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Famine aux Pays-Bas en 1944

La famine aux Pays-Bas en 1944 (Hongerwinter en nĂ©erlandais, « hiver de la faim ») eut lieu dans la partie des Pays-Bas occupĂ©e par les Allemands, en particulier dans les provinces densĂ©ment peuplĂ©es de l'Ouest, prĂšs des grands fleuves, au cours de l'hiver de 1944-1945, Ă  la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un blocus allemand, pour punir la rĂ©ticence des NĂ©erlandais Ă  soutenir l'effort de guerre nazi, coupa les livraisons de nourriture et de carburant depuis les zones agricoles. Environ 4,5 millions de personnes touchĂ©es par cette famine survĂ©curent grĂące aux soupes populaires et Ă  peu prĂšs 22 000 dĂ©cĂ©dĂšrent en raison de la famine[1] - [2]. Les plus touchĂ©s, selon les registres de dĂ©cĂšs, furent les hommes ĂągĂ©s[3].

Famine aux Pays-Bas en 1944
Image illustrative de l’article Famine aux Pays-Bas en 1944
Enfant souffrant de malnutrition
durant l'« hiver de la faim »

Pays Drapeau des Pays-Bas Pays-Bas
Lieu Zone occupée par les Allemands
Victimes environ 20 000 personnes

Causes et histoire

Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, les approvisionnements alimentaires devinrent de plus en plus rares aux Pays-Bas. AprĂšs le dĂ©barquement des forces alliĂ©es en Normandie, les conditions de vie empirĂšrent dans les parties occupĂ©es par les nazis. Les AlliĂ©s rĂ©ussirent Ă  libĂ©rer la partie sud du pays, mais leurs efforts en vue de sa libĂ©ration complĂšte connurent un arrĂȘt brutal lorsque l'opĂ©ration Market Garden et leur tentative de prendre le contrĂŽle du pont sur le Rhin Ă  Arnhem Ă©chouĂšrent. La conquĂȘte des approches du port d'Anvers (la bataille de l'Escaut) fut retardĂ©e en raison de la prĂ©occupation de Montgomery pour Market Garden.

Quand, en septembre 1944, les chemins de fer nationaux se conformĂšrent Ă  l'appel de la grĂšve du gouvernement nĂ©erlandais en exil afin d’aider Ă  la libĂ©ration du pays par les AlliĂ©s, l'administration allemande riposta par un embargo sur le transport de toutes denrĂ©es alimentaires dans l'Ouest des Pays-Bas.

Deux femmes poussant un sac de nourriture lors de l'hiver de la faim.

Au moment oĂč l’embargo fut partiellement levĂ© au dĂ©but de novembre 1944, permettant Ă  quelques transports alimentaires fluviaux de passer, l'hiver inhabituellement prĂ©coce et sĂ©vĂšre Ă©tait dĂ©jĂ  arrivĂ©. Les canaux gelĂšrent et devinrent impraticables pour les barges.

Alimentation

Les stocks de nourriture furent rapidement Ă©puisĂ©s dans les villes des Pays-Bas occidentaux. Les rations pour adultes dans des villes comme Amsterdam chutĂšrent en dessous de 1 000 kilocalories (4 200 kilojoules) par jour Ă  la fin de novembre 1944 et Ă  580 kilocalories Ă  la fin de fĂ©vrier 1945[4]. Au cours de cet Hongerwinter (« hiver de la faim ») , un certain nombre de facteurs se sont combinĂ©s pour provoquer la famine : l'hiver lui-mĂȘme Ă©tait inhabituellement sĂ©vĂšre et l'armĂ©e allemande en retraite avait dĂ©truit les quais et les ponts pour inonder le pays et entraver l'avance des AlliĂ©s. Comme les Pays-Bas devinrent l'un des principaux champs de bataille Ă  l'Ouest, la dislocation et la destruction gĂ©nĂ©ralisĂ©e des infrastructures dues Ă  la guerre ruinĂšrent une grande partie des terres agricoles et rendit trĂšs difficile le transport des stocks alimentaires.

Les zones touchĂ©es comptaient 4,5 millions de personnes. Le beurre disparut aprĂšs octobre 1944. La fourniture de matiĂšres grasses vĂ©gĂ©tales diminua Ă  un minuscule approvisionnement de 1,3 litre par personne pour sept mois. Au dĂ©but, 100 grammes de fromage Ă©taient attribuĂ©s pour deux semaines, les coupons de viande perdirent toute valeur. La ration de pain avait dĂ©jĂ  chutĂ© de 2 200 Ă  1 800 grammes par semaine, pour finalement atteindre 1 400 grammes. Puis elle descendit Ă  1 000 grammes par semaine en octobre, et en avril 1945, Ă  400 grammes. Avec un kilo de pommes de terre, cela constituait la totalitĂ© de la ration hebdomadaire. Le marchĂ© noir se trouva progressivement Ă  court de denrĂ©es alimentaires Ă©galement, et avec le gaz, l'Ă©lectricitĂ© et les rĂ©seaux de chaleur coupĂ©s, le froid et la faim touchĂšrent durement la population[5].

Une lettre de commémoration donnée à un épicier dont le magasin a servi de point de distribution du « pain suédois » par la Croix-Rouge.

Dans leur recherche de nourriture, les gens marchaient des dizaines de kilomĂštres pour Ă©changer des objets de valeur contre des denrĂ©es alimentaires dans les fermes. Les bulbes de tulipes et les betteraves Ă  sucre furent consommĂ©s couramment. Les meubles et les maisons furent dĂ©mantelĂ©s pour fournir du combustible pour le chauffage. De septembre 1944 Ă  dĂ©but 1945, la mort de 18 000 NĂ©erlandais fut attribuĂ©e Ă  la malnutrition comme cause principale et dans beaucoup d'autres cas comme facteur contributif[4]. La famine prit fin avec la libĂ©ration de l’Ouest des Pays-Bas en mai 1945. Peu avant, une certaine amĂ©lioration Ă©tait venue du « pain suĂ©dois », qui Ă©tait cuit aux Pays-Bas, mais fabriquĂ© Ă  partir de farine en provenance de SuĂšde. Peu de temps aprĂšs ces envois, les occupants allemands autorisĂšrent les largages aĂ©riens coordonnĂ©s de nourriture par la Royal Air Force sur le territoire nĂ©erlandais qu’ils occupaient lors de l'opĂ©ration Manna. Les deux Ă©vĂ©nements sont souvent confondus, entraĂźnant mĂȘme la commĂ©moration de pain parachutĂ©, ce qui n'est jamais arrivĂ©.

HĂ©ritage

Cette famine était pratiquement unique car elle eut lieu dans un pays moderne, développé et alphabétisé, quoique souffrant de privations dues à l'occupation et à la guerre (telle que la famine pendant le siÚge de Leningrad). L'expérience bien documentée a permis aux scientifiques de mesurer les effets de la famine sur la santé humaine.

L'« étude de la cohorte de naissances de la famine hollandaise », menée par les services d'épidémiologie clinique et de biostatistique, de gynécologie et d'obstétrique et de médecine interne du Centre médical académique d'Amsterdam, en collaboration avec l'Unité d'épidémiologie environnementale du conseil de la recherche médicale de l'université de Southampton en Grande-Bretagne, constata que les enfants de femmes enceintes exposées à la famine étaient plus sensibles au diabÚte, à l'obésité, aux maladies cardiovasculaires, à la microalbuminurie et à d'autres problÚmes de santé[6].

Par ailleurs, les enfants des femmes qui étaient enceintes au cours de la famine étaient plus petits. Cependant, de façon surprenante, lorsque ces enfants grandirent et eurent des enfants, ces enfants étaient aussi plus petits que la moyenne[7]. Ces données suggÚrent que la famine vécue par les mÚres avait provoqué une sorte de modifications épigénétiques qui ont été transmises à la génération suivante.

De nos jours, cet hiver est parfois commémoré par un repas moindre, insuffisant pour une bonne nutrition.

Changements épigénétiques

La dĂ©couverte de la cause de la maladie cƓliaque peut Ă©galement ĂȘtre attribuĂ©e en partie Ă  la famine hollandaise. Ne disposant de blĂ© qu’en trĂšs petite quantitĂ©, il y avait une amĂ©lioration de la pupille des enfants des patients cƓliaques. Des histoires racontent que les premiĂšres prĂ©cieuses fournitures de pain Ă©tant donnĂ©es spĂ©cifiquement aux enfants malades (qui ne l’étaient plus), cela provoquait une rechute immĂ©diate. Ainsi, dans les annĂ©es 1940, le pĂ©diatre nĂ©erlandais Willem Dicke[8] a Ă©tĂ© en mesure de corroborer son hypothĂšse Ă©mise prĂ©cĂ©demment, que la consommation de blĂ© aggravait la maladie cƓliaque[9]. Plus tard, Dicke continua ses travaux pour prouver sa thĂ©orie.

Audrey Hepburn passa son enfance aux Pays-Bas pendant la famine. Elle souffrait d’anĂ©mie, de maladies respiratoires, et d'ƓdĂšme qui en furent la consĂ©quence. En outre, sa dĂ©pression clinique fut attribuĂ©e Ă  la malnutrition[10].

Des recherches universitaires ultérieures sur les enfants qui avaient été touchés durant le deuxiÚme trimestre de la grossesse de leur mÚre, mirent en évidence une incidence accrue de la schizophrénie chez ces enfants.[11] Les taux de personnalité schizophrénique et de défauts neurologiques étaient également plus élevés parmi eux[12].

Notes et références

  1. « Uitzending Gemist - Vroeger & Zo De hongerwinter - 1944 - Video in Dutch » (consulté le )
  2. Henri A. van der Zee, The Hunger Winter: Occupied Holland 1944-1945 (1998) p. 304-305
  3. Banning (1946) p. 99
  4. Z. Stein, (1975). Famine and human development: the Dutch hunger winter of 1944-1945.
  5. Banning (1946) p. 93
  6. http://ihome.ust.hk/~lbcaplan/dutchfamine.html Bibliography of Dutch Famine of 1944
  7. RC Painter, « Transgenerational effects of prenatal exposure to the Dutch famine on neonatal adiposity and health in later life. », BJOG : an international journal of obstetrics and gynaecology, vol. 115, no 10,‎ 2008 sep, p. 1243–9 (PMID 18715409)
  8. van Berge-Henegouwen G, Mulder C, « Pioneer in the gluten free diet: Willem-Karel Dicke 1905-1962, over 50 years of gluten free diet », Gut, vol. 34, no 11,‎ , p. 1473–5 (PMID 8244125, PMCID 1374403, DOI 10.1136/gut.34.11.1473, lire en ligne [PDF])
  9. Dicke WK. Coeliakie: een onderzoek naar de nadelige invloed van sommige graansoorten op de lijder aan coeliakie [PhD thesis]. Utrecht, the Netherlands: University of Utrecht, 1950.
  10. Garner, Lesley. Lesley Garner meets the legendary actress as she prepares for this week's Unicef gala performance, The Sunday Telegraph, May 26, 1991
  11. Brown AS, Susser ES, « Prenatal Nutritional Deficiency and Risk of Adult Schizophrenia », Schizophr Bull, vol. 34, no 6,‎ , p. 1054–63 (PMID 18682377, PMCID 2632499, DOI 10.1093/schbul/sbn096, lire en ligne)
  12. (en) Walker, Elaine E.; Cicchetti, Dante, Neurodevelopmental mechanisms in psychopathology, Cambridge, UK, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-00262-1), ĐœĐ° стр. 88-93

Annexes

Articles connexes

  • Grande Famine (GrĂšce) de 1941-1942
  • Liste de famines
  • Effet du siĂšge de Leningrad sur la ville
  • Traumatisme historique
  • Nutrition prĂ©natale
  • Étude d'Överkalix
  • ÉpigĂ©nĂ©tique transgĂ©nĂ©rationnelle

Bibliographie

  • (en) C. Banning, « Food Shortage and Public Health, First Half of 1945 - The Netherlands during German Occupation », Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol. 245,‎ , p. 93-110
  • (en) E. M. Collingham, The Taste of War : World War Two and the Battle for Food, Londres, Allen Lane, , 634 p. (ISBN 978-0-7139-9964-8)
  • (en) Nicky Hart, « Famine, Maternal Nutrition and Infant Mortality: A Re-Examination of the Dutch Hunger Winter », Population Studies, vol. 47, no 1,‎ , p. 27-46 (prĂ©sentation en ligne)
  • (en) William I. Hitchcock, The Bitter Road to Freedom : The Human Cost of Allied Victory in World War II Europe, , p. 98–129
  • (en) Anthony Sas, « Holland's 'Hunger Winter' of 1944-45 », Military Review, vol. 63, no 9,‎ , p. 24-32
  • (en) Thorsten Sellin, « The Netherlands during German Occupation », Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol. 245,‎ , i-180 (prĂ©sentation en ligne)
  • (en) Zena Stein (dir.), Famine and human development : The Dutch hunger winter of 1944-1945, Oxford University Press, , 304 p. (ISBN 978-0-19-501811-0)
  • (en) Henri A. van der Zee, The Hunger Winter : Occupied Holland 1944-1945, University of Nebraska Press,
  • (en) Werner Warmbrunn, The Dutch under German Occupation 1940–1945, University of Stanford Press,

Liens externes

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