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Chambre close

Un mystère ou une énigme en chambre close est une forme particulière de roman policier. L'intrigue tourne le plus souvent autour d'un meurtre commis dans une pièce hermétiquement fermée, d'où l'assassin n'a pu s'échapper après le crime. De nombreuses variantes existent : un crime perpétré sur une plage où n'apparaît aucune trace de pas, un cadavre qui disparaît d'un local entièrement scellé ou encore un assassinat qui a eu lieu alors que personne n'a pu entrer. L'idée de base est celle du « meurtre impossible ». Plusieurs auteurs se sont particulièrement illustrés dans ce genre : G. K. Chesterton, John Dickson Carr et Paul Halter.

La plupart des énigmes en chambre close appartiennent à la catégorie du whodunit (contraction de « Who [has] done it? » litt. « qui l’a fait ? »).

Histoire

Le précurseur du genre est le Double Assassinat dans la rue Morgue (1841) d'Edgar Poe dans son recueil de nouvelles Histoires extraordinaires, traduites par Baudelaire[1]. Puis La Pierre de lune de Wilkie Collins (1868). En effet, ces deux œuvres intègrent partiellement l'idée de la « chambre close ».

C'est le cas également de La Chambre du crime (1874) d'Eugène Chavette, une « comédie policière »[2] avec cependant un traitement sérieux du mystère.

G. K. Chesterton, créateur et inspirateur de nombreuses énigmes en chambre close.

Le premier roman policier qui repose véritablement sur le principe de la chambre close est Le Mystère de Big Bow d'Israel Zangwill (1891)[3]. Il est suivi d'une longue postérité littéraire, dont Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, dont John Dickson Carr juge qu'il est « le meilleur roman policier jamais écrit »[1], plusieurs enquêtes du Père Brown de G. K. Chesterton et de nombreux romans de John Dickson Carr, notamment Trois cercueils se refermeront, Celui qui murmure, Le Sphinx endormi et La Chambre ardente.

De nombreux auteurs de whodunit ont relevé le défi : Conan Doyle[1], Jacques Futrelle, Edgar Wallace, Agatha Christie (Le Crime de l'Orient-Express[1], etc.), Ellery Queen[1], Boileau-Narcejac, Dorothy L. Sayers, Robert van Gulik, Maj Sjöwall et Per Wahlöö[1], Elizabeth George, Stieg Larsson...

Typologie

Au chapitre 17 de son roman Trois cercueils se refermeront (1935), John Dickson Carr cite un exposé de Gideon Fell qui propose un inventaire des diverses énigmes de chambre close :

  1. il ne s'agit pas d'un meurtre mais d'une série de coïncidences résultant en un accident qui a l’air d'un meurtre ; on croit à une mort criminelle alors qu'il s'agit d'une mort accidentelle ;
  2. il s'agit d'un meurtre mais la victime a été poussée à se suicider ou à provoquer sa propre mort accidentelle (victime rendue folle par un gaz, victime hypnotisée, etc) ;
  3. il s'agit d'un meurtre, commis à l'aide d'un dispositif mécanique introduit auparavant et dissimulé dans une pièce du mobilier ;
  4. il ne s'agit pas d'un meurtre mais d'un suicide déguisé en meurtre ;
  5. il s'agit d'un meurtre dans lequel on croit que la victime est vivante dans la pièce close alors qu'elle est déjà morte : le meurtre est censé se dérouler après l'entrée de la victime dans la pièce ;
  6. il s'agit d'un meurtre qui semble avoir été commis à l'intérieur de la pièce close, alors qu'il a été commis par quelqu'un qui se trouve à l'extérieur ;
  7. il s'agit d'un meurtre dans lequel on croit que la victime est morte dans la pièce close alors qu'elle est encore vivante : la victime est endormie dans la chambre close et tuée après l'ouverture de la porte.

Variantes

Diverses œuvres de littérature policière pour la jeunesse relèvent du mystère en chambre close, par exemple des romans de Caroline Quine, des mangas comme Détective Conan ou des visual novels (forme de roman avec les images des personnages, des musiques, les voix activables ou non et des choix sauf dans le cas présenté ici qui n'est qu'a lire et a résoudre ) Umineko no naku koro ni.

Le concept de la chambre close se retrouve Ă©galement dans la science-fiction avec Les Cavernes d'acier et Face aux feux du soleil d'Isaac Asimov[1].

Exemples

  • Edgar Allan Poe, Double Assassinat dans la rue Morgue (1841)[1] : une femme et sa fille sont assassinĂ©es dans une pièce inaccessible et verrouillĂ©e de l'intĂ©rieur. La gorge de la mère est tranchĂ©e si profondĂ©ment que sa tĂŞte en est presque dĂ©tachĂ©e du corps. La fille a Ă©tĂ© Ă©tranglĂ©e et violemment encastrĂ©e dans le conduit de la cheminĂ©e. La force de plusieurs personnes est nĂ©cessaire pour l'en extraire.
  • Edgar Wallace, Les Quatre Justiciers (1905) : un ministre britannique est assassinĂ© alors qu'il est seul dans une pièce verrouillĂ©e de l'intĂ©rieur et protĂ©gĂ©e de l'extĂ©rieur par des policiers. La chambre est vide et les faits se sont dĂ©roulĂ©s au moment exact oĂą les meurtriers l'avaient annoncĂ©. La cause de la mort est indĂ©terminĂ©e.
  • Gaston Leroux, Le Mystère de la chambre jaune (1907)[1] : dans un château appartenant Ă  un physicien renommĂ© qui y mène des expĂ©riences, sa fille Mathilde est retrouvĂ©e morte dans une chambre peinte en jaune adjacente au laboratoire, dont la porte est fermĂ©e de l’intĂ©rieur et les volets clos.
  • Arthur Conan Doyle, La VallĂ©e de la peur (1914)[1] : un homme est abattu et dĂ©figurĂ© avec un fusil Ă  canon sciĂ© dans un château imprenable et dont la seule entrĂ©e est scellĂ©e. Ce roman est le quatrième mettant en scène Sherlock Holmes. Les chambres closes sont un classique des mystères que doit rĂ©soudre le cĂ©lèbre dĂ©tective puisqu'elles sont aussi prĂ©sentes dans Le Signe des quatre (1890), Le Ruban mouchetĂ© (1892), Le Tordu (1894) et Le Pensionnaire en traitement (1894)
  • Dorothy L. Sayers, Lord Peter et le Mort du 18 juin (1932) : un homme est trouvĂ© sur un rocher isolĂ© du rivage, la gorge tranchĂ©e. Le crime est si rĂ©cent que le sang de la victime n'a pas encore coagulĂ©. Les occupants d'un bateau de pĂŞche situĂ© Ă  moins de 90 m du lieu du crime jurent que personne ne s'est approchĂ© du rocher. Il n'y a aucune trace de pas sur le sable, hormis celles de la femme qui a dĂ©couvert le corps et celles du mort.
  • John Dickson Carr, Trois cercueils se refermeront (1935)[1] : pendant une nuit d'hiver londonienne, deux meurtres sont commis Ă  intervalles rapprochĂ©s. Dans le premier cas, le cadavre est dĂ©couvert dans une chambre close de l'intĂ©rieur, alors que des gens se tenaient devant la porte. Dans le second cas, la victime marchait seule au milieu d'une impasse quand elle a Ă©tĂ© tuĂ©e Ă  bout portant. Personne n'a Ă©tĂ© trouvĂ© Ă  proximitĂ© et le coupable avait la retraite coupĂ©e par trois personnes, dont un policier, qui se sont ruĂ©s vers le lieu du crime après avoir entendu la dĂ©tonation. Il n'y a pas de traces de pas sur la neige.
  • Agatha Christie, Dix Petits Nègres (1939): dix personnages, dont chacun, dans le passĂ©, a perpĂ©trĂ© un homicide contre lequel la justice est impuissante, sont invitĂ©s Ă  se rendre sur une Ă®le. Bien qu'ils en soient alors les seuls rĂ©sidents, ils sont mystĂ©rieusement assassinĂ©s les uns après les autres, d'une façon qui rappelle inexorablement les dix couplets d'une comptine. Un sous-chef et un inspecteur de police tentent de percer le mystère de la mort des dix petits nègres. Ils passent en revue chacun des invitĂ©s, et voient la possibilitĂ© de chacun d'ĂŞtre le meurtrier. Malheureusement, au vu des indices dĂ©couverts sur les lieux du crime, ils en dĂ©duisent qu'aucun d'eux n'aurait logiquement pu tuer tous les autres puis se suicider.

Notes

  1. Macha Séry, « Éloge de l’assassinat en milieu confiné (dans les livres) », sur lemonde.fr, (consulté le )
  2. Eugène Chavette, La Chambre du crime, postface et bibliographie par Jean-Luc Buard, nouvelle édition revue et corrigée, Ed. Archives et documents presse et feuilletons (ADPF)/Mi Li Re Mi, 2019, 288 p. (ISBN 978-1-326-23404-1). Postface : "Un livre mythique, La Chambre du crime (1874) ou du "roman judiciaire" à la "comédie policière". Avec en annexe un document révélateur : "Le Verrou d'Armand Silvestre ? Ou un mystère en "chambre" close enfin élucidé !" [Autre texte parodique basé sur le mystère de la mort du prince de Condé en 1830 trouvé mort dans une pièce verrouillée de l'intérieur]
  3. Adapté au cinéma en 1928 sous le titre de Le Crime de Monsieur Benson, qui sera l'un des premiers films parlants.

Ouvrage

Bibliographie

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