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Clivage du Moi

Le clivage du moi (en allemand Ichspaltung) est la séparation du Moi en deux parties qui coexistent dans le Moi : l'une, correspondant à la réalité extérieure à satisfaire, contrarie l'exigence pulsionnelle de l'autre.

DĂ©finition

D'après le Vocabulaire de la psychanalyse, le terme « clivage du Moi Â» dĂ©signe un phĂ©nomène que Sigmund Freud observe surtout dans le fĂ©tichisme et la psychose : « la coexistence, au sein du moi, de deux attitudes psychiques Ă  l'endroit de la rĂ©alitĂ© extĂ©rieure en tant que celle-ci vient contrarier une exigence pulsionnelle »[1]. Tandis que l'une des parties tient compte de la rĂ©alitĂ©, l'autre dĂ©nie la rĂ©alitĂ© en cause pour la remplacer par une « production du dĂ©sir » : les deux attitudes persistent ensemble et ne s'influencent pas rĂ©ciproquement[1].

Historique de la notion de clivage

« Clivage Â» est la traduction adoptĂ©e en français pour Spaltung en allemand, terme dont les emplois par de nombreux auteurs sont anciens et variĂ©s en psychanalyse comme en psychiatrie : il signifie la division de l'homme avec lui-mĂŞme[1].

En psychopathologie de la fin du XIXe siècle, sont Ă©voquĂ©es, Ă  propos de l'hystĂ©rie et de l'hypnose, des notions qui s'en rapprochent telles que le « dĂ©doublement de la personnalitĂ© Â», la « double conscience Â», la « dissociation des phĂ©nomènes psychologiques »[1]. « Clivage de la conscience Â» (Bewusstseinsspaltung), « clivage du contenu de conscience Â», « clivage psychique Â», sont des expressions utilisĂ©es par Josef Breuer et Sigmund Freud dans les domaines de l'hystĂ©rie et de l'hypnose ; Janet, Breuer et Freud passent Ă  l'idĂ©e d'une « coexistence au sein du psychisme de deux groupes de phĂ©nomènes, voire de deux personnalitĂ©s qui peuvent s'ignorer mutuellement »[1].

Chez Eugen Bleuler, le terme de Spaltung désigne le symptôme fondamental des affections regroupées sous le nom de schizophrénie, hypothèse que, selon Laplanche et Pontalis, Freud ne fait pas sienne : à partir de la fin des années 1920 (Fetichismus, 1927), il va reprendre la notion de clivage « dans une tout autre perspective »[1].

Le clivage du moi et le mécanisme du déni

La notion de clivage du Moi proprement dite apparaît surtout dans les articles sur le Fétichisme (1927), Le clivage du moi dans les processus de défense (1938) et dans l' Abrégé de psychanalyse (1938) où il est également question de la psychose : Freud y met essentiellement en cause « les relations du moi et de la “réalité” » et dégage un mécanisme spécifique du fétichisme et présent dans la psychose, le déni (Verleugnung), dont le prototype est le déni de la castration[1]. Toutefois, dans le cas de la psychose, remarque Freud dans l' Abrégé de la psychanalyse, le moi se détache rarement en totalité de la réalité[1].

À vrai dire, le clivage du moi n'est pas une simple défense du moi, précisent Laplanche et Pontalis, mais une manière de faire coexister deux procédés de défense : l'un, le déni, est tourné vers la réalité pendant que l'autre est tourné vers la pulsion, ce dernier procédé de défense tourné vers la pulsion pouvant aboutir à la production de symptômes névrotiques comme le symptôme phobique[1].

Applications de la notion Ă  d'autres domaines

Selon Salvio Tomasella, le clivage du Moi est la conséquence d'un traumatisme psychologique qui place la partie de la personnalité touchée hors de la conscience[2].

En criminologie, « le clivage du Moi permet au tueur de vivre sĂ©parĂ©ment de ses crimes et, surtout, de leurs fondations traumatiques, qui sont enfouies dans l'inconscient sous forme de traces mnĂ©siques « rĂ©activables » et non sous forme de reprĂ©sentations[3]. Â»

Dans la culture populaire

Certains films traitant de sujets psychologiques touchant à la paranoïa et à la schizophrénie peuvent évoquer le clivage du Moi dont il est question en psychanalyse. C'est ainsi le cas en 2021 du film Lui de Guillaume Canet[4].

Notes et références

  1. Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, coll. « Bibliothèque de la psychanalyse », (1re éd. 1967) (ISBN 2 13 038621 0), p. 67-70.
  2. Tomasella 2015, p. 228.
  3. Barbara Sarbourg, Serial killers : approche de l'innommable, BoD, , p. 302.
  4. « « Lui Â» de Guillaume Canet », sur rts.com, (consultĂ© le )

Voir aussi

Textes de référence

  • Sigmund Freud,
    • FĂ©tichisme (1927), trad. RenĂ© LainĂ©, in Ĺ’uvres complètes de Freud / Psychanalyse XVIII 1926-1930, PUF, 1994 (ISBN 2130465765), p. 123-131.
    • Le clivage du moi dans le processus de dĂ©fense (1938), trad. Pierre Cotet, Alain Rauzy, in OCF.P XX 1937-1939, PUF, 2010, (ISBN 9782130565949), p. 219-224.
    • AbrĂ©gĂ© de psychanalyse (1938), trad. Françoise Kahn, François Robert, in OCF.P XX 1937-1939, PUF, 2010, (ISBN 9782130565949) p. 225-305.

Études

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

(Dans l'ordre alphabétique)

  • Collectif : Les Clivages, in Revue française de psychanalyse, PUF, 1996, Tome LX, (ISBN 2130476449)
  • Collectif : « La dĂ©concertante rĂ©alitĂ© du clivage », Libres cahiers pour la psychanalyse 2/2001 (No 4), p. 7-11, lire en ligneDOI 10.3917/lcpp.004.0007
  • Collectif : (RenĂ© Roussillon, Alain Ferrant, etc.) : Le clivage, Hors sĂ©rie n0 4, , in Les cahiers du "Centre de Recherches en Psychopathologie et Psychologie" (C.R.P.P.C.), UniversitĂ© Lumière Lyon 2 (crppc@univ-lyon2.fr)
  • Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, coll. « Bibliothèque de la psychanalyse », (1re Ă©d. 1967) (ISBN 2 13 038621 0), Quadrige, 2007, (ISBN 2130560504) : « clivage de l'objet », « Clivage du moi », Vocabulaire de la psychanalyse, 1984, p. 67-70. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Jean-Claude Maes, « Essai de (re)dĂ©finition des mĂ©canismes de clivage », PsychothĂ©rapies, 2005/2 (Vol. 25), p. 81-89, [lire en ligne].
  • Dans : Alain de Mijolla (dir.), Dictionnaire international de la psychanalyse, Paris, Calmann-LĂ©vy, (ISBN 2-7021-2530-1); rĂ©Ă©ditions : Hachette-LittĂ©rature, 2005 (ISBN 9782012791459).
    • Sophie de Mijolla-Mellor, « Moi (Clivage du-) », dans Dictionnaire international de la psychanalyse, , p. 1080-1081.
    • Sophie de Mijolla-Mellor, « Clivage », dans Dictionnaire international de la psychanalyse, , p. 335-336.
    • Sophie de Mijolla-Mellor, « Clivage du Moi dans les processus de dĂ©fense (Le-) », dans Dictionnaire international de la psychanalyse, , p. 337-338.
    • Robert D. Hinshelwood, « Clivage de l'objet », dans Dictionnaire international de la psychanalyse, , p. 336-337.
  • Benno Rosenberg, « Quelques rĂ©flexions sur la notion de clivage du moi dans l’œuvre de Freud », dans Benno Rosenberg (dir.), Le moi et son angoisse. Entre pulsion de vie et pulsion de mort, Paris, Presses Universitaires de France, « Monographies de psychanalyse », 1997, p. 119-138, [lire en ligne]
  • RenĂ© Roussillon : Agonie, clivage et symbolisation, Ed.: PUF, 1999, (ISBN 2130504078)
  • Barbara Sarbourg, Serial killers : approche de l'innommable, BoD, , p. 302.
  • Saverio Tomasella, La folie cachĂ©e : Survivre auprès d'une personne invivable, Paris, Albin Michel, , 261 p. (ISBN 978-2-226-25729-1)

Articles connexes

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