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Droits de l'homme en Turquie

La Constitution de la Turquie, adoptée en 1982, garantit les droits de l'homme de base à tout citoyen turc. Néanmoins la situation des droits de l'homme en Turquie a focalisé l'attention de la communauté internationale, notamment depuis le coup d'État de 1980.

Après une période durant laquelle la Turquie fait de nombreux d'efforts dans le domaine des droits de l'homme dans le cadre des négociations d'adhésion à l'Union européenne, la situation du pays se déteriore à partir de 2010 et en particulier après la tentative de coup d'État de 2016.

Les principaux problèmes existants sont les méthodes des services de sécurité, notamment dans le sud-est, la liberté d'expression et les violences privées faites aux femmes (qui ont obtenu l'égalité civile en 1926 et le droit de vote en 1934). En 2019, la Turquie est le leader mondial des emprisonnements de journalistes. Le pays a le taux d’incarcération le plus élevé d’Europe.

Historique

La Turquie a fait beaucoup d'efforts pour entamer les négociations d'adhésion à l'Union européenne. Elle a signé la Convention européenne des droits de l'homme, puis, en septembre 2005, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l'ONU. La peine de mort, inappliquée depuis 1983, a été supprimée pour les crimes de droit commun en 2001, pour tous les crimes en temps de paix l'année suivante, puis en toute circonstance en 2004. Le code pénal a été réformé en 1991, puis réécrit complètement en 2005. Dès 1997, la violence de la répression contre le Parti des travailleurs du Kurdistan a diminué. À partir de 2002, l'impunité contre les policiers et militaires coupables de torture a cessé, ce qui a été salué par Amnesty International[1]. La Turquie dirigée par Recep Tayyip Erdogan est alors perçue comme un modèle de modernité alliant islam modéré et démocratie[2].

Le rĂ©fĂ©rendum de 2010 sonne le glas de l’image du « dĂ©mocrate musulman » respectueux de la dĂ©mocratie et de la laĂŻcitĂ©. Le pouvoir, n’admettant plus aucune critique, s’en prend violemment aux mĂ©dias. Le nombre de journalistes emprisonnĂ©s est sans prĂ©cĂ©dent dans le pays. Ainsi, en 2012, la Turquie dĂ©tient dĂ©jĂ  le record du nombre de journalistes emprisonnĂ©s, avec 76 reporters sous les verrous[2]. En juin 2013, la Turquie est secouĂ©e par d’importants mouvements de protestations contre le gouvernement Erdogan. Ă€ l’origine, des militants Ă©cologistes protestent contre la destruction du parc Gezi situĂ© sur la place Taksim, Ă  Istanbul, au profit d’un important projet immobilier. Ces mouvements protestataires pacifiques sont violemment rĂ©primĂ©s par la police, occasionnant plusieurs morts et plus d'un millier de blessĂ©s. Enfin, Erdogan profite de la tentative de coup d'État de 2016 pour lancer une vaste opĂ©ration de chasse aux opposants dans l’armĂ©e et la justice. Près de 6 000 militaires sont arrĂŞtĂ©s, 104 putschistes tuĂ©s et 2 745 juges sont dĂ©mis de leurs fonctions. Les purges massives s’étendent ensuite aux secteurs des mĂ©dias, de l’enseignement, de la police, aux associations et aux Ă©lus[2].

Avis d'organisations étrangères ou internationales

Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme concernant la Turquie

Cour européenne des droits de l’homme

En avril 2021, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne sévèrement la Turquie pour la détention du journaliste et écrivain Ahmet Altan, poursuivi pour son implication présumée dans la tentative de coup d'État de 2016 en Turquie. Elle considère que rien ne démontre que les actions d'Ahmet Altan « se soient inscrites dans un plan destiné à renverser le gouvernement »[5].

Dans un arrêt distinct, la CEDH condamne également l’État turc pour la détention de Murat Aksoy, un journaliste d’opposition placé en détention quelques semaines après la tentative de putsch. Selon elle, « il n’y avait pas de raisons plausibles de soupçonner M. Aksoy d’avoir commis une infraction pénale »[5].

Institutions politiques étrangères

  • Drapeau de la France France : le la Commission nationale consultative des droits de l'homme Ă©met un « avis sur la situation des droits de l'homme en Turquie ». Elle dĂ©nonce l'utilisation « quasi systĂ©matique » de la torture « notamment dans les commissariats de police et les sections anti-terroristes », l'« augmentation [...] des exĂ©cutions extra-judiciaires et de disparitions » dont font particulièrement l'objet des « Kurdes et des personnes qui s'opposent Ă  la politique suivie envers la population kurde », les « menaces de harcèlement, de torture, voire de mort » dont « les dĂ©fenseurs de droits de l'homme sont victimes », ainsi que de plusieurs dispositions relatives au rĂ©gime judiciaire de la garde Ă  vue et les conditions de travail des journalistes[6].

Liberté d'expression

En 2017, le nombre de journalistes turcs en prison est estimé à plus de 160[7] ce qui fait de la Turquie selon Reporters sans frontières (RSF) « la plus grande prison pour journalistes du monde ». La plupart sont alors en détention provisoire, leurs avocats n'ayant qu'un accès limité aux actes d’accusation[8].

En 2019, selon Human Rights Watch, la Turquie reste le leader mondial des emprisonnements de journalistes. Environ 175 journalistes et travailleurs des médias sont en détention provisoire ou purgent des peines pour des infractions de terrorisme. Des journalistes éminents tels que Ahmet Altan, Mehmet Altan et Nazlı Ilıcak ont été condamnés l'année précédente à des peines de prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle[9].

Le 3 juillet 2020, Taner Kiliç, président honoraire d'Amnesty International Turquie, est condamné à une peine de six ans et de trois mois, après avoir été reconnu coupable lors d'un procès très médiatisé d'être membre d'une organisation terroriste[10].

Le 12 août 2022, la journaliste Zeynep Kuray est arrêtée alors qu'elle couvrait la protestation d'ouvriers qui ont construit le Halkbank Plaza dans le centre financier Ataşehir d'Istanbul. Les travailleurs du groupe YDA exigeaient de meilleures conditions de travail et le respect de leurs droits[11].

En avril 2022, Osman Kavala, un homme d'affaires, philanthrope turc, est condamné à l'emprisonnement à perpétuité après avoir été accusé de « tentative de renverser le gouvernement » au cours de la révolte du parc Gezi en 2013. Cette condamnation est confirmée le 27 décembre 2022. Pour Pierre Haski, cette condamnation est le « symbole d’une Turquie qui bafoue l’état de droit ». Selon lui, ce procès « inique [...] s’assoit sur une décision de la Cour européenne des droits de l’homme et toutes les normes de droit. »[12]

Prisons

La Turquie a le taux d’incarcĂ©ration le plus Ă©levĂ© d’Europe avec 357 dĂ©tenus pour 100 000 habitants. Elle se trouve devant la Russie, la GĂ©orgie et l’AzerbaĂŻdjan. Depuis le coup d’État manquĂ© contre Recep Tayyip ErdoÄźan, en juillet 2016, la Turquie a connu d'importantes purges de fonctionnaires et des arrestations de journalistes, de militaires, d’hommes politiques, d’avocats des droits de l’homme et d’artistes[13]. D’après des images satellite, au moins 131 prisons ont Ă©tĂ© construites de juillet 2016 Ă  mars 2021. La population carcĂ©rale en Turquie est passĂ©e sur la mĂŞme pĂ©riode de 180 000 Ă  près de 300 000 personnes. Ceci, en dĂ©pit du fait que, depuis 2016, deux amnisties gĂ©nĂ©rales aient eu lieu occasionnant la libĂ©ration de 190 000 prisonniers non-politiques, libĂ©rant autant de places dans les prisons[13].

Violences faites aux femmes

La Turquie s’est retirée, en juillet 2021, de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, connue sous le nom de Convention d’Istanbul[14].

Selon Human Rights Watch, la Turquie ne protège pas les victimes de violence domestique. Un rapport de l’ONG constate que « la non-application des ordonnances des tribunaux expose les femmes à des abus continus de la part de leurs maris et partenaires actuels ou anciens. »[14]

Notes et références

  1. Aude Mazoué, Turquie : les cinq étapes de la dérive autoritaire d’Erdogan, france24.com, 5 novembre 2016
  2. Maître Eolas, Les procédures pénales d'exceptions vivent-elles leurs dernières heures ?, 13 juillet 2009
  3. Chloé Leprince, Justice : les gardes à vue sans avocat, bombes à retardement, Rue89, 2 octobre 2009
  4. La Turquie sévèrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour la détention d’Ahmet Altan, lemonde.fr, 13 avril 2021
  5. [PDF] « Avis sur la situation des droits de l’homme en Turquie », sur Commission nationale consultative des droits de l'homme, (consulté le ).
  6. INFO Turquie : les journalistes visés, jusqu'en Europe, tv5monde.com, 10 AOÛt 2017
  7. Faustine Vincent, Turquie : « Près de 150 médias ont été fermés depuis le coup d’État raté de 2016 », lemonde.fr, 25 septembre 2017
  8. (en) « Turkey - Events of 2018 », sur human Rights Watch (consulté le ).
  9. (en) « Turkey convicts human rights activists on terror charges », sur CNN (consulté le ).
  10. (en) « Turkey convicts human rights activists on terror charges », sur Bianet (consulté le ).
  11. La prison à vie pour Osman Kavala, symbole d’une Turquie qui bafoue l’état de droit, radiofrance.fr, 27 avril 2022
  12. Thomas Guichard, En Turquie, des prisons géantes construites pour accueillir les opposants au pouvoir, la-croix.com, 9/08/2021
  13. La Turquie ne protège pas les victimes de violence domestique, hrw.org, 26 mai 2022

Articles connexes

Liens externes

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