Braconnage en Tanzanie
Le braconnage en Tanzanie, pays d'Afrique de l'Est, vise essentiellement les éléphants, une espÚce menacée. Il s'agit d'une problématique partagée avec de nombreux pays d'Afrique subsaharienne.
Contexte et cadre légal
La Tanzanie comprend vingt-et-une aires protégées, dont quatorze parc nationaux, et son économie repose en partie sur sa riche biodiversité animale et sur le tourisme[1]. La chasse est essentiellement encadrée par le Wildlife Conservation Act (relatif aux réserves de chasse et zones humides), le National Parks Act (relatif aux parcs nationaux) et le Forest Resources Management and Conservation Act (FRMCA ; ce dernier concernant uniquement l'archipel de Zanzibar)[1]. Ces textes interdisent toute chasse sans autorisation préalable dans les aires protégées, des sanctions plus fortes étant prévues (jusqu'à dix ans d'emprisonnement) pour certaines espÚces dont l'éléphant[1].
EspÚces visées
ĂlĂ©phants
Les espĂšces menacĂ©es les plus sujettes au braconnage sont celles d'Ă©lĂ©phants (Ă©lĂ©phants de forĂȘt et de savane), traquĂ©s pour leurs dĂ©fenses, qui alimentent le commerce de l'ivoire. Selon un rapport publiĂ© par l'organisation non gouvernementale Environmental Investigation Agency (en) en novembre 2014, la population d'Ă©lĂ©phants tanzanienne serait passĂ©e de 109 051 Ă 43 330 individus entre 2009 et 2014, diminution imputable pour moitiĂ© a minima au braconnage[Note 1] - [2] - [3]. Les donnĂ©es issues du programme Monitoring the Illegal Killing of Elephants (MIKE)[Note 2] indiquent cependant que le nombre de carcasses d'Ă©lĂ©phants recensĂ©es est en diminution en Afrique de l'Est depuis 2011 et s'est stabilisĂ© en 2015 Ă son niveau de 2008 ; les donnĂ©es de l'annĂ©e 2015 indiquent toutefois que cette tendance est inĂ©gale d'un pays Ă l'autre, le nombre de dĂ©couvertes de carcasses Ă©tant en hausse en Tanzanie par rapport Ă l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente[4] - [5].
Les Ă©lĂ©phants sont notamment visĂ©s dans la rĂ©serve de gibier de SĂ©lous dans le Sud-Est du pays (oĂč la population d'Ă©lĂ©phants est tombĂ©e Ă environ 13 000 individus en 2013, contre prĂšs de 39 000 en 2009), et dans le parc national de Ruaha dans le centre du pays (oĂč la population aurait chutĂ© de 31 625 Ă 20 090 individus sur la mĂȘme pĂ©riode)[3]. Dans le Nord, une zone comprenant le parc national de Tarangire, le lac Manyara et une partie de l'aire de conservation du Ngorongoro abrite Ă©galement plusieurs milliers d'Ă©lĂ©phants, cible des braconniers[6] - [7].
à l'aube de la décennie 2010, les données de l'Elephant Trade Information System (ETIS)[Note 3] indiquent en outre que la Tanzanie et le Kenya voisin, disposant tous deux d'une façade maritime sur l'océan Indien, accueillent une part importante du trafic d'ivoire, notamment dirigé vers l'Asie[3] - [8] - [9].
La population d'éléphants en Tanzanie a diminué de 60 % entre 2009 et 2014[10].
Girafes
Les girafes sont également victimes de braconnage en Tanzanie, dans une moindre mesure que les éléphants[6] - [11]. Elles sont notamment chassées en raison d'une croyance selon laquelle certaines parties de leur chair aurait des effets curatifs sur le virus de l'immunodéficience humaine (VIH)[12] - [13].
Leur population mondiale (essentiellement présente en Afrique de l'Est et dans le sud du continent) a chuté d'environ un tiers entre 1985 et 2015, ce qui a conduit l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à intégrer les différentes espÚces à la liste rouge des espÚces menacées, avec le statut d'« espÚce vulnérable »[14] - [15].
Autres espĂšces
D'autres espÚces sont également chassées, pour leur viande ; c'est notamment le cas des impalas, koudous et guibs harnachés[16].
Lutte contre le braconnage
Les aires protĂ©gĂ©es de Tanzanie bĂ©nĂ©ficient de patrouilles menĂ©es par des gardes forestiers et rangers, mais les braconniers sont souvent lourdement armĂ©s et bien organisĂ©s ; les escarmouches mortelles â tant pour les fonctionnaires que pour les braconniers â sont ainsi courantes[17] - [2] - [18]. La justice est en outre critiquĂ©e pour sa faiblesse Ă l'Ă©gard des braconniers arrĂȘtĂ©s[1]. Par ailleurs, l'allocation de permis de chasse exceptionnels ainsi que l'export illĂ©gal de l'ivoire vers l'Asie font l'objet de corruption au sein de l'Ătat (des membres importants du parti au pouvoir Chama cha Mapinduzi y Ă©taient impliquĂ©s en 2014 d'aprĂšs The Economist), affaiblissant la lutte contre le braconnage[1] - [19] - [20].
En 2013, le ministre des Ressources naturelles et du Tourisme Khamis Kagasheki propose l'exĂ©cution sur le champ des braconniers arrĂȘtĂ©s en flagrant dĂ©lit, dĂ©clenchant la polĂ©mique[21]. Il est dĂ©mis de ses fonctions en dĂ©cembre 2013, ainsi que trois autres ministres, par le prĂ©sident Jakaya Kikwete, aprĂšs une opĂ©ration anti-braconnage. Celle-ci aurait abouti Ă des meurtres, viols, actes de tortures et exactions sur des civils par certains membres des forces participant Ă l'opĂ©ration[22].
Le gouvernement tanzanien crée en novembre 2014, avec l'aide de l'ONG PAMS Foundation, une force spéciale chargée de lutter contre le braconnage qui réunit des fonctionnaires de différents services (polices, services de renseignement, armée, gardes forestiers, etc.) au sein de la National and Transnational Serious Crimes Investigation Unit (NTSCIU), une agence gouvernementale de lutte contre le terrorisme[2] - [23].
Le gouvernement tanzanien fait longtemps, et notamment en 2015, l'objet de vives critiques pour l'absence de rĂ©ponse sĂ©rieuse apportĂ©e au braconnage[24]. Ainsi, confrontĂ© Ă l'importante chute du nombre d'Ă©lĂ©phants, le ministre des Ressources naturelles et du Tourisme Lazaro Nyalandu formule courant 2015 l'hypothĂšse selon laquelle la raison pourrait en ĂȘtre une migration des animaux dans les pays voisins et indique que des investigations supplĂ©mentaires vont ĂȘtre menĂ©es â cette rĂ©action suscite notamment l'agacement de l'Environmental Investigation Agency (en)[25].
En 2015, Ă la suite d'une vaste opĂ©ration sous couverture, les autoritĂ©s tanzaniennes arrĂȘtent Yang Fenlan, une des principales contrebandiĂšres d'ivoire alimentant le trafic entre la Tanzanie et la Chine[26].
Diverses ONG â Save the Elephants, Environmental Investigation Agency, PAMS Foundation, Friedkin Conservation Fund, etc. â Ćuvrent en effet en Tanzanie pour la protection des espĂšces menacĂ©es, en particulier les Ă©lĂ©phants, et notamment contre le braconnage. Parmi leurs actions figurent la formation des rangers des aires protĂ©gĂ©es, l'apport d'aide et de matĂ©riel aux patrouilles de ces derniers, la crĂ©ation de patrouilles, des actions de sensibilisation auprĂšs des enfants et de la population et enfin le recensement des animaux[27].
En octobre 2016, le président John Magufuli apporte publiquement son soutien à la NTSCIU, précisant qu'elle doit s'attaquer à tous les coupables, indépendamment de leur position[28]. En août 2017, cette derniÚre a procédé au total à prÚs de 900 arrestations de braconniers. L'un des cofondateurs de la PAMS Foundation (qui a apporté un important soutien à la NTSCIU), Wayne Lotter, est assassiné le à Dar es Salam alors qu'il circule en taxi, attirant l'attention des médias occidentaux sur la lutte contre le braconnage en Tanzanie[29] - [30] - [31].
Notes et références
Notes
- D'autres facteurs, humains et environnementaux, existent. Voir notamment ceux décrits dans l'article « Parc national du Serengeti » (un parc national tanzanien).
- Le programme Monitoring the Illegal Killing of Elephants ou MIKE a été créé par la Convention sur le commerce international des espÚces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) en 1999.
- L'Elephant Trade Information System (ETIS) est un systÚme d'information créé par la Convention sur le commerce international des espÚces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) et géré par l'organisation non-gouvernementale TRAFFIC.
Références
- (en) « Wildlife Trafficking and Poaching: Tanzania », BibliothÚque du CongrÚs, (consulté le )
- (en) Oscar Lopez, « The Global Fight for Tanzaniaâs Elephants », Newsweek,â (lire en ligne)
- (en) « Vanishing point â Criminality, Corruption and the Devastation of Tanzaniaâs Elephants », Environmental Investigation Agency (en), , p. 3-6
- (en) « African Elephants still in Decline due to high Levels of Poaching », sur cites.org,
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- (en) « Tarangire-Manyara Protection Project », sur pamsfoundationtanzania.org (consulté le )
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