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Combat de nègres pendant la nuit

Combat de nègres pendant la nuit est une œuvre monochrome de l'écrivain Paul Bilhaud (1854-1933) présentée pour la première fois au public le 1er octobre 1882 dans le cadre de l'exposition des Arts incohérents.

Combat de nègres, pendant la nuit
Artiste
Date
Type
Huile sur toile
Dimensions (H Ă— L)
43,5 Ă— 49 cm
Mouvement

Selon certains critiques, elle serait le premier monochrome de l'histoire de l'art[1].

Historique

Le 1er octobre 1882, l'éditeur Jules Lévy organise la première exposition officielle des Arts incohérents à son domicile, situé au 4 rue Antoine-Dubois à Paris. Pour l'occasion et en guise de catalogue, un supplément est publié dans le journal Le Chat noir[2], comptant 159 numéros. L'exposition, qui ne dure que quatre heures, est un grand succès critique et marquera durablement l'histoire de l'art. Dans cette manifestation est présenté, sous le n°15, un tableau monochrome entièrement noir exécuté par le vaudevilliste Paul Bilhaud, qui constitue probablement le premier du genre à avoir été exposé au cours d'un évènement public officiel. On perd la trace de l'œuvre dès la fin de l'exposition.

DĂ©couverte

En 2017-2018, le galeriste et expert Johann Naldi retrouve et identifie dans une collection particulière dix-sept œuvres inédites exposées aux Arts incohérents, parmi lesquelles le Combat de nègres pendant la nuit[3] - [4]. Les œuvres sont classées Trésor national le 7 mai 2021 par le ministère de la Culture[5].

Description technique

ExposĂ© quelques heures seulement dans un rĂ©duit de dix mètres carrĂ©s ayant accueilli deux mille visiteurs, le Combat de nègres pendant la nuit a tantĂ´t Ă©tĂ© dĂ©crit comme un tableau noir, une feuille noire, un tissu noir, ou encore une « tache noire » (terme gĂ©nĂ©rique pouvant renvoyer Ă  une infinitĂ© de supports diffĂ©rents). Cette multitude de descriptions s'explique probablement par le fait que l'Ĺ“uvre n'a Ă©tĂ© exposĂ©e que quelques heures dans des conditions de visibilitĂ© peu propices Ă  l'analyse prĂ©cise de ses constituants techniques, doublĂ© d'une distorsion du rĂ©el propre aux transmissions orales des informations. L'Ă©mergence de l'Ĺ“uvre dans le champ du rĂ©el observable permet aujourd'hui de prĂ©ciser sa vĂ©ritable nature technique. En l'espèce, il s'agit d'un tableau constituĂ© d'une toile enduite de peinture noire, tendue sur un châssis et mesurant avec sa baguette d'encadrement d'origine 43,5 x 49 cm[6]. L'Ĺ“uvre et les Ă©tiquettes d'exposition prĂ©sentes en son revers ont fait l'objet d'analyses scientifiques ne rĂ©vĂ©lant aucun Ă©lĂ©ment d'ordre chimique ou structurel suspect[7].

Controverse et débats

L'authenticité du tableau a été discutée par un certain nombre d'historiens de l'art, ou universitaires tels Jean-Hubert Martin, Denys Riout ou Corinne Taunay. Le 15 avril 2022, le quotidien Libération publie une enquête détaillée qui fait état de ces doutes[8], restés sans conclusion définitive[9], rappelant dans le même temps l'implication de Denys Riout et ses positions initiales en faveur de l'authenticité des œuvres - consultables dans la revue Switch on paper[4]. L'enquête en question laisse également apparaître que Corinne Taunay a tenté en vain de faire commerce des œuvres redécouvertes par le biais de la maison de ventes Pierre Bergé & associés, proposant aux propriétaires des œuvres un scénario financier "gagnant-gagnant"[8] - [10]. Il apparaît que Corinne Taunay n'a jamais eu l'occasion d'examiner physiquement le monochrome de Paul Bilhaud ce qui constitue, selon Johann Naldi, une erreur méthodologique majeure en matière d'expertise[10]. À la suite de cet article, relayé par une chronique sur les ondes de France Info [9] d'autres médias, y compris à l'étranger, se font l'écho de ces questionnements [11]. Un conservateur du musée d'Orsay a pris soin de préciser qu'un classement comme trésor national n'est en rien un certificat d'authenticité, mais une simple mesure de protection temporaire empêchant l'exportation des œuvres d'art pendant trente mois, le temps de leur expertise[12]. Dans un article paru en octobre 2022 dans la revue Critique, le Professeur Daniel Grojnowski note que Johann Naldi a fourni par ses travaux de recherche à l'essayiste Michel Onfray un dossier documentaire de qualité[13]. Principal thuriféraire de la "découverte historique" de Johann Naldi, qui lui permettrait d'étayer son entreprise de "déboulonnage" des principales figures de l'avant-garde artistique du XXe siècle, Michel Onfray, une semaine après la publication de l'enquête de Libération, considère comme "négationnistes" les chercheurs qui "sèment le doute" en dépit de l'absence d'un faisceau de preuve[14]. La singularité de la découverte du monochrome de Bilhaud et des œuvres des Arts incohérents a également été signalée dans le catalogue de l'exposition "Ha Ha Ha" organisée à L'ING Art Center de Bruxelles, organisée en collaboration avec le Centre Pompidou, rappelant que les catalogues datant de l'époque du mouvement étaient "longtemps restés les seuls outils permettant de connaître le contenu de ces expositions jusqu'à la redécouverte en 2018 de 17 œuvres des Arts incohérents dont le monochrome noir de Paul Bilhaud, Combat de nègres dans un tunnel [sic] (1882), qui aurait peut-être inspiré Kasimir Malevitch pour son Carré noir, ainsi que le rideau de fiacre vert moiré suspendu à un cylindre en bois, Des souteneurs encore dans la force de l'âge et le ventre dans l'herbe boivent de l'absinthe d'Alphonse Allais qui n'est pas sans évoquer la pratique du ready-made de Duchamp."[15]

Précurseur de Malevitch

Dans son ouvrage, Johann Naldi explore l'hypothèse d'une connaissance du Combat de nègres pendant la nuit par le peintre suprématiste russe Kasimir Malevitch, le monochrome de Paul Bilhaud ayant pu constituer l'une des sources probables du Carré noir sur fond blanc[1]. Récemment, l'historien Andrew Spira, diplômé du Courtauld Institute et ancien conservateur au Victoria and Albert Museum de Londres, a également soutenu cette hypothèse en reproduisant dans un essai le tableau de Paul Bilhaud[16]. Un article paru dans Russia Beyond le 4 janvier 2023 fait également écho de cette découverte, reproduisant le tableau redécouvert au côté du Carré noir de Malevitch[17].

Bibliographie

  • Johann Naldi (sous la direction de), Arts incohĂ©rents - DĂ©couvertes et nouvelles perspectives, Lienart Ă©ditions, 2022
  • Michel Onfray, Les anartistes : Le trĂ©sor retrouvĂ© des Arts incohĂ©rents , Albin Michel, 2022
  • RedĂ©couverte des Arts IncohĂ©rents. Quand la lĂ©gende devient rĂ©alitĂ©. Conversation avec Denys Riout, entretien par Arnaud Labelle-Rojoux, Switch on paper, 17 dĂ©cembre 2021

Notes et références

  1. Johann Naldi (Dir.), Arts incohérents - Découvertes et nouvelles perspectives, Lienart, Paris, , 232 p. (ISBN 978-2-35906-366-0).
  2. (en) Phillip Dennis Cate and Mary Shaw, The Spirit of Montmartre, Cabarets, Humor, and the Avant-Garde, 1875-1905, The State University of New-jersey, Zimmerli Art Museum, , reproduced p.30.
  3. Philippe Dagen, « 17 oeuvres des Arts incohérents : un trésor redécouvert dans une malle », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  4. Arnaud-Labelle-Rojoux, « Redécouverte des Arts Incohérents. Quand la légende devient réalité. Conversation avec Denys Riout », .
  5. Philippe Dagen, « Dix-neuf oeuvres des Arts incohérents classées trésor national », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  6. Johann Naldi, Arts incohérents - Découvertes et nouvelles perspectives, Paris, Lienart, , 232 p. (ISBN 978-2-35906-366-0), p. 42-85.
  7. « Analyses scientifiques réalisées par le Laboratoire d'Analyse pour la Conservation-Restauration des Oeuvres d'art, Alain Roche, Paris ».
  8. Cf. Emmanuel Fansten, Guillaume Gendron, Suspicions autour de deux chefs d’œuvre. Révélations sur la malle qui a fait trembler le monde de l'art
  9. https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/peinture/l-authenticite-du-premier-monochrome-peint-au-xixe-siecle-est-remise-en-question_5083942.html
  10. Johann Naldi, « Girouettes, doutes irrationnels et problèmes de méthode. »,
  11. Boris Senff, « Incohérences partout, Incohérents nulle part », La Tribune de Genève,‎ (lire en ligne)
  12. Cf. dans l'enquête de Libération, la précision apportée par Emmanuel Coquery, conservateur général du patrimoine.
  13. Daniel Grojnowski, De l'Art et du cochon., Critique., 876-878 p., n°905. Octobre 2022.
  14. Au micro d'André Bercoff sur Sud-Radio le 22 avril 2022 Interview de Michel Onfray par André Bercoff, Sud-Radio, 22 avril 2022
  15. Thomas Bertail, Ha Ha Ha, sous la direction de Nicolas Liucci-Goutnikov, Skira, septembre 2021 - janvier 2022, p. 64
  16. Andrew Spira, « Precedents of the Unprecedented, Black Squares Before Malevich », sur The Public Domain Review.,
  17. Gueorgui Manaïev, « Sept faits surprenants au sujet du légendaire Carré noir de Malevitch. » [https://fr.rbth.com/art/89147-faits-surprenants-carre-noir-malevitch%5D, sur Russian Beyond,
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