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Château du Pflixbourg

Le château du Pflixbourg est situé dans la commune de Wintzenheim, à proximité de Colmar, Haut-Rhin. Du haut de ses 454 mètres d'altitude, il domine l'entrée de la vallée de Munster.

Pflixbourg
Vue aérienne du Pflixbourg depuis le nord-ouest.
Présentation
Destination initiale
Château de garnison
Destination actuelle
Ruine
Fondation
Entre et
Commanditaire
Patrimonialité
État de conservation
Localisation
Localisation
Coordonnées
48° 04′ 02″ N, 7° 15′ 16″ E
Carte

DĂ©nomination et situation

Le nom du château a peu évolué en dehors des transformations linguistiques : Blickisberc en 1220, Plixiberg en 1276, Blixperch en 1298[1].

Le Pflixbourg se trouve dans le Haut-Rhin sur le versant sud de l’entrĂ©e de la vallĂ©e de Munster, en face du village de Zimmerbach, bien qu’il soit implantĂ© sur le territoire de la commune de Wintzenheim. Le château a Ă©tĂ© construit sur une projection vers le nord-ouest de l’Ehrberg dĂ©limitĂ©e par le vallon du Wilsbachgraben au sud-ouest et le vallon Saint-Gilles Ă  l’est. Le site culmine Ă  458 m d’altitude, 200 m au-dessus du plancher de la vallĂ©e[2] - [3]. Sur le plan gĂ©ologique, l’éminence, en forme de pain de sucre aux pentes raides, fait partie de la plaque granitique de Turckheim. Toutefois, le sous-sol n’est pas composĂ© ici de granite porphyroĂŻde comme le reste de l’Ehrberg, mais forme une Ă©troite bande de granite Ă  deux micas entre ce dernier et une zone de gneiss granitique[4].

Au moment de sa construction, le Pflixsbourg se trouve au sein du ban de Wintzenheim, qui s’étend à cette époque vers l’ouest jusqu’au Krebsbach. Ce territoire se morcelle au cours du XIIIe siècle, de sorte que le château est entouré au début du XIVe siècle de deux autres ban. L’un est celui du prieuré Saint-Gilles, qui dispose désormais d’une juridiction propre dépendant du prieuré Saint-Pierre de Colmar. L’autre était lié à un village disparu, Hausen ou Husen, créé au plus tard en 1269 et faisant partie au XIVe siècle de la juridiction du seigneur du Pflixbourg. Bien que ce village semble avoir été suffisamment grand pour disposer de sa propre église, son emplacement reste indéterminé. Le lieu-dit Hussenfeld, à l’ouest du lycée agricole Saint-Gilles, ne semble en effet pas avoir été habité au Moyen Âge[3].

État des sources

Sources primaires

Il n’existe pas de représentation du château antérieure au XIXe siècle. Les premiers dessins connus sont l’œuvre de Rothmuller[5]. De même, le site n’a pas été l’objet de fouilles archéologiques d’ampleur : en dehors de quelques sondages réalisées dans les années 1970 et 1980, la seule fouille importante, en 2010, a concerné l’extérieur du périmètre fortifié[6].

Historiographie

La connaissance de l'histoire du château a surtout évolué dans les années 2010, à la suite de la reprise complète du corpus des sources et du contexte historique par Thomas Biller et Bernhard Metz et des nouvelles fouilles archéologiques. Ces nouvelles recherches ont écarté un certain nombre d'affirmations mal étayées qui circulaient depuis le XIXe siècle, en particulier en ce qui concerne la construction et la destruction du château. Les fouilles ont ainsi établi que les terrasses attribuées à la protohistoire datent en réalité du XIIIe siècle, tandis qu’une construction avant 1212 a été écartée en raison du contexte[7] - [1]. De même, ces travaux ont montré qu’il n’existe aucun trace documentaire ou archéologique du prétendu siège qui aurait eu lieu vers 1450 et aurait conduit à la destruction du château[3].

Histoire

Gravure de 1850 de Jacques Rothmuller montrant le prieuré Saint-Gilles, avec le Pflixbourg à l’arrière-plan.

La date de construction du Pflixbourg n’est pas connue avec exactitude, mais remonte probablement au premier quart du XIIIe siècle, peut-être entre 1212 et 1219 et serait l’œuvre de Frédéric II[5] - [8]. Une date de construction antérieure est peu probable, du fait que la région se trouve jusqu’à cette date entre les mains des ennemis des Hohenstaufen. Ces derniers prennent le contrôle de la zone en s’emparant de l’avouerie de Munster en 1212 et en permettant l’affranchissement de Colmar[5] - [1]. L’existence du château n’est cependant assurée qu’en 1220, lorsqu’il est mentionné pour la première fois dans un document faisant état d’un don fait par Frédéric II à Frédéric de Schauenbourg, qui occupe l’endroit en tant que bailli impérial[1]. Il s’agit alors d’une forteresse ayant une vocation purement militaire et dont les missions sont la surveillance de l’entrée de la vallée de Munster, la protection de Colmar et le contrôle du prieuré Saint-Gilles[5].

Le Pflixbourg reste dans les décennies suivantes la résidence de fonction des baillis de Haute-Alsace, comme Conrad Werner de Hattstatt. Celui-ci y réside au moins occasionnellement, bien qu’il possède plusieurs autres châteaux à proximité, car sa femme y meurt en 1276. La construction du Hohlandsbourg en 1279 fait toutefois perdre au Pflixbourg une grande partie de sa raison d’être, celui-ci permettant une surveillance plus efficace des alentours de Colmar. Signe de cette désaffection, le château sert de gage à de nombreuses reprises à partir de 1298 et tout au long du XIVe siècle[1]. À une date et dans des circonstances indéterminées, le château devient un fief des Haus d’Issenheim. À l’extinction de ceux-ci en 1430, Sigismond de Bohême en fait cadeau à son vice-chancelier Caspar Schlick, qui le vend lui-même à Maximin de Ribeaupierre en 1434[9]. Il est toutefois rapidement abandonné, probablement dès le milieu du XVe siècle, probablement du fait que les Ribeaupierre possédaient déjà de nombreux châteaux à proximité, ne justifiant pas les coûts de l’entretien[3] - [5].

Les premiers travaux de consolidation sont réalisés en 1864 : la tour maîtresse et la citerne sont déblayés et une portion de mur à proximité de la porte est reconstruite[3]. Après avoir été inscrit au titre des monuments historiques le , de nouvelles restaurations sont effectuées dans les années 1980[10].

Architecture

Disposition générale

Vue aérienne depuis le nord-ouest montrant l’organisation du site (2013).

Le Pflixbourg est une construction très homogène et caractĂ©ristique d’un château de garnison Ă  rĂ´le militaire[11] - [12]. Il prend la forme d’un polygone orientĂ© nord-est sud-ouest de 81 m de long par 40 m de large, dont l’enceinte Ă©pouse la forme du rocher sur lequel il est bâti. Celle-ci est entourĂ©e de fossĂ©s secs, tandis que des bâtiments s’appuient dessus sur la majeure partie du pĂ©rimètre intĂ©rieur. L’entrĂ©e se trouve Ă  l’extrĂ©mitĂ© d’un long couloir formĂ© par le retour de l’enceinte de chaque cĂ´tĂ©. Son contrĂ´le est assurĂ© par un bergfried cylindrique isolĂ© Ă  l'intĂ©rieur de l’enceinte et des bâtiments[13].

Matériaux et techniques de construction

Le Pflixbourg est presque entièrement construit en granit. Celui-ci a été en très grande majorité prélevé sur place lors du nivellement du sommet et du creusement du fossé et des caves des bâtiments. Deux petites carrières ont été localisées à quelques dizaines de mètres au nord-ouest du château, mais elles n’ont probablement eu qu’un rôle d’appoint dans la phase finale du chantier[2]. L’extraction a été faite en banquette et à la pince de carrier, une variante de barre à mine, en exploitant les failles naturelles de la roche[14]. Les encadrements de fenêtres ont été taillés dans un grès rose au grain très fin, mais dont la provenance est indéterminée[15].

Après extraction, les pierres ont été taillées en modules de taille assez variable, leur hauteur oscillant entre douze et trente centimètres. De manière générale, le parement extérieur de la tour maîtresse utilise des blocs plus grands que le parement intérieur et ceux de la courtine. Celle-ci est également de réalisation moins soignée que la tour, avec des blocs plus grossièrement taillés et des assises moins régulières, même si l’ensemble reste d’assez bonne facture. L’intervalle entre les parements intérieur et extérieur des maçonneries a été rempli par un blocage constitué de blocs et de déchets de taille noyés dans du mortier[16] - [3].

Ce blocage et l’irrégularité de l’appareillage ont nécessité l’emploi d’une grande quantité de liant, en l’occurrence un mortier de chaux[17]. Le calcaire permettant de produire la chaux n’étant pas présent sur place, il a été importé de la colline du Florimont, au nord-ouest d’Ingersheim[18]. En ce qui concerne la mise en œuvre des maçonneries, la courtine a été élevée en utilisant un échafaudage ancré dans le mur grâce à des trous de boulins. Sur la tour en revanche l’échafaudage a été monté à partir de troncs non taillés et noyés dans la maçonnerie, puis sciés au ras du mur lorsqu’il a été démonté[19].

Tour maîtresse

La tour vue de l’entrée (2020).

La tour maĂ®tresse est construite au point le plus haut du site, directement au dĂ©bouchĂ© de la porte et de manière totalement indĂ©pendante du mur d’enceinte, dont elle est distante de m au point le plus rapprochĂ©. Elle mesure 23 m de haut pour 9,50 m de diamètre, l’épaisseur de ses murs Ă©tant en moyenne de m; ceci a pour effet de rĂ©duire le volume intĂ©rieur disponible Ă  un diamètre de 3,25 m[12]. Il s’agit donc d’un bergfried un type de donjon frĂ©quent dans le Saint-Empire et uniquement destinĂ©e au combat, sans quartiers d’habitation[11].

Cette tour est totalement aveugle, Ă  l’exception de la porte d’entrĂ©e et d’un petit jour situĂ© en face de celle-ci. La porte prĂ©sente la particularitĂ© d’être en arc brisĂ©, une des premières occurrences de ce dispositif dans l’architecture castrale en Alsace. PercĂ©e Ă  9,50 m de haut, elle donne accès au deuxième niveau de la tour et Ă©tait accessible par une structure en bois pouvant ĂŞtre dĂ©montĂ©e pour condamner l’entrĂ©e. Outre le premier niveau, parfois appelĂ© « oubliettes », la tour compte encore deux Ă©tages au-dessus du niveau de l’entrĂ©e, dont les planchers Ă©taient supportĂ©s par des corbeaux grossièrement taillĂ©s. Au sommet, le chemin de ronde a Ă©tĂ© recouvert de briques au XVe siècle et le parapet est en assez bon Ă©tat de conservation, bien que la majeure partie des merlons ait disparu[11].

L’existence de quelques traces de fondations au pied ouest de la tour permet de supposer qu’elle était entourée d’un mur circulaire la séparant du reste du château. Les maigres restes conservés ne permettent toutefois pas de déterminer l’ampleur de cet ouvrage, qui pourrait autant être un muret qu’une muraille[11].

Enceinte et dépendances

L’enceinte est un simple mur, d’une Ă©paisseur moyenne de 2,10 m encerclant le pĂ©rimètre, sans aucune tour ou autre moyen de flanquement. Elle suit le tracĂ© du plateau dans une succession de segments rectilignes, parfois de grande longueur, et d’angles arrondis[12]. Ce mur prĂ©sente la particularitĂ© de se retrousser Ă  angle droit en avant de l’entrĂ©e,de sorte Ă  former un couloir long de 13 m prĂ©cĂ©dent le porte. Ce dispositif rappelant les portes en tenaille des sites fortifiĂ©s de la protohistoire est unique en Alsace pour cette pĂ©riode[8].

Approvisionnement en eau

La citerne construite au pied de la tour (2008).

Le château dispose d’une citerne d’une capacitĂ© d’environ 140 m3, installĂ©e au sud-ouest de la tour maĂ®tresse et abritĂ©e par un petit bâtiment rectangulaire. Le rĂ©servoir est partiellement creusĂ© dans la roche, une partie des parois Ă©tant maçonnĂ©es et couvertes d’un enduit hydrofuge. Il est couvert d’une voĂ»te en berceau brisĂ©, percĂ©e d’une ouverture carrĂ©e au centre pour puiser l’eau et d’une autre Ă  l’extrĂ©mitĂ© est permettant de l’alimenter[12].

Ce rĂ©servoir ne dispose d’aucun moyen de captage propre et devait ĂŞtre alimentĂ© manuellement depuis une autre source. L’eau stockĂ©e dans la citerne provenait donc probablement en grande partie du puisard qui a Ă©tĂ© repĂ©rĂ© en dehors du pĂ©rimètre fortifiĂ©, Ă  environ quarante mètres du château. Celui-ci est composĂ© d’un conduit d’environ 1,10 m de diamètre, dont les parois sont construites en granit sans utilisation de mortier. L’eau captĂ© par le bassin versant s’infiltre ainsi dans le sol oĂą elle est filtrĂ© par l’arène granitique avant d’aboutir dans le rĂ©servoir d’environ 17 m3. La structure Ă©tait Ă  l’origine coiffĂ©e d’une margelle, mais celle-ci a disparu[20].

Notes et références

  1. Biller et Metz 2007, p. 383.
  2. Koch 2015, p. 299.
  3. Biller et Metz 2007, p. 385.
  4. Koch 2015, p. 294, 299.
  5. Koch 2015, p. 292.
  6. Koch 2015, p. 293.
  7. Jacky Koch, « Wintzenheim (Haut-Rhin). Château de Pflixbourg », Archéologie médiévale, vol. 41,‎ , p. 317 (DOI https://doi.org/10.4000/archeomed.12827, lire en ligne, consulté le ).
  8. Mengus et Rudrauf 2013, p. 252.
  9. Biller et Metz 2007, p. 383-384.
  10. Notice no PA00085739, base Mérimée, ministère français de la Culture
  11. Biller et Metz 2007, p. 386.
  12. Koch 2015, p. 303.
  13. Koch 2015, p. 303-304.
  14. Koch 2015, p. 299-300.
  15. Koch 2015, p. 309.
  16. Koch 2015, p. 305, 307.
  17. Koch 2015, p. 307.
  18. Koch 2015, p. 300, 309.
  19. Koch 2015, p. 304.
  20. Koch 2015, p. 300, 303.

Annexes

Bibliographie

  • (de) Thomas Biller et Berhard Metz, Die Burgen des ElsaĂź : Architektur und Geschichte : Der spätromanische Burgenbau im Elsass (1200-1250), vol. II, Deutscher Kunstverlag, (ISBN 978-3-422-06635-9).
  • Jacky Koch, L’art de bâtir dans les châteaux forts en Alsace (Xe-XIIIe siècles), Nancy, Éditions universitaires de Lorraine, , 561 p. (ISBN 978-2814302556).
  • Nicolas Mengus et Jean-Michel Rudrauf, Châteaux forts et fortifications mĂ©diĂ©vales d’Alsace, Strasbourg, La NuĂ©e bleue, , 376 p. (ISBN 978-2-7165-0828-5).


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