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Commerce de l'ivoire

Le commerce de l'ivoire est l'activité économique d'achat et de revente d'ivoire d'espÚces animales provenant des défenses d'éléphants, de morses[1], de narvals[2], de mammouths[3], voire d'hippopotames et d'autres espÚces animales[4]. Son commerce est réglementé par la Convention sur le commerce international des espÚces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, dite CITES (adoptée en 1973)[5]. Lorsque ce commerce est illégal, il est désigné sous le nom de trafic d'ivoire.

Marchands d'ivoire, vers 1912.

L'ivoire est commercialisé depuis des siÚcles par les humains[6], y compris dans certaines régions comme le Groenland, l'Alaska et la Sibérie. Plus récemment, et selon les scientifiques travaillant aux cÎtés d'organisations internationales de surveillance des espÚces (telles que l'UICN qui met réguliÚrement à jour la liste rouge des espÚces menacées), ce commerce menace certaines espÚces d'extinction, ce qui a entraßné des restrictions et des interdictions. L'ivoire est à l'origine de trÚs nombreux objets confectionnés à travers le monde[7] - [8]. Dans les pays occidentaux, il était par exemple utilisé pour confectionner des touches de piano et d'autres objets utilitaires ou décoratifs du fait de sa couleur blanche et de sa texture particuliÚre. L'industrie du piano l'a abandonné dans les années 1970[9].

Ce commerce est le principal facteur responsable du dĂ©clin des populations d’élĂ©phants d'Afrique, dont les deux espĂšces (Ă©lĂ©phant de savane et Ă©lĂ©phant de forĂȘt) sont respectivement actuellement classĂ©es "en danger d'extinction" (et non plus "vulnĂ©rable" comme auparavant) et "en danger critique d'extinction" par l'Union internationale pour la conservation de la nature[10]. Quant Ă  l’élĂ©phant d’Asie, depuis 2019, il conserve le statut "en danger d’extinction"[11].

Ivoire d'éléphant

Commerce de l'ivoire au Ghana, 1690.

Histoire

L'ivoire d'éléphant a été exporté d'Afrique et d'Asie depuis des siÚcles, atteignant des records au XIVe siÚcle av. J.-C.. AprÚs la colonisation de l'Afrique, l'ivoire a été exporté, souvent grùce à l'esclavage pour son transport, afin de servir de matiÚre premiÚre à la fabrication de touches de piano, de boules de billard et d'autres objets exprimant l'exotisme et le raffinement[12].

Les chasseurs d'ivoire furent responsables de la disparition des Ă©lĂ©phants en Afrique du Nord il y a environ 1000 ans, dans la plus grande partie de l'Afrique australe au XIXe siĂšcle, et de la plupart de l'Afrique de l'Ouest Ă  la fin du XXe siĂšcle. Au plus fort de ce commerce, pendant la colonisation de l'Afrique, entre 800 et 1 000 tonnes d'ivoire Ă©taient envoyĂ©es en Europe chaque annĂ©e[13].

Les guerres mondiales et les dĂ©pressions Ă©conomiques qui ont suivi ont Ă©tĂ© Ă  l'origine d'une trĂȘve dans le commerce de ce produit de luxe, avant de connaĂźtre de nouveau la prospĂ©ritĂ© au dĂ©but des annĂ©es 1970. Le Japon, dĂ©chargĂ© de ses restrictions commerciales imposĂ©es aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, commença Ă  acheter de l'ivoire brut. Ceci eut pour effet d'accroĂźtre la pression sur les Ă©lĂ©phants de forĂȘt d'Afrique et sur les Ă©lĂ©phants d'Asie, les deux espĂšces privilĂ©giĂ©es pour fournir les japonais qui prĂ©fĂ©raient leur ivoire, plus dur, pour fabriquer des hankos, sceaux utilisĂ©s pour signer des documents, des estampes et des correspondances ou encore des netsuke (des Ă©lĂ©ments de l'habillement traditionnel).

Situation actuelle

En 2015, l'ONG Save the Elephants estimait que le commerce illĂ©gal de l'ivoire Ă  Hong Kong menace la survie des Ă©lĂ©phants, Ă©tant donnĂ© que le marchĂ© de l'ivoire en Chine et en Asie du Sud-Est passe en grande partie par ce territoire abritant un des plus grands ports d'Asie. Cette ville est l’une des plus importantes plaques tournantes de l’ivoire aprĂšs le Kenya et la Tanzanie[14]. Hong Kong est l'un des plus cĂ©lĂšbres centres de sculpture sur ivoire au monde. Selon les estimations, 70 % de l’ivoire qui quitte l’Afrique arrive en Chine et 90 % des acheteurs d'ivoire Ă  Hong Kong se trouvent sur le continent chinois[15]. La Chine s'apprĂȘtait Ă  la fin de 2017 Ă  fermer 67 de ses Ă©tablissements agrĂ©Ă©s consacrĂ©s au commerce de l'ivoire, dont 12 de ses 35 fabriques de sculptures sur ivoire[16]. Une Ă©tude du WWF du 7 septembre 2017 dĂ©nonçait nĂ©anmoins les complicitĂ©s autour des rĂ©seaux clandestins en Afrique qui traquent les Ă©lĂ©phants et vendent leurs dĂ©fenses en ivoire[17]. Au dĂ©but de 2018, les autoritĂ©s de Hong Kong ont adoptĂ© une loi visant Ă  renforcer, par paliers, les interdictions de commerce de l'ivoire[18] - [19]. L'objectif Ă©tant d'interdire au 31 janvier 2021 le commerce des stocks d'ivoire ancien des artisans locaux (l'ivoire dit "prĂ©-convention")[20].

LĂ©gislations et mesures de luttes

En avril 2016, le Kenya a dĂ©truit tout son stock d'ivoire, soit 105 tonnes. Il en resterait plus de 600 tonnes dans les stocks d'autres États africains. En juillet 2016, les États-Unis interdisent le commerce de l'ivoire sur leur territoire. Hong Kong a dĂ©cidĂ© d'en faire de mĂȘme d'ici 2021 et la Chine s'y est engagĂ©e, sans toutefois annoncer de calendrier.

En France, le commerce de l'ivoire est interdit depuis l'arrĂȘtĂ© du 16 aoĂ»t 2016, exception faite des objets travaillĂ©s datant d'avant le , date d'entrĂ©e en vigueur de la convention de Washington (CITES)[21] - [22] - [23].

Les pays africains luttent Ă©galement contre les contrebandiers sur le terrain, ce qui peut donner lieu Ă  des arrestations spectaculaires comme celle de Yang Fenlan en 2015[24].

HypothÚse d'un marché légalisé de l'ivoire

Certains pays et quelques parties prenantes ont estimĂ© que lĂ©galiser et encadrer le commerce de l'ivoire pourrait ĂȘtre un moyen de sauver certaines populations d'Ă©lĂ©phants[25]. Ils ont cherchĂ© Ă  relancer cette proposition lors de sa 17e rĂ©union de la CITES Ă  Johannesburg du 24 septembre au 5 octobre 2016. Selon eux un marchĂ© lĂ©gal pourrait miner le braconnage et financer les mesures de protection de cet animal. Cette proposition reposait sur trois hypothĂšses[26] :

  1. la rĂ©glementation de l'ivoire ferait cesser le braconnage d'Ă©lĂ©phants ; Dans d'autres domaines, des rĂ©glementations visant Ă  conserver une population maitrisĂ©e n'a pas stoppĂ© les prises illĂ©gales[26] - [27]. Les ventes ponctuelles expĂ©rimentales d'ivoire tentĂ©es entre 1999 et 2008 n'ont en rien arrĂȘtĂ© le braconnage des Ă©lĂ©phants et au contraire elles ont brutalement et fortement relancĂ© l'offre et la demande y compris via le marchĂ© illĂ©gal[28]. Avant cela aprĂšs la seconde guerre mondiale, il avait Ă©tĂ© constatĂ© que la rĂ©glementation baleiniĂšre n'avait pas pu stopper la chasse illĂ©gale Ă  la baleine qui s'est poursuivie durant des dĂ©cennies[26]. Plus tard l'introduction d'une chasse au loup raisonnĂ©e aux États-Unis a en rĂ©alitĂ© augmentĂ© les activitĂ©s de braconnage[26] ; Les braconniers ont tuĂ© environ 30 000 Ă©lĂ©phants par an de 2007 Ă  2014, faisant que le nombre d'Ă©lĂ©phants d'Afrique s'est effondrĂ© (de plus de 95 % au XXe siĂšcle)[26].
  2. des quotas durables pourraient ĂȘtre appliquĂ©s en toute transparence, avec traçabilitĂ© de tout l'ivoire (par exemple via des analyses d'ADN pour chaque dĂ©fense[29]) ; ceci semble trĂšs difficile faute de bonne gouvernance sur les chaĂźnes d'approvisionnement en ivoire[26], notamment dans certains pays connus pour leurs problĂšmes de corruption[30] ;
  3. ces quotas durables seraient assez significatifs pour rapprocher l'offre d'ivoire de la demande actuelle. Cette derniĂšre hypothĂšse a Ă©tĂ© fin 2016 battue en brĂšche par une nouvelle Ă©tude[26] qui conclut que face Ă  la demande mondiale du marchĂ©, les Ă©lĂ©phants d'Afrique ne peuvent se reproduire assez vite pour fournir l'ivoire recherchĂ© pour les sculptures et les bijoux[31]. « La demande d'ivoire (210 t/an environ) est tout simplement trop grande, elle dĂ©passe ce que les Ă©lĂ©phants peuvent produire », rĂ©sume le biologiste David Lusseau de l'UniversitĂ© d'Aberdeen au Royaume-Uni, auteur principal de l'Ă©tude[31]. ProtĂ©ger les Ă©lĂ©phants d'Afrique pour vendre leurs dĂ©fenses les conduirait aussi Ă  l'extinction car il ne faudrait pas prĂ©lever plus de 100 Ă  150 kg d'ivoire par an pour une population de rĂ©fĂ©rence de 1 360 Ă©lĂ©phants, c'est bien moins que la demande actuelle. L'Ă©tude conclut que le meilleur moyen de protĂ©ger l'Ă©lĂ©phant reste de travailler Ă  une rĂ©duction de la demande des consommateurs[26].

De plus ce marchĂ© « manqueraient rapidement des gros mĂąles [qui produisent le plus d'ivoire] et il faudrait donc tuer plusieurs Ă©lĂ©phants plus jeunes pour rĂ©colter la mĂȘme quantitĂ© d'ivoire » ce qui conduirait Ă  une spirale nĂ©gative, d'autant qu'il faut 45 Ă  55 ans pour qu'un mĂąle atteigne l'Ăąge oĂč ses dĂ©fenses sont les plus intĂ©ressantes[31].

Selon ElephantVoices (groupe de conservation basé à Nairobi) certains chercheurs pensent que le simple fait de discuter de la légalisation est déjà un mauvais signal, car pouvant encourager les acheteurs potentiels et la chaßne criminelle impliquée dans le trafic ; « Nous devrions conserver l'interdiction, et éliminer la demande plutÎt que d'essayer d'y répondre »[31].

Ivoire de morse

Entre le XIe siÚcle et le XIIIe siÚcle, la principale source d'ivoire en Europe a été l'ivoire de morse de la colonie viking du Groenland[32]. L'ivoire de morse a par la suite subi la concurrence de l'ivoire d'éléphant, plus facilement accessible[32]. Des études zooarchéologiques ont montré que les morses chassés au fil du temps étaient de plus en plus petits et vivants dans des régions de plus en plus septentrionales, signe d'une surexploitation de la ressource[32].

Références

  1. (en) Bruce Bartholomew, Savoonga Ivory Carvers: A Yupik Walrus Ivory Carving Tradition on St. Lawrence Island, Alaska, Hong Kong, CA Design,
  2. (en) Chris Lavers, The Natural History of Unicorns, USA, William Morris, , 258 p. (ISBN 978-0-06-087414-8)
  3. (en) Andrew E. Kramer, « Trade in mammoth ivory, helped by global thaw, flourishes in Russia », The New York Times,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  4. Claire Heckel, « Qu’est-ce que l’Ivoire ? », L’Anthropologie,‎ , p. 306-315 (lire en ligne AccĂšs payant)
  5. « Site internet officiel »
  6. (en) Martha Chaiklin, « Ivory in world history--early modern trade in context », History Compass,‎ , p. 530-542 (lire en ligne)
  7. Jean-Roald L’hermitte, Histoire d’ivoire. Catalogue d’exposition, MusĂ©e national des Douanes, 29 septembre 2015 – 27 mars 2016, Bordeaux, MusĂ©e national des Douanes,
  8. Pierre Cambon et Catherine Delacour -- P. Ickowicz (dir de.), 30 siĂšcles d’ivoire du MusĂ©e des Arts asiatiques Guimet. Exposition : ChĂąteau-MusĂ©e de Dieppe, 16 juin-30 septembre 2012, Dieppe, ChĂąteau-MusĂ©e de Dieppe,
  9. Audrey Garric, « PolĂ©mique autour d’un piano au clavier d’ivoire », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  10. UICN, CommuniquĂ© de presse, « Les espĂšces d’élĂ©phants d’Afrique sont dĂ©sormais En danger et En danger critique d’extinction - Liste rouge de l’UICN », sur uicn.org,
  11. (en) UICN red list, « Asian Elephant »,
  12. « Profound changes », sur www.biothinking.com (consulté le )
  13. (en) Keith Lindsay, « Trading elephants for ivory », New Scientist, no 1533,‎ , p. 48-52 (ISSN 0262-4079, lire en ligne)
  14. (en) Esmond Bradley Martin et Lucy Vigne, Hong Kong's Ivory: More items for sale than in any other city in the world, Londres, Save the Elephants, (lire en ligne)
  15. Laetitia Bezain, « Le commerce d’ivoire Ă  Hong Kong menace la survie des Ă©lĂ©phants », RFI, 17 juillet 2015, lire en ligne
  16. Rachael Bale, « Le plus grand marché d'ivoire au monde est sur le point de fermer », 9 novembre 2017, National Geographic, lire en ligne
  17. MĂ©lissa Kalaydjian, « En Afrique, les Ă©lĂ©phants s’éteignent et le trafic d’ivoire s’amplifie »LibĂ©ration, 8 septembre 2017, lire en ligne
  18. Sophie Amsili, « AprĂšs la Chine, Hong Kong interdit Ă  son tour le commerce d'ivoire », Les Échos, 1er fĂ©vrier 2018, lire en ligne
  19. (en) « Protection of Endangered Species of Animals and Plants (Amendment) Ordinance 2018, The Government of the Hong Kong Special Administrative Region Gazette », Law,‎ (lire en ligne AccĂšs limitĂ©)
  20. (en) Claire Bouillot, « Banning the Ivory Trade in Hong Kong. A Review of the Local English language Press », China Perspectives,‎ , p. 65-69 (lire en ligne)
  21. « La France renforce son interdiction du commerce de l'ivoire », sur actu-environnement.com,
  22. « ArrĂȘtĂ© du 16 aoĂ»t 2016 relatif Ă  l'interdiction du commerce de l'ivoire d'Ă©lĂ©phants et de la corne de rhinocĂ©ros sur le territoire national | Legifrance », sur www.legifrance.gouv.fr (consultĂ© le )
  23. « Interdiction du commerce de l’ivoire et de la corne de rhinocĂ©ros: la France presque exemplaire », sur ifaw.org,
  24. (en) Tristan McConnell, « The downfall of Yang Fenglan, the “Ivory Queen” », sur newstatesman.com,
  25. Stiles D (2015) Only Legal Ivory Can Stop Poaching. Earth Island Journal, http://www. earthisland. org/journal/index. php/eij/article/stiles.
  26. Lusseau D & Phyllis C. (2016) Can We Sustainably Harvest Ivory? ; Current Biology ; Volume 26, Issue 21, p. 2951–2956, 07 novembre 2016 ; DOI: https://dx.doi.org/10.1016/j.cub.2016.08.060
  27. Fischer, C. (2004). The complex interactions of markets for endangered species products. Journal of Environmental Economics and Management, 48(2), 926-953.
  28. Hsiang, S., & Sekar, N. (2016). Does legalization reduce black market activity? Evidence from a global ivory experiment and elephant poaching data (No. w22314). National Bureau of Economic Research (résumé).
  29. Comstock K.E, Ostrander EA & Wasser S.K (2003) Amplifying nuclear and mitochondrial DNA from African elephant ivory: a tool for monitoring the ivory trade. Conservation Biology, 17(6), 1840-1843.
  30. Bennett, E. L. (2015). Legal ivory trade in a corrupt world and its impact on African elephant populations. Conservation Biology, 29(1), 54-60.
  31. Virginia Morell (2016), Legalizing ivory trade won't save elephants, study concludes Science Mag, Sep. 15, 2016 from Africa Plants & Animals Scientific Community conservation topic ; DOI: 10.1126/science.aah7306
  32. James H. Barrett, SanneBoessenkool et al., « Ecological globalisation, serial depletion and the medieval trade of walrus rostra », Quaternary Science Reviews, vol. 229,‎ (lire en ligne). Article en accĂšs libre.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Documentaires

  • The Ivory Game, Kief Davidson et Richard Ladkani, 2016.
  • Trafic d'ivoire, la guerre perdue, Jakob Kneser, 2015.
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