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Charles de Pougens

Marie-Charles-Joseph de Pougens, dit Charles de Pougens ou Charles Pougens, né à Paris le et mort à Vauxbuin le , est un homme de lettres et imprimeur-libraire français.

Atteint de cĂ©citĂ© Ă  l’âge de 24 ans, il ne s'en livre pas moins Ă  une prodigieuse activitĂ© littĂ©raire en tant qu'auteur, traducteur, lexicographe, Ă©diteur et imprimeur, et sa renommĂ©e est telle qu'il est Ă©lu membre de 38 acadĂ©mies françaises et Ă©trangères.

Biographie

Au dire de la marquise de Créquy, Charles de Pougens serait le fils naturel du Prince de Conti[1]. Quoi qu'il en soit, confié aux soins d'une certaine Madame Beaugé, il bénéficie d'une éducation très soignée. Il étudie très tôt la musique et les langues ; une élève de Jean-Baptiste Greuze lui donne des cours de dessin et Jean-Jacques Bachelier des cours de peinture. Son ardeur à l'étude est exceptionnelle :

« Je m'étais réduit à quatre heures de sommeil. Pour me tenir éveillé je prenais jusqu'à dix tasses de café et je jetais une forte pincée de sel dans la dernière afin de lui donner plus d'activité. Dix-neuf heures de travail, sauf les jours où j'étais obligé d'aller souper chez M. le prince de Conti, alors comte de la Marche. Madame Beaugé s'opposait, comme de raison, à ces veilles forcées ; mais je volais des bouts de chandelle que je cachais dans un gros étui, puis moyennant un petit briquet j'allumais mon modeste luminaire. Bref, je devins assez fort dans les divers genres de littérature ancienne, moderne, nationale et étrangère[2]. »

En 1776, il est envoyé à Rome, où on le destine à la diplomatie et où il commence à rédiger son Trésor des origines et Dictionnaire grammatical raisonné de la langue française. Ses talents de peintre le font admettre à l'Académie italienne des Beaux-Arts. Lors d'une épidémie de petite vérole en 1779, il tombe gravement malade et perd la vue. De retour à Paris, il commence à composer des essais sur des sujets variés. En 1786, il se rend en mission diplomatique à Londres où, tout en poursuivant ses recherches linguistiques, il fréquente le chevalier d'Éon et se fait traiter les yeux sans succès par le comte de Cagliostro. Une fluxion de poitrine le contraint à rentrer définitivement à Paris en 1789. Il travaille à un drame, Julie, ou la Religieuse de Nîmes, qui est lu par Talma dans les salons littéraires. Il se lie aux philosophes, correspond avec Rousseau et édite les œuvres de d'Alembert.

Lorsque survient la Révolution, il échappe aux répressions de la Terreur, mais il est ruiné par la dépréciation des assignats et la fin des pensions royales. Pour subsister, il se fait traducteur, puis se lance en 1793 dans le commerce des livres. À force de persévérance, il monte en quelques années l'une des premières maisons de commission de librairie de Paris. Il est chargé de préparer la bibliothèque que doit embarquer l'expédition d'Égypte. Il dirige une imprimerie qui fournit du travail à une cinquantaine de pères de famille. Il est élu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1799 et crée un journal littéraire, la Bibliothèque française, en 1800. Son commerce de librairie est toutefois mis à mal par une série de banqueroutes et il doit se résoudre à emprunter. Napoléon, alors premier consul, lui avance une somme considérable.

En 1805, il se rend aux Pays-Bas pour aller au-devant d'une Anglaise qu'il avait connue Ă  Londres et avec laquelle il se marie. Il se retire deux ans plus tard dans la vallĂ©e de Vauxbuin, près de Soissons, tout en poursuivant sans relâche ses activitĂ©s d'Ă©diteur et d'auteur. Il publie en 1819 ce qu'il appelle un « spĂ©cimen » de son Ĺ“uvre majeure, soit 500 pages de ce dictionnaire pour lequel il a, dit-il, « rĂ©uni plus de cinq cent mille citations ou exemples tirĂ©s des principaux Ă©crivains français et qui sont destinĂ©s Ă  Ă©tendre les diverses acceptions des mots de notre langue[3] ». Mais il meurt d'apoplexie avant d'avoir pu achever son travail. Émile LittrĂ©, qui puise dans les manuscrits de Charles de Pougens conservĂ©s par l'Institut de France pour composer son cĂ©lèbre Dictionnaire, lui rend ainsi hommage dans sa prĂ©face :

« J'en dois dire autant de Pougens. Lui est de notre siècle ; il avait projeté un Trésor des origines de la langue française ; un Spécimen en a été publié en 1819, et deux volumes, sous le titre d'Archéologie française, en ont été tirés. Pour s'y préparer, il avait fait des extraits d'un grand nombre d'auteurs de tous les siècles ; ses dépouillements sont immenses ; ils remplissent près de cent volumes in-folio ; c'est la bibliothèque de l'Institut qui les conserve, et ils n'y sont que depuis deux ou trois ans ; j'y jette les yeux à mesure que j'imprime, et avec cette aide je fortifie plus d'un article, je remplis plus d'une lacune. Les manuscrits de La Curne de Sainte-Palaye et de Pougens sont des trésors ouverts à qui veut y puiser ; mais on ne peut y puiser sans remercier ceux qui nous les ont laissés[4]. »

Notes et références

  1. « On avait dû croire et l'on avait toujours cru que le Chevalier de Pougens était fils naturel du Prince de Conty, Louis-François Ier, mais ensuite on aurait voulu se persuader et nous faire croire qu'il était fils de la Duchesse d'Orléans, sœur de ce prince, et c'était dans un intérêt pécuniaire et par un esprit de calcul intolérable, à mon avis. Toujours est-il que c'était M. le Prince de Conty et Mme de Guimont qui se croyaient son père et sa mère. Le nom qu'il porte est celui d'un fief mouvant de la Duché de Mercœur en Auvergne ; c'était la maison de Bourbon-Conty qui le pensionnait, qui l'avait fait élever et qui l'avait pourvu d'un bénéfice ecclésiastique à la nomination de ses princes ; enfin je puis affirmer que M. le Prince de Conty, Duc de Mercœur, avait fait signifier judiciairement au Bailly de Froulay que Marie-Charles-Joseph, Sieur de Pougens, était son fils naturel, et qu'il demandait pour lui le titre et la croix de Chevalier de Malte, en vertu de ses droit et privilége de naissance. » Souvenirs de la Marquise de Créquy, tome VI, chapitre IV, 1834-36.
  2. Charles de Pougens, MĂ©moires et Souvenirs, Lettres sur diverses circonstances de ma vie, lettre IV, 1834.
  3. Ibid, chap. VI.
  4. Émile Littré, Préface au Dictionnaire de la langue française, Introduction : X. Conclusion, 1863.

Ĺ’uvres

Théâtre
  • Julie, ou la Religieuse de NĂ®mes, drame historique en un acte et en prose (1792)
Contes et nouvelles
  • Abel, ou les Trois frères (1820)
  • Contes du vieil ermite de la vallĂ©e de Vauxbuin (3 volumes, 1821)
  • Jocko, anecdote dĂ©tachĂ©e des Lettres inĂ©dites sur l'instinct des animaux (1824) (Cette nouvelle donna lieu Ă  une pièce/ballet très cĂ©lèbre, "Jocko ou le Singe du BrĂ©sil" et fut publiĂ©e et commentĂ©e très favorablement par Anatole France en 1880)
  • AlbĂ©ric et SĂ©lĂ©nie, ou Comme le temps passe ! (1827)
  • Contes en vers et poĂ©sies (1828)
Philologie et lexicographie
  • Vocabulaire de nouveaux privatifs français imitĂ©s des langues latine, italienne, espagnole, portugaise, allemande et anglaise, suivi de la table bibliographique des auteurs citĂ©s (1793)
  • Essai sur les antiquitĂ©s du Nord, et les anciennes langues septentrionales (1799)
  • TrĂ©sor des origines et dictionnaire grammatical raisonnĂ© de la langue française : SpĂ©cimen (1819)
  • ArchĂ©ologie française, ou Vocabulaire de mots anciens tombĂ©s en dĂ©suĂ©tude (2 volumes, 1821-25) (→ tome 1 & tome 2 en ligne)
Essais et albums
  • RĂ©crĂ©ations de philosophie et de morale (1784)
  • TraitĂ© curieux sur les cataclysmes ou dĂ©luges, les rĂ©volutions du globe, le principe sexuel et la gĂ©nĂ©ration des minĂ©raux (1791). RĂ©Ă©ditĂ© sous le titre Essais sur divers sujets de physique, de botanique et de minĂ©ralogie, ou TraitĂ©s curieux sur les cataclysmes, les rĂ©volutions du globe, le principe sexuel et la gĂ©nĂ©ration des minĂ©raux, composĂ©s Ă  Richmond, en 1787 (1793)
  • Doutes et conjectures sur la dĂ©esse NĂ©halennia (1810)
  • Les Quatre Ă‚ges (1819)
  • Galerie de Lesueur, ou collection de tableaux reprĂ©sentant les principaux traits de la vie de Saint Bruno, dessins et gravures de Georges Malbeste (1825)
Correspondances
  • Lettres originales de J.-J. Rousseau, Ă  Mme de..., Ă  Mme la marĂ©chale de Luxembourg, Ă  M. de Malesherbes, Ă  d'Alembert, etc. (1798)
  • Lettres d'un chartreux, Ă©crites en 1755 (1820)
  • Lettres de Sosthène Ă  Sophie (1821)
  • Lettres philosophiques Ă  Madame*** sur divers sujets de morale et de littĂ©rature, dans lesquelles on trouve des anecdotes inĂ©dites sur Voltaire, J.-J. Rousseau, d'Alembert, PechmĂ©ja, Franklin, le Cte d'Aranda, etc., suivies d'une Dissertation sur la vie et les ouvrages de GalilĂ©e, et d'une notice sur quelques exemples de longĂ©vitĂ© (1826)
Traductions
  • De l’anglais de Watkin Tench : Relation d'une expĂ©dition Ă  la Baye Botanique avec des observations sur les habitants de cette contrĂ©e, et la liste de l'Ă©tat civil et militaire au Port Jackson (1789)
  • De l’allemand de Georg Forster : Voyage philosophique et pittoresque sur les rives du Rhin, fait en 1790 (2 volumes 1794)
  • De l’allemand de Georg Forster : Voyage philosophique et pittoresque en Angleterre et en France fait en 1790, suivi d'un Essai sur l'histoire des arts dans la Grande-Bretagne, par George Forster, l'un des compagnons de Cook (1795) Texte en ligne
  • De l’anglais de John White : Voyage Ă  la Nouvelle Galles du Sud, Ă  Botany-bay, au Port Jackson, en 1787, 1788, 1789, par John White. Ouvrage oĂą l'on trouve de nouveaux dĂ©tails sur le caractère et les usages des habitans du cap de Bonne-EspĂ©rance, de l'Ă®le TĂ©nĂ©riffe, de Rio Janeiro et de la Nouvelle-Hollande, ainsi qu'une description exacte de plusieurs animaux inconnus jusqu'Ă  prĂ©sent. Traduit de l'anglais avec des notes critiques et philosophiques (1798)
MĂ©moires
  • MĂ©moires et Souvenirs de Charles de Pougens, Chevalier de Plusieurs Ordres, de l'Institut de France, des AcadĂ©mies de La Crusca, de Madrid, de Gottingue, de St-PĂ©tersbourg, etc. ; commencĂ©s par lui et continuĂ©s par Mme Louise B. de Saint-LĂ©on (1834) Texte en ligne

Liens externes

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