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Dupont Lajoie

Dupont Lajoie est un film français rĂ©alisĂ© par Yves Boisset en 1974 et sorti en salles en 1975. Le film est adaptĂ© en roman la mĂȘme annĂ©e.

Dupont Lajoie

RĂ©alisation Yves Boisset
Scénario Jean-Pierre Bastid
Acteurs principaux
Sociétés de production Sofracima
La Société des films Sirius
Pays de production Drapeau de la France France
Genre Drame
Durée 100 minutes
Sortie 1975

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Synopsis

Georges Lajoie est cafetier à Paris, place d'Aligre. Les Lajoie et leur fils Léon, bachelier, partent avec leur nouvelle caravane passer les vacances, comme chaque été, sur la cÎte provençale, au « Camping-Caravaning Beau-soleil » tenu par Loulou, un Pied-Noir.

Les Lajoie y retrouvent les Schumacher, huissiers de justice Ă  Strasbourg, et les Colin, vendeurs de sous-vĂȘtements sur les marchĂ©s. Ces bons Français du Nord se rĂ©pandent en lieux communs, notamment sur la paresse supposĂ©e des « gens du Sud », mais veulent nĂ©anmoins sympathiser avec les Vigorelli, des Italiens nouveaux venus au camping. Vigorelli est chef de chantier et apprĂ©cie comme « de la merde » les nouveaux immeubles construits par Loulou pour les vacanciers, grĂące au travail Ă  bas salaires d'ouvriers AlgĂ©riens, logĂ©s dans un baraquement. Mais Vigorelli et Loulou parlent arabe et respectent les ouvriers immigrĂ©s pour leur ardeur au travail.

A plusieurs reprises, il apparaĂźt manifeste que Georges Lajoie est fortement attirĂ© par la belle Brigitte, la fille des Colin. Il en perd mĂȘme ses moyens, au point qu'Ă  la plage Brigitte lui suggĂšre de mettre de la crĂšme solaire, lui trouvant le visage tout rouge, alors qu'il Ă©tait en train de poser sur elle un regard lubrique.

Brigitte semble pourtant promise à Léon, et leur flirt semble bien engagé.

Lors d'un bal, Lajoie s'en prend violemment à l'un des ouvriers Algériens, venu danser un peu trop prÚs de Brigitte. L'empoignade amÚne les gendarmes, qui embarquent seulement les Algériens.

Les jeux d'Ă©tĂ© « Inter-camping », menĂ©s par le grandiloquent LĂ©o Tartaffione, attirent toute la population locale. Parti en balade, Lajoie rencontre Brigitte, toute nue au soleil, dans un petit coin tranquille. Il s'ensuit une conversation gĂȘnĂ©e et vaguement sensuelle. Lorsque Brigitte enfile son pantalon, Lajoie se fait pressant en embrassant la jeune fille malgrĂ© ses refus. Lajoie agresse sexuellement Brigitte qui se dĂ©bat. Durant le viol, Lajoie la repousse d'une main sous le menton, ce qui provoque le coup du lapin et la mort de la jeune fille. Lajoie continue un instant de la violer avant de comprendre qu'il vient de la tuer. Il dĂ©cide de la transporter vers le baraquement des ouvriers algĂ©riens qui se trouve Ă  une centaine de mĂštres.

L'inspecteur principal Boulard mĂšne l'enquĂȘte parmi les campeurs et sur le lieu de la dĂ©couverte du cadavre. Le mĂ©decin lĂ©giste dĂ©clare que le corps a Ă©tĂ© transportĂ©. D'un air inquiĂ©tant, Boulard annonce aux campeurs que des interrogatoires auront lieu le lendemain.

Certains campeurs s'Ă©nervent de ce que la police n'arrĂȘte pas aussitĂŽt les « bicots ». Un fier Ă  bras en casquette Bigeard Ă©chauffe les esprits. Colin, dĂ©semparĂ©, se laisse entraĂźner. Un commando de campeurs se forme, malgrĂ© les appels au calme de Loulou, de Vigorelli, du fils Lajoie, et dĂ©boule en pleine nuit dans le baraquement des AlgĂ©riens. Lajoie le violeur et meurtrier s'agite parmi les justiciers. Un AlgĂ©rien est agressĂ© et blessĂ© gravement. Son frĂšre se dĂ©fend : il est massacrĂ©, tandis que deux autres ouvriers parviennent Ă  fuir.

L'inspecteur Boulard enquĂȘte maintenant sur la ratonnade, et recueille Ă  l'hĂŽpital le tĂ©moignage de l'AlgĂ©rien blessĂ©.

ConvoquĂ©s Ă  la morgue devant la dĂ©pouille de l'AlgĂ©rien assassinĂ©, des Ă©lus locaux font valoir le risque de pertes de touristes, voire d'Ă©meutes racistes, et tentent de dissuader Boulard d'aller plus loin. Mais ce dernier leur rĂ©torque qu'il mĂšnera cette enquĂȘte comme il l'entend et jusqu'au bout.

Les deux ouvriers fugitifs, emmenés au camping, désignent les agresseurs. Boulard convoque les campeurs suspects à l'école primaire pour le lendemain.

Cependant, un haut fonctionnaire, Ă©narque caricatural, dĂ©pĂȘchĂ© depuis Paris et dĂ©sireux d'Ă©touffer l'affaire afin d'Ă©viter que des incidents n'Ă©clatent un peu partout en France, signifie Ă  Boulard que l'enquĂȘte doit se conclure sur un non-lieu, qu'il tente d'ailleurs de lui faire signer. Comme Boulard refuse et lui rend le document, le haut fonctionnaire lui suggĂšre que l'enquĂȘte pourrait alors lui ĂȘtre retirĂ©e, et que sa promotion au grade de commissaire serait compromise. Inversement, s'il abandonne l'affaire, sa promotion sera accĂ©lĂ©rĂ©e.

Plus tard, Boulard demande Ă  Vigorelli et Ă  LĂ©on de tĂ©moigner, mais ces derniers, Ă  contrecƓur, se refusent Ă  recourir Ă  la dĂ©lation.

Lors de la convocation des campeurs suspects à l'école, Boulard leur annonce qu'il sait qu'ils sont coupables de la ratonnade, et Colin se dénonce, malgré les protestations des autres. Mais les campeurs meurtriers sont exonérés, Boulard ayant changé d'avis sous la pression des hautes instances judiciaires. Le meurtre de Brigitte est imputé à l'Algérien mort, et la mort de celui-ci aux autres Algériens, qui, pour sauver l'honneur de leur village, l'auraient exécuté. Boulard quitte néanmoins les lieux en signifiant aux campeurs son dégoût.

Certains se flattent de cette issue sordide, mais d'autres se sentent mal. Colin, accablé, refuse de saluer ses anciens amis, qui quittent le camping aprÚs seulement quatre jours de vacances. Dans un accÚs de cynisme, Lajoie évoque « tout cet argent foutu en l'air » (la location de l'emplacement de camping).

Léon est fùché avec son pÚre et quitte ses parents. Lajoie dit au revoir à Loulou, mais celui-ci lui demande de ne plus jamais revenir au camping.

Quelque temps plus tard, revenu dans sa brasserie, Lajoie raconte Ă  ses habituĂ©s, avec force mensonges, comment lui-mĂȘme et ses amis ont puni les AlgĂ©riens coupables du meurtre de Brigitte. Mais justement, celui dont le frĂšre a Ă©tĂ© tuĂ© entre dans le bistrot. Il sort de sa gabardine un fusil Ă  canon sciĂ©, et le braque sur Lajoie. Deux coups de feu claquent.

Fiche technique

Distribution

Production

GenĂšse

La rĂ©alisation ne se fit pas sans difficultĂ©s. Le film s’inspire en partie de la vague de meurtres racistes commis dans le Sud de la France au dĂ©but des annĂ©es 1970, notamment Ă  Marseille durant l’étĂ© 1973[2], mais Ă©galement d'un fait divers rĂ©el s'Ă©tant dĂ©roulĂ© Ă  Grasse[3]. Le sujet est encore trĂšs sensible dans le Var oĂč Boisset souhaite tourner. Ses autorisations de tournage sont souvent retirĂ©es, et l'agressivitĂ© reste prĂ©sente autour de l'Ă©quipe[4].

L'animation et jeu Intercamping animĂ© par LĂ©o Tartaffione Ă©tait largement inspirĂ©e de l'Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e Intervilles, le nom lui-mĂȘme de LĂ©o Tartaffione rappelant celui de LĂ©on Zitrone.

Tournage

En dehors du café situé à Paris XIIe, place d'Aligre, angle rue Beccaria - dont l'intérieur est un autre café de la place d'Aligre, angle rue d'Aligre (aujourd'hui encore dans son jus), le reste du film a été tourné en Provence essentiellement dans le Var. La plage avec le pont en arriÚre-plan est celle de Saint-Aygulf. D'autres scÚnes ont été tournées à Fréjus. Le discours du maire et celui de Léo Tartafionne a été tourné à Tourtour (on y voit les deux ormeaux appelés « Sully », plantés en 1638 et aujourd'hui disparus). L'embouteillage peu avant l'arrivée au camping semble avoir été tourné dans le village de Tourves.

Une grande partie des scĂšnes extĂ©rieures du film ont Ă©tĂ© tournĂ©es sur les plages de Saint-Aygulf, FrĂ©jus-plage dans le Var. Le groupe extrĂ©miste Charles-Martel (qui a Ă©tĂ© notamment l'auteur d'un attentat Ă  la bombe Ă  Marseille en 1973) menace l'Ă©quipe de Boisset. Le camping, principal lieu de tournage, est lapidĂ©, et reçoit mĂȘme des grenades et des cocktails Molotov[3]. Les figurants devant jouer les MaghrĂ©bins ne trouvent pas de logement, et l'acteur Abderrhamane Benkloua est mĂȘme agressĂ© par un groupe de quatre personnes ; hospitalisĂ©, il ne reprendra pas le tournage[3]. Les figurants "blancs", bien que connaissant le scĂ©nario, auraient troquĂ© leurs accessoires contre de vrais gourdins, supposant que leurs homologues maghrĂ©bins avaient quelque chose Ă  se reprocher[5].

Accueil

La censure veut interdire le film aux moins de dix-huit ans, sauf si Boisset accepte trois coupes : une scĂšne de dialogue, et deux plans (les images oĂč l'on voit le sexe d'Isabelle Huppert, et celui oĂč la tĂȘte de la victime de la ratonnade heurte le pavĂ©). Boisset accepte sans sourciller : les plans n'existent pas dans le film, les scĂšnes n'Ă©tant que suggĂ©rĂ©es par la mise en scĂšne[5]. Le film sort dans les salles en fĂ©vrier 1975. Mal accueilli par ceux qui ne voulaient voir que l’aspect polĂ©mique du sujet, il est parfois soumis au refus des exploitants de salle de le diffuser, comme le patron du cinĂ©ma PathĂ© de la place Clichy, qui craint que le public arabe attirĂ© par le film ne fasse fuir ses "habituĂ©s"[3]. Les salles connaissent Ă©galement des Ă©chauffourĂ©es Ă  la sortie des sĂ©ances[5].

Si le film suscite de vives rĂ©actions dans les milieux extrĂ©mistes, il n'est pas sans provoquer une aversion inverse pour le personnage de Georges Lajoie, au point d'en attirer quelques dĂ©boires Ă  son interprĂšte : dans son roman autobiographique Belle-fille (Nil, 2019), Tatiana Vialle Ă©voque les nombreuses incivilitĂ©s dont son beau-pĂšre Jean Carmet a Ă©tĂ© victime les annĂ©es qui ont suivi le tournage, celui-ci en arrivant mĂȘme Ă  lui faire dĂ©fense de se tourner vers le mĂ©tier de comĂ©dienne [6].

Ce film fut aussi un grand succĂšs public, et l'Ɠuvre la plus importante d'Yves Boisset. Il proposait une peinture simpliste mais sans complaisance de gens ordinaires, qui collectivement se laissent gagner par la haine raciste. Caricature et rĂ©alisme s'y confondent. La qualitĂ© de la distribution assura le succĂšs du film : Carmet en meurtrier lĂąche et raciste, Lanoux en fier Ă  bras, beauf et ancien d'AlgĂ©rie, des acteurs gĂ©nĂ©ralement sympathiques, Jean-Pierre Marielle et Michel Peyrelon, interprĂ©tant avec justesse des personnages aussi odieux qu'ordinaires, archĂ©types du fameux "Français moyen".

Adaptation

En 1975 Dupont Lajoie sort en roman aux éditions Presses de la Cité. Le livre est écrit par les scénaristes du film, Jean-Pierre Bastid et Michel Martens.

Distinctions

Notes et références

  1. JACQUES SICLIER, Dupont Lajoie, Le Monde, 30/11/02.
  2. Mathieu LĂ©onard, « 1973 : un Ă©tĂ© raciste », CQFD, no 115,‎ (lire en ligne).
  3. Philippe Durant, Gabin, Ventura, Delon : Les légendes du Polar, Sonatine, , 226 p. (ISBN 978-2-35584-324-2, lire en ligne).
  4. « Dupont La Joie, la prochaine fois le feu... », sur Dupont La Joie, la prochaine fois le feu... (consulté le )
  5. Julien Betan, ExtrĂȘme ! : Quand le cinĂ©ma dĂ©passe les bornes., Les Moutons Ă©lectriques, coll. « BibliothĂšque des miroirs », 2012-2013, 160 p. (ISBN 978-2-36183-111-0, lire en ligne), « ArrĂȘt sur image : France, 1976 ».
  6. JĂ©rĂŽme Garcin, Dupont-Lajoie, ce rĂŽle qui tourna au cauchemar, L'Obs, 3 janvier 2019

Voir aussi

Bibliographie

  • Yvan Gastaut, « Dupont Lajoie, portrait-type du raciste sur les Ă©crans », Hommes & Migrations, no 1330,‎ , p. 64-67 (lire en ligne)
  • (en) Will Higbee, « Yves Boisset's Dupont Lajoie (1974): racism, civic cinema and the ‘immigrant question’ », Studies in French Cinema, vol. 2, no 3,‎ , p. 147-156

Liens externes

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