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Centre de détention d'Eysses

Le centre de détention d’Eysses est un établissement pénitentiaire français situé à Villeneuve-sur-Lot, en Lot-et-Garonne (Nouvelle-Aquitaine). Implanté dans une ancienne abbaye bénédictine, il est successivement une maison centrale, une colonie pénitentiaire et aujourd'hui un centre de détention.

Centre de détention d’Eysses
Image de l'Ă©tablissement
Localisation
Pays Drapeau de la France France
RĂ©gion Drapeau de Nouvelle-Aquitaine Nouvelle-Aquitaine
DĂ©partement Lot-et-Garonne
Ville Villeneuve-sur-Lot
CoordonnĂ©es 44° 25′ 07″ nord, 0° 43′ 16″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Lot-et-Garonne
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Centre de détention d’Eysses
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Centre de détention d’Eysses
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Centre de détention d’Eysses
Architecture et patrimoine
Propriétaire Drapeau de la France État français
Statut patrimonial Logo monument historique Inscrit MH (1996)
Logo monument historique ClassĂ© MH (2022)
Installations
Type Centre de détention
CapacitĂ© 294 places
Fonctionnement
Date d'ouverture
Opérateur(s) Drapeau de la France Ministère de la Justice
Effectif 154 (2015)
Statut actuel En fonctionnement (d)

Description

Le centre de détention d'Eysses a une capacité de 294 places pour un effectif de 154 personnes en 2015[1]. L'établissement dépend de la cour d'appel d'Agen et du tribunal judiciaire d'Agen[2].

Histoire

Le centre de détention est implanté dans l’abbaye bénédictine d'Eysses placée sous le double patronage de Saint-Gervais et Saint-Potain et dont l'existence est attestée dès l’an 1008.

Un arrêté du 16 fructidor de l’an XI (3 septembre 1803) transforme l'abbaye en centre pénitentiaire[2] - [3].

Maison centrale (1808-1895)

Par décret impérial du 16 juin 1808, le Centre une maison centrale « de force et de réclusion », laquelle détiendra des hommes et des femmes condamnés à des peines d’emprisonnement de plus d'une année et venant des Hautes-Pyrénées, du Gers, des Landes, de la Haute-Garonne, du Lot, de la Gironde, de la Dordogne et de Lot-et-Garonne[4]. Le travail est industriel et agricole, la ferme comprend 13 hectares[5].

Colonie pénitentiaire (1895-1940)

En 1895, le Ministre de l’Intérieur décide de la transformer en « colonie pénitentiaire pour mineurs » par application de la « Loi Corne » du 5 août 1850. Cette loi dispose que les mineurs doivent recevoir « une éducation religieuse, morale et professionnelle ».

Cela concerne des mineurs acquittés mais orphelins ou vagabonds (article 66 du code pénal), des mineurs condamnés à des peines de plus de six mois ainsi que des mineurs en « correction paternelle » (le code civil de 1804 permet aux pères de famille mécontents de la conduite de leur fils de saisir le juge, pour placer le mineur sous ce régime payant). Cette loi va favoriser l’enfermement massif au détriment d’autres solutions, comme le patronage.

D’emblée, Eysses a vocation à accueillir les « fortes têtes » des autres colonies pénitentiaires (Belle-Ile-en-Mer, Aniane, Saint-Maurice et Saint-Hilaire) ainsi que les mineurs condamnés à des peines supérieures à deux années.

Le 2 juin 1895 est inaugurée ce qui restera jusqu'en 1940 la « colonie correctionnelle ». Avec Gaillon, Eysses sera la deuxième colonie correctionnelle de tout l’arsenal pénitentiaire français.

En effet, depuis le XIXe siècle, l’enfance délinquante inquiète les autorités ; elles se préoccupent de les arracher à la ville « corruptrice » pour les régénérer à l’air pur des travaux agricoles et c'est ainsi que les colonies correctionnelles se multiplient dans la seconde moitié du XIXe siècle. Eysses offre un cadre parfaitement adapté à cet objectif.

Le décret du 31 décembre 1927, soucieux de dissimuler le caractère pénal, transforme la dénomination en celle de « maison d'éducation surveillée », Eysses recevant la mention « quartier correctionnel ».

La colonie d’Eysses est structurée en trois quartiers distincts :

  • la section pĂ©nitentiaire pour mineurs condamnĂ©s mais considĂ©rĂ©s transfĂ©rables dans des colonies ordinaires pour y terminer leur peine ;
  • le quartier correctionnel pour les mineurs indisciplinĂ©s , envoyĂ©s par l’Assistance Publique sur saisine du PrĂ©fet, « pour actes d’immoralitĂ©, de violence de cruautĂ© ou donnant des sujets de mĂ©contentement graves » (cad tentative d’évasion, bagarres, menaces sur le personnel…)
  • la section de rĂ©pression pour les mineurs condamnĂ©s Ă  des peines supĂ©rieures Ă  deux ans. Les mineurs relĂ©gables (dont la durĂ©e d’emprisonnement dĂ©passera leur majoritĂ©) ne sont pas soumis Ă  la relĂ©gation aux bagnes.

Un quartier spécial accueille ceux atteints de maladies vénériennes comme la syphilis.

Les conditions de détention y sont les plus rudes et les plus indignes. Les mineurs condamnés ont le crâne rasé, ils portent de mauvais vêtements et des sabots. Les révoltes se multiplient dans ce qui devient le pire des « bagnes d’enfants » de France, celui d'« Eysses la maudite ».

En mars 1937, la mort de l’un d’entre eux, Roger Abel, dans des conditions particulièrement révoltantes, va remettre en cause tout le système pénal appliqué aux mineurs.

Le scandale d’Eysses est dénoncé à travers une campagne de presse puis les articles de Alexis Danan dans Paris-Soir. il aboutira a des réformes de fond.

Sous le régime de Vichy

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le centre de détention devient le lieu de rassemblement le plus important de prisonniers politiques condamnés par le régime de Vichy pour « menées communistes, terroristes, anarchistes ou subversives »[6] - [7].

En , il reçoit la majeure partie des détenus politiques venant de l'ensemble de 24 prisons en majorité de la zone Sud[6]. Les mois suivants arrivent des détenus de la zone nord, si bien que le , l'établissement devient — avec 1430 détenus — « à 90% une prison de résistants »[7].

Les détenus politiques s'organisent autour d'un comité issu du Front national, organisation de la Résistance intérieure française et obtiennent rapidement de la direction le régime politique de détention, plus souple. Ils éditent des journaux, Le Patriote enchaîné et L'Unité. Ils parviennent à cacher des armes et constituent un bataillon FFI clandestin, le « bataillon d'Eysses »[7].

Évasions

Le , 54 prisonniers réussissent à s'évader avec la complicité de deux gardiens[8].

Bataille d'Eysses

Le , une bataille est dĂ©clenchĂ©e Ă  l'occasion de la visite de l'inspecteur gĂ©nĂ©ral des prisons : 1 200 rĂ©sistants de 23 nationalitĂ©s dĂ©tenus dans ce site se rendent maĂ®tres des lieux dans l'espoir de gagner les maquis du Lot-et-Garonne. Ils font prisonnier le directeur de la centrale, un dĂ©nommĂ© Chivot ou Schivo, milicien, ami de Joseph Darnand, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral au Maintien de l’ordre de Vichy, ainsi que 70 gardiens et membres du personnel[6]. Dans sa première phase, l'opĂ©ration est une rĂ©ussite mais Ă  17 heures l'alerte est donnĂ©e par des prisonniers de droit commun. Les Groupes mobiles de rĂ©serve (GMR) interviennent ainsi que l'artillerie allemande et après plus de treize heures de lutte, les prisonniers se rendent après avoir obtenu l'assurance du directeur de la centrale qu'il ne serait pas exercĂ© de reprĂ©sailles[6]. Darnand se rend sur place et ordonne la tenue d'une cour martiale[9]. Le 23 fĂ©vrier, Ă  6 heures, 12 « mutins » sont condamnĂ©s Ă  mort et fusillĂ©s Ă  11 heures, par un peloton de gardes mobiles[6] (Roger Brun Ă©tait l'un d'eux). Joseph Darnand avait demandĂ© 50 tĂŞtes en reprĂ©sailles de l'insurrection[10].

Le , 1 121 prisonniers sont livrĂ©s par l'État français Ă  la division SS Das Reich qui les conduit Ă  la gare de Penne pour les dĂ©porter jusqu'au camp de Royallieu Ă  Compiègne 3 jours durant puis 3 autres jours vers Dachau par les convois du 18 juin et du 2 juillet ; 400 meurent durant les transports ou dans les camps[6].

Parmi ces déportés se trouvait Georges Charpak, arrêté en 1943 pour activités de résistance et condamné à deux ans de prison.

Le mur des fusillés a été inscrit au titre des monuments historiques en 1996 et a été classé en 2022[11]. Une cérémonie commémore cet événement chaque année fin février.

Notes et références

  1. Contrôleur général des lieux de privation de liberté, « Rapport de visite : Centre de détention d’Eysses (Lot-et-Garonne) », sur cglpl.fr, (consulté le )
  2. « Eysses, Établissement pénitentiaire – centre de détention », sur le site du ministère de la Justice français, annuaires.justice.gouv.fr, 8 avril 2009.
  3. « Inventaire général : Abbaye de bénédictins Saint-Gervais-Saint-Protais, prison », notice no IA47001852, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  4. J.-N. Proché, Annales de la ville d'Agen pour faire suite à l'abrégé chronologique des Antiquités, p. 363, Revue de l'Agenais, 1882, tome 9 (lire en ligne)
  5. consulter La colonie pénitentiaire d'Eysses 1895-1938 à travers un fait divers tragique, Gilles PERELLE, Sous-Directeur stagiaire, 27 Promotion ENAP, 1998 consultable sur http://data.decalog.net/enap1/Liens/fonds/F17C65.pdf
  6. André Brissaud (préface de Robert Aron), La Dernière année de Vichy (1943-1944), Librairie Académique Perrin, Paris, 1965, 587 p. (ASIN B0014YAW8Q), p. 274-275.
  7. Fabrice Bourrée, Dominique Tantin, « Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), Centrale d’Eysses, 23 février 1944 », sur fusilles-40-44.maitron.fr.
  8. Recit de René Filhol, « Le bataillon de la Centrale d'Eysses », sur bteysses.free.fr, (consulté le ).
  9. Une loi du 20 janvier 1944 autorisa Darnand à constituer des cours martiales sommaires (il n'y avait ni procureur ni avocats) : trois juges, siégeaient anonymement et prononçaient en quelques minutes des condamnations à mort exécutables immédiatement. Deux d''entre eux furent identifiés par l'historien Jean-Pierre Koscielniak en 2018.
  10. Jaladieu 2007.
  11. « "Murs des Fusillés" du Centre de détention d'Eysses », notice no PA47000023, base Mérimée, ministère français de la Culture.

Voir aussi

Bibliographie

  • Dom Michel Gervais, MatĂ©riaux du Monasticon Gallicanum, ms. Latin 11821 « Prospectus regalis abbatiæ SS. Gervasii et Protasii de Axis 1687 »
  • La colonie pĂ©nitentiaire d'Eysses 1895-1938 Ă  travers un fait divers tragique, Gilles PERELLE, Sous-Directeur stagiaire, 27 Promotion ENAP, 1998 consultable sur http://data.decalog.net/enap1/Liens/fonds/F17C65.pdf
  • Jean-Pierre Koscielniak, Darnand et les fusillĂ©s d'Eysses. Autopsie d'une rĂ©pression, Le Passage, 2019.
  • Corinne Jaladieu, La Prison politique sous Vichy : L'Exemple des centrales d'Eysses et de Rennes, Paris, L'Harmattan, coll. « Logiques sociales – DĂ©viance et sociĂ©tĂ© », , 289 p. (ISBN 978-2-296-04748-8) [Aperçu en ligne sur books.google.fr (page consultĂ©e le 23 avril 2010)].
  • AbbĂ© Bertrand, Antoine de Lantenay, L'abbaye d'Eysses en Agenois. MĂ©moire pour l'histoire de l'abbaye lès Villeneuve-d'Agenois. Appendices, p. 151-180, 221-254, 397-400, Revue de l'Agenais, 1892, tome 19 (lire en ligne)
  • Isabelle Brunet, Établissements pĂ©nitentiaires de Lot-et-Garonne 1800-1940, Archives dĂ©partementales de Lot-et-Garonne (lire en ligne)
  • Association nationale pour la mĂ©moire des rĂ©sistants et patriotes emprisonnĂ©s Ă  Eysses bataillon FFI dĂ©portĂ© Ă  Dachau.et Jean-Guy Modin Le Bataillon d'Eysses : d'après les tĂ©moignages et documents des anciens dĂ©tenus patriotes d'Eysses (F. F. I. 1943-1945), impr. centrale commerciale, Paris, 1962, 271 p.lire en ligne sur Gallica

Filmographie

  • Eysses, une Ă©popĂ©e rĂ©sistante, documentaire de StĂ©phane Bihan, diffusĂ© sur France 3 Aquitaine le 14 novembre 2015.

Articles connexes

Liens externes

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