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Coefficient de biotope

Un coefficient de biotope ou coefficient de biotope par surface (CBS) ou coefficient de biotope Ă  la parcelle  dĂ©signe la part (le pourcentage) d'une surface amĂ©nagĂ©e qui sera dĂ©finitivement consacrĂ©e Ă  la Nature (surface vĂ©gĂ©talisĂ©e et/ou favorable aux Ă©cosystèmes locaux et aux espèces locales) dans la surface totale d’une parcelle Ă  amĂ©nager ou amĂ©nagĂ©e. Dans le cadre d’un urbanisme durable, ce coefficient vient en complĂ©ment du « coefficient d’occupation des sols » ; il vise non seulement Ă  conserver un certain taux de foncier non impermĂ©abilisĂ© et non artificialisĂ©, mais aussi des services Ă©cosystĂ©miques [1]; il peut s’appliquer tant sur des parcelles destinĂ©es Ă  la construction neuve que sur des zones dĂ©jĂ  construites et en cours de rĂ©novation et c’est l’un des nouveaux « outils de gestion de la consommation d’espace »[2].

En France il est officialisĂ© par la loi ALUR qui le propose sans l’imposer aux SCOT et PLU qui par contre doivent prendre en compte la biodiversitĂ©. Cette loi invite aussi les plans locaux d’urbanisme (PLU) Ă  protĂ©ger le foncier agricole (et donc Ă  limiter la pĂ©riurbanisation) et Ă  prendre en compte la prĂ©servation, le maintien ou la remise en Ă©tat des continuitĂ©s Ă©cologiques). Un des enjeux des CBS est d’ajouter de la nature en ville, sans pour autant agrandir la ville, par exemple en vĂ©gĂ©talisant des murs, clĂ´tures, toitures, etc.  

Principes

Dans certains contextes (ville dense par exemple), cet espace de compensation peut aussi inclure - dans une certaine mesure, qui est prĂ©cisĂ©e par le document d'urbanisme pertinent - des surfaces de toitures, balcons, terrasses, clĂ´tures, murs et façades vĂ©gĂ©talisĂ©s de telle manière qu'elles puissent devenir des habitats pour diverses espèces locales, en plus des sols vĂ©gĂ©talisĂ©s ou revĂ©gĂ©talisĂ©s s'ils sont nĂ©cessairement peu prĂ©sents (en ville dense par exemple).   Le CBS peut Ă©ventuellement ĂŞtre une mesure compensatoire s'inscrivant dans une dĂ©marche ERC (Ă©viter-rĂ©duire-compenser). Il relève de plus en plus d’un principe de « neutralitĂ© en matière de dĂ©gradation des sols » et de « Biodiversity no net loss » (absence de perte nette de biodiversitĂ©) dans le contexte des procĂ©dures d’évaluation environnementale et d’autorisation de certains projets qui pour ĂŞtre acceptĂ© doivent faire la preuve de dĂ©gât limitĂ©s et compensĂ©s[1], Ă©ventuellement avant mĂŞme leur construction.
Un coefficient de biotope permet de moins artificialiser le milieu, l’aménagement pouvant même - théoriquement - atteindre la « neutralité vis-à-vis de l’environnement »[1].
Le respect d’un coefficient de biotope suffisamment Ă©levĂ© contribue en quelque sorte Ă  rembourser tout ou partie de sa dette Ă©cologique de l’amĂ©nageur et des usagers, par exemple - dans le cas idĂ©al - en faisant en sorte que la construction soit positive en biodiversitĂ© (il y a plus de biodiverstĂ© après la construction qu’il n’y en aurait au mĂŞme endroit sans la construction), ou par exemple que son amĂ©nagement puisse contribuer Ă  une trame verte urbaine au lieu de la dĂ©grader ou d'interrompre un corridor biologique...   Cet espace vĂ©gĂ©talisĂ© ainsi prĂ©servĂ© ou restaurĂ© est considĂ©rĂ© comme un biotope (ou une somme de biotopes) dĂ©diĂ© Ă  la nature sauvage oĂą vit une certaine biocĂ©nose comprenant la faune, la fonge (champignons), et de très nombreux micro-organismes microbiens. Il peut aussi se voir attribuer des vocations liĂ©es aux services Ă©cosystĂ©miques fournis par le sol et la biodiversitĂ© (puits de carbone, entretien d’un microclimat plus clĂ©ment, stockage et filtration/Ă©puration des eaux mĂ©tĂ©oritiques, alimentation des nappes phrĂ©atiques, production de biomasse voire d’aliments[1] par exemple dans le cadre d’une agriculture ou agrosylviculture urbaine… dans ce dernier cas, la production alimentaire justifie gĂ©nĂ©ralement qu’on y intègre de nombreuses espèces alimentaires non autochtones et se pose la question du mode de culture, biologique, intĂ©grĂ© ou avec pesticides et engrais chimiques).  

Conditions de pertinence Ă©cologique

Les populations et collectivités d’Europe du Nord semblent les plus sensibles à cette question.

En France le Code de l’urbanisme n’a pas précisé de principes ni de critères quant au niveau de valeur écologique que devraient atteindre les tâches ou le maillage vert issu du CBS. Néanmoins, on admet que sa valeur écologique et fonctionnelle augmentera s’il est bien articulé avec d’autres outils tels que le SRCE, le SCOT, la trame verte et bleue, les éventuelles réserves naturelles ou arrêtés préfectoraux locaux, et avec l’article L.123-1-5-III-2° du Code de l’urbanisme.

Pour être réellement utiles à la biodiversité le CBS doit répondre à quelques conditions :

  • les espèces implantĂ©es doivent essentiellement ĂŞtre autochtones et adaptĂ©es au milieu et aux conditions de latitude, longitude, altitude, climat et microclimat en tenant compte de leurs interactions, entre elles et avec leur environnement (ombre, vent, Ă©vapotranspiration, prĂ©sence Ă©ventuelle d’embruns salĂ©s sur le littoral, manque de rosĂ©e en ville, albĂ©do, pollution, bulles de chaleur, pĂ©dologie et micro-microtopographie (le coefficient de biotope autorise souvent des plantes grimpantes et la vĂ©gĂ©talisation de toitures/terrasses/balcons ;
  • Ă  l'abri de la pollution lumineuse (frĂ©quente en zone urbaine ou densĂ©ment construite) ;
  • ne pas ĂŞtre mise en situation de devenir un « piège Ă©cologique ».

En général la perte d’un mètre carré de sol ne saurait être écologiquement compensé par un mètre carré de mur végétal ou de toiture végétalisée. Pour chaque mètre carré de sol artificialisé, il faut idéalement plusieurs mètres carrés de compensation sur du bâti végétalisé.

Histoire

Le coefficient de biotope (« Coefficient de biotope par surface Â» ou CBS) est utilisĂ© depuis environ 30 ans (depuis 1998) par la ville de Berlin (Allemagne) dans ses projets d'urbanisme et de construction.  

Allemagne

Ce pays a été pionnier dans ce domaine, et Berlin ou le land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie ont renforcé l’intérêt des habitants en faveur du CBS via une taxe pour la gestion des eaux pluviales qui est calculée sur la base du taux de surface imperméabilisée sur la parcelle (exemple : 1,90 € du mètre carré de surface imperméable en 2012 à Berlin).

France

Dans ce pays, le principe a Ă©tĂ© testĂ© puis introduit quelques annĂ©es plus tard ; tout d'abord dans le PLU de Paris[3], puis dans plusieurs plans locaux d'urbanisme (PLU), avec par exemple le « coefficient de biotope diffĂ©renciĂ© Â» de Montreuil ou Roubaix (Nord)[4].

Dans le cas de Roubaix, lors de la modification du PLUi de Lille Métropole il s’agissait d’inscrire un corridor écologique intra-urbain sur le secteur d’urbanisation assez dense de la gare de Roubaix[4]. Un principe de coefficient de biotope par surface a été introduit dans l’OAP (« Orientations d’aménagement et de programmation ») de ce secteur, en vigueur depuis , mais anticipée dans les projets du secteur. Le coefficient (0,5 pour le logement et 0,3 pour les autres usages su sol) ne s’applique à Roubaix qu’aux constructions neuves, faute de retour d’expérience sur la réhabilitation[4]. Roubaix et Lille Métropole ont jugé que le CBS présentait plusieurs avantages : la densification urbaine est plus facile à réconcilier avec la renaturation de la ville. Le maître d’œuvre conserve une grande marge de liberté et le coefficient est une base de discussion avec les porteurs de projets urbains. Dans ce cas ce sont la commune et l’intercommunalité qui ont souhaité conjointement expérimenter ce coefficient [4]) ; après les trois premières opérations roubaisiennes, les collectivités ont conclu que la mesure n’a pas créé de surcoûts car les partis d’aménagement ont intégré l’objectif en amont. Une animation du dispositif en vers les porteurs de projets et les services instructeurs permet le rendre le « biotope » ainsi restauré compatible avec la trame verte communale et communautaire.

Le principe du Coefficient de biotope pourrait Ă©ventuellement ĂŞtre intĂ©grĂ© dans le cadre du Grand Paris[5].   On reparle ensuite de CBS durant les dĂ©bats sur le projet de  loi  pour  l’accès  au  logement  et  un  urbanisme  rĂ©novĂ© (loi ALUR), estimant qu'il pourrait ĂŞtre l'un des indicateurs d’amĂ©nagement durable des zones urbanisĂ©es.   Et en 2015 l'Observatoire de la biodiversitĂ© vĂ©gĂ©tale a fait une enquĂŞte, qui a conclu que le coefficient de biotope par surface (CBS) progressait parmi les prescriptions des documents d'urbanisme locaux.   La loi ALUR l'a alors encouragĂ© au niveau national pour favoriser la renaturation des villes ou de zones d'activitĂ©s ; le CBS peut y ĂŞtre intĂ©grĂ© dans une « OAP » (Orientation d’AmĂ©nagement et de Programmation) dans le PLU et alors par exemple contribuer Ă  restaurer :

  • un microclimat (urbain ou pĂ©riurbain) de meilleure qualitĂ© (avec notamment moins de bulles de chaleur[6]) ;
  • des sols Ă©cologiquement plus fonctionnels (fonction de puits de carbone, fonction d'infiltration et d'Ă©puration de l'eau au profit des nappes et cours d’eau, tout en limitant les risques d’inondation, de sĂ©cheresse, d’incendie, etc.) ;
  • des Ă©lĂ©ments de trame verte et bleue urbaine et une nature de proximitĂ© (en plus des quelques parcs et espaces verts gĂ©nĂ©ralement dĂ©jĂ  prĂ©sents) ;
  • un air plus propre ;
  • une meilleure qualitĂ© de vie ;
  • des habitats naturels, semi-naturels, de substitution et des refuges pour la faune, la flore et la fonge[7].

  Le règlement du PLU peut « imposer une part minimale de surfaces non impermĂ©abilisĂ©es ou Ă©co-amĂ©nageables, Ă©ventuellement pondĂ©rĂ©es en fonction de leur nature, afin de contribuer au maintien de la biodiversitĂ© et de la nature en ville »[8].  

Principes

Le coefficient de biotope a Ă  la fois une dimension Ă©cologique et foncière[9] ; il fixe une « obligation de maintien ou crĂ©ation de surfaces non impermĂ©abilisĂ©es ou Ă©co–amĂ©nageables sur l’unitĂ© foncière qui peut ĂŞtre satisfaite de plusieurs manières : espace libre en pleine terre, surface au sol artificialisĂ©e mais vĂ©gĂ©talisĂ©e sur une profondeur minimale dĂ©terminĂ©e par le règlement, toitures et murs vĂ©gĂ©talisĂ©s... Les diffĂ©rentes manières de respecter cette obligation n’ayant pas la mĂŞme efficacitĂ© du point de vue de la prĂ©servation de la biodiversitĂ©, le règlement du PLU peut ainsi prĂ©voir un coefficient diffĂ©rent pour chacune d’entre elles qui permet de prendre en compte cette diffĂ©rence d’efficacitĂ©. Éventuellement dans le cadre d'une la sĂ©quence Ă©viter-rĂ©duire-compenser, ou dans d'autres contextes »[10]. L'alinĂ©a III de l’article L. 123-1-5 du Code de l'Urbanisme porte sur le règlement du PLU ; il a Ă©tĂ© rĂ©visĂ© et divisĂ© en trois parties dont la troisième porte sur les caractĂ©ristiques architecturale, urbaine et Ă©cologique et encadre les possibilitĂ©s de règlementer en matière de continuitĂ©s Ă©cologiques et de coefficient de biotope ; « Des règles peuvent, en outre, imposer une part minimale de surfaces non impermĂ©abilisĂ©es ou Ă©co-amĂ©nageables, Ă©ventuellement pondĂ©rĂ©es en fonction de leur nature, afin de contribuer au maintien de la biodiversitĂ© et de la nature en ville»[11].  

indicateur

Mesurer le  CBS existant permet aussi d’évaluer le degrĂ© de qualitĂ© environnementale d’une parcelle, d’un ilot, d’un quartier.     

Références

  1. Billet, P. (2018). Le statut juridique des sols face à l’artificialisation: état des lieux et perspectives. In Annales des Mines-Responsabilité et environnement (No. 3, pp. 24-28). FFE.
  2. Conreaux-Mantziaras L & Faucher H (2018) Orientations et outils de gestion de la consommation d’espace au plan national. In Annales des Mines-Responsabilité et environnement (No. 3, p. 29-33). FFE (résumé)
  3. Développer le végétal à Paris. Les nouvelles règles du Plan local d'urbanisme de Paris. Spécial PLU. Format : pdf, 2.79 Mo
  4. Marie-Laure Lambert, Coralie Demazeux, Manon Gallafrio. Climat urbain, énergie et droit de l’urbanisme – PLU(i) – Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP). 2016. | Programme de recherche ANR-MApUCE Modélisation Appliquée et droit de l’Urbanisme : Climat urbain et Énergie. |<halshs- 01354288> | URL:https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01354288/document
  5. Hugo Rochard, CĂ©dissia About, Nathalie Frascaria-Lacoste, Philippe Jacob, Laurent Simon et Pierre Pech (2018) « « Politiques urbaines et biodiversitĂ© en ville : un front Ă©cologique ? Le cas de la MGP, MĂ©tropole du Grand Paris » ; Vertigo, vol18, n°1; voir point 13 dans le chapitre « 'Diagnostic des actions engagĂ©es : les formes de nature Ă  l’échelle du Grand Paris dans les plans d’amĂ©nagement » de la grille d’entretien rĂ©alisĂ© pour recueillir les avis des Ă©lus de la MĂ©tropole du Grand Paris
  6. Lambert, M. L., Demazeux, C., & Manon, G. (2016). Climat urbain, énergie et droit de l’urbanisme–Règlement du PLU (i).
  7. O2d-environnement (2017) Coefficient de biotope : quel est cet indicateur de plus en plus intégré dans les projets d'aménagement ? Publié le 7 décembre
  8. Boutet, D., & Yengue, J. L., « Le traitement diversifiĂ© des espaces naturels urbains Â», La revue foncière, (Novembre-DĂ©cembre 2015), pp-13.
  9. Ministère du logement et de l'Ă©galitĂ© des territoires La biodiversitĂ© dans les plans locaux d’urbanisme  et dans les schĂ©mas de cohĂ©rence territoriale ; Loi ALUR
  10. Point III du L.123-1-5 du code de l'urbanisme

 

Voir aussi

 

Bibliographie

  • Vichet, V. (2017). RĂ©flexion sur la mise en place des mesures de compensation Ă©cologique dans les projets urbains: application du Coefficient de Biotope par Surface et exemple du projet" Campus Ynov" Ă  Ivry-sur-Seine (Doctoral dissertation).

 

Articles connexes

 

Liens externes

 

 

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