Charlotte Tassé
Charlotte Tassé, née le à Henryville et morte le à Montréal, est une infirmière québécoise. Elle a créé la profession des gardes-malades auxiliaires au Québec[1], contribué à l'émergence du nursing psychiatrique dans la province[2] et a dirigé l'Institut Albert-Prévost pendant plus de vingt ans[3].
Naissance | |
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Décès |
(à 81 ans) Montréal |
Nationalité |
Canadienne (Québécoise) |
Activité |
Biographie et réalisations
Deuxième d'une fratrie de onze enfants (dont deux mourront en bas âge), Charlotte est la fille de Charles-Eugène Tassé, propriétaire terrien grâce à l'héritage d'un père médecin, et d'Ernestine Lafond, fille d'un notable d'Henryville. Après des études chez les Religieuses de la Présentation de Marie, elle part se former à Montréal à l'école d'infirmières de l'hôpital Notre-Dame dont elle sort diplômée en janvier 1917[4]. Elle exerce alors comme infirmière privée à Montréal et dans les alentours avant de partir poursuivre sa spécialisation à New York à l'hôpital Bellevue.
À son retour, en 1919, elle se fait offrir la place de garde-malade du tout nouveau sanatorium du Dr Albert Prévost au nord de l'île de Montréal, sur le bord de la rivière des Prairies. Le , elle intègre donc cette institution où elle restera finalement plus de 40 ans. Quelques semaines seulement après son arrivée, elle ouvre une école d'infirmière au sein du sanatorium.
À la mort du Dr Prévost en 1926[5], Charlotte Tassé prend en charge la maison avec l'aide des médecins de l'établissement et de la sœur du fondateur. En 1928, elle se voit confier la direction d'une nouvelle revue infirmière : La Garde-Malade Canadienne-Française[6]. La revue connaît du succès auprès des infirmières francophones du Canada, en particulier la section consacrée aux examens. En 1937, Charlotte Tassé publiera d'ailleurs sur la base de cette section un Manuel des questions et réponses d'examens de gardes-malades qui connaîtra plusieurs rééditions.
En 1937, pour faire face aux difficultés financières que connaît le sanatorium, elle décide, avec sa comparse Bernadette Lépine, de racheter l'établissement pour le transformer en corporation à but non lucratif en vue d'accueillir également des malades de l'assistance publique. En 1945, elles deviennent ainsi les premières infirmières laïques du Québec à être propriétaire d'un centre de soin et de formation psychiatriques d'envergure[7].
Le , elle inaugure au sein du sanatorium la toute première école de gardes-malades auxiliaires du Québec[8], et probablement du Canada, ordre professionnel qu'elle a créé de toutes pièces sur le modèle des practical nurses aux États-Unis. En 1953, elle ouvre également un cours de perfectionnement en nursing psychiatrique qui débouche sur l'obtention d'un diplôme reconnu par l'Université de Montréal. En 1955, l'Association d'hygiène mentale du Canada l'honore en lui remettant son grand prix annuel pour le Québec[9].
En 1961, une crise éclate au sanatorium entre le comité d'administration, dirigé par Charlotte Tassé, et l'équipe de psychiatres menée par Camille Laurin. Le conflit[10], qui s'éternise, débouche sur la mise en place, par le gouvernement de Jean Lesage, d'une commission d'enquête dirigé par le juge André Régnier et la nomination d'un administrateur provisoire. Charlotte Tassé est brutalement écartée de l'administration de son établissement et même, un temps, confinée dans ses appartements. À la suite de la publication du rapport[11], en 1964, le gouvernement décide d'accorder le pouvoir aux psychiatres, ne redonnant à Charlotte Tassé qu'une place honorifique au sein du comité d'administration.
Déçue et blessée par ces évènements, Charlotte Tassé se détourne progressivement de la gestion de l'Institut, tout en continuant à œuvrer activement au sein de sa revue (devenue en 1957 Les cahiers du nursing canadien, puis en 1963, Les cahiers du nursing), ainsi que dans l'Association des gardes-malades auxiliaires de la province de Québec qu'elle a contribué à créer. Malade, elle doit se décider à rejoindre une maison médicalisée au début des années 1970. Elle s'éteint finalement le à l'Hôtel-Dieu de Montréal avant d'être enterrée à Henryville.
Souvenirs et commémorations
Il existe aujourd'hui un prix d'excellence à son nom[12], remis tous les deux ans par l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec. On trouve également un Centre de formation professionnelle Charlotte-Tassé[13] à Longueuil ainsi qu'une rue à son nom à Montréal[14].
Notes et références
- « L'infirmière et sa formation », L'infirmière canadienne, , p. 25
- Alexandre Klein, « Charlotte Tassé, créatrice des infirmières auxiliaires et pionnière du nursing psychiatrique au Québec », CAHN/ ACHN Annual conference, Halifax, NS, 17 juin 2018.
- « "SS" », La revue des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, 4e trimestre 1947, p. 13
- Archives de l'hôpital Notre-Dame
- « Albert Prévost », sur Dictionnaire biographique du Canada
- Cohen, Yolande et Éric Vaillancourt, « L'identité professionnelle des infirmières canadiennes-françaises à travers leurs revues (1924-1956). », Revue d'histoire de l'Amérique française, , p. 537–570 (doi:10.7202/305601ar)
- « Historique du sanatorium », BAnQ, Fonds Charlotte Tassé, P 307 S3 SS1 D1
- André Petitat, Les infirmières, de la vocation à la profession, Montréal, Boréal, , p. 86
- « La formation des infirmières », sur banq.qc.ca
- Alexandre Klein, « À propos des relations entre infirmières, médecins et gouvernements. L'histoire de la commission Régnier (1962-1964) », HistoireEngagée.ca,
- « Rapport de la Commission d'enquête sur l'administration de l'Institut Albert Prévost quant à son personnel médical et hospitalier », sur bibliotheque.assnat.qc.ca
- « Prix d'excellence Charlotte-Tassé »
- « Centre de formation professionnelle Charlotte-Tassé »
- « Rue Charlotte Tassé »
Annexes
Bibliographie
- Alexandre Klein, « Charlotte Tassé et Bernadette Lépine, fondatrices à part entière de l’Institut Albert-Prévost », Santé mentale au Québec, Volume XLIV, numéro 2, Automne 2019, p. 39-52 [lire en ligne]
- Alexandre Klein, « Charlotte Tassé (1893-1974), infatigable promotrice du modèle de la garde-malade canadienne-française», Recherches en soins infirmiers, 2018/3, 134, p. 78-93 [lire en ligne].
- René Desgroseilliers, « L'histoire de la psychanalyse à Albert-Prévost », Filigrane, vol. 10, no 1, printemps 2001 [lire en ligne] [PDF].
- Yolande Cohen, Profession infirmière. Une histoire des soins dans les hôpitaux du Québec, Montréal, PUM, 2000.
- Monique Meloche, Profession : travailleuse sociale. Quarante-cinq ans de service social hospitalier 1950-1995, Montréal, Liber, 2011.
- Roger Lemieux, Accueillir la folie, Montréal, Noir sur blanc, 1995.
- Albertine Ferland-Angers, L’École d’infirmières de l’hôpital Notre-Dame, 1898-1948, Montréal, Éditions Contrecœur, 1948.
- André Petitat, Les infirmières de la vocation à la profession, Montréal, Boréal, 1989.