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Effets des substances psychoactives sur les animaux

Des substances ou médicaments psychotropes, tels que la caféine, l'amphétamine, la mescaline, le LSD, la marijuana, l'hydrate de chloral, la théophylline, l'IBMX et d'autres, peuvent avoir des effets importants sur certains animaux. Même à faible dose, certains psychotropes réduisent par exemple le taux d'alimentation des insectes et des mollusques. Des doses élevées de certains psychotropes peuvent les tuer.. Les araignées construisent des toiles plus désordonnées après avoir été exposées à de telles substances. La caféine a un effet similaire, en tant que molécule psychoactive, mais sans doute aussi parce qu'il s'agit d'une molécule insecticide mis au point par certaines plantes (au cours de l'évolution) comme défense chimique contre les insectes.

La caféine ou des drogues ou médicament psychoactifs administrés à des araignées affectent leur capacité à construire leur toile[1]. Des toiles produites sous l'influence de très faibles doses de LSD (omis dans cette image) montrent inversement une augmentation de leur régularité[2].
La caféine a un effet très significatif sur les araignées, ce qui se reflète dans la construction de leurs toiles[1].

Les araignées

En 1948, le pharmacologue suisse Peter N. Witt a commencĂ© des recherches sur l'effet des drogues sur les araignĂ©es, Ă  la demande de son collègue zoologiste H. M. Peters qui voulait observer les araignĂ©es de jardin en train de construire leur toile non pas vers 2h–5h du matin, mais plus tard ou plus tĂ´t.

Witt a alors testé sur des araignées toute une gamme de substances psychoactives (dont amphétamine, mescaline, strychnine, LSD, et caféine). Il a constaté que chaque type de molécule affectait, non pas l'heure de construction de la toile comme il l'espérait, mais la forme de la toile, et d'une manière différente selon la famille de molécule.

Ă€ petites doses la cafĂ©ine (10 µg/araignĂ©e) produit des toiles plus petites, aux rayons mal rĂ©partis, mais avec une rĂ©gularitĂ© conservĂ©e des cercles, alors qu'Ă  une dose 10 fois plus Ă©levĂ©e (100 µg/araignĂ©e), la forme changeait plus et toute la toile devenait irrĂ©gulière.

Tous les mĂ©dicaments testĂ©s par Witt ont rĂ©duit la rĂ©gularitĂ© des toiles sauf pour le LSD Ă  très petite dose (0,1 Ă  0,3 Âµg/araignĂ©e), qui alors augmentait la rĂ©gularitĂ© de la toile[2].

Les molĂ©cules Ă©taient administrĂ©es dissoutes dans de l'eau sucrĂ©e, dont une goutte Ă©tait mise en contact avec la bouche de l'araignĂ©e. Dans certaines Ă©tudes, les araignĂ©es ont Ă©tĂ© nourries avec des « mouches droguĂ©es Â»[3]. Pour quelques Ă©tudes qualitatives, un volume prĂ©cisĂ©ment dosĂ© de la solution a Ă©tĂ© administrĂ© Ă  l'araignĂ©e via une seringue Ă  aiguille fine. Les toiles ont Ă©tĂ© photographiĂ©es pour une mĂŞme araignĂ©e avant et après l'administration de drogues[2].

Les travaux de Witt ont été discontinus mais relancés en 1984 par la publication d'un article de J. A. Nathanson dans la revue Science[4] (présenté ci-dessous).

En 1995, un groupe de chercheurs de la NASA a répété les expériences de Witt sur l'effet de la caféine, de la benzédrine, de la marijuana et de l'hydrate de chloral sur l'araignée européenne des jardins, avec des résultats qualitativement similaires à ceux de Witt, mais en utilisant des méthodes statistiques plus modernes d'analyse des formes et motifs des toiles d'araignée. Les auteurs ont conclu qu'on pouvait en tirer une méthode sensible de détection de drogue[1] - [5].

Autres arthropodes et mollusques

En 1984, Nathanson a signalĂ© un effet des mĂ©thylxanthines sur les larves d'un lĂ©pidoptère ravageur du tabac (le Sphynx du tabac ou Manduca sexta). Un extrait de solution de poudre de feuilles de thĂ© ou de grains de cafĂ© administrĂ© Ă  des larves de ce papillon (Ă  des concentrations allant de 0,3 Ă  10 % pour le cafĂ© et de 0,1 Ă  3 % pour le thĂ©) conduisait Ă  une inhibition du comportement d'alimentation, associĂ©e Ă  une hyperactivitĂ© et Ă  des tremblements. Ă€ des concentrations plus Ă©levĂ©es, les larves mourraient en 24 heures. Nathanson a rĂ©pĂ©tĂ© les expĂ©riences avec de la cafĂ©ine purifiĂ©e et en a conclu que c'est bien la molĂ©cule de cafĂ©ine/thĂ©ine qui Ă©tait responsable de ces effets. Le taux de cafĂ©ine expliquait les effets variables entre cafĂ© et thĂ© (les feuilles de thĂ© en contenaient 2 Ă  3 fois plus que les grains de cafĂ©. Une action similaire a Ă©tĂ© observĂ©e pour l'IBMX sur les larves de moustiques, de tĂ©nĂ©brion et de papillon, les larves et sur les nymphes de la punaise de l'asclĂ©piade, avec inhibition de l'alimentation puis mort de l'insecte Ă  des doses plus Ă©levĂ©es. Les triboliums (colĂ©optères se nourrissant de farine) semblait insensibles Ă  l'IBMX jusqu'Ă  des taux de 3 %, mais une expĂ©rimentation conduite sur un temps plus long a montrĂ© que la cafĂ©ine induisait chez cette espèce une suppression totale de l'activitĂ© reproductrice[4].

De plus, Nathanson a nourri des larves de Sphynx du tabac avec des feuilles sur lesquelles il avait pulvĂ©risĂ© de la cafĂ©ine ou des molĂ©cules psychotropes ou des insecticides (DDCDM). Les effets Ă©taient toujours similaires, Ă  savoir l'inhibition de l'alimentation suivi de la mort de l'insecte. Nathanson en a conclu que la cafĂ©ine et des molĂ©cules proches (mĂ©thylxanthines) Ă©taient sans doute des insecticides naturels (pesticides biosynthĂ©tisĂ©s par les plantes) pour se protĂ©ger de leurs prĂ©dateurs. La cafĂ©ine est en effet prĂ©sente dans de nombreux vĂ©gĂ©taux d'espèces diverses, avec des niveaux Ă©levĂ©s dans les feuilles de plants encore en dĂ©veloppement, qui manquent de protection mĂ©canique[6]. La cafĂ©ine paralyse et tue certains insectes se nourrissant de la plante[4]. Des niveaux Ă©levĂ©s de cafĂ©ine ont Ă©galement Ă©tĂ© trouvĂ©s dans le sol entourant les semis de grains de cafĂ©, confirmant que la cafĂ©ine a une fonction naturelle double (Ă  la fois pesticide naturel et inhibiteur de germination des graines d'autres plants de cafĂ© proches (et d'autres espèces ?)), ce qui lui donne une meilleure chance de survie[7].

Un coléoptère se nourrissant naturellement de café semble insensible à la caféine (il ne meurt pas quand il est exposé à de la caféine en solution, et il continue à manger les feuilles qui en contiennent). Il a été conclu que ce scarabée est adapté à la caféine[8].

Une étude a montré que certains insectes insensibles à la caféine quand elle est en solution aqueuse, deviennent sensibles quand la caféine leur est présentée dans un autre solvant[9].

Des résultats et conclusions du même type concernent des études similaires sur les limaces et les escargots (des feuilles de chou pulvérisées avec des solutions de caféine offertes à des limaces (Veronicella cubensis) et à des escargots (Zonitoides arboreus) ont provoqué une réduction de leur comportement alimentaire, suivi de la mort des mollusques)[10]. Une inhibition de l'alimentation par la caféine a également été observée chez des chenilles[11].

Les chats

Environ 70 % des chats domestiques sont instinctivement attirĂ©s (et affectĂ©s) par la plante Nepeta cataria, plus connu sous le nom d'herbe Ă  chat. Les fĂ©lins sauvages, dont le tigre, le sont aussi (bien qu'on ne connaisse pas le pourcentage). La première rĂ©action du chat est de renifler la plante, puis de la lĂ©cher voire de la mâcher et de se frotter contre elle avec ses joues et le corps tout entier en roulant dessus. Les chats ayant consommĂ© un extrait concentrĂ© de cette plante montrent vite des signes de sur-excitation, des soubresauts violents, une abondante salivation et une excitation sexuelle. Cette rĂ©action est provoquĂ©e par des terpĂ©noĂŻdes très volatiles (nĂ©pĂ©talactones) prĂ©sents dans la plante. Ces terpènoĂŻdes sont assez toxiques pour repousser les insectes mais en concentration trop faible pour empoisonner les chats[12].

Les singes

Des macaques auxquels on a administrĂ© des antipsychotiques tels que l'halopĂ©ridol et l'olanzapine sur une pĂ©riode de 17 Ă  27 mois ont montrĂ© une rĂ©duction de leur volume cĂ©rĂ©bral.

Ces résultats n'ont pas été observés chez les humains consommant ce type de médicaments, et on ignore si un phénomène similaire existe, par manque de données disponibles[13] - [14].

Dans les médias

  • 2002 : l'Ă©pisode 6 d'un documentaire britannique de la tĂ©lĂ©vision de la sĂ©rie Weird Nature (Bizarreries de la Nature), intitulĂ© « Potions particulières Â», montre que beaucoup d'animaux sont concernĂ©s par des processus d'intoxication (volontaire ou non) de ce type (zoopharmacognosie)[15]. Une grande partie de cette Ă©mission a Ă©tĂ© rĂ©utilisĂ©e par la chaĂ®ne du National Geographic (Worlds Weirdest Happy Hour)[16].
  • 2014 : le documentaire Dolphins - Spy in the Pod montre un groupe de dauphins filmĂ© en Ă©tat d'Ă©briĂ©tĂ©, intoxiquĂ©s par des poissons-globes.

Notes et références

  1. Noever, R., J. Cronise, and R. A. Relwani. 1995.
  2. Biology of spiders, Oxford University Press, , 432 p. (ISBN 978-0-19-981324-7 et 0-19-981324-8, lire en ligne)
  3. Spider Communication : Mechanisms and Ecological Significance, Princeton University Press, (ISBN 0-691-08291-X)
  4. J. A. Nathanson, « Caffeine and related methylxanthines: possible naturally occurring pesticides », Science, vol. 226, no 4671,‎ , p. 184–7 (PMID 6207592, DOI 10.1126/science.6207592)
  5. The World of Caffeine : The Science and Culture of the World's Most Popular Drug, Routledge, , 394 p. (ISBN 0-415-92723-4, lire en ligne)
  6. P. M. Frischknecht, Urmer-Dufek J. et Baumann T.W., « Purine formation in buds and developing leaflets of Coffea arabica: expression of an optimal defence strategy? », Phytochemistry, Journal of the Phytochemical Society of Europe and the Phytochemical Society of North America., vol. 25, no 3,‎ , p. 613–6 (DOI 10.1016/0031-9422(86)88009-8)
  7. T. W. Baumann et Gabriel H., « Metabolism and excretion of caffeine during germination of Coffea arabica L », Plant and Cell Physiology, vol. 25, no 8,‎ , p. 1431–6
  8. Guerreiro Filho, Oliveiro et P Mazzafera, « Caffeine and Resistance of Coffee to the Berry Borer Hypothenemus hampei (Coleoptera: Scolytidae) », Journal of Agricultural and Food Chemistry, vol. 51, no 24,‎ , p. 6987–91 (PMID 14611159, DOI 10.1021/jf0347968)
  9. Araque, Pedronel, H Casanova, C Ortiz, B Henao et C Pelaez, « Insecticidal Activity of Caffeine Aqueous Solutions and Caffeine Oleate Emulsions against Drosophila melanogaster and Hypothenemus hampei », Journal of Agricultural and Food Chemistry, vol. 55, no 17,‎ , p. 6918–22 (PMID 17658827, DOI 10.1021/jf071052b)
  10. Hollingsworth, Robert G., JW Armstrong et E Campbell, « Pest Control: Caffeine as a repellent for slugs and snails », Nature, vol. 417, no 6892,‎ , p. 915–6 (PMID 12087394, DOI 10.1038/417915a)
  11. JI Glendinning, NM Nelson and EA Bernays, « How do inositol and glucose modulate feeding in Manduca sexta caterpillars? », Journal of Experimental Biology, vol. 203, no 8,‎ , p. 1299–315 (PMID 10729279, lire en ligne)
  12. Intoxication : The Universal Drive for Mind-Altering Substances, Inner Traditions / Bear & Company, , 372 p. (ISBN 978-1-59477-069-2, lire en ligne)
  13. "The Influence of Chronic Exposure to Antipsychotic Medications" Published 9 March 2005.
  14. ncbi.nlm.nih.gov
  15. Weird Nature - Peculiar Potions
  16. Worlds Weirdest Happy Hour

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Siegel, m. Ronald K. (1989, 2005) Intoxication: Lecteur Universel de Substances psychoactives
  • Samorini, Giorgio (2002) les Animaux et les PsychĂ©dĂ©liques: Le Monde Naturel Et L'Instinct De Modifier la Conscience

Liens externes

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