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Chlamydomonas reinhardtii

Chlamydomonas reinhardtii est une espèce d'algues vertes, utilisée comme modèle en biologie végétale. Ses caractéristiques génétiques, structurale (unicellulaire) et de croissance (culture sur boîte de Petri ou en milieu liquide) lui valent parfois le surnom de « levure verte », par analogie avec la levure Saccharomyces cerevisiae, organisme modèle des eucaryotes unicellulaires non photosynthétiques.

Modèle et génétique

Cette algue mobile a été utilisée comme modèle depuis les années 1960 pour, notamment, étudier le fonctionnement des flagelles végétaux, la photosynthèse et certaines particularités génomiques qu’elle partage avec des animaux. C'est chez cet organisme que la biogenèse des flagelles a été étudiée et que la présence d'ADN dans les chloroplastes a été découverte.
Le dĂ©cryptage de son gĂ©nome a commencĂ© en 2001 et a Ă©tĂ© publiĂ© six ans plus tard par la revue Science (oct 2007). 120 millions de paires de bases forment environ 15 000 gènes. Ceux-ci comprennent un mĂ©lange de gènes animaux et vĂ©gĂ©taux : 35 % de ces gènes sont communs Ă  cette espèce, aux plantes Ă  fleurs et Ă  l'humain, 10 % sont typiquement animaux, dont ceux codant des enzymes (nuclĂ©otides cyclases ou ceux synthĂ©tisant des sĂ©lĂ©noprotĂ©ines chez certaines lignĂ©es animales dont des vertĂ©brĂ©s)[2], ce qui est beaucoup pour une algue unicellulaire. Le dĂ©cryptage complet a associĂ© une centaine de chercheurs mobilisĂ©s par le Joint Genome Institute (JGI) du dĂ©partement amĂ©ricain de l'Ă©nergie (D0E). Olivier Vallon (CNRS) a coordonnĂ© l’annotation du gĂ©nome (description fonctionnelle des gènes), ce qui pourrait ĂŞtre utile pour mieux comprendre son fonctionnement, ou l’exploiter pour le GĂ©nie gĂ©nĂ©tique.

Les tĂ©lomères sont en gĂ©nĂ©ral constituĂ©s de rĂ©pĂ©titions d'une sĂ©quence TTTTAGGG. Ils sont prĂ©cĂ©dĂ©s de sous-tĂ©lomères (en), constituĂ©s (sur 31 des 34 extrĂ©mitĂ©s de chromosomes) non pas de transposons mais de sĂ©quences rĂ©pĂ©titives spĂ©cifiques appelĂ©es « Sultan » (SUbtelomeric Long TANdem repeat), longues d'environ 850 nuclĂ©otides, se rĂ©pĂ©tant de 2 Ă  46 fois par extrĂ©mitĂ©[3].

Physiologie

Comportement en carence en dioxyde de carbone

En 2012, l’équipe d’Olga Blifernez-Klassen[4], de l'université allemande de Bielefeld, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, a observé que placée dans un environnement extrême pauvre en dioxyde de carbone, élément nécessaire au processus de photosynthèse, la micro-algue verte sécrète une enzyme qui lui permet de digérer la cellulose des autres végétaux. La digestion a lieu en dehors de la cellule, et les sucres sont ensuite transportés dans la cellule. C'est la première fois qu'on observe chez un organisme chlorophyllien unicellulaire la capacité de produire de la matière organique par digestion, donc autrement que par photosynthèse.

Depuis, on sait que les microorganismes unicellulaires mixotrophes, comme mesodinium chamaeleon sont capables de digérer des microalgues vertes, ou de conserver en leur sein des microalgues rouges et leurs pigments photosynthetiques afin de se nourrir à la fois des nutriments digérés et de profiter de la photosynthese.

Reproduction

Représentation schématique d’une coupe longitudinale de Chlamydomonas reinhardtii.

Dans des conditions favorables, avec des nutriments comme de l’azote, Chlamydomonas reinhardtii croĂ®t et se multiplie de façon asexuĂ©e, qu'elle soit Ă©clairĂ©e ou non. Mais lors d’une carence en azote, et avec de la lumière, elle se diffĂ©rencie en gamètes en se divisant de manière mitotique. La lumière semble agir de façon indirecte, par la photosynthèse pour avoir l’énergie de se diffĂ©rencier, et n’est pas nĂ©cessaire pour la fusion des gamètes par la suite. Cependant, l’ajout d’azote Ă  des gamètes cause la dĂ©diffĂ©renciation des gamètes en cellules vĂ©gĂ©tatives. Les deux types de gamètes sont identiques en apparence, et sont appelĂ©s mt(+) et mt(-). Leur fusion forme un zygote diploĂŻde stable non flagellĂ© pouvant rester dormant en attendant des conditions plus favorables, ayant une taille cellulaire et nuclĂ©aire supĂ©rieure ainsi que plus d’ADN par noyau et un plus grand nombre de chromosomes. Il possède aussi une paroi plus Ă©paisse. On parle de zygote mature. Lorsque le milieu est plus favorable au dĂ©veloppement de l’algue, le zygote subit une mĂ©iose et relâche 4 ou 8 cellules haploĂŻdes[5] - [6].  

Biotechnologies

Production de molécules anticancéreuses

En 2013, l'Ă©quipe du professeur Tran[7] Ă  San Diego a rĂ©ussi Ă  transfecter des cellules de Chlamydomonas reinhardtii avec un vecteur contenant une immunotoxine anticancĂ©reuse. Ce vecteur est composĂ© de :

  • la partie variable (lourde et lĂ©gère) d'un anticorps anti CD22 (antigène tumoral),
  • les domaines 2 et 3 de l'exotoxine A de P.aeruginosa (inhibiteur de traduction eucaryote par ribosylation du facteur d'Ă©longation eEF2),
  • les domaines constants CH2,CH3 de l'immunoglobuline 1 (permettent d'augmenter l'efficacitĂ© par homodimĂ©risation).

Cette immunotoxine se fixe spĂ©cifiquement sur les antigènes tumoraux CD22 et inhibe la prolifĂ©ration des cellules cancĂ©reuses par action des domaines de l'exotoxine.  

Production de biocarburants

Chlamydomonas reinhardtii est un modèle Ă©mergent pour la production de biocarburants. En effet, son gĂ©nome est modifiable facilement (miRNA, CrispR-Cas9, transfection) ce qui permet d'amĂ©liorer les souches de culture sur plusieurs aspects :

  • amĂ©lioration de la robustesse et de la croissance par augmentation de l'efficacitĂ© photosynthĂ©tique en modifiant le gĂ©nome chloroplastique,
  • amĂ©lioration de la production de biodiesel (Ă  partir de la transestĂ©rification des lipides) par augmentation du contenu en triacylglycĂ©rol dans un milieu carencĂ© en azote,
  • amĂ©lioration de la production de dihydrogène en milieu carencĂ© en soufre afin de diminuer l'inhibition de l'hydrogĂ©nase par l'oxygène.

Il est donc possible de modifier gĂ©nĂ©tiquement les souches de Chlamydomonas reinhardtii et/ou de les produire dans divers milieux de culture en fonction de ce que l'on cherche Ă  obtenir. [8] 

Notes et références

  1. Guiry, M.D. & Guiry, G.M. AlgaeBase. World-wide electronic publication, National University of Ireland, Galway. https://www.algaebase.org, consulté le 5 mai 2013
  2. Revue Biofutur, déc 2007, p 13
  3. Oana Ilioaia, « Que trouve-t-on à l’extrémité d’un chromosome ? Le cas d'une petite algue verte », sur CNRS, (consulté le ).
  4. (en) Olga Blifernez-Klassen, Viktor Klassen, Anja Doebbe, Klaudia Kersting, Philipp Grimm, Lutz Wobbe et Olaf Kruse, « Cellulose degradation and assimilation by the unicellular phototrophic eukaryote Chlamydomonas reinhardtii », Nature Communications, vol. 3, no 1214,‎ (lire en ligne)
  5. (en) Ruth Sager et S.Granick, « Nutritional control of sexuality in Chlamydomonas reinhardi », Journal of General Physiology,‎ (lire en ligne)
  6. (en) Ebersold WT, « Chlamydomonas reinhardi: heterozygous diploid strains », Science,‎ (lire en ligne)
  7. (en) Miller Tran, Ryan E. Henry, David Siefker et Christina Van, « Production of anti-cancer immunotoxins in algae: Ribosome inactivating proteins as fusion partners », Biotechnology and Bioengineering, vol. 110, no 11,‎ , p. 2826–2835 (ISSN 1097-0290, DOI 10.1002/bit.24966, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Melissa A. Scranton, Joseph T. Ostrand, Francis J. Fields et Stephen P. Mayfield, « Chlamydomonas as a model for biofuels and bio-products production », The Plant Journal, vol. 82, no 3,‎ , p. 523–531 (ISSN 1365-313X, DOI 10.1111/tpj.12780, lire en ligne, consulté le )

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