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Déesse trônant de Tarente

La statue de la déesse de Tarente (originellement appelée Throning godess from Tarento) est une statue grecque de 151 cm de haut, produite entre 480 et 460 av. J.-C., au cours des premiers temps de la sculpture grecque classique[1].

Déesse trônant de Tarente
La déesse de Tarente vue de face
La déesse de Tarente vue de face
Type Statue
Dimensions 151 cm
Inventaire Sk 1761
Matériau Marbre
Fonction Statue ritualiste
Période -480 av. J.-C.
Culture Grecque
Date de découverte 1911
Lieu de découverte Région de Tarente
Coordonnées 40° 28′ 00″ nord, 17° 14′ 00″ est
Conservation Musée de Pergame
Géolocalisation sur la carte : Italie
(Voir situation sur carte : Italie)
localisation

Caractéristiques générales

Fiche technique

Réalisée en marbre, elle mesure 151 cm de haut et représente une déesse grecque (Perséphone, Hera ou encore Athéna[2]).

La statue est officiellement découverte en 1911 lors de travaux de fouilles dans la région de Tarente dans le sud de l’Italie dans une fosse de quatre mètres de profondeur. Cependant, selon certains chercheurs, parmi lesquels le professeur Vincenzo Casagrandi, les écrivains Gaudio Incorpora, Adriano Scarmozzino[3] et Pino Macrì[4] et l'archéologue Paolo Orsi[5], la statue aurait été trouvée, pour la première fois, au début du 1900 par un agriculteur dans un vignoble du territoire de Locri, en Calabre, où se trouvait l'ancienne ville de Locri Epizefiri[6]. Plus tard, la sculpture fut secrètement transportée à Tarente.

Le culte de Perséphone est en effet largement attesté dans la zone de Reggio de Calabre, où ont été découverts de nombreux pinakes[7], datant d'une période comprise entre 490 av. J.-C. et 450 av. J.-C., qui représentant des scènes relatives au mythe de Perséphone[8] - [9] - [7], et qui sont maintenant conservés au Musée national de la Grande-Grèce, à Reggio de Calabre[10].

En 1914, à Tarente, un archéologue allemand, Theodor Wiegand, l’achète auprès d’un marchand d’art du nom de Jacob Hirsch pour les musées de Berlin. Elle est ainsi conservée depuis 2011 au musée de Pergame (au numéro d'inventaire Sk 1761) de la collection d'antiquités de Berlin[11].

Le peuple des Méssapiens

L'artiste exact n'est pas connu mais son ou ses sculpteurs faisaient partie du peuple messape, indigènes de la péninsule de Salento et du flanc méridional du massif des Murge. Leur territoire est en résumé l'arrière-pays de la colonie grecque de Tarente dont la capitale était "Bréntion", aujourd'hui Brindes.

Schéma du peuplement de la péninsule italienne au début de l'âge du fer. La partie orange représente le territoire des Messapiens.

Le peuple messape était un peuple italien au sens géographique du terme avec sa propre langue, sa propre culture et ses propres dieux. La majorité de leurs ressources provenaient du commerce et de l'agriculture[12].

L'influence grecque

La colonisation grecque en Italie du sud

Si le ou les auteurs de la statue sont italiens au sens géographique du terme, sa confection se place dans un contexte bien précis d'hellénisation de l'Italie du Sud, aussi appelée la "Grande-Grèce" (Megalè Hellas en grec ancien). Lors de la période archaïque, à partir du deuxième quart du VIIIe siècle av. J.-C., les peuples grecs ont en effet colonisé une partie de l'Italie du Sud lors de leur importante expansion en Méditerranée et sur les côtes de la mer Noire[13]. Ces villes de colons grecques appelées cités italiotes étaient soit des "emporion" (comptoir commercial), soit des "apoikia" (établissement colonial) selon le rapport aux indigènes présents sur place[14].

Si on trouve des traces antérieures de présence mycénienne sur le site, la colonie grecque de Tarente a elle été fondée à proprement parler en 706 av J.-C. par un groupe de soldats exilés de basse extraction en provenance de Sparte. Si ces soldats sont de grands guerriers installés à un point stratégique du commerce méditerranéen, le peuple messapien s'oppose dès leur arrivée à toute forme d'expansion terrestre[15].

Rapport de force entre Méssapiens et Tarentais

Les relations entre les deux entités politiques sont ainsi particulièrement tendues. Les guerres sont fréquentes mais les Tarentais avec leur cavalerie légère particulièrement réputée finissent par prendre le dessus. Au tout début du Ve siècle, les Tarentais écrasent les armées messapiennes. Ils massacrent, pillent et brûlent l'ensemble de la région, le peuple messape s'inclinant devant la culture grecque ainsi que le reste de l'Italie du Sud après cette démonstration de force[16].

Hellénisation du peuple Messape

Après ces événements, les Messapiens construisent des murailles, s'organisent à l'identique des Grecs en ligues défensives et s'inspirent en tout point de la culture grecque. Quelques années plus tard seulement, les cités messapiennes inversent le rapport de force et lancent le premier mouvement dit de "décolonisation" dont on a des traces. En 473 avant Jésus-Christ, la cavalerie messapienne, réutilisant les techniques de guerre grecques, écrase l'armée tarentaise et pille la ville[17].

Si l'événement est une catastrophe pour les Grecs d'Italie, il marque pour les Messapiens le début d'un âge d'or d'une soixantaine d'années. Cet âge d'or marque également le développement plus intensif de l'hellénisation du peuple messape avec notamment l'arrivée massive d'artistes de la métropole grecque (Athènes est occupée en -480 avant J-C par les Perses, les ateliers d'art s'exilent). C'est ainsi après l'hellénisation des Messapiens par les Tarentais, qui désormais entrent dans un âge d'or économique, politique et culturel que la déesse de Tarente est sculptée[18].

Les sculptures de culte dans la religion grecque

Description de la statue

La sculpture possédant un fort rôle religieux, la déesse est assise solennellement sur un trône orné de coussins et d’un dossier témoignant d'un rôle religieux important. Il y a trois vêtements distincts qui recouvrent le corps : un long chiton qui descend jusqu'aux pieds, un manteau oblique maintenu par six bretelles sur le bras droit, et un beau châle recouvrant le dos et des parties des bras. Le trône et la statue étaient calculés au niveau de la composition pour qu'elle soit vue de face. Ce n’était pas un simple objet de décoration que l’on pouvait observer à 360 degrés mais bien un objet de culte.

Détails de la déesse

Il y a également un diadème dans les cheveux avec des trous et des fentes pour un ornement en métal qui n'a pas été retrouvé. Aux lobes des oreilles, la déesse portait un cintre, lui aussi en métal et également perdu. Ces éléments témoignent d'une déesse importante, puissante, dont le culte était l'objet d'une attention toute particulière[19].

La représentation anthropomorphique de la déesse

La statue a une forme humaine dans l'apparence mais également dans les dimensions. Cette façon de représenter les dieux n’était pas la seule façon de faire et témoigne d’une relation particulière avec la déesse[20]. Une statue représentant une divinité sous des traits humains ne veut pas dire que les Grecs pensaient qu’elle avait cette forme. Par exemple, la représentation d’un dieu pouvait être un xoanon, une statue presque informe. À l’époque classique pouvait ainsi avoir lieu des rituels avec des poteaux et des pierres avec une symbolique très forte[21].

L'expression du divin

L’expression du divin n’essaye pas forcément d’imiter ou de ressembler à une image divine inscrite dans l’imaginaire collectif contrairement à l'art chrétien par exemple, les représentations de personnages comme la Vierge Marie répondant à des caractéristiques physiques normalisées. C'est de ce fait dont vient la difficulté, pour les historiens, à reconnaitre la divinité représentée s'il n'y a pas un signe distinctif, comme la foudre pour Zeus.

Cette idée de la représentation du divin vient de l'idée qu'une statue n'est qu'un intermédiaire avec les divinités concernées. Les Grecs ne représentent ainsi une divinité de façon anthropomorphique que pour flatter cette divinité. On donne en effet à cette image divine les attributs positifs du corps humain (beauté, jeunesse…), cette idée se retrouvant dans les nombreux autres noms donnés aux dieux (Perséphone, littéralement "celle qui apporte la destruction" aussi nommé Mélitôdês, signifiant "semblable au miel")[22].

Notes et références

  1. Bernard Holtzmann, La sculpture grecque : Une introduction, Paris, Librairie Générale Française, coll. « Le Livre de Poche », , 446 p., 18 cm (ISBN 978-2-253-90599-8, SUDOC 147449987), p. 192
  2. GRIMAL Pierre, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Presse universitaire française,
  3. (it) Adriano Scarmozzino, Il mistero rivelato - Nosside di Locri, la sublime poetessa dell’Odissea Italica : Libro primo, Youcanprint, (ISBN 978-88-316-0648-6, lire en ligne)
  4. (it) Giuseppe Fausto Macrì, Sulle tracce di Persefone, due volte rapita, Laruffa editore, (ISBN 978-88-7221-801-3, lire en ligne)
  5. « Reperti archeologici di Locri Epizefiri: La Persefone », sur www.locriantica.it (consulté le )
  6. (en-US) « The Enigmatic Persephone », sur Calabria: The Other Italy, (consulté le )
  7. « Reperti archeologici di Locri Epizefiri: I Pinakes », sur www.locriantica.it (consulté le )
  8. « Cultura Italia: Collezione museo archeologico nazionale di Reggio Calabria », sur www.culturaitalia.it (consulté le )
  9. (it) « Pinakes Locresi », sur Calabriatours.org (consulté le )
  10. (en) « Category:Pinakes from Locri (in Reggio Calabria) - Wikimedia Commons », sur commons.wikimedia.org (consulté le )
  11. [http://<https://www.smb.museum/home.html « Site du Pergamon Museum »] (consulté le )
  12. Jean-Luc Lamboley, « Territoire et société chez les Messapiens », Revue belge de Philologie et d’Histoire, , p.51-72
  13. ESPOSITO Arianna, « Diasporas grecques autour de la Méditerranée: Les diasporas grecques: mobilités, contacts et colonisations dans l’Antiquité », Histoire antique & médiévale, mars 2013 hors-série n° 34
  14. POLLINI Airton, « Diasporas grecques autour de la Méditerranée: Grande Grêce: trois aspects remarquables des cités italiotes », Histoire Antique & Médiévale, hors-série n° 34,
  15. SIMON Mathilde, Le rivage grec de l’Italie Romaine, Rome, Ecole française de Rome,
  16. LAMBOLEY Jean-Luc, « A propos de Strabon VI », Mélanges de l’école française de Rome, , p.91
  17. Claude Mosse, La grèce archaïque d’Homère à Eschyle, Paris, Editions du Seuil,
  18. Nicolas Richer, Le Monde grec, Paris, Bréal,
  19. Kostas PAPAIOANNOU et Jean BOUSQUET, L’Art grec, nouvelle édition revue et augmentée par Jean DUCAT et Gilles TOUCHAIS, Paris, Éditions Citadelles et Mazenod,
  20. Erwin Rohde, Psyché : Le culte de l’âme chez les grecs et leur croyance à l’immortalité, Paris, Les Belles Lettres,
  21. Neritan Ceka, « Disa ngjashmëri Ilire-Daune në fushën e artit protohistorik / Quelques concordances Illyro-Daunes dans le domaine de l'art protohistorique », Iliria, vol. 16 n°2, 1986, p.281-284
  22. Louise BRUIT ZAIDMAN et Pauline SCHMITT PANTEL, La religion grecque dans les cités à l’époque classique, Paris,
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