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Construction de la Grande Arche

La construction de la Grande Arche, monument situĂ© dans le quartier d'affaires de la DĂ©fense Ă  l'ouest de Paris, en 1989 fut « le plus formidable challenge jamais rencontrĂ© pour la rĂ©alisation d'un ouvrage de bâtiment ». Les principales difficultĂ©s ont Ă©tĂ© relatives aux Ă©tudes de la structure, au choix des mĂ©thodes de construction et au parcours des hommes de travaux[a 1]. Le chantier a durĂ© quatre ans et 2 000 ouvriers y ont travaillĂ©[1].

L'Arche en construction le 21 janvier 1988.

Le maître d’œuvre, qui avait réussi une prouesse architecturale, voulait réaliser une prouesse de qualité et de précision[c 1]. « La Grande Arche est à la fois un véritable bâtiment abritant des bureaux, des salles d'exposition ... mais aussi un véritable monument dont les fondations, les structures et les portées soulèvent des difficultés techniques dignes d'un très gros ouvrage de travaux publics »[2].

Ces travaux ont été supervisés par l'architecte Paul Andreu qui succéda à l'architecte Johann Otto von Spreckelsen[3].

Une fois terminĂ©e, la Grande Arche a la forme d'un cube ouvert de largeur 106,90 mètres, de hauteur 110,90 mètres, de longueur 112,0 mètres[4] et contient 37 niveaux en hauteur[5].

Les Ă©tudes de la structure

Maquette du site en 1988.

Les principaux points étudiés ont été les fondations, les dispositifs d'appui, les calculs (ensemble de la structure, nœuds, ferraillage)[a 1].

Ces Ă©tudes ont abouti Ă  la rĂ©alisation des 3 500 plans de structure nĂ©cessaires Ă  la rĂ©alisation du bâtiment[a 2].

Les fondations

Les 300 000 tonnes du bâtiment reposent sur 12 points porteurs qui sont des piles en bĂ©ton[5]. Chaque pile supporte donc un poids de l'ordre de quatre fois le poids de la tour Eiffel[a 1].

Le socle de ces piles est situĂ© 30 mètres en dessous du niveau du rez-de-chaussĂ©e, au-dessus d'une couche de calcaire Ă©paisse de 14 mètres, elle-mĂŞme se trouvant au-dessus d'une couche de terrain marneux de 41 mètres. C'est la première fois que l'on construisait Ă  la DĂ©fense un bâtiment concentrant de telles charges. Pour conforter les rĂ©sultats des calculs de tassements, des relevĂ©s de ces tassements ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s rĂ©gulièrement pendant toute la durĂ©e de la construction. Ces rĂ©sultats se sont toujours rĂ©vĂ©lĂ©s infĂ©rieurs aux estimations calculĂ©es[a 1].

Les dispositifs d'appui

Les piles sont surmontées de chapiteaux qui servent de soubassement à la structure du bâtiment[6]. Afin d'absorber les variations dimensionnelles dues au retrait, au fluage et aux dilatations, ainsi qu'aux vibrations des trafics routier et ferré[5], des plaques de néoprène fretté, au nombre de 48, ont été placées entre le haut des chapiteaux et la structure du bâtiment. Des dispositifs ont par ailleurs été mis en œuvre afin de pouvoir changer ces plaques de néoprène durant la vie du bâtiment. Afin de valider la solution technique retenue, une maquette a été réalisée, en tous points identique à la solution finale[a 2]. De la même façon qu'une légende évoque la présence de vérins aux pieds de la tour Eiffel, une information erronée[7] a été répandue sur la présence de vérins pour soutenir ce bâtiment.

Les calculs

C'est la première fois que la construction d'un bâtiment a amenĂ© la rĂ©alisation d'autant de calculs. Compte tenu de la coexistence de parties en bĂ©ton armĂ©, de parties en bĂ©ton prĂ©contraint, de la nĂ©cessitĂ© de prĂ©voir un dĂ©coupage des phases d'exĂ©cution en trois dimensions, et de tous les calculs nĂ©cessaires Ă  l'Ă©valuation des tassements, une modĂ©lisation très fine du bâtiment a dĂ» ĂŞtre rĂ©alisĂ©e. Ce modèle reposait sur un ensemble de 11 000 barres et de 6 500 nĹ“uds[a 2].

Ces calculs ont montrĂ© la nĂ©cessitĂ© de mettre en place un dispositif de façon Ă  maintenir Ă  la verticale les deux « pattes »[Note 1] du bâtiment tant que le plateau supĂ©rieur n'Ă©tait pas en place, puisque c'est ce plateau qui assure le maintien du bâtiment, et notamment l'encastrement de la structure dans les chapiteaux sur les piles. Pour cela, quatre butons Ă©quipĂ©s de vĂ©rins hydrauliques de 2 000 tonnes chacun ont Ă©tĂ© mis en place au niveau 14, jusqu'Ă  la fin du chantier[a 2] - [8]. Afin de permettre l'avancement de la construction le premier buton a Ă©tĂ© mis en place au niveau 7, puis hissĂ© au niveau 14.

L'inextricable enchevĂŞtrement d'acier Ă  la jonction des mĂ©ga-structures horizontales et des mĂ©ga-structures verticales a amenĂ© de grandes innovations Ă  la fois dans les mĂ©thodes de calcul et dans les solutions retenues, notamment pour assurer la continuitĂ© des nombreuses gaines permettant la circulation verticale des fluides. On peut citer Ă©galement les armatures passives d'une densitĂ© de 350 kg/m3 de bĂ©ton alors que gĂ©nĂ©ralement on compte 120 kg/m3 au maximum[a 2].

Les méthodes de construction

La Grande Arche en chantier vu depuis l'axe historique parisien en 1988.

La difficultĂ© Ă©tait de concevoir les moyens de production et de mise en Ĺ“uvre de 150 000 m3 de bĂ©ton correspondant Ă  220 000 m2 de plancher. De nombreuses innovations ont Ă©tĂ© mises en Ĺ“uvre pour mener Ă  bien ce très dĂ©licat chantier, en particulier l'organisation d'un cycle de construction sur quatre jours d'une part, celle de la rĂ©alisation du plateau supĂ©rieur d'autre part.

Le cycle de construction sur quatre jours

La seule partie rĂ©pĂ©titive de la construction rĂ©sidait dans les pattes qui reprĂ©sentaient 50 % des planchers Ă  construire. De façon Ă  tenir les contraintes de dĂ©lai, il est apparu qu'il fallait construire en quatre jours simultanĂ©ment les deux Ă©tages de mĂŞme niveau de chaque patte. Autant l'organisation Ă  mettre en place est habituelle dans un bâtiment classique, autant ici la complexitĂ© Ă©tait grande : mĂ©ga-structure porteuse tous les 21 mètres, constituĂ© par des voiles de 1,7 mètre d'Ă©paisseur enfermant les gaines techniques ; voiles pignons, eux-mĂŞmes adossĂ©s Ă  d'autres gaines techniques : façades en dentelle de bĂ©ton, Ă  rĂ©aliser avec très grande prĂ©cision pour permettre l'encastrement futur des panneaux en verre[b 1].

Onze grues à tour ont été installées sur le chantier : huit pour la construction des infrastructures, quatre pour la construction du socle de l'Arche, quatre pour la construction des deux pattes, deux pour la construction du plateau supérieur. La hauteur des coffrages des différentes méga-poutres du socle et du toit était de neuf mètres[4].

Compte tenu de l'exigĂĽitĂ© des lieux, une organisation prĂ©cise de l'installation puis de l'utilisation des grues a Ă©tĂ© mise en place. Enfin, pour Ă©viter une saturation des grues, tout le bĂ©ton a Ă©tĂ© coulĂ© Ă  la pompe. L'organisation devait faire face aux imprĂ©vus et il Ă©tait inenvisageable de se dĂ©caler d'une demi-heure, au risque de mettre en pĂ©ril une journĂ©e entière. Une attention particulière a Ă©tĂ© portĂ©e Ă  la disponibilitĂ© quotidienne des coffrages-outils, la gestion de l'emplacement de ces Ă©quipements Ă©tant particulièrement dĂ©licate compte tenu de la surface au sol de 15 000 m2 qu'ils occupaient[b 1].

Le plateau supérieur

La construction du plateau supĂ©rieur relevait de l'exploit : il s'agissait de mettre en Ĺ“uvre plus de 30 000 tonnes de bĂ©ton Ă  100 mètres de hauteur, au-dessus du vide[b 1].

Le plateau supĂ©rieur repose sur quatre mĂ©ga-poutres prĂ©contraintes de 110 mètres de long, 70 mètres de portĂ©e libre et 9,5 mètres de haut, coulĂ©es en place au sommet de l’ouvrage grâce Ă  un cintre mĂ©tallique[5] - [9]. Chacune de ces poutres pesait 2 500 tonnes. Pour cette rĂ©alisation, un portique roulant de très grandes dimensions : 90 mètres de haut, 70 mètres de large et dont chaque montant vertical pouvait supporter une charge de 1 000 tonnes a Ă©tĂ© mis en place. Cet imposant outil de service Ă©tait surmontĂ© de rails sur lesquels circulaient les coffrages de 10 mètres de long Ă  ouverture hydraulique qui ont permis de rĂ©aliser les poutres en sept tronçons. Chacun de ces tronçons Ă©tait constituĂ© de plus de 100 mètres cubes de bĂ©ton ce qui amenait des pressions très importantes sur les coffrets. Une fois la mĂ©ga-structure rĂ©alisĂ©e, elle est mise en prĂ©contrainte, le portique est descendu de quelques dizaines de centimètres grâce Ă  l'utilisation de vĂ©rins hydrauliques de 1 000 tonnes, puis l'ensemble est dĂ©placĂ© de 21 mètres pour permettre la rĂ©alisation de la poutre suivante. Des poutres secondaires de la mĂŞme hauteur relient les poutres principales et se terminent par des consoles portant les tympans en marbre de l'ouvrage. La mise en place de ces consoles en porte Ă  faux de 25 mètres a Ă©galement Ă©tĂ© extrĂŞmement complexe[b 1] - [10].

Le parcours des hommes de travaux

Les difficultés majeures de l'exécution des travaux ont été dues à l'exigüité du site, à la quantité de travaux très complexes à gérer, aux contraintes de rapidité d'exécution et à la précision requise.

L'exigüité des lieux

La difficulté principale était liée au fait que l'on a construit le plus grand bâtiment de la Défense sur un site déjà très encombré en surface par des bâtiments terminés et occupés, des voies importantes de circulation comme le boulevard circulaire, mais aussi en sous-sol par les lignes du métro parisien, du RER A, des voies d'autoroutes et même une voie SNCF.

Compte tenu de ces contraintes, l'implantation des engins de levage, des zones d'appuis provisoires, des zones de circulation des engins (camions, semi-remorques...) et du personnel ont dû être organisées dans le détail. La disponibilité d'une portion d'autoroute non encore en service a été ainsi utilisée pour une partie des installations du chantier, mais elle se trouvait à plusieurs centaines de mètres du chantier[c 1].

La quantité de travail complexe

Chaque chantier à la Défense amène son lot de travaux complexes, mais en général cette complexité ne concerne qu'une partie de la construction. Ici, les difficultés liées aux innovations ont été très nombreuses : fondations, infrastructure, étages, plateau supérieur. Les quantités de béton et d'acier étaient quotidiennement énormes. C'était par ailleurs la première fois que dans un bâtiment, on réalisait 60 % du volume total en hyperbéton, un matériau dont la résistance est deux fois supérieure au béton ordinaire mais qui nécessite une très grande attention dans la fabrication et la mise en œuvre[c 1].

La rapidité d'exécution

Le détail des opérations d'exécution et la durée de chacune d'elles avait été spécifiées au départ de la construction. Les contraintes les plus délicates à respecter ont été d'une part celles relatives à la construction des méga-structures, mais surtout d'autre part relatives au cycle de quatre jours des étages. Ce cycle était constitué d'une multitude de tâches interdépendantes, parfaitement planifiées, mais soumises à un grand nombre d'aléas, notamment dus au vent qui ralentit les manœuvres d'ajustement précis des coffrages. Le travail était organisé de la façon suivante : une première équipe de 6 heures à 14 heures, puis une seconde prenait le relais de 14 heures à 22 heures. La période suivante de huit heures était mise à profit pour la prise du béton, ce qui permettait le décoffrage à 6 heures le lendemain[c 1].

La précision requise

Les calculs faits pour dimensionner les pièces avaient amenĂ© d'importantes contraintes sur leur rĂ©alisation. La difficultĂ© est nĂ©e ensuite de la conciliation des contraintes de rapiditĂ© d'exĂ©cution tout en conservant la prĂ©cision requise. Parmi ces nombreuses contraintes, il faut prendre en compte celles dues Ă  la prĂ©contrainte de 12 000 tonnes du bĂ©ton, qui - par exemple - entraĂ®ne un raccourcissement de cm sur une poutre de 110 mètres[c 1].

Cette précision était également requise pour la pose des 2,5 ha de verre anti-reflets et des 3,5 ha de marbre de Carrare, le même que celui utilisé par Michel-Ange. Les faces extérieures du bâtiment sont en effet recouverte de plaques de verre de cm d'épaisseur, traitées spécialement pour empêcher toute déformation optique et résister à des vents de forte puissance.

Annexes

Bibliographie

  • « OpĂ©ration «tĂŞte dĂ©fense». La construction de la grande arche », Chantiers de France, no 190,‎ , p. 1-10 (ISSN 0397-4650)
  • LĂ©o Baschiera, « La tĂŞte dĂ©fense : le choix des mĂ©thodes de construction », InstantanĂ©s techniques, no 13,‎ , p. 10 (ISSN 0994-0758) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Christian Daguinot, « La tĂŞte dĂ©fense : les Ă©tudes de la structure », InstantanĂ©s techniques, no 13,‎ , p. 8-9 (ISSN 0994-0758) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Henri Rochefort, « La tĂŞte dĂ©fense : le parcours des hommes de travaux », InstantanĂ©s techniques, no 13,‎ , p. 11-12 (ISSN 0994-0758) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Laurence CossĂ©, La Grande Arche, Ă©ditions Gallimard, coll. « Blanche », 2016, (ISBN 978-2-07-014204-0).

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Dans le jargon du chantier, les « pattes » désignaient les deux bâtiments latéraux.

Références

  • Christian Daguinot, op. cit.
  1. p. 8.
  2. p. 9.
  • LĂ©o Baschiera, op. cit.
  1. p. 10.
  • Henri Rochefort, op. cit.
  1. p. 11.
  • Autres rĂ©fĂ©rences
  1. Les arts du visuel, académie de Lille, no 73, [lire en ligne].
  2. Jean Bard, Directeur GĂ©nĂ©ral de Bouygues Bâtiment, La tĂŞte DĂ©fense : 100 ans après la tour Eiffel. in revue InstantanĂ©s techniques, no 13, novembre 1989.
  3. Paul Andreu, « Le jour où j'ai pris la succession de Spreckelsen pour réaliser l'Arche de la Défense », sur civismemoria.fr, (consulté le ).
  4. « Grande arche de la Défense », sur fr.structurae.de, (consulté le ).
  5. « Grands ouvrages de France - Arche de la Défense », sur le site du laboratoire central des Ponts et Chaussées, (consulté le ).
  6. « La Grande Arche de la Défense », sur le site du bureau d'études Coyne et Bellier (consulté le ).
  7. « Construction de l'Arche de la Défense » (consulté le ).
  8. « Photo des quatre butons », sur le site GreatBuildings (consulté le ).
  9. « Le cintre Bouygues », sur le site des anciens de Potain à Charlieu (consulté le ).
  10. « Photo prise pendant les travaux », sur civismemoria.fr (consulté le ).
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