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Castellet de Bernabé

L’habitat ibérique de Castellet de Bernabé est un site archéologique non loin de Liria (province de Valence, Espagne) qui appartient à la Culture Ibérique, plus concrètement à la tribu Édétanienne. Exceptionnellement bien conservés, les vestiges ont fait l'objet d'une publication exhaustive puis finalement d'un projet de consolidation et de mise en valeur. La Mairie de Liria y organise des visites guidées.

Castellet de Bernabé
Image illustrative de l’article Castellet de Bernabé
Castellet de Bernabé, plan des vestiges
Localisation
Pays Drapeau de l'Espagne Espagne
CoordonnĂ©es 39° 44′ 27″ nord, 0° 41′ 05″ ouest
GĂ©olocalisation sur la carte : Espagne
(Voir situation sur carte : Espagne)
Castellet de Bernabé
Castellet de Bernabé

Le contexte naturel

En raison d'une position côtière et d'un arrière-pays montagneux, la région de Valencia constitue de longue date la voie de passage des différents courants culturels qui depuis la préhistoire traversent régulièrement la Péninsule Ibérique. La colonisation grecque et phénicienne des premiers siècles du dernier millénaire avant notre ère a teinté les communautés indigènes de traditions culturelles orientalisantes qui sont à l'origine de la Culture Ibérique. Mais malgré l'intensification de ces contacts méditerranéens, les autochtones ont tout de même conservé une économie axée sur l'agriculture et l'élevage à laquelle ce littoral lagunaire, plus intensément fréquenté, se prêtait cependant mal.

De ce fait, les sites de la Culture ibérique constituent deux groupes assez différents en fonction de leur situation géographique. Il y a d'une part ceux qui occupent une position côtière, dont l'économie devait certainement intégrer une forte composante commerciale alimentée par les contacts maritimes, et d'autre part, les communautés de l'arrière-pays dont l'économie s'appuyait principalement sur la céréaliculture, la viticulture et l'oléiculture, ainsi qu'un élevage où ovins et caprinés occupaient les premières places. Le site de Castellet de Bernabé fait partie de ce deuxième groupe. Vers le milieu du Ve s. av. J.-C. ses occupants ont choisi une vallée encaissée de l'arrière-pays, à basse pluviométrie, apte à leur économie agricole.

Histoire d’un projet

Une maison Ă  Ă©tage.

Connu de longue date en raison de son aspect perché sur un sommet calcaire, Castellet de Bernabé était considéré comme un ancien « château », ce qui lui a valu son toponyme. Les premières mentions du mur d’enceinte qui entoure l’habitat datent de l’époque des campagnes d’inventaire du Patrimoine Historique réalisées par le Servicio de Investigación Prehistórica dans les années 1940 et régulièrement publiées dans les « Labores » du Musée de Préhistoire de Valencia.

Le programme de recherche à long terme débuta par une campagne de sauvetage en 1984, en raison des fouilles clandestines dont le site faisait l’objet depuis quelques années et qui permettaient de constater un état de conservation remarquable des éléments d’architecture domestique comme murs enduits, parements de briques crues, voire poutrages calcinés, adobes et pans de toiture effondrés pêle-mêle. À la suite de ces découvertes inédites dans le cadre de la Culture ibérique, dont les éléments mobiliers polarisaient alors tout l’intérêt des chercheurs, une campagne de fouilles d’un à deux mois s’est déroulée à Castellet de Bernabé pratiquement tous les étés de 1985 à 1998, jusqu’au dégagement complet de l’habitat et son chemin d’accès sur le versant ouest de la colline.

Un habitat Ă  rue axiale

Un mur en briques crues endurcies par l'incendie de la dernière destruction.

L'Ă©tude des structures dĂ©couvertes a permis de conclure que la construction du site s’est inspirĂ©e du plan Ă  rue axiale, dont la tradition est bien attestĂ©e au Bas Aragon et dans la rĂ©gion de Valencia depuis l’âge du bronze moyen. L´habitat de quelque 1 000 m2, de forme pseudo-rectangulaire, est perchĂ© sur une colline peu Ă©levĂ©e dont la crĂŞte calcaire a d’abord servi de carrière, fournissant les plus gros blocs de l’enceinte. Par la suite, la plateforme sommitale rĂ©sultante a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©e en deux rangĂ©es d'habitations se faisant face de part et d’autre d’une rue axiale fermĂ©e au sud en cul de sac. Sur le cĂ´tĂ© nord, Ă  l’opposĂ©, la rue s’ouvre sur une place triangulaire ou rayonne une troisième volĂ©e de cases ; lĂ , sur la pente ouest, en contrebas de la rue, un corridor d’accès abrite la porte de l’enceinte. Au-delĂ , une voie charretière dallĂ©e oĂą subsistent des ornières a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©e Ă  flanc de colline. De nombreux parements, vestiges des terrasses et contreforts destinĂ©s Ă  Ă©viter l’érosion de cette voie d’accès, sont visibles sur ce versant.

La circulation

Chemin d'accès et porte charretière.

Les bâtisseurs de Castellet de BernabĂ© semblent avoir conçu l’amĂ©nagement des espaces en fonction de la circulation des vĂ©hicules. C’est du moins ce que semblent indiquer d’une part cette voie dallĂ©e de 42 m, puis, dans le secteur de la porte, la prĂ©sence de bornes de protection devant les crapaudines ainsi qu’une ornière artificielle destinĂ©e Ă  guider les roues sur ce passage Ă©troit. Au-delĂ  du corridor, une largeur de m a Ă©tĂ© rĂ©servĂ©e aux vĂ©hicules, Ă  l’occasion aux dĂ©pens des structures adossĂ©s aux façades, dont les angles ont Ă©tĂ© adoucis, lorsqu’elles n’ont pas simplement Ă©tĂ© retirĂ©es pour ne pas envahir l’espace dĂ©volu Ă  la circulation. Les roues des charrettes ont concassĂ©, voire broyĂ©, une bonne partie du substrat calcaire qui tient lieu de sol dans la rue, ce qui permet de suivre sans mal leur itinĂ©raire Ă  l’intĂ©rieur de l’habitat, jusqu’au dĂ©but de la rue axiale. Après quelques mètres ce laminage s’interrompt, le rocher Ă©merge et envahit progressivement la chaussĂ©e dont la largeur a doublĂ©, atteignant m ; dans cette partie du site la crĂŞte calcaire de la colline, plus proĂ©minente, arbore des formes polies et une surface lustrĂ©e par les passages des occupants. La voie carrossable a fait place Ă  un espace de vie.

Urbanisme et fonction des espaces

Aménagements et fonction des espaces : un four domestique, à l'arrière, une forge.
Céramique ibérique peinte de Castellet de Bernabé :cCollection de vases de stockage.

L’architecture, le mobilier et les aménagements permettent de distinguer trois secteurs différenciés au cours de la phase la plus récente de l’occupation de l’habitat, qui est aussi celle qui se conserve le mieux, puisque le site est resté sur pied après son abandon. Dans l’angle nord une enfilade de cinq cases adossées à la courtine Est, communiquant avec l’extérieur au moyen d’une porte à deux battants, a été reconnue comme une maison de maître, certainement les quartiers occupés par la famille propriétaire de ces murs. Du nord au sud, s’alignent une case cuisine-séjour spacieuse, aux multiples foyers, une chapelle à niche et foyer rituel, un moulin aménagé, un espace de stockage et une habitation, flanquée vers l’extérieur par une plateforme de chargement et de déchargement en adobes de forme cubique ou les charrettes devaient décharger leur contenu. Au-delà du mur de façade aveugle, seulement percé d’une étroite porte, la place triangulaire occupe le centre d’un secteur de l’habitat dévolu aux activités de production. La plupart des cases y sont occupées par des aménagements qui les encombrent de façon contraignante, figeant définitivement leurs activités dans un éventail fonctionnel limité. L’huilerie et ses bassins, le grenier et ses trois meules, l’espace de stockage à amphores, la forge, le four. Dans ce secteur, une seule case, la plus spacieuse, abrite des activités domestiques, ce qui pourrait être le signe d’un statut particulier de ses occupants.

De part et d’autre de la rue axiale s’alignent les espaces de vie d’une douzaine de familles de clients dont les habitations alternent avec des espaces de stockage et des structures collectives. Certaines activitĂ©s ne sont reprĂ©sentĂ©es qu’une fois, tel le grenier, pourvu de meules circulaires, le four, le chai au sol jonchĂ© de pĂ©pins de raisin carbonisĂ©s et finalement, une Ă©table. Dans ce contexte, c’est la rue, d’une largeur de m, qui fait figure de théâtre de la vie quotidienne. La plupart des activitĂ©s diurnes devaient s’y dĂ©rouler. Au bout de la rue, une citerne de 14 000 litres dont la couverture effondrĂ©e a Ă©tĂ© recueillie au fond, devait rĂ©soudre le problème de l’approvisionnement en eau pendant une bonne partie de l’annĂ©e.

Finalement, à l'extrême nord de la rue, une place triangulaire établit une transition avant le corridor du portail d'entrée. Les différentes cases s'alignant vers le nord et le sud semblent toutes dévolues à des activités de transformation, que ce soit l'huilerie, la forge, la cave ou le grenier (qui a fourni trois meules).

Aristocratie et clientèle

L'ordre social : une famille étendue, aristocratique (A) les familles nucléaires d'une clientèle (B2). Peut-être encadrées par un Vilicus (B1)

Telle est la configuration du site de Castellet de Bernabé ; au moment de sa destruction vers 200 av. J.-C., qui constitue l'époque la plus riche en documentation archéologique, le site abritait une communauté représentée par une famille aristocratique propriétaire et les familles d'une douzaine de clients chargés de la mise en valeur agricole de ce domaine.

Outre ces données historiques et économiques, de nombreux indices permettent une connaissance plus directe de la communauté qui occupait les lieux. Les métiers à tisser, les foyers culinaires, les céramiques de cuisine, les moulins permettent de discriminer les activités non seulement en fonction du genre mais aussi du statut social des occupants. Ainsi, les mobiliers permettent-ils de proposer qu'une matrone était responsable de la gestion des ressources de la communauté, le tissage constituant l'activité par excellence des autres femmes de l'aristocratie, face à une gent masculine occupée hors les murs, aux armes et aux travaux des champs. Des céramiques campaniennes permettent de dater le sac du site et son abandon vers 200 av. J.-C. donc au moment de la deuxième guerre punique. Autant dire qu'en de telles circonstances les hommes étaient sans doute fréquemment sollicités pour accomplir les obligations militaires associées à leur statut de clients.

Un projet pilote

La richesse du registre archĂ©ologique de Castellet de BernabĂ© a rapidement convaincu les responsables de la Generalitat que le site se prĂŞtait tout particulièrement Ă  la mise en place d'une opĂ©ration pilote reposant sur la crĂ©ation d'itinĂ©raires, de rĂ©cits historiques, de visite de monument. Les autoritĂ©s municipales consultĂ©es ont tout de suite offert leur collaboration Ă  l'Ă©quipe de techniciens chargĂ©s de la mise en place du projet. Celle-ci a envisagĂ© deux perspectives complĂ©mentaires prĂ©alables Ă  la mise en place des actions prĂ©vues dans le projet. D'une part une Ă©tude de marchĂ© des parties prenantes cibles et de l'offre existante dans la rĂ©gion dans un rayon gĂ©ographique d'une vingtaine de km, d'autre part la programmation d'un ensemble d'activitĂ©s directement liĂ©es au proche environnement du site archĂ©ologique. Ces deux Ă©tudes commandĂ©es Ă  la facultĂ© d'Ă©conomie de l'universitĂ© de Valence et Ă  l'universitĂ© polytechnique de Valence respectivement ont confirmĂ© la direction proposĂ©e par les responsables du projet. L'Ă©tude de marchĂ© a dĂ©taillĂ© les enjeux rĂ©gionaux d'un tourisme rural auquel les responsables du gouvernement, polarisĂ©s par la cĂ´te et la saison estivale, ont cependant un certain mal Ă  croire. Un second rĂ©sultat fait Ă©tat de l'existence d'un certain nombre de haras dans l'arrière pays de Valencia et de la bonne place tenue par les activitĂ©s Ă©questres dans l'Ă©ventail des propositions ludiques auxquelles sont occupĂ©s les loisirs. De son cĂ´tĂ© le projet proposĂ© par l'universitĂ© polytechnique de Valence considère la possibilitĂ© de tracer un itinĂ©raire de dĂ©couverte de 4 Ă  5 km partant de Bodegas, (un hameau non loin des vestiges) et aboutissant au Castellet de BernabĂ©. Cette initiative propose Ă©galement d'intĂ©grer Ă  cet itinĂ©raire les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments dont font Ă©tat la Convention europĂ©enne du paysage et les bonnes pratiques de gestion du patrimoine et de la nature. Vu le rĂ©sultat de l'Ă©tude de marchĂ©, ce sentier de dĂ©couverte a prĂ©vu l'amĂ©nagement d'une piste destinĂ©e aux randonnĂ©es Ă  cheval. Une station d'accueil a Ă©tĂ© prĂ©vue Ă  Bodegas, qui demandera des investissements de la part de la mairie (Ă  suivre...).

Notes et références

    Voir aussi

    Bibliographie

    • Helena Bonet, Pierre GuĂ©rin et Consuelo Mata, Urbanisme i Habitatge Ibèrics al Pais Valencia, in: Cota Zero, 10, 1994, p. 115-130, (ISSN 0213-4640)
    • MatĂ­as Calvo, Pere GuillĂ©n, Elena Grau, Pierre GuĂ©rin, Tumbas infantiles en el Castellet de BernabĂ© (Liria, Valencia) ; Inhumaciones infantiles en el ámbito mediterráneo español (siglos VII a.E. al II d.E.), in: Cuadernos de Prehistoria y ArqueologĂ­a Castellonenses, 14, 1989, (ISSN 0212-1824), p. 63-94
    • Pierre GuĂ©rin, Hogares, molinos, telares... El Castellet de BernabĂ© y sus ocupantes, in: ArqueologĂ­a Espacial, 21, 1999, p. 85-99 (ISSN 1136-8195),
    • Pierre GuĂ©rin (dir.), El poblado del Castellet de BernabĂ© y el Horizonte IbĂ©rico Pleno Edetano, in: Serie de Trabajos Varios del S.I.P., 101, DiputaciĂłn Provincial de Valencia, 2003 (ISBN 978-84-7795-349-4)
    • Consuelo Mata Parreño et Helena Bonet Rosado, Testimonios de apicultura en Ă©poca ibĂ©rica, in: Verdolay: Revista del Museo ArqueolĂłgico de Murcia, 7, 1995, p. 277-285 (ISSN 1130-9776)
    • Enrique Pla Ballester, Las Actividades del S.I.P, in: Archivo de Prehistoria Levantina, II, 1945
    • Luis Silgo Gauche, Pierre GuĂ©rin, InscripciĂłn ibĂ©rica sobre plomo de Castellet de BernabĂ© (LlĂ­ria, Valencia), in: Revista d'Arqueologia de Ponent, 6, 1996, p. 199-206, (ISSN 1131-883X)

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