Charité romaine
Charité romaine (en italien Carità Romana) est le nom traditionnel d'une scène exemplaire : une jeune fille, Péro (ou Péra), allaite secrètement en prison son père, Cimon ou Mycon, condamné à mourir de faim. Péro obtient la permission de visiter son père, mais les gardiens s'assurent qu'elle ne lui apporte pas de nourriture. Le vieillard ne mourant pas, l'un des gardiens exerce une surveillance et s'aperçoit que Péro donne le sein à son père. Le préteur et les juges, avertis, décident de libérer le prisonnier.
Cette histoire est rapportée, avec des variantes[1], par divers auteurs anciens, qui la présentent comme un acte exemplaire de piété filiale[2] ; on la trouve dans les Faits et dits mémorables de l'historien romain Valère Maxime[3] (livre V, chap. 4), chez Pline l'Ancien (Hist. nat., VII, 36), chez Solin (chap. I), chez Festus (s.v. pietas), ou encore chez Hygin (Fables, 254).
Dans le texte de Valère Maxime, la scène, brièvement évoquée sans contexte narratif précis, est déjà présentée comme un sujet de tableau émouvant[4]. Le thème faisait écho à la légende mythologique de Junon allaitant Hercule (et créant, par un jet de lait, la Voie Lactée). Trois fresques, découvertes à Pompéi et conservées au Musée archéologique national de Naples, représentent cette scène. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, de nombreux artistes européens ont représenté cette scène, notamment Pierre Paul Rubens, qui en peignit plusieurs versions. L'artiste baroque Caravage l'a aussi insérée, parmi d'autres, dans son œuvre de 1606, Les Sept Œuvres de miséricorde.
Dans la peinture célèbre de Jan Vermeer, la Leçon de musique, on peut apercevoir un tableau de la Charité romaine, selon l'habitude du peintre d'insérer un tableau dans son tableau.
Maupassant donne une version légèrement différente de cette scène dans sa nouvelle Idylle[5].
Au XXe siècle, John Steinbeck insère une scène de charité romaine dans son roman les Raisins de la colère (1939), quand Rosasharn Rivers nourrit un homme malade et affamé au coin d'une grange.
Adaptations dans les arts plastiques
- Fresque provenant de Pompéi Ier siècle av. J.-C.
- Charité romaine
Statue à Gand, Belgique - Charité romaine
Artiste inconnu. (vers 1500-1520) - Cimon et Pera
Hans Sebald Beham (1500-1550) - Charité romaine
Pierre Paul Rubens (1577-1640) - Charité romaine
Dirck Van Baburen (1595-1624) - Charité romaine
Jan Janssens (1590-1650) - Cimon et Pera
Charles Mellin (1597-1649) - Charité romaine
Giovanni Domenico Cerrini (1609-1681) - Charité romaine
École baroque italienne.
(XVIIe siècle) - Charité romaine
Johan Zoffany (1733-1810) - Charité romaine
Jean-Baptiste Greuze (vers 1767) - Franz de Paula, comte Hartig, et son épouse Eleonora représentée en Charité romaine
Barbara Krafft (1797) - Ignacio Palmerola (1851)
Almodi de Xà tiva - Charité romaine
Max Sauco (1969- )
- Jean Goujon, bas-relief sculpté, 1560-1562, exposé au musée du Louvre à Paris.
Adaptations dans la littérature
La scène est décrite dans un poème de Delafont de St Yenne, inscrit sous une gravure de J.-P. le Bas [6]:
« Quel spectacle touchant ! Quel merveilleux tableau !
Chargé d'ans et de fers Cimon presque au tombeau,
Trouve au sein de sa fille une nouvelle vie :
Cimon ! de quel bonheur ta misère est suivie !
Tu renais de ton sang, et ta fille Ă son tour
Est Mère de celuy qui luy donna le jour. »
Adaptations au cinéma
La Charité romaine, 2008, court-métrage[7] de Cheyenne Carron.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Roman charity » (voir la liste des auteurs).
- Parfois les protagonistes sont anonymes, parfois nommés, avec des noms qui diffèrent selon les auteurs ; c'est tantôt la mère qui est emprisonnée et sauvée par sa fille, tantôt le père.
- L'épisode est d'ailleurs associé aux traditions concernant l'emplacement du temple de Pietas in foro Holitorio. Voir Bruno Poulle, « Sur la signification du temple de Pietas », Dialogues d'histoire ancienne, 23, 2, 1997, pp. 125-137.
- Valère Maxime donne deux versions de cet exemplum : une version racontée en détail et située à Rome, dans laquelle les personnages sont anonymes et où la jeune femme allaite sa mère ; une autre version située à « l'étranger », probablement en Grèce, racontée plus sommairement, où la fille appelée Péro allaite son père Micon.
- Il s'agit ici de la deuxième version de l’exemplum, qui nomme Péro et Micon.
- Miss Harriet, Idylle
- D'après une peinture de Noël Nicolas Coypel gravé par J.-P. le Bas, à Paris chez G. Duchange Graveur du Roy, ruë St Jacques au-dessus de la ruë des Mathurins.
- Court métrage visible sur le site de Cheyenne Carron: http://www.cheyennecarron.com/band3.php
Bibliographie
- E. Knauer, « Caritas romana », Jahrbuch der Berliner Museen, 6 (1964), pp. 9-23.
- Waldemar Deonna, « La légende de Pero et Micon et l'allaitement symbolique », Latomus, 13, 1954, pp. 140-166 et 356-375 (repris dans Deux études de symbolisme religieux, Bruxelles, coll. Latomus n° 18, 1955).
- Waldemar Deonna, « Les thèmes symboliques de la légende de Pero et de Micon », Latomus, 15, 1956, pp. 489-511.