Exil des communards
L'exil des communards suit la répression de la Commune de Paris en 1871 par les autorités versaillaises. Le nombre de communards qui trouvent refuge à l'étranger, principalement en Angleterre, en Suisse et en Belgique, dans une moindre mesure aux États-Unis, est estimé à environ 6000 personnes[1]. Leur émigration forcée dure jusqu'à la double amnistie de 1879-1880, dates auxquelles la majorité des communards reviennent en France, où ils ont souvent du mal à se réinsérer.
Les exilés communards célèbres comptent dans leurs rangs par exemple le peintre Gustave Courbet réfugié en Suisse ; la romancière et militante féministe André Léo (Victoire Léodile Béra) réfugiée également en Suisse ; l'écrivain Jules Vallès, réfugié en Belgique puis en Angleterre ; Edouard Vaillant, réfugié à Londres[2] ; le journaliste Eugène Vermersch, réfugié en Belgique puis à Londres ; le chansonnier Jean-Baptiste Clément réfugié à Londres ; l'avocat Eugène Protot, la journaliste socialiste Paule Mink, le journaliste Maxime Vuillaume, l'homme politique Jean-Baptiste Dumay réfugiés en Suisse ; le poète Eugène Pottier et le journaliste Henri Rochefort tous deux réfugiés aux États-Unis. Les communautés d'exilés qui se sont alors formées succèdent dans les pays européens à une autre génération d'exilés de gauche, celle du Second Empire[3].
Cet article traite uniquement de l'exil des communards, non des cas de déportation, estimés au nombre de 5000 (dont 3000 en Nouvelle-Calédonie)[1].
La fuite
Dès le mois de mai 1871, les autorités versaillaises essaient d'empêcher la fuite des communards ; elles organisent la surveillance des portes et des gares de Paris ; certains communards doivent se cacher pendant plusieurs mois avant de pouvoir quitter la capitale[4]. Ils reçoivent l'aide de réseaux internationaux qui leur envoient de faux passeports ; une tactique ordinaire à laquelle ils recourent consiste à quitter Paris en train avec un billet de 1re classe, élégamment et bourgeoisement vêtus pour tromper la vigilance des gendarmes[4].
Dans un second temps, le contrôle se déplace vers les frontières, en particulier les ports où les Versaillais espèrent arrêter les fuyards en partance pour l'Angleterre[4]. Le point de passage le plus poreux est la frontière avec la Belgique, que les communards peuvent franchir à pied ; d'Anvers ou d'Ostende ils se dirigent ensuite vers l'Angleterre[4].
Pays d'accueil
Londres accueille un grand nombre d'exilés français — notamment des figures de proue de la Commune —, qui se concentrent dans Oxford Street ou Soho, où les avaient précédés les exilés de 1848 et de 1851[1]. L'Angleterre, comme la Suisse, refuse l'extradition des communards, l'opinion publique demeurant fidèle dans ce pays à la tradition du droit d'asile ; à tel point que le gouvernement français renonce même à engager des demandes d'extradition[4]. Dès 1873-1874, l'octroi officiel du droit d'asile par la Belgique conduit certains réfugiés français en Angleterre à se rendre à Bruxelles[1].
Quelques centaines de communards choisissent les États-Unis ; Henri Rochefort déporté en Nouvelle-Calédonie rejoint ce pays après son évasion en 1874[5]. Le Groupe socialiste révolutionnaire international est fondé là par des blanquistes[5].
Le cas des bannis
Dès janvier 1872, la police française se débarrasse de centaines de communards condamnés pour des faits mineurs en les condamnant au bannissement et les expulse vers l'Angleterre, ce qui provoque des tensions internes dans ce pays voisin, certains députés considérant ces bannis misérables comme de potentiels délinquants et comme un « fardeau pour le contribuable»[4]. « À travers l’assimilation du banni au vagabond, qui menace la propriété privée par ses déplacements incessants, c’est la peur sociale des classes possédantes anglaises qui s’exprime»[4].
Surveillance par la police française
Des espions envoyés par la police française pistent les réfugiés, particulièrement ceux de Londres, ce qui oblige les personnes ainsi visées à changer souvent de domicile, et à utiliser des pseudonymes[4]. Les frontières sont également sous haute surveillance pour interdire tout retour[4]. Enfin, la police traque les écrits publiés par les presses d'exil qui pourraient être introduits sur le territoire français[4].
Retour en France Ă la suite de l'amnistie de 1880
En France est votée dès 1879 une amnistie partielle puis en 1880 une amnistie totale, comme signe de réconciliation nationale, ce qui amène le retour de la plupart des exilés[5]. Après 9 ans d'absence, un grand nombre vit l'expérience du déclassement social. Les ouvriers et les artisans ne parviennent pas toujours à s'adapter à l'évolution de leurs métiers. Le paysage politique français s'est également modifié[5]. Toutefois Henri Rochefort réussit à lancer en 1880 L’Intransigeant, qui « incarne l’esprit de la Commune après l’amnistie, proclamant la solidarité qui doit unir les anciens proscrits »[5] ; Jules Vallès, reprenant son activité de journaliste, lance à nouveau Le Cri du peuple en 1883[1].
Bibliographie
- Renaud Morieux, «La prison de l’exil. Les réfugiés de la Commune entre les polices françaises et anglaises (1871-1880)» In : Police et migrants : France 1667-1939, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2001 (généré le 22 mars 2021), lire en ligne. (ISBN 9782753526228). DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.21047.
- Sylvie Aprile, « Exil et exilés de gauche au xixe siècle », dans : Jean-Jacques Becker éd., Histoire des gauches en France. Volume 1. Paris, La Découverte, « Poche / Sciences humaines et sociales », 2005, p. 189-196. DOI : 10.3917/dec.becke.2005.01.0189, lire en ligne
- Sylvie Aprile, Le siècle des exilés. Bannis et proscrits de 1789 à la Commune, Paris, CNRS éd., 2010
- Laure Godineau, « Figures de l’exil dans les chansons et poésies communardes », Hommes & migrations. Revue française de référence sur les dynamiques migratoires, no 1321,‎ , p. 85–91 (ISSN 1142-852X, DOI 10.4000/hommesmigrations.4300, lire en ligne, consulté le )
- Laure Godineau, «Paris attendu, paris retrouvé : Les exilés communards et le peuple de Paris, de la nostalgie aux retrouvailles» In : Être Parisien. Paris : Éditions de la Sorbonne, 2004 (généré le 23 mars 2021). Disponible sur Internet : lire en ligne. (ISBN 9782859448578). DOI : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.1452.
- Laure Godineau (2002), « Le retour d’exil, un nouvel exil ? Le cas des communards », in Pour une histoire de l’exil français et belge.Matériaux pour l’histoire de notre temps, BDIC, Paris, juillet-septembre, lire en ligne
- Francis Sartorius, Les Communards en exil: Ă©tat de la proscription communaliste Ă Bruxelles et dans les faubourgs, 1871-1880, Cahiers Bruxellois, 1971, 79 pages.
- Marc Vuilleumier, « Les exilés communards en Suisse », Le Mouvement social, no 99,‎ , p. 47–51 (ISSN 0027-2671, DOI 10.2307/3778130, lire en ligne, consulté le )
- Pierre Chessex, « Courbet en Eldorado: les années d'exil en Suisse », Ligeia, dossiers sur l'art, no 41-44, 2002-2003, p. 82-89
Galerie
- L'Helvétia (renommée Liberté), bronze de Gustave Courbet « offert par l'artiste aux communes de La Tour-de-Peilz et de Martigny, en remerciement à la Suisse pour son accueil »[6]
- Gustave Courbet, Château du Chillon, en Suisse, pays d'accueil du peintre communard, 1875
- Jules Vallès vers 1871
- Édouard Vaillant au Père Lachaise
- Plaque à Genève au nom de l'anarchiste Virginie Barbet qui a trouvé refuge dans cette ville après la Commune
Références
- https://www.commune1871.org/la-commune-de-paris/histoire-de-la-commune/dossier-thematique/les-artistes-et-la-commune/694-l-exil-des-communards
- « ÉDOUARD VAILLANT EN EXIL À LONDRES », sur www.commune1871.org (consulté le )
- "Ce sont les militants des journées de mai et juin 1848, de juin 1849, puis de la résistance au coup d’État qui constituent les vagues les plus nombreuses de la proscription avant les communards en fuite ou transportés après 1871", Sylvie Aprile, « Exil et exilés de gauche au xixe siècle », dans : Jean-Jacques Becker éd., Histoire des gauches en France. Volume 1. Paris, La Découverte, « Poche / Sciences humaines et sociales », 2005, p. 189-196. DOI : 10.3917/dec.becke.2005.01.0189, lire en ligne
- Renaud Morieux, «La prison de l’exil Les réfugiés de la Commune entre les polices françaises et anglaises (1871-1880)» In : Police et migrants : France 1667-1939 [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2001 (généré le 22 mars 2021), lire en ligne
- Sylvie Aprile, « Exil et exilés de gauche au xixe siècle », dans : Jean-Jacques Becker éd., Histoire des gauches en France. Volume 1. Paris, La Découverte, « Poche / Sciences humaines et sociales », 2005, p. 189-196. DOI : 10.3917/dec.becke.2005.01.0189, lire en ligne
- « Gustave Courbet en Suisse », sur notrehistoire.ch, (consulté le )