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Catoptromancie

La catoptromancie (du grec ancien ÎșÎŹÏ„ÎżÏ€Ï„ÏÎżÎœ / kĂĄtoptron (« miroir ») et ÎŒÎ±ÎœÏ„Î”ÎŻÎ± / manteĂ­a (« divination »)) est la divination d’aprĂšs les formes apparaissant dans un miroir[1]. Elle est Ă©galement appelĂ©e cataptromancie ou captromancie. La cataptromancie est souvent confondue Ă  tort avec la cristallomancie qui est la vision utilisant une boule de cristal.

Svetlana s'interroge sur son avenir
par Karl Briullov, 1836

Historique

Le miroir de VĂ©nus, Edward Burne-Jones

Cette mĂ©thode de divination a Ă©tĂ© frĂ©quemment employĂ©e sous diverses formes depuis la plus haute antiquitĂ© sur des miroirs en mĂ©tal poli : cuivre, bronze, fer, argent ou or. On en retrouve des traces en ChaldĂ©e et en MĂ©sopotamie. Bien Ă©videmment la surface de l’eau ou de toute autre surface rĂ©flĂ©chissante faisait aussi l’affaire[2].

« Les Sagas de la Thessalie traçaient sur des miroirs leurs formules sibyllines avec du sang : aussitĂŽt la lune – autre miroir – rĂ©flĂ©chissait ces caractĂšres sanglants, puis la rĂ©ponse s’imprimait d’elle-mĂȘme sur son croissant argentĂ©. C’est ainsi qu’était rendu l’oracle »[3].

Dans sa Description de la GrÚce (vers 174) Pausanias le PériégÚte écrit :

« Devant ce temple il y a une fontaine qui du cĂŽtĂ© du temple mĂȘme est fermĂ©e par un mur de pierres sĂšches ; en dehors on a pratiquĂ© un chemin qui y descend. On prĂ©tend que cette fontaine rend des oracles qui ne trompent jamais ; elle est consultĂ©e non sur toutes sortes d'affaires, mais seulement sur l'Ă©tat des malades. On attache un miroir au bout d'une ficelle, et on le tient suspendu au-dessus de la fontaine, en sorte qu'il n'y ait que l'extrĂ©mitĂ© qui touche Ă  l'eau. Ensuite on fait des priĂšres Ă  la DĂ©esse, on brĂ»le des parfums en son honneur, et aussitĂŽt en regardant dans le miroir on voit si le malade reviendra en santĂ© ou s'il mourra ; cette espĂšce de divination ne s'Ă©tend pas plus loin. »[4].

L’empereur romain Didius Julianus (193) avait des pratiques similaires comme le relate Spartianus :

Miroir romain
« Julianus eut mĂȘme recours Ă  ce genre de divination qui se fait Ă  l’aide d’un miroir, dans lequel, dit-on, des enfants voient l’avenir, aprĂšs que leurs yeux et leur tĂȘte ont Ă©tĂ© soumis Ă  certains enchantements. On prĂ©tend que, dans cette circonstance, l’enfant vit dans le miroir l’arrivĂ©e de SĂ©vĂšre et le dĂ©part de Julianus. »[5]

La Renaissance a eu aussi son lot de divinations par les miroirs, le médecin Jean Fernel 1497-1558 relate :

« Avoir vu dans un miroir diverses figures qui exécutaient des mouvements qu'il leur commandait et les gestes de ces figures étaient si expressifs, que chacun des assistants, qui voyaient comme lui dans le miroir, pouvait fort bien comprendre leur mimique. »[6]

Un soir de 1559, Cosme Ruggieri[7], le mage de Catherine de MĂ©dicis, l’utilisa au ChĂąteau de Chaumont-sur-Loire pour prĂ©dire Ă  la Reine-MĂšre la durĂ©e du rĂšgne de ses fils, ceux-ci devant faire autant de tours sur eux-mĂȘmes que d’annĂ©es passĂ©es sur le trĂŽne. François II fit un tour, Charles IX quatorze, Henri III quinze et le prince de Navarre (le futur Henri IV) vingt et un[8].

En John Dee, le mage d’Élisabeth Ire d'Angleterre, vit apparaĂźtre un soir Ă  sa fenĂȘtre l’Ange Uriel. Celui-ci lui remit une pierre noire polie qui, lorsqu’on la fixait avec insistance, faisait apparaĂźtre des ĂȘtres capables de dire l’avenir. Cet Ă©trange miroir obscur se trouve actuellement exposĂ© au British MusĂ©um[9].

Plus proche de nous J.T Reinaud (1795-1867), orientaliste commentant au début du XIXe siÚcle le musée du duc de Blacas, écrit :

« Les Orientaux ont aussi des miroirs magiques dans lesquels ils s'imaginent pouvoir faire apparaĂźtre les anges, les archanges; en parfumant le miroir, en jeĂ»nant pendant sept jours et en gardant la plus sĂ©vĂšre retraite, on devient en Ă©tat de voir, soit de ses propres yeux, soit par ceux d'une vierge ou d'un enfant, les anges que l'on dĂ©sire Ă©voquer; il n'y aura qu'Ă  rĂ©citer les priĂšres sacramentelles ; l'esprit de lumiĂšre se montrera Ă  vous et vous pourrez lui adresser vos vƓux »[10].

De nos jours la catoptromancie est encore couramment employée en Afrique subsaharienne.

Miroirs antiques

  • Miroir Ă©gyptien
    Miroir Ă©gyptien
  • Miroir grec
    Miroir grec
  • Miroir gallo-romain
    Miroir gallo-romain
  • Miroir Ă©trusque
    Miroir Ă©trusque

Interprétations

On peut donner deux sortes d’interprĂ©tations aux visions obtenues dans des miroirs. Tout d’abord que ces visions sont de nature onirique, hypnotique ou hallucinatoire, provoquĂ©es par l’ambiance et les rituels comportant frĂ©quemment une semi obscuritĂ©, une longue pĂ©riode de concentration parfois prĂ©cĂ©dĂ©e de jeĂ»nes et l’emploi de fumigations pouvant ĂȘtre hallucinogĂšnes (voir ci-dessus). Comme l’écrit le psychologue Pierre Janet :

« Les personnes qui ont vu dans ces miroirs diront certainement « Je ne savais rien de tout cela ». Eh bien je suis obligĂ© de vous dire que votre dĂ©claration est inexacte. Vous saviez trĂšs bien ce que vous voyez apparaĂźtre. Ce sont des souvenirs acquis, Ă  des dates fixes, des connaissances enregistrĂ©es, des rĂȘveries et des raisonnements dĂ©jĂ  faits. »[11]

À ceci, valable de tous temps, s’ajoute Ă  partir de la Renaissance, l’emploi de techniques permettant d’obtenir toutes sortes d’illusions Ă  l’aide de miroirs semi-transparents ou judicieusement disposĂ©s, procĂ©dĂ©s largement dĂ©crits en son temps par Jean-Baptiste Porta tel celui-ci : « Comment de plusieurs miroirs pleins on pourra faire un miroir auquel, en mĂȘme temps, apparaĂźtrons plusieurs effigies »[12], techniques encore utilisĂ©es de nos jours par les illusionnistes.

LĂ©gendes et traditions

Vision de son futur mari la nuit d'Halloween
Selon tradition anglo-saxonne, une jeune-fille se prĂ©sentant devant un miroir avec une bougie allumĂ©e Ă  la main pendant la nuit d'Halloween verrait passer le visage de son futur Ă©poux... ou une tĂȘte de mort si elle doit dĂ©cĂ©der avant son mariage!

Une lĂ©gende voudrait qu’en effectuant un certain rituel devant un miroir la nuit de l’Épiphanie on pourrait se voir tel qu’on sera Ă  l’heure de sa mort.

Il existe également la légende urbaine de Bloody-Mary (Marie sanglante) qui connait de nombreuses variantes. Si l'on se place devant un miroir dans une piÚce obscure (une salle de bains par exemple), uniquement éclairée par une bougie, et que l'on prononce treize fois de suite le nom "Bloody Mary" il apparaßt le visage sanglant d'une femme qui vous agresse...

[réf. nécessaire]

La catoptromancie est la technique utilisĂ©e par la mĂ©chante belle-mĂšre de Blanche-Neige dans le cĂ©lĂšbre conte de Jacob et Wilhelm Grimm: « Petit miroir, petit miroir qui est au mur, quelle est la plus belle de tout le pays ? ». Dans le conte de Lewis Carol, Alice au Pays des Merveilles passe dans l’univers fantastique situĂ© de l’autre cĂŽtĂ© du miroir.

Notes et références

  1. Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales Paris 1864-1888
  2. Paul SĂ©dir, Les Miroirs Magiques, Chaconne, 1895
  3. Stanislas de GuaĂŻta, Le Temple de Satan, p. 367
  4. Livre VII, Voyage de l’AchaĂŻe - La rĂ©gion de Patras, paragraphe 12
  5. Ælius Spartianus, Vie de Didius Julianus adressĂ©e Ă  DioclĂ©tien Auguste, Paragraphe VII
  6. Jean Fernel, De Abditis rerum causis, Paris, Andrea Wechelum, 1560, I-XI
  7. BrantÎme attribue cette prédiction à Nostradamus- Vie des hommes illustres - Tome 3 - p.234
  8. "Catherine de MĂ©dicis et ses magiciens" in le Mercure de France 1911
  9. Le miroir de Dee est en fait un objet de culte aztÚque rapporté en Europe par Cortés entre 1527 et 1530
  10. Reinaud, Joseph Toussaint, Description des monuments musulmans du cabinet du duc de Blacas, Paris, 1828, pp. 401-402
  11. Pierre Janet, Sur la divination par les miroirs, Paris, 1897
  12. La magie naturelle de Jean-Baptiste Porta, napolitain, nouvellement traduit du latin en françois, Rouen chez Thomas Daré, 1612, Livre IV chapitre 4e

Annexes

Bibliographie

  • Thomas Grison, Le Symbolisme du miroir, MdV Ă©diteur, Paris, 2019.
  • Paul SĂ©dir, Les Miroirs Magiques, Chaconne, 1895
  • « Catherine de MĂ©dicis et ses magiciens » in le Mercure de France, 1911
  • Reinaud, Joseph Toussaint, Description des monuments musulmans du cabinet du duc de Blacas, Paris, 1828
  • Pierre Janet, Sur la divination par les miroirs, Paris, 1897
  • Jean-Baptiste Porta, La magie naturelle, Rouen, chez Thomas DarĂ©, 1612, Livre IV chapitre 4e
  • A. Delatte, La Catoptromancie grecque et ses dĂ©rivĂ©s, Paris, Librairie E. Droz, 1932 Lire en ligne

Articles connexes

Liens externes

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