Elena Arizmendi Mejia
Elena Arizmendi Mejia, nĂ©e le Ă Mexico (Mexique) et morte en 1949 dans la mĂŞme ville, est une fĂ©ministe mexicaine. Faisant partie de la « première vague » du fĂ©minisme mexicain, elle crĂ©e l'organisation La Cruz Blanca Neutral (en) (« La Croix-Blanche neutre ») pendant la rĂ©volution mexicaine puis les Mujeres de la raza (Femmes de la race [hispanique]) avec G. SofĂa Villa de Buentello (en) et la Ligue internationale des femmes ibĂ©riques et latino-amĂ©ricaines (en).
Biographie
Origines et Ă©tudes
Issue d'une famille bourgeoise, elle est la fille de JesĂşs Arizmendi et Isabel MejĂa[1]. Son grand-père Ignacio MejĂa (es) Ă©tait ministre de la Guerre Ă l'Ă©poque du prĂ©sident Benito Juárez[2] et son arrière-grand-père, le lieutenant-colonel Manuel CristĂłbal MejĂa, a combattu lors de la guerre d'indĂ©pendance mexicaine dans l'armĂ©e d'AgustĂn de Iturbide. Elle passe les premières annĂ©es de sa vie avec son grand-père Ă Oaxaca puis retourne Ă Mexico vers l'âge de 8 ans, oĂą elle est scolarisĂ©e. Sa mère meurt en 1898 et elle doit s'occuper de ses cinq frères. Son père se remarie en 1900 et elle Ă©pouse Ă la hâte Francisco Carreto ; cette dernière union pĂ©riclite et elle dĂ©cide d'Ă©tudier les soins infirmiers[1].
RĂ©volution mexicaine
Sa famille possède des liens étroits avec l'homme politique Francisco I. Madero, l'école d'Elena Arizmendi Mejia se trouvant à côté de la villégiature de ce dernier, au Texas. En 1910, alors qu'elle est inscrite à l'École des sciences infirmières de l'hôpital Santa Rosa (de nos jours l'École des sciences infirmières de l'université du Verbe incarné) à San Antonio (Texas), une révolution éclate. Le 17 avril 1911, quelques semaines avant l'obtention de son diplôme, elle retourne en train à Mexico pour aider les combattants blessés[2], la Croix-Rouge mexicaine (en) refusant d'aider les insurgés. Elle organise une rencontre avec le chef de la Croix-Rouge, qui réitère son refus de soutenir les révolutionnaires[3]. Déterminée à aider ses compatriotes, elle fonde alors un mouvement pour les aider et, avec son frère Carlos, rallie des étudiants en médecine et des infirmières pour organiser La Cruz Blanca Neutral (en) (« La Croix-Blanche neutre »)[2].
L'organisation se rĂ©clame des principes des conventions de Genève et lance une collecte de fonds, faisant appel Ă des personnalitĂ©s comme les actrices MarĂa Conesa et Virginia Fábregas (en). Suffisamment d'argent est rĂ©coltĂ© pour crĂ©er un hĂ´pital de campagne et, le 11 mai 1911, le groupe part pour Ciudad Juárez. Elena Arizmendi Mejia et son frère font partie de la première brigade de La Cruz Blanca Neutral, avec les docteurs Ignacio Barrios et Antonio Márquez et les infirmières MarĂa Avon, Juana Flores Gallardo, Atilana GarcĂa, Elena de Lange et Tomasa Villareal. La deuxième brigade, dirigĂ©e par le docteur Francisco, part le lendemain et le 14, une troisième brigade, dirigĂ©e par le docteur Lorenzo avec dix infirmières, dont Innocenta DĂaz, ConcepciĂłn Ibáñez, Jovita Muñiz, ConcepciĂłn Sánchez, MarĂa Sánchez, Basilia VĂ©lez, MarĂa VĂ©lez et Antonia Zorilla. Ils dĂ©couvrent Ciudad Juárez dĂ©vastĂ©e et Elena Arizmendi Mejia doit Ă nouveau collecter des fonds. Fin 1911, La Cruz Blanca Neutral avait crĂ©Ă© 25 brigades Ă travers le pays. Elena Arizmendi Mejia est Ă©lue membre partenaire de la SociĂ©tĂ© mexicaine de gĂ©ographie, la première femme Ă avoir droit Ă cet honneur, mais elle dĂ©cline la proposition. Elle accepte cependant une mĂ©daille d'or dĂ©cernĂ©e pour son dĂ©vouement par la Gran Liga Obrera (Grande ligue des travailleurs)[2].
Son image est contrastée, à la fois vénérée pour son œuvre philanthropique[2] et détestée pour son engagement, à une époque où les femmes devaient être dociles et soumises. Elle est également la cible de critiques après avoir posé pour une photographie avec une cartouchière des forces révolutionnaires, étant accusée de violer la neutralité de La Cruz Blanca Neutral[4].
Pendant la révolution, elle a une liaison avec José Vasconcelos, alors marié et père de deux enfants ; leur histoire est considérée comme la plus intense des relations de l'écrivain et homme politique[5]. Elle quitte le Mexique en 1915 pour les États-Unis, se réfugiant brièvement dans un couvent à Victoria (Texas), en raison du scandale lié à son aventure amoureuse. Elle gagne New York, où leur relation prend fin[6]. Une autre version indique qu'elle l'aurait accompagné à Lima (Pérou), où elle aurait mis un terme à la relation alors qu'il se préparait à retourner au Mexique[7]. José Vasconcelos l'évoque dans son autobiographie, La Tormenta, sous le pseudonyme d'Adriana. Selon l'historien Enrique Krauze, sa description de leur relation « est la représentation la plus célèbre de "l'amour fou" dans la littérature mexicaine »[8]. Alors qu'elle se trouve encore à New York, José Vasconcelos tente en vain de se réconcilier avec elle[9].
Féminisme latino-américain
Évoluant dans le milieu fĂ©ministe new-yorkais, elle se rend compte de l'occidentalo-centrisme des militantes. DĂ©sireuse de donner une voix aux femmes latino-amĂ©ricaines, elle fonde un magazine fĂ©ministe, Feminismo Internacional, et commence Ă publier des articles exposant une version hispanique du fĂ©minisme[10]. Elle crĂ©e Ă©galement avec G. SofĂa Villa de Buentello (en) un syndicat coopĂ©ratif, Mujeres de la raza (Femmes de la race [hispanique]) en 1923, dans le but d'unir[11] les femmes latino-amĂ©ricaines dans la lutte pour les droits. Ă€ l'Ă©poque, l'AmĂ©rique latine Ă©tait considĂ©rĂ©e comme une terre de combats futurs, le droit de vote ayant dĂ©jĂ Ă©tĂ© acquis dans plusieurs pays europĂ©ens et aux États-Unis. Après sa participation Ă la confĂ©rence panamĂ©ricaine des femmes (en) de 1922, Elena Arizmendi Mejia prend de nouveau conscience que les EuropĂ©ennes et les AmĂ©ricaines ne percevaient pas les rĂ©alitĂ©s culturelles des femmes hispaniques. Avec G. SofĂa Villa de Buentello, elle Ă©rige ainsi le mariage et la maternitĂ© comme partie intĂ©grante de l'identitĂ© latine, nĂ©cessaire pour rendre l'expĂ©rience fĂ©minine « complète »[6] - [12]. Elle considère Ă©galement le mouvement anti-clĂ©rical des gouvernements mexicains post-rĂ©volutionnaires comme une attaque contre une partie centrale de son identitĂ© mexicaine[6].
Les deux femmes organisent une confĂ©rence pour les Mujeres de la raza, financĂ©e par la Ligue internationale des femmes ibĂ©riques et latino-amĂ©ricaines (en). Elena Arizmendi Mejia obtient que The New York Times fasse de la publicitĂ© Ă l'Ă©vènement[6]. Le 2 mars 1924, un long article sur le mouvement fĂ©ministe mexicain intitulĂ© « Nouvelles femmes du Mexique luttant pour l'Ă©galitĂ© » prĂ©sente une interview de Villa de Buentello donnant un aperçu de leurs objectifs[13]. La confĂ©rence a lieu en juillet 1925 Ă Mexico, G. SofĂa Villa de Buentello en assumant la prĂ©sidence. Elena Arizmendi Mejia est secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale mais n'y participe finalement pas, en raison de divergences avec sa collègue[14].
En 1927, elle publie une autobiographie pour faire taire les rumeurs. Il s'agit d'une réponse à la publication des deux ouvrages de José Vasconcelos la diffamant (Ulises Criollo et La Tormenta), bien que le personnage à qui elle prête ses traits soit romancé. Le livre d'Elena Arizmendi Mejia est une réflexion sur le « deux poids, deux mesures » dont sont victimes les femmes[6].
En 1936, lors du 25e anniversaire de la création de La Cruz Blanca, et parce que le président Lázaro Cárdenas a pris position pour le suffrage féminin, elle revient brièvement au Mexique. Elle retourne ensuite à New York avant de déménager définitivement à Mexico en 1938, où elle meurt en 1949[6].
Ouvrage
- (es) Vida incompleta; ligeros apuntes sobre mujeres en la vida real M.D. Danon and Company, New York (1927).
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Elena Arizmendi Mejia » (voir la liste des auteurs).
- (es) Juan Rodolfo Collado Soto, « Historia de la EnfermerĂa: Se Llamaba Elena Arizmendi », Desarrollo Cientif Enferm, vol. 20, no 3,‎ , p. 102–106 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (es) Douglas C Nance, « Enfermeras del Hospital General de México a la Revolución », Rev Enferm Inst Mex Seguro, vol. 18, no 2,‎ , p. 111–115 (lire en ligne, consulté le ).
- « Factional Fight May Be Started », The Newark Advocate, Newark, Ohio, no Vol. 43,‎ (lire en ligne, consulté le )
- (en) John Mraz, Photographing the Mexican Revolution : Commitments, Testimonies, Icons, Austin, University of Texas Press, , 1st Ă©d., 315 p. (ISBN 978-0-292-73580-4, lire en ligne)
- Enrique Krauze, Redeemers: Ideas and Power in Latin America, New York: Harper Collins 2011, p. 55.
- (es) Gabriela Cano, « Elena Arizmendi, una habitación propia en Nueva York, 1916–1938 », Arenal, vol. 18, no 1,‎ january–june 2011, p. 85–114 (lire en ligne, consulté le )
- Krauze, Redeemer, p. 57.
- Krauze, Redeemers, p. 57.
- Krauze, Redeemers, p. 61.
- (es) Rosa Esther Beltrán, « Una biografĂa », Vanguardia,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
- Stephanie Mitchell et Patience A. Schell, The women's revolution in Mexico, 1910–1953, Lanham Md., Rowman & Littlefield Pub., , 55–59 p. (ISBN 978-0-7425-3730-9, lire en ligne)
- Francesca Miller, Latin American Women and the Search for Social Justice, Hanover, University Press of New England, , 324 p. (ISBN 978-0-87451-558-9, lire en ligne), p. 92
- Maria Leland, « Separate Spheres: Soldaderas and Feminists in Revolutionary Mexico », Ohio State University,‎ (lire en ligne, consulté le )
- (es) Carmen Ramos Escondan, « Desafiando el Orden Legal y las Limitaciones en las Conductas de Genero en Mexico. la Critica de Sofia Villa de Buentello a la Legislacion Familiar Mexicana 1917–1927 », Segundo Epoca, vol. VII,‎ , p. 79–102 (lire en ligne, consulté le )
Bibliographie
- Gabriela Cano, Se llamaba Elena Arizmendi, Mexico, Tusquets, 2010.