AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Concours isthmiques

Les concours isthmiques (on rencontre parfois les formes jeux isthmiques, jeux isthmiens, concours isthmiens) font partie des quatre grands concours panhelléniques de la GrÚce antique, qui comprennent les concours olympiques, les concours pythiques et les concours néméens.

Ces concours isthmiques sont, Ă  l'origine, des concours sportifs pentĂ©tĂ©riques entre les citoyens grecs antiques, organisĂ©s sur l'isthme de Corinthe, dont ils tiennent leur nom. Ils passent ensuite Ă  une cĂ©lĂ©bration tous les deux ans, aux printemps de la deuxiĂšme et de la quatriĂšme annĂ©e de chaque olympiade[1]. Le terme de jeux, souvent utilisĂ©, est anachronique, puisque celui de concours vient du grec ancien, agĂŽn, renvoyant Ă  une action durant laquelle les participants sont en compĂ©tition, notamment lors de concours sportifs. Comme l’ensemble des concours panhellĂ©niques, les concours isthmiques ont un caractĂšre religieux important, puisqu’ils sont cĂ©lĂ©brĂ©s en l’honneur de PosĂ©idon, dieu de la mer et des chevaux. Le sanctuaire panhellĂ©nique de PosĂ©idon Ă  Corinthe a d’ailleurs Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© dans les annĂ©es 690 av. J.-C. et les concours isthmiques ont dĂ©butĂ© aux alentours de 582 av. J.-C[2].

Mythe

D'aprÚs la mythologie grecque, il existe plusieurs versions de la création des concours isthmiques. La premiÚre attribue l'origine des concours à un conflit entre Poséidon et Hélios pour la possession de Corinthe. Ils furent départagés par Briarée, qui donna l'Isthme à Poséidon et l'Acrocorinthe à Hélios, et c'est pour commémorer cet accord que les concours auraient été institués[3].

Une autre légende attribue la réputation de ces concours à leur institution par Sisyphe, légendaire fondateur et roi de Corinthe[4]. Les concours isthmiques auraient alors été créés pour honorer son parent, Mélicerte[5] - [6], par une commémoration funéraire. Poursuivi par son pÚre devenu fou, il se jeta à la mer et devint un dieu marin sous le nom de Palémon[7]. Sisyphe, retrouvant son corps, l'aurait ainsi enterré sur l'Isthme de Corinthe.

Un mythe plus tardif attribue leur fondation à Thésée, roi d'AthÚnes, qui les a créés en souvenir du voyage qu'il effectua de TrézÚne à AthÚnes, faisant passer les rites funéraires en l'honneur de Mélicerte à un évÚnement athlétique en l'honneur de Poséidon, les ouvrant à la participation de tous les citoyens grecs. Leur popularité rivalise avec celle des concours olympiques. D'aprÚs cette légende, Thésée s'allie avec les Corinthiens pour permettre un accÚs privilégié aux premiers rangs (proédrie) aux Athéniens[8].

Bien qu'une autre version de ce mythe attribue leur forme à Cypsélos, leur existence historique est attestée à partir des années 582 av. J.-C.[9] par Caius Julius Solinus.

Histoire

L'existence des concours isthmiques est attestĂ©e Ă  partir des annĂ©es 582 av. J.-C. Ils doivent leur nom Ă  l'isthme de Corinthe oĂč ils Ă©taient cĂ©lĂ©brĂ©s. Ils sont, dans un premier temps, rĂ©servĂ©s aux citoyens grecs, avant de s'ouvrir aux romains, en 228 av. J.-C. Ils eurent tant d'Ă©clat qu'ils survĂ©curent Ă  la ruine de Corinthe elle-mĂȘme en 146 av. J.-C. On y disputait successivement les prix de la lutte, de la course, du saut, du disque et du javelot et de pentathlon antique. D'aprĂšs Plutarque, il y avait des concours de musique et de poĂ©sie : on dĂ©cernait aux vainqueurs des guirlandes de pin[10] - [11].

La présidence était dévolue aux Corinthiens, sauf de 392 av. J.-C. à 387/386 av. J.-C. avec la paix d'Antalcidas, Corinthe étant alors soumise par les Argiens qui jouÚrent le rÎle d'AgonothÚtes (magistrat élu chargé d'organiser plusieurs concours).

C'est lors de ces concours que Flamininus, général et consul romain, proclama l'indépendance des Grecs en 196 av. J.-C., libérés de Philippe V de Macédoine[12], à la suite de la seconde guerre de Macédoine. Ces faits sont rapportés par Polybe, dans ses Histoires, écrites entre 167 et 146.

AprÚs la destruction de Corinthe par Mummius en 146 av. J.-C., ce furent les Sicyoniens qui récupérÚrent la présidence de ces concours avant que les Corinthiens ne la reprennent[13].

En 393, l'empereur romain ThĂ©odose Ier, sous l'influence d'Ambroise, Ă©vĂȘque de Milan, ordonne l'abandon des rites et des lieux de culte paĂŻens dont les concours isthmiques faisaient partie, mais l'archĂ©ologie rĂ©vĂšle que le site est restĂ© habitĂ© et prospĂšre aux IIIe et IVe siĂšcles jusqu'au rĂšgne de ThĂ©odose II († 450)[14].

Lieu

Les concours isthmiques avaient lieu sur les cĂŽtes du dĂ©troit de l'Isthme qui sĂ©pare la mer d'Ionie de la mer ÉgĂ©e, entre les villes de LĂ©chĂ©e et CenchrĂ©es, un bout de terre reliant le PĂ©loponnĂšse Ă  la GrĂšce continentale. L’isthme de Corinthe Ă©tait prĂšs d’un temple de PosĂ©idon et d’un bois de pins consacrĂ© Ă  celui-ci. En allant au temple de PosĂ©idon, il Ă©tait Ă©galement possible d’observer les statues des athlĂštes qui avaient remportĂ© des prix aux concours isthmiques.

Organisation

À chaque concours panhellĂ©nique, une trĂȘve sacrĂ©e (ÉcĂ©chiria, du grec ancien ጘÎșΔχΔÎčÏÎŻÎ± / Ekekheiria) Ă©tait proclamĂ©e. Des messagers (spondophores) voyageaient de citĂ© en citĂ© pour annoncer la date des compĂ©titions. Ils exigeaient l’arrĂȘt des combats, avant, pendant et aprĂšs les concours pour permettre aux spectateurs et aux participants de se rendre sans danger sur les sites.

Les concours panhellĂ©niques ayant lieu tous les quatre ans (c’est-Ă -dire toutes les quatre Olympiades), les concours isthmiques avaient lieu tous les deux ans, selon Pline (2e et 4e annĂ©e de chaque Olympiade), ou tous les trois ans selon Pindare. Selon lui, ils Ă©taient organisĂ©s au printemps de la seconde annĂ©e suivant les concours olympiques[15].

Cela dit, Pindare, dans ses alexandrins, ne prĂ©sente les dates souvent que comme des approximations. Pour nuancer, d’aprĂšs Pline & Solin (moins probables que les dires de Pindare) les concours Isthmiques avaient lieu tous les cinq ans, au bout de quatre annĂ©es rĂ©volues et au commencement de la cinquiĂšme annĂ©e[16].

Les concours isthmiques incluaient des compĂ©titions athlĂ©tiques et musicales en l'honneur du dieu PosĂ©idon. Ils comportaient ainsi plusieurs Ă©preuves athlĂ©tiques telles que le Pancrace et le pentathlon. LĂ  oĂč le pancrace est un sport alliant lutte et pugilat, le pentathlon antique est, lui-mĂȘme, composĂ© de cinq disciplines : le lancer de disque, le lancer de javelot, le saut en longueur, la course Ă  pied et la lutte. Les Ă©preuves sont divisĂ©es par catĂ©gories de participants, avec la dolique, une course longue, pour les hommes, et le pancrace pour les imberbes (athlĂštes adolescents). Des courses de chevaux et de chars y ont, par la suite, Ă©tĂ© ajoutĂ©es. Il faut Ă©galement noter qu’à partir du Ve siĂšcle av. J.-C., des concours dramatiques et musicaux sont ajoutĂ©s aux concours isthmiques. Ils se basent alors sur des Ă©preuves de musique, de poĂ©sie et de rhĂ©torique, qui ont lieu dans le thĂ©Ăątre. Des dĂ©couvertes archĂ©ologiques montrent qu'Ă  l'origine, de grandes cĂ©lĂ©brations se tenaient en l'honneur de PosĂ©idon, mais que les Ă©vĂ©nements sportifs leur sont postĂ©rieurs.

Les concours isthmiques duraient plusieurs jours mais le nombre et l’emploi de ces jours reste imprĂ©cis. Ils commençaient Ă  l'aube par un sacrifice Ă  PosĂ©idon, et continuaient sur un dĂ©jeuner. Les compĂ©titions sportives ne commençaient que l'aprĂšs-midi, dans le stade. Ils se concluaient par une grande fĂȘte.

Public

Les concours Isthmiques Ă©taient ouverts Ă  tous les Grecs. Mais il faut noter que les ÉlĂ©ens Ă©taient les seuls Grecs qui ne se trouvaient pas aux concours isthmiques. Ce, pour Ă©viter les malĂ©dictions que Molione, femme d'Actor, avait faites contre tous ceux de l'Elide qui oseraient s’y rendre. Également, une multitude innombrable de peuples s’y rĂ©unissaient, naturellement passionnĂ©s par ce spectacle, ou apprĂ©ciant le lieu, placĂ© entre deux mers et donc facile d’accĂšs.

Avec l’avis des Corinthiens, ThĂ©sĂ©e a dĂ©cidĂ© que les visiteurs d'AthĂšnes auraient le privilĂšge des premiers siĂšges de l’Isthme (ProĂ©drie), mais AthĂšnes ne pouvait occuper d'espace qu'autant que la voile du navire qu'elle envoyait Ă  l'Isthme. Mais ces concours avaient tellement de succĂšs que seuls les principaux membres des villes de la GrĂšce pouvaient y ĂȘtre assis.

Participants

Pour participer aux concours Isthmiques, il fallait ĂȘtre un homme, ĂȘtre d’origine grecque et ĂȘtre libre. Ainsi, les femmes et les esclaves en Ă©taient exclus. Il faut noter que la plupart des athlĂštes Ă©taient issus de familles riches. Il y a Ă©galement une sĂ©lection prĂ©alable des athlĂštes, et des entraĂźnements rĂ©guliers de ceux-ci dans le gymnase et la palestre de chaque citĂ©.

Par ailleurs, dÚs 228 av. J.-C., les Romains sont autorisés à participer aux concours. Ils élevÚrent ces concours au plus haut rang, ajoutant par exemple des spectacles de chasse, réunissant les animaux les plus rares du monde entier.

Exemples de lutteurs cĂ©lĂšbres : le lutteur Milon de Crotone a Ă©tĂ© cĂ©lĂšbre dans la seconde moitiĂ© du 7e s. av. J.-C., pour ĂȘtre le sportif le plus couronnĂ© de l’AntiquitĂ©. Il a Ă©tĂ© six fois vainqueur Ă  Olympie, sept fois Ă  Delphes, neuf fois Ă  NĂ©mĂ©e, et surtout, dix fois Ă  l’Isthme de Corinthe. Quant au plus ancien vainqueur connu, il s’agit probablement de ThĂ©agĂšne de Thasos, qui a Ă©tĂ© vainqueur dix fois aux concours isthmiques.

RĂ©compenses

Alors qu’aux concours olympiques modernes les trois vainqueurs reçoivent respectivement une mĂ©daille d’or, d’argent et de bronze, aux concours panhellĂ©niques, il n’y a qu’un seul vainqueur par sport, et celui-ci gagne une couronne de feuillage.

Les vainqueurs des concours isthmiques recevaient tout d’abord une couronne de feuille de pin, symbole de l'infĂ©conditĂ© de ces cĂŽtes maritimes, puis de persil (selon Archias et le scoliaste de Pindare) et de sĂšche de marais d’ache, herbe aquatique consacrĂ©e Ă  Neptune et aux funĂ©railles. Ils pouvaient Ă©galement ĂȘtre honorĂ©s avec une statue ou une ode, et la ville d'AthĂšnes dĂ©cernait aux AthĂ©niens victorieux un supplĂ©ment de 100 drachmes.

En plus de ces rĂ©compenses, les athlĂštes vainqueurs recevaient Ă©galement des privilĂšges Ă  leur retour chez eux. Ils obtenaient la gloire et l’honneur et Ă©taient considĂ©rĂ©s comme des hĂ©ros et des exemples Ă  suivre. Ces grands athlĂštes Ă©taient d’ailleurs cĂ©lĂ©brĂ©s aprĂšs leur mort puisque sur leurs stĂšles funĂ©raires Ă©taient sculptĂ©es les couronnes remportĂ©es aux concours panhellĂ©niques.

Notes et références

  1. Louise Bruit Zaidman et Pauline Schmitt-Pantel, La religion grecque : Dans les cités à l'époque classique, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », , 5e éd., 288 p. (ISBN 2200618182, lire en ligne), pages 105-130
  2. Solin, Les merveilles du monde [« De mirabilibus mundi »], iiie siÚcle avant j.-c.
  3. Pausanias, II, I, 6.
  4. François Rachline, Sisyphe, roi de Corinthe, Paris, Albin Michel,
  5. Scholies de Pindare, Isthmiques, p.35 o-2 (Abel).
  6. Apollodore I, 9, 3
  7. Scholies, ib. ; Pausanias, I, 44, II ; II, I, 3; Apollodore, III, 29.
  8. Plutarque (trad. du grec par D. Richard), Les vies des hommes illustres : Tome premier. Vie de Thésée
  9. Julien, Epist. 35.
  10. Plutarque. Thésée, 25 ; Scholies de Pindare, ib. p.349.
  11. PrĂ©cis Ă©lĂ©mentaire de mythologie de M. l’abbĂ© Drioux, Belin, 1898.
  12. Polybe, Histoire, XVIII, IV, 44 et 46.
  13. Pausanias, Corinth. cap. II.
  14. Ulrich Sinn (trad. Aude Virey-Wallon) : Olympie, centre d'artisanat chrétien, pp. 229 à 231 des « actes du cycle de conférences organisées au musée du Louvre du 18 janvier au 15 mars 1999 » dans Alain Pasquier, Olympie, Documentation française et Musée du Louvre, Paris 2001, (ISBN 2-11-004780-1).
  15. A.Puech, traduction, Pindare Tome IV « Isthmiques et fragments » Paris. Les belles lettres. 1961 ; p.8.
  16. Imago Mundi – encyclopĂ©die en ligne (www.cosmovisions.com)

Voir aussi

Bibliographie

  • AUBENQUE Pierre, Dictionnaire de la GrĂšce antique, EncyclopĂŠdia Universalis, Albin Michel, Paris, 2000, 1429 p.
  • BRUIT ZAIDMAN Louise, SCHMITT-PANTEL Pauline, Chapitre 3. Les cultes panhellĂ©niques, in : La religion grecques : Dans les citĂ©s Ă  l'Ă©poque classique, "Cursus", n°5, Armand Colin, Paris, 2017, 288 p.
  • INGLEBERT HervĂ©, Le Monde, l'Histoire, essai sur les histoires universelles, "Hors collection", PUF, Paris, 2014, 2148 p.
  • EncyclopĂ©die ou dictionnaire raisonnĂ© des sciences, des arts et des mĂ©tiers (PDF :http://portail.atilf.fr/cgi-bin/getobject_?a.63:266./var/artfla/encyclopedie/textdata/IMAGE/)
  • PUECH A., traduction, Pindare Tome IV « Isthmiques et fragments » Paris. Les belles lettres. 1961

Articles connexes

Liens externes

  • Notice dans un dictionnaire ou une encyclopĂ©die gĂ©nĂ©raliste :
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.