissent par arriver à l’île Bourbon. Louise a environ 31 ans.
À la suite de la mort de son mari, Louise Siarane se remarie avec Antoine Payet, un soldat de la Compagnie des Indes, en 1677. Ainsi, comme la plupart de la population, ils s’installent à Saint-Paul dans une habitation de la Compagnie. Ensemble, ils ont dix enfants. Ils vivent de l’agriculture et de l’élevage aidés de sept serviteurs (trois hommes et quatre femmes). Ils récoltent du blé, du riz, des légumes, des patates, des oignons, des songes, des brindilles, des haricots,… Louise Siarane influencera l’alimentation de base de la population, étant malgache, elle se nourrit principalement de riz. Il est plus facile de le conserver que le blé.
Son mari Antoine Payer cultive également des cannes à sucre. Avec cela, il permet la production d’une eau de vie qui se nomme l’arak. En plus de cela, la famille possède un élevage de 60 bœufs, 50 cabris et 12 cochons.
Louise Siarane, comme toutes les femmes de la région, accumule le travail dans les champs et le travail familial. Elle est réputée pour sa sagesse, sa bonté et la force mise dans son travail. C’est une bonne mère, une bonne épouse et une bonne travailleuse. Elle diffuse des principes essentiels à sa famille, vivant simplement aux côtés de la nature. Et comme toutes les Saint-Pauloises, elle est très élégante. Elle se vêtit essentiellement de tissus indiens troqués lors d’escales de navire sur la baie de Saint-Paul.
C’est le 24 septembre 1705 à 60 ans que Louise Siarane s’éteint. Elle perdure aujourd’hui comme la grand-mère malgache des réunionnaises.
Louise Payet
Louise Payet fait partie des dix enfants de Louise Siarane et Antoine Payet. Peu d’informations circulent si ce n’est des grandes qualités qui la définissent. Elle était particulièrement courageuse et d’une grande volonté.
Elle épouse son premier mari, François Cauzan (fils de Paul Cauzan et d’Anne Caze) à seulement 11 ans. Alors souffrant de la goutte, il apprend à son épouse à écrire et à lire lorsqu’elle est âgée d’une trentaine d’années.
En 1716, épouse son second mari Jacques Macé. Elle n’aura aucun d’enfants de ses deux mariages. Cependant, comme sa mère Louise Siarane, elle transmettra ses connaissances auprès des enfants de ses amis ou sa famille.
Arrivées des premières indiennes
Le peuplement de l’île s’est également fait pas la vague d’immigration de femmes indiennes. La plupart de ces femmes arrivent par le Rossignol, en provenance de Surate durant le mois de novembre 1678 par Jules Bernard et Bernard Monge.
Toutes ces femmes sont majoritairement jeunes et catholiques, religion imposée par les colonisateurs français et portugais. Les navigateurs sont encouragés à épouser des femmes indiennes, expliquant donc la présence de ces femmes, ou de leur fille. Les premiers enfants issus de cette immigration naissent vers 1680.
Françoise Dominique Domingue Rosaire
Françoise Rosaire, autrement nommée Dos Rosarios, serait donc indienne. Elle arrive à l’Île Bourbon en 1678. Avant son départ, elle épouse en 1675 le parisien Guy Royer. Ils vivent ensemble dans le quartier de Saint-Paul. Ils vivent modestement, voire mal, de la culture de riz, blé, patate et canne. Ensemble, ils ont trois filles, Jeanne qui naît vers 1676, Louise vers 1679 et Marie née en 1681.
Françoise Rosaire décède relativement peu de temps après son arrivée sur l’île avant 1687.
Dominique serait probablement la quatrième fille de Françoise Rosaire. Elle naît aux Indes vers 1662 et arrive à l’Île Bourbon vers 15 ans. Âgée d’à peine 17 ans, elle épouse Samson Lebeu un soldat français de la Compagnie de 27 ans, à Sainte-Suzanne. Ensemble, ils ont onze enfants dont six garçons et cinq filles nés entre 1681 et 1710.
Ils profitent fortement de l’ivresse provoquée par l’arak.
À 56 ans, Dominique se retrouve veuve et choisit de ne pas se remarier. Elle possède un grand patrimoine foncier comprenant les terres entre la Rivière-des-Roches et la Rivière-des-Marsouins lui étant acquis par le Conseil Supérieur de Bourbon.
Le à Saint-Benoît, Françoise décède à l’âge de 78 ans laissant derrière elle ses 46 petits-enfants.
Domingue Rosaire est la sœur de Françoise. Elle est née à Daman en Inde. En 1679, elle épouse le français Julien Dailliou, engagé par la Compagnie, et ont ensemble un premier enfant le , Geneviève à Saint-Paul, puis trois filles entre 1681 et 1685 et enfin un garçon très attendu, Jean-Baptiste en 1686.
Domingue vit heureuse avec son mari, ses enfants et de bonnes récoltes mais pendant peu de temps. En effet, elle meurt également après seulement avoir passée une décennie sur l’île. Elle meurt le à Saint-Paul.
Ainsi, Françoise, Dominique et Domingue jouissent d’une grande partie des terres de l’île car elles sont issues de la deuxième décennie du peuplement de l'île.
Arrivée des premières françaises
C’est en 1667 qu’arrive les six premières françaises[10]. Ces femmes étaient des rescapées d’un voyage en bateau périlleux qui comptait au départ 32 femmes. Ces Françaises ont été recrutées par la Compagnie des Indes. Elles étaient toutes issues d'un milieu défavorisé.
L'une d'entre elles s'appelait Antoinette Renaud, arrive en 1667. Née à Lyon, elle épouse Jean Bellon et aura avec lui un fils et six filles. Elle a vécu à Saint-Paul. Accompagnée de Marie Baudry, arrivée en 1667. Née à Calais, elle épouse René Hoareau, un colon français. Marguerite Compiègne faisait aussi partie du voyage, née en Picardie et arrivée en 1667 à l’âge de 15 ans, elle épouse François Mussard, un chasseur d’esclave très connu sur l’île. La présence d'une certaine Jeanne de la Croix est notifié, originaire de Boulogne-sur-Mer, âgée également de 15 ans. Elle épouse en premières noces Claude Mollet (1667), puis en secondes noces Pierre Hibon (1680). Ainsi que Léonarde Pille, née dans la Manche, elle a épousé Henri Dennemont, puis Jean Brun en secondes noces en 1679.
Enfin, Françoise Chatelain de Cressy, contrairement aux filles précédentes, elle arrive à la Réunion en 1670. Sans doute née le au château de Dongé, dans le département de Maine-et-Loire selon Henri Cornu. Mais selon Jean Barassin[11], elle naît en 1660 à Paris.
Son père, Philippe le Chastelain, est un riche bourgeois originaire de la commune de Falaise en Normandie. Sa mère, Françoise de Launay fut héritière du château Dongé. À la mort de sa mère, vers 1665, son père décide de quitter le foyer familial, laissant sa fille derrière lui. Étant considérée au même titre qu'une orpheline, le pensionnat de la Salpêtrière à Paris décide de la recueillir.
Lorsqu'elle eut 16 ans, elle fut transféré sur l'île de la Réunion avec quinze autres personnes de sa tranche d'âge à bord du bateau Le Dunkerquoise pour épouser des colons français.
Arrivée des esclaves d'Afrique
Au XVIIIe siècle, dans le cadre du commerce de la traite, l’Afrique joue un rôle très important dans le développement de population de l'île de la Réunion. En 1729, ce sont 209 esclaves provenant de Juda qui sont vendus sur l'île par la Compagnie des Indes, celle-ci fit ensuite transporter 76 puis 188 esclaves de Gorée en 1730 et 1731. Si la majorité des esclaves est achetée sur la côte orientale du continent, un petit nombre arrive de l’Afrique de l’Ouest, c’est le cas de Niama :
Marie-Geneviève Niama est née vers 1734 au Sénégal et meurt en 1808 à l’ile Maurice. Elle est la petite-fille de Tounka Niama, roi de Galaam. Elle a 9 ans lorsqu'elle est capturée lors d'une razzia. Elle sera rachetée par Jean-Baptiste Geoffroy, elle deviendra sa concubine, alors même que les relations entre maitre et esclave sont formellement interdites par le code noir. Ils auront par leur une union une fille en 1751, nommée Jeanne Thérèse.
Article connexe
Liens externes
- https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2001-1-page-179.htm
- http://www.reunionweb.org/decouverte/histoire/noms-ile
- https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb36491739z
- https://data.bnf.fr/fr/temp-work/9975390f1b762464c8e0aba07a93ea5d/
- https://data.bnf.fr/fr/temp-work/ac978c9e54b47a7e23ed0d72b20d4481/
- https://www.portail-esclavage-reunion.fr/documentaires/la-traite-des-esclaves/origine-des-esclaves-de-bourbon-2/origine-des-esclaves-de-bourbon/
- https://www.ihoi.org/app/photopro.sk/ihoi_icono/?
- https://www.lexpress.fr/region/l-icirc-le-m-eacute-tisse_489961.html
- BENARD Jules, MONGE Bernard, L’épopée des cinq cents premiers réunionnais. Dictionnaire du peuplement (1663-1713), Azalées Editions, 2012
- COMBEAU Yvan, MAESTRI Edmond, Histoire de La Réunion de la colonie à la région, Nathan, 2002 [12]
- Albert Lougnon : Sous le signe de la tortue (Voyages anciens à l'Ile 1611-1725)[13]
Notes et références
- Signifiant île de l'Ouest.
- Nom de la dynastie des rois de France (c'est Louis XIV qui est alors souverain)
- 12 mutins dont Jean Leclerc en 1646 et Antoine Couilard avec 13 compagnons en 1654.
- Sans certitude, les noms de Pierre Pau et Paul Cazan ont été avancés
- « Origine malgache »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur dago.mada.free.fr
- « Mères d'autrefois ou Monmon lontan », sur www.genekreol.re (consulté le )
- « Haar "Houar ou Harou" Antoine, dit Le Petit (1639) », sur www.genekreol.re (consulté le )
- Ou Cazan.
- « Anne Mousse, première créole de l'île de La Réunion », sur Réunion la 1ère (consulté le )
- « Portraits de Femmes à Bourbon de 1663 à 1710 (suite) par Angélique Gigan », sur defense patrimoine reunion974's Blog, (consulté le )
- OK, « Rencontre : Le Père Jean Barassin ou la religion de l'Histoire », sur Clicanoo.re (consulté le )
- combeau yvan, Histoire de La Réunion de la colonie à la région, Nathan,
- Hubert Deschamps, « Albert Lougnon : Sous le signe de la tortue (Voyages anciens à l'Ile 1611-1725) », Outre-Mers. Revue d'histoire, vol. 49, no 175, , p. 281–281 (lire en ligne, consulté le )