De ceremoniis
Le De Ceremoniis (titre complet : De ceremoniis aulae Byzantinae) est le titre latin donnĂ© habituellement Ă un recueil dĂ©crivant les cĂ©rĂ©monies liĂ©es Ă la cour des empereurs byzantins et le protocole qui sây rattache. Le titre grec le plus souvent citĂ© est áŒÎșΞΔÏÎčÏ ÏáżÏ ÎČαÏÎčÎ»Î”ÎŻÎżÏ ÏÎŹÎŸÎ”ÏÏ" (« Codification de lâordre du Palais »), tirĂ© des premiĂšres lignes de la prĂ©face. Mais le titre officiel complet que lâon trouve en tĂȘte de cette prĂ©face est « TraitĂ© et Ćuvre vraiment digne de lâactivitĂ© impĂ©riale de CONSTANTIN, ami du Christ, et dans le Christ, Roi Ă©ternel, Empereur, fils de LĂ©on, le trĂšs sage Empereur, dâĂ©ternelle mĂ©moire[N 1] ». En français on lui donne gĂ©nĂ©ralement pour titre « Livre des CĂ©rĂ©monies ».
ComposĂ© de deux livres rĂ©digĂ©s par lâempereur Constantin VII (r. 913 â 959) Ă des Ă©poques diffĂ©rentes, il traite de diffĂ©rentes cĂ©rĂ©monies religieuses et civiles, de mĂȘme que de diffĂ©rentes festivitĂ©s populaires, le tout du point de vue de la cour et des rĂšgles dâĂ©tiquette que les participants devaient observer. Lâunique manuscrit parvenu jusquâĂ nous incorpore des ajouts dont certains sont antĂ©rieurs Ă la pĂ©riode traitĂ©e par lâempereur ou postĂ©rieurs Ă la mort de celui-ci.
Toile de fond
Conception byzantine du gouvernement
Le terme essentiel de ce livre est Î€ÎŹÎŸÎčÏ[N 2] ou « ordre », « disposition » correspondant au mot français « Ă©tiquette ». Pour les Byzantins, de mĂȘme quâil nây avait quâun seul Dieu dans le ciel, il ne pouvait y avoir quâun seul empereur sur la terre. Et de la mĂȘme façon que Dieu faisait rĂ©gner lâordre parmi les ĂȘtres spirituels de la sphĂšre cĂ©leste, il appartenait Ă lâempereur non seulement de faire rĂ©gner lâordre au sein de lâempire, mais aussi dây amener les autres peuples de lâunivers, ce monde barbare ou rĂ©gnait lâataxia (le dĂ©sordre)[1] - [2] - [3]. Il en dĂ©coulait un vĂ©ritable culte impĂ©rial, christianisant le culte rendu aux empereurs romains dâautrefois, dont le cadre principal Ă©tait le Grand Palais, tout comme le culte divin et sa liturgie prenaient place Ă la cathĂ©drale Hagia Sophia. Tout ce qui touche lâempereur devient « sacrĂ© » : ses appartements sont qualifiĂ©s de « sacrum cubiculum » et une lettre Ă©crite par le basileus est une « divalis sacra »[4]. La vie officielle de celui-ci sera rĂ©glĂ©e dâaprĂšs des rites similaires Ă la liturgie ecclĂ©siastique, se dĂ©veloppant au rythme de processions, dâacclamations, etc.[5], tout au long dâune annĂ©e marquĂ©e par nombre de fĂȘtes ayant chacune son rituel propre[6].
Constantin VII rĂ©sume lui-mĂȘme cette conception dans la prĂ©face de son livre : « De la sorte, puisse le pouvoir impĂ©rial sâexercer avec ordre et mesure, reproduire le mouvement harmonieux que le CrĂ©ateur donne Ă tout cet univers et (lâempire) apparaitre Ă nos sujets plus majestueux et, par lĂ mĂȘme, plus agrĂ©able et plus admirable (Livre des cĂ©rĂ©monies, I, prĂ©face) ».
Genre littéraire
Le Livre des CĂ©rĂ©monies appartient au genre littĂ©raire des « compilations » dont lâĂąge dâor fut le Xe siĂšcle. Fuyant la crĂ©ativitĂ© et lâoriginalitĂ©, les auteurs voudront rassembler, copier et structurer la culture hellĂ©nico-chrĂ©tienne de lâAntiquitĂ© tardive. Ce fut lâĂ©poque des manuels, que ce soit de la hiĂ©rarchie bureaucratique (taktika), de la stratĂ©gie militaire (strategika), du droit romain (basilika) ou des rĂšgles Ă suivre par les corporations de la capitale (Le livre de lâĂ©parque)[7]. Le grand idĂ©al des Ă©crivains de lâĂ©poque sera de modeler leur langue sur celle quâavaient Ă©crite les derniers grands auteurs des IIIe siĂšcle et IVe siĂšcle[8]. Constantin VII contribuera Ă cet « encyclopĂ©disme » avec le De thematibus (ΠΔÏ᜶ ÎžÎ”ÎŒÎŹÏÏÎœ ÎΜαÏολáżÏ Îșα᜶ ÎÏÏΔÏÏ), le De administrando imperio (Î ÏáœžÏ Ï᜞Μ ጎΎÎčÎżÎœ Ï áŒ±áœžÎœ ῏ÏΌαΜÏÎœ), le Vita Basilii (ÎÎŻÎżÏ ÎαÏÎčÎ»Î”ÎŻÎżÏ ) et le De ceremoniis, ce dernier se distinguant toutefois des ouvrages contemporains par un style « populaire et simple » destinĂ© Ă en faciliter la comprĂ©hension[9].
Contenu
Tel quâil nous est prĂ©sentĂ© dans le "manuscrit de Leipzig", le De Ceremoniis comporte deux livres. Le premier livre dĂ©crit (1) les cĂ©rĂ©monies religieuses (chapitres 1-46), (2) les cĂ©rĂ©monies civiles (47-72), (3) les cĂ©rĂ©monies profanes (73-82). Le deuxiĂšme livre constitue un complĂ©ment au premier et revient sur les deux premiers thĂšmes, mais sans ordre prĂ©cis. De plus, le livre I comporte un chapitre (46) sur les habits impĂ©riaux qui est repris de façon plus Ă©laborĂ©e dans le livre II (40 et 41)[10].
Livre I
Les chapitres 1 Ă 46 [1-37][N 3] dĂ©crivent les processions et les cĂ©rĂ©monies auxquelles lâempereur et la cour participent ainsi que les acclamations officielles qui les accompagnent. On y trouve dâabord un schĂ©ma gĂ©nĂ©ral pouvant ĂȘtre utilisĂ© dans toutes les cĂ©rĂ©monies, puis le cĂ©rĂ©monial propre Ă chaque grande fĂȘte religieuse de lâannĂ©e comme lâExaltation de la Croix, la Naissance du Christ, lâĂpiphanie, le Dimanche des Rameaux, le Vendredi Saint, PĂąques, la RĂ©surrection du Christ (les six jours qui suivent la fĂȘte de PĂąques) ainsi que certaines fĂȘtes de saints particuliĂšrement importants comme saint Dimitri de Thessalonique ou saint Basile[11] - [N 4].
Les chapitres 47-72 [38-83] traitent dâĂ©vĂšnements civils se rapportant directement Ă la famille impĂ©riale comme le couronnement des empereurs et impĂ©ratrices (47-49 [38-40]), les mariages (48, 50 [39, 41]), les naissances (51 [42]), la promotion dâun cĂ©sar (52 [43]), les funĂ©railles (69 [60]). Ă partir du chapitre 53 [44], viennent les cĂ©rĂ©monies marquant la promotion de hauts-fonctionnaires : nobilissime (53 [44]), curopalate (54 [45]), magistros (55 [46]), patrice, sĂ©nateur et stratĂšge (56 [47]), etc.
Vient ensuite la description de certaines fĂȘtes marquant lâannĂ©e civile : le chapitre 73 [64] dĂ©crit la rĂ©ception de lâhippodrome dâor, le lundi aprĂšs le dimanche de PĂąques, le chapitre 74 [65] le diner marquant la fĂȘte de lâempereur, lâendroit oĂč elles ont lieu, le chapitre 76 [67] le rang et lâendroit oĂč doit se tenir chaque classe de dignitaires.
On y dĂ©crit en dĂ©tail le cortĂšge impĂ©rial entre le Grand Palais et Hagia Sophia, les arrĂȘts que faisait le cortĂšge, les fonctionnaires qui accueillaient les empereurs Ă chaque arrĂȘt et les chants qui ponctuaient ces arrĂȘts. Ainsi, lors de la procession de la NativitĂ© du Christ (chapitre 2), le cortĂšge sâarrĂȘtait six fois. Ă chaque endroit il Ă©tait reçu officiellement par un officier militaire (domestique des Scholes, des Excubites) et par un « dĂ©mocrate », c.Ă .d. le chef dâune des factions de lâhippodrome (Bleus, Verts). Pendant ce temps, le chĆur entonnait un chant soit conventionnel (« Nombreuses, nombreuses, nombreuses »), soit en rapport avec la fĂȘte du jour (« LâĂ©toile avance sur la grotte pour indiquer aux Mages le maitre du soleil »), ce Ă quoi rĂ©pondait la foule (« Nombreuses annĂ©es Ă vous serviteur du Seigneur »)[12].
Sây trouve ainsi dĂ©fini le rĂŽle que jouaient les principaux dignitaires, hauts-fonctionnaires, membres du SĂ©nat et chefs des factions de lâhippodrome dans les cĂ©rĂ©monies impĂ©riales. Ce rituel de cour ne dĂ©crit pas seulement les mouvements des participants quâils soient Ă pied, Ă cheval ou en bateau, mais Ă©galement leurs costumes et la personne qui doit lancer certaines acclamations. Lâempereur y joue souvent le rĂŽle du Christ et le palais impĂ©rial peut ĂȘtre utilisĂ© pour des cĂ©lĂ©brations Ă caractĂšre religieux, soulignant ainsi le mĂ©lange du sacrĂ© et du profane. Outre le palais impĂ©rial, lâhippodrome Ă©tait le thĂ©Ăątre de nombreuses cĂ©rĂ©monies civiles. On nây tenait pas seulement les courses pĂ©riodiques de chevaux ou celles, exceptionnelles, qui marquaient lâouverture dâune nouvelle saison (chapitre 77 [68] « De lâhippodrome et des choses qui sây font »; chapitre 78 [69] « Ce quâil faut observer lorsquâune course hippique a lieu selon le calendrier Ă©tabli ».), mais lâendroit servait Ă©galement de salle de rĂ©ception, de banquet ou pour les cĂ©lĂ©brations marquant diverses fĂȘtes comme la commĂ©moration de la fondation de Constantinople le 11 mai (chapitre 79 [70]) ou du carnaval (Lupercales), (chapitre 82 [73] « De la course hippique du carnaval, dite Lupercales »[N 5]).
Les chapitres suivants (chapitres 84-95), qui ont Ă©tĂ© insĂ©rĂ©s lĂ soit par Constantin Ă titre de notes, soit par quelque autre copiste sont tirĂ©s du manuel de Pierre le Patrice (VIe siĂšcle) et dĂ©crivent diverses cĂ©rĂ©monies comme la nomination de certains fonctionnaires (84, 85), lâinvestiture pour certains emplois (86), la rĂ©ception dâambassadeurs Ă©trangers et la proclamation dâun empereur dâOccident (87, 88), la rĂ©ception des ambassadeurs perses (89, 90), lâavĂšnement de certains empereurs (91-96), la nomination du prĂ©sident du SĂ©nat (proedros) (97).
Livre II
Lâagencement du livre II est beaucoup moins ordonnĂ© que celui du livre I et par moments donne lâimpression de simples notes destinĂ©es Ă servir de base pour la rĂ©daction dâun texte dĂ©finitif. Ici Ă©galement, on retrouve les trois catĂ©gories mentionnĂ©es plus haut, mais dans le dĂ©sordre :
- CĂ©rĂ©monies religieuses : chap. 6 â 9, 11 â 14, 38, fĂȘtes liturgiques et sacre des patriarches.
- CĂ©rĂ©monies civiles : chap. 1 â 5, 10, 15, 21 â 25, 33 â 34, 36 â 37. Promotions aux dignitĂ©s, naissance, baptĂȘme, tonsure des jeunes porphyrogĂ©nĂštes, ambassades.
- CĂ©rĂ©monies profanes : chap. 19, 20, 35, 43, 47. Jeux de lâHippodrome, danses, acclamations, triomphes[13].
Certains chapitres, comme le Kleterologion[N 6] (chap. 46) sont des textes existants insĂ©rĂ©s dans le livre sans justification apparente. Les chapitres 48 â 53 traitant des taxes et largesses impĂ©riales appartiendraient plutĂŽt Ă des traitĂ©s sur les finances impĂ©riales, alors que les chapitres consacrĂ©s aux expĂ©ditions de CrĂȘte trouveraient davantage leur place dans un manuel militaire (taktika). Enfin, le chap. 42 sur les tombes impĂ©riales est manifestement postĂ©rieur Ă Constantin VII[14].
Alors que le livre I Ă©tait normatif, prescrivant la façon dont devaient se dĂ©rouler diverses cĂ©rĂ©monies impĂ©riales, le livre II est plutĂŽt descriptif, expliquant simplement des cĂ©rĂ©monies particuliĂšres sâĂ©tant dĂ©roulĂ©es du temps dâempereurs prĂ©cĂ©dents.
Telle que prĂ©sentĂ©e dans le De Ceremoniis, la vie dâun empereur peut sembler nâĂȘtre quâune longue suite de cĂ©rĂ©monies occupant chaque jour de lâannĂ©e. Il ne faut pas oublier toutefois que Constantin VII a rĂ©uni dans ce livre diverses cĂ©rĂ©monies apparaissant Ă des Ă©poques diffĂ©rentes de lâhistoire et dont plusieurs Ă©taient dĂ©jĂ tombĂ©es en dĂ©suĂ©tude Ă son Ă©poque. De plus tous les empereurs nâaccorderont pas une telle importance Ă lâĂ©tiquette de cour[15].
Transmission
Date de rédaction
Bien que devenu officiellement empereur en 913, Constantin VII vivra jusquâen 944 dans lâombre de sa mĂšre dâabord, de son beau-pĂšre, Romain Ier LĂ©capĂšne (r. 920 â 944) ensuite. Câest probablement durant ces annĂ©es dâinactivitĂ© forcĂ©e quâil composa le livre I du De Ceremoniis. Le second livre fut Ă©crit pour lâĂ©ducation de son fils, le futur Romain II (r. 959 â 963) alors que Constantin VII Ă©tait devenu seul maitre de lâempire, probablement dans les annĂ©es 958 ou 959, puisquâil fait le rĂ©cit de la proclamation de Romain II comme coempereur en 945 alors que ce dernier est ĂągĂ© de sept ans (chapitre aujourdâhui manquant) et de la rĂ©ception donnĂ©e pour la princesse Olga de Kiev en 957[16].
Le texte original de Constantin VII subit par la suite des modifications et des additions comme les extraits verbatim de Pierre le Patrice (chap. 84 â 95) remontant au VIe siĂšcle; les acclamations en hommage Ă NicĂ©phore II Phokas (963 â 969) ainsi que les allusions dans le chapitre 97 Ă la nomination dâun proĂšdre qui semblent se rapporter au parakoimomĂšne Basile le BĂątard doivent ĂȘtre datĂ©s de 963 â 969[17]. Câest ce qui explique que le premier manuscrit qui nous soit parvenu, celui dit de Leipzig (Leipzig, Univ. Lib. 28) probablement produit sous le rĂšgne de NicĂ©phore II, se prĂ©sente comme un assemblage hĂ©tĂ©roclite oĂč, Ă cĂŽtĂ© de cĂ©rĂ©monies civiles et religieuses du Xe siĂšcle, on trouve des cĂ©rĂ©monies sâĂ©tant tenues Ă diffĂ©rents siĂšcles ainsi que des textes nâayant aucune relation avec le but avouĂ© de lâempereur[18].
Ăditions successives et traductions
- Leichius, Ioannes Henricus; Reiskius, Ioannes Iacobus, eds. Constantini Porphyrogenneti Imperatoris Constantinopolitani libri duo De Ceremoniis Aulae Byzantinae. 1. Lipsiae, Ioannis Friderici Gleditschii, 1751.
- Leichius, Ioannes Henricus; Reiskius, Ioannes Iacobus, eds. Constantini Porphyrogenneti Imperatoris Constantinopolitani libri duo De Ceremoniis Aulae Byzantinae. 2. Lipsiae, Ioannis Friderici Gleditschii, 1754.
- Reiske, Johann Jakob; Leich, Johannes Heinrich, eds. Constantini Porphyrogeniti Imperatoris De Ceremoniis Aulae Byzantinae libri duo graece et latini e recensione Io. Iac. Reiskii cum eiusdem commentariis integris. Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae. 1. Bonn, Weber, 1829.
- Reiske, Johann Jakob; Leich, Johannes Heinrich, eds. Constantini Porphyrogeniti Imperatoris De Ceremoniis Aulae Byzantinae libri duo graece et latini e recensione Io. Iac. Reiskii cum eiusdem commentariis integris. Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae. 2. Bonn, Weber, 1830.
- (fr) Constantin PorphyrogénÚte. Le livre des cérémonies. Textes français et grecs en parallÚle. Trad. Albert Vogt. Paris, Les Belles Lettres, 1967. Tome I (livre 1; chapitres 1-46). Tome II (livre 1; chapitres 47-92).
- (fr) Constantin PorphyrogénÚte. Le livre des cérémonies. Commentaires par Albert Vogt. Paris, Les Belles Lettes, 1967. Tome I (livre 1; chapitres 1-46). Tome II (livre 1; chapitres 47-92).
- (en) Konstantinos Porphyrogennetos. The book of ceremonies in 2 volumes. Byzantina Australiensia (Reiske ed.). Trad: Ann Moffatt. Canberra, Australian Association for Byzantine Studies, 2012. (ISBN 1876503424).
Importance historique
Le De Ceremoniis nous fournit dâabord de prĂ©cieuses informations sur la cour de Constantinople et lâadministration impĂ©riale : qui formait la classe nobiliaire de Constantinople (les titres) et la classe administrative (les fonctions)[19], de quels bureaux (nous dirions ministĂšres) Ă©tait composĂ©e cette administration[20], comment Ă©taient promus les hauts-fonctionnaires[21], et mĂȘme des vĂȘtements que portait lâempereur[22]. GrĂące aux grandes cĂ©rĂ©monies religieuses, civiles et profanes[23] nous pouvons mieux comprendre la vie publique que menaient ceux qui composaient cette cour[24].
Elle nous permet Ă©galement de mieux nous reprĂ©senter le cadre dans lequel sâexerçait le pouvoir impĂ©rial. Nous comprenons un peu mieux lâagencement du Grand Palais, de lâHippodrome, de Hagia Sophia[25], le Palais de DaphnĂ©e et lâOctogone[26] et des salles comme le Chrysotriklinos et le Phylax[27], oĂč se dĂ©roulaient les grandes cĂ©rĂ©monies.
Si la politique Ă©trangĂšre de lâEmpire byzantin est exposĂ©e plus en profondeur dans le De Administrando Imperio, le Livre des CĂ©rĂ©monies nous donne une bonne idĂ©e de la hiĂ©rarchie dans laquelle Constantinople classait les peuples avec lesquels elle Ă©tait en relations[28]. Au sommet de la hiĂ©rarchie, les Perses sassanides, les Arabes et, plus tard, le sultan dâĂgypte avec lesquels l'empereur traitait pratiquement sur un pied dâĂ©galitĂ©. Puis venaient le khagan des Khazars et divers rois occidentaux, y compris le roi des Francs. De cet ordre de prĂ©sĂ©ance dĂ©coulait la forme dans laquelle on sâadressait Ă leurs souverains. Les premiers, considĂ©rĂ©s comme des peuples indĂ©pendants recevaient une lettre (grammata), alors que ceux considĂ©rĂ©s comme des sujets recevaient des ordres (keleusis) (les souverains des PetchenĂšgues et des Magyars sont considĂ©rĂ©s comme indĂ©pendants et reçoivent le titre d' « archontes »; les dirigeants des Serbes, Croates et autres principautĂ©s slaves sont considĂ©rĂ©s comme des sujets[29]). Toutes Ă©taient scellĂ©es avec une bulle dâor dont la valeur correspondait au rang du souverain en question : l'« Ămir des croyants » recevait une « lettre » scellĂ©e dâune bulle de quatre solidi, alors que le « Pape de Rome » nâavait droit quâĂ une bulle dâun ou de deux solidi, les inconsistances du texte rĂ©vĂ©lant lâĂ©tat fluctuant des relations[30].
Enfin, sur le plan linguistique, Ă une Ă©poque oĂč on tentait avec plus ou moins de bonheur dâimiter la langue antique, le De Ceremoniis est Ă©crit dans « un style populaire et simple, comme nous avons conservĂ© les mots et les noms donnĂ©s dans le langage courant[31] ». Il en rĂ©sulte que plusieurs mots demeurent une Ă©nigme, spĂ©cialement ceux qui sont spĂ©cifiquement reliĂ©s au jargon des courses ou aux coiffures et vĂȘtements. Ils sont la preuve que malgrĂ© les efforts des lettrĂ©s, de nombreux mots Ă©trangers, frĂ©quemment Ă©crits suivant une orthographe purement phonĂ©tique, entraient dans une langue dont la syntaxe Ă©tait en voie de transformation, abandonnant les cas pour les noms et les modes pour les verbes[32].
Bibliographie
- (fr) BrĂ©hier, Louis. Les institutions de lâempire byzantin. Paris, Albin Michel, 1970 [1949].
- (en) Bury, John Bagnell. "The Ceremonial Book of Constantine Porphyrogennetos". (In) The English Historical Review. 22, 1907, S. 209â227, 426â448, doi:10.1093/ehr/xxii.lxxxvi.209 (Digitalisat).
- (en) Cameron, Avril. âThe construction of court ritual: the Byzantine Book of Ceremoniesâ (in) D. Cannadine & S. Price, eds, Rituals of Royalty. Power and Ceremonial in Traditional Societies, Cambridge, 1987, pp. 106-136.
- (en) Featherstone, Jeffrey Michael. "ÎÎčâ áŒÎœÎŽÎ”ÎčΟÎčÎœ : Display in Court Ceremonial (De Cerimoniis II,15)". (In) Anthony Cutler, Arietta Papaconstantinou (ed.): The Material and the Ideal. Essays in Mediaeval Art and Archaeology in Honour of Jean-Michel Spieser. Brill, Leiden 2008, (ISBN 978-90-04-16286-0), S. 75â112. (Digitalisat bei Google Books).
- (de) Featherstone, Jeffrey Michael. "Der GroĂe Palast von Konstantinopel: Tradition oder Erfindung?" (In) Byzantinische Zeitschrift. 106, 2013, S. 19â38, doi: 10.1515/bz-2013-0004.
- (en) Featherstone, Jeffrey Michael. "Preliminary Remarks on the Leipzig Manuscript of De Cerimoniis". (In) Byzantinische Zeitschrift. 95, 2002, S. 457â479 doi:10.1515/BYZS.2002.457.
- (en) Haldon, John F. Constantine Porphyrogenitus. Three treatises on imperial military expeditions. Introduction, edition, translation and commentary. Verlag der Ăsterreichischen Akademie der Wissenschaften, Wien 1990, (ISBN 3-7001-1778-7).
- (en) Obolensky, Dimitri. The Byzantine Commonwealth, Eastern Europe 500 â 1453. London, Phoenix Press, 1971. (ISBN 978-1-842-12019-4).
- (en) Olster, D. âFrom periphery to center: the transformation of Late Roman self-definition in the late seventh centuryâ (in) R. Mathisen & H. Sivan, eds. Shifting Frontiers in Late Antiquity. Aldershot, 1987, pp. 93-101.
- (en) Runciman, Steven. Byzantine Civilisation. Hodder & Stoughton, London 1933, (ISBN 978-0-7131-5316-3).
- (en) Treatise of Philotheos ed. Nicolas Oikonomides, Les listes de prĂ©sĂ©ance byzantines des IXe et Xe siĂšcles. Paris, Ăditions du Centre national de la recherche scientifique, 1972, pp. 85-87.
- (en) Tsirpanlis, C., âThe imperial coronation and theory in «De cerimoniis aulae Byzantinae» of Constantine VII Porphyrogennitusâ, Kleronomia 4 (1972), pp. 63-91.
- (en) Woodrow, Zoe Antonia. Imperial ideology in middle Byzantine court culture: the evidence of Constantine porphyrogenitusâs de ceremoniis. Dissertation. Durham University, 2001.
- (fr) Yannopoulos, P. âLe couronnement de l'empereur Ă Byzance: rituel et fond institutionnelâ, Byzantion 61 (1991), pp. 71-92.
Notes et références
Notes
- La traduction française est celle dâAlbert Vogt dans « Le livre des cĂ©rĂ©monies » (Voir bibliographie).
- Le mot « taxis » avait des sens multiples dans la langue quotidienne et administrative. Constantin lâemploie gĂ©nĂ©ralement pour dĂ©signer lâordre dans lequel doit se dĂ©rouler une cĂ©rĂ©monie, mais il peut aussi dĂ©signer la classe ou le rang des fonctionnaires et quelquefois lâensemble des fonctionnaires (la Cour), et mĂȘme dans certains cas le cortĂšge impĂ©rial
- Les premiers chiffres indiquent le numĂ©ro des paragraphes dans le Manuscrit de Leipzig, ceux entre crochets la numĂ©rotation de lâĂ©dition Reiske dans le Corpus Scriptorum historiae byzantinae (Ă©dition dite de Bonn)
- Cette partie est incomplĂšte puisquâil manque les chapitres 10-19.
- FĂȘtes annuelles apportĂ©es de la Rome antique fĂȘtes cĂ©lĂ©brĂ©es du 13 au 15 fĂ©vrier en lâhonneur de Faunus, dieu de la forĂȘt et des troupeaux; elles correspondraient un peu Ă nos carnavals.
- Liste des fonctions et des préséances de la cour de Byzance écrit par Philothée en 899 sous Léon VI et Alexandre.
Références
- Bréhier (1970) p. 13
- Stephanson (2012) para 5
- Ostrogorsky (1971) p. 2
- Voir à ce sujet, Bréhier (1970) pp. 49-56
- Bréhier (1970) pp. 65-70
- Bréhier (1970) pp. 71-75
- Kazhdan 1991, vol. 1, « Encyclopedism », p. 696
- Vogt, Commentaire, livre 1, p. 2
- « Et pour que notre Ă©crit soit clair et dâintelligence facile, nous avons employĂ© un style populaire et simple, comme nous avons conservĂ© les mots et les noms donnĂ©s dans le langage courant » (Livre des CĂ©rĂ©monies, PrĂ©face).
- Vogt, Commentaires, I, p. XXV
- Vogt, Livre des cérémonies, I, xxiii
- Vogt, Livre des Cérémonies, I, 2, pp. 28-334
- Vogt, Commentaires, 1, p. XXV
- Vogt, Commentaires, 1, p. XXVI
- Bréhier, « La civilisation byzantine », Paris, Albin Michel, 1970, pp. 57-60
- Vogt, Commentaires, 1, p. XXVII
- Kazdhan (1991), « Basil the Nothos », vol. 1, p. 270 et « De Ceremoniis », vol. 1, p. 595
- Vogt, Commentaires, I, p. XVIII
- Vogt, Commentaires, chap.1, pp. 10-12
- Vogt, Commentaires, pp. 12-14
- Vogt, Livre II, p. 37 : promotion dâun curopalate; p. 67 promotion dâun prĂ©posite, etc.
- Vogt, Livre 1, « Il faut savoir comment les souverains sâhabillent aux fĂȘtes et aux cortĂšges », pp. 175 â 180
- Exemples : Vogt, Livre des CĂ©rĂ©monies, I, p. 66, « Ce quâil faut observer le lundi de PĂąques »; Livre des CĂ©rĂ©monies, II, p. 75, « Ce quâil faut observer Ă une promotion de dĂ©marque », Livre II, p. 143, « Au mois de mai, le 11, la course hippique en lâhonneur de cette Ville impĂ©riale ».
- Vogt, Commentaires, 1, pp. XIX,
- Voir chacune de ces différentes composantes dans Vogt, Commentaires 1 et 2
- Vogt, Commentaires 1, chap. 1, p. 26
- Vogt, Commentaires 1, chap.1, pp. 8 et 31
- Livre des Cérémonies, II, chap. 46 - 48
- Stephenson, 2012, para 7
- Stephenson (2012) para 6
- Livre des Cérémonies, I, préface
- Vogt, Commentaires, I, pp. XXIX-XXX
Voir aussi
Liens internes
Liens externes
- Stephenson, Paul. Constantine VII Porphyrogenitus. De Cerimoniis aulae byzantinae. 1998, revu 2012 [en ligne] http://www.paulstephenson.info/trans/decer.html.