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Effet fontaine

L'effet fontaine est le jaillissement de façon spectaculaire d'un liquide superfluide en dehors de son rĂ©cipient lorsqu'il est soumis Ă  une faible augmentation de tempĂ©rature. Cet effet est aussi connu sous le nom d'effet thermomĂ©canique. Il a Ă©tĂ© dĂ©couvert en 1938[1] lors de travaux sur l'isotope 4He de l'hĂ©lium superfluide (appelĂ© « hĂ©lium II », en opposition Ă  l'« hĂ©lium I » qui est l'Ă©tat de l'hĂ©lium liquide non superfuide au-dessus de la tempĂ©rature critique ou point lambda −270,97 °C).

Description

Dispositif expérimental de l'effet fontaine.

Le dispositif expérimental consiste en un tube ouvert rempli d'un matériau poreux, par exemple une fine poudre d'émeri dans l'expérience originelle, placé dans un bain d'hélium II. Le matériau poreux a une fonction de filtre, à travers lequel seul l'hélium II, superfluide donc de viscosité nulle, peut passer. Une des extrémités du tube est prolongée par un tube plus fin dont la sortie dépasse le niveau du bain de quelques centimÚtres.

Quand on éclaire le tube, les grains de la poudre absorbent les radiations lumineuses et produisent ainsi de la chaleur, créant un gradient de température. Par un phénomÚne de convection, l'hélium II du bain est transporté vers la zone réchauffée du tube. Ceci provoque l'émission continue d'un jet d'hélium pouvant atteindre plusieurs dizaines de centimÚtres de haut à la sortie du tube, émission qui cesse lorsque l'émeri n'est plus éclairé. Une autre méthode de chauffage ponctuel consiste à faire circuler un courant électrique dans une résistance placée à l'intérieur du tube.

La hauteur du jet est variable et augmente avec le gradient du température imposé sur le systÚme ; elle est une fonction décroissante de la taille des grains de la poudre[1]. Lorsque le jet est petit, l'hélium retombe dans le bain autour du tube, mais si la hauteur du jet est importante, l'hélium se vaporise dans l'atmosphÚre du cryostat.

Explication

ModĂšle Ă  deux fluides

D'aprÚs le modÚle à deux fluides de Låszló Tisza[2], l'hélium liquide en dessous du point lambda est composé d'un mélange d'atomes dans l'état fondamental (superfluide) et d'atomes dans des états excités, ces derniers se comportant comme un liquide ordinaire avec en particulier une viscosité non nulle. PrÚs du zéro absolu, la proportion d'atomes dans des états excités est trÚs faible ; lorsque la température s'approche du point lambda, la proportion de liquide superfluide diminue. Le liquide superfluide transporté par convection traverse le filtre réchauffé (poudre d'émeri), alors que la proportion de liquide normal, trop visqueuse, ne peut pas passer. Comme la concentration d'hélium normal et superfluide change, il se crée une différence de pression osmotique entre l'entrée du tube dans le bain et sa partie supérieure. Le liquide superfluide s'accumule dans le tube supérieur et n'a d'autre option que d'en sortir sous forme de jet.

Considérations thermodynamiques

Du fait de sa trĂšs grande conductivitĂ© thermique, l'hĂ©lium II retourne de façon quasiment instantanĂ©e vers un Ă©quilibre thermodynamique lorsqu'il est chauffĂ© localement. Ainsi, la variation du potentiel chimique du systĂšme peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme nulle lors d'une faible augmentation de la tempĂ©rature :

On obtient alors la formule de London :

Cela signifie qu'un gradient de température est compensé immédiatement par un gradient de pression, ce qui provoque l'expulsion de l'hélium en dehors du tube[3] - [4]. L'effet fontaine n'est pas observé chez les liquides normaux car ils mettent plus de temps à retrouver un équilibre thermique aprÚs un réchauffement local.

À partir de la formule de London, il est possible pour un dispositif expĂ©rimental donnĂ© de calculer la hauteur du jet d'hĂ©lium en fonction de la tempĂ©rature du bain et du gradient de tempĂ©rature appliquĂ©. La validitĂ© de cette formule a ainsi Ă©tĂ© vĂ©rifiĂ©e expĂ©rimentalement jusqu'Ă  −272,95 °C[5].

Applications

L'effet fontaine peut ĂȘtre utilisĂ© comme rĂ©gulateur de tempĂ©rature[6]: dans les matĂ©riaux supraconducteurs, une Ă©lĂ©vation de la tempĂ©rature peut conduire Ă  une perte non dĂ©sirĂ©e de la supraconductivitĂ©. L'installation d'un matĂ©riau poreux en contact avec un bain d'hĂ©lium II prĂšs d'un supraconducteur en fonctionnement permet de contrĂŽler sa tempĂ©rature : en cas de rĂ©chauffement, un jet d'hĂ©lium II vient refroidir le matĂ©riau.

Références

  1. (en) J.F. Allen et H. Jones, « New Phenomena Connected with Heat Flow in Helium II », Nature, vol. 141,‎ , p. 243-244 (DOI 10.1038/141243a0).
  2. (en) L. Tisza, « The Theory of Liquid Helium », Phys. Rev., vol. 72, no 9,‎ , p. 838-854 (DOI 10.1103/PhysRev.72.838).
  3. (en) H. London, « Thermodynamics of the Thermomechanical Effect of Liquid He II », Proc. R. Soc. Lond. A, vol. 171, no 947,‎ , p. 484-496 (DOI 10.1098/rspa.1939.0079).
  4. (fr) Lucienne Couture et Robert Zitoun, Physique statistique, Paris, Ellipses, (ISBN 2-7298-9262-1).
  5. (en) G.J.C. Bots et C.J. Gorter, « Recalculations on earlier experiments on the fountain effect below 1°K », Physica, vol. 26, no 5,‎ , p. 337-341 (DOI 10.1016/0031-8914(60)90005-7).
  6. (en) M. Takahashi, A. Senzaki, T. Murakami et T. Okamura, « Improvement on Cooling Performance in He II Channel Using Fountain Effect », IEEE Transactions on Applied Superconductivity, vol. 12, no 1,‎ , p. 1359-1363 (DOI 10.1109/TASC.2002.1018655).

Voir aussi

Liens externes

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