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Carte d'Ă©tat-major

Etat major 1866 couv.jpg

La carte d'état-major est une carte générale de la France réalisée, dans sa premiÚre version, au XIXe siÚcle.

Tableau d'assemblage des relevés

Une ordonnance royale de 1827 en confie l'exĂ©cution au DĂ©pĂŽt de la Guerre mĂȘme si des premiers essais eurent lieu dĂšs 1818.

Le terme Ă©tat-major est utilisĂ© en rĂ©fĂ©rence aux officiers d'Ă©tat-major qui ont rĂ©alisĂ© les levĂ©s. Cette carte peut ĂȘtre vue comme succĂ©dant Ă  la carte de Cassini dont l'absence de mise Ă  jour devenait de plus en plus gĂȘnante (entre-temps le rĂ©seau routier, les bourgs, villes et villages avaient progressĂ©, de mĂȘme que la dĂ©forestation, la surface boisĂ©e a mĂȘme atteint vers cette Ă©poque son minimum historique)[1].

Conception

ÉclimĂštre dont les officiers d'Ă©tat-major se servaient pour les levĂ©s de la carte

La projection utilisée à la conception de la carte est celle dite de Bonne. La triangulation sur laquelle reposent les levés planimétriques est celle des ingénieurs géographes.

Les levĂ©s furent rĂ©alisĂ©s au 1/40 000, mais les minutes restĂšrent manuscrites ; elles Ă©taient accompagnĂ©es d'un calque des courbes de niveau, Ă  Ă©quidistance moyenne de 20 m (40 m en plaine, 10 m en montagne), tracĂ©es Ă  l'aide de mesures rudimentaires, destinĂ©es seulement Ă  guider les graveurs dans la figuration du relief par des hachures. TracĂ©es dans le sens de la pente, les hachures renforcent le rendu visuel, l'apprĂ©hension des formes devenant plus intuitive. MĂȘme si la figuration rationnelle du relief reste la grande nouveautĂ© par rapport Ă  la carte de Cassini[2], il n'en demeure pas moins que, malgrĂ© la prĂ©sence de points cotĂ©s sur la carte, on ne peut donner l'altitude exacte d'un point quelconque du document final.

Les formes du bùti sont rendues avec précision, de façon comparable à une carte IGN contemporaine.

La carte au 1/80 000 ne fut complÚtement éditée qu'en 1875 pour la France continentale, en 1878 pour le Comté de Nice, et en 1880 pour la Corse. 56 ans de relevés topographiques effectués à l'aide de « téclymÚtres » sur tout le territoire furent donc nécessaires à l'achÚvement de cette carte, planifiée à partir d'une triangulation de la France effectuée à partir du méridien de Paris[2].

Avant l'étape de la gravure, la premiÚre forme rendant ce travail colossal fut un dessin-minute réalisé par plusieurs contributeurs, tous respectant les normes graphiques de représentation.

Elle est composée de 273 coupures rectangulaires monochromes à l'échelle 1/80 000 gravées sur cuivre. Par extension on nomme communément ces feuillets « carte d'état-major ».

  • Carte d'État-major de 1866, Ă©chelle 1/40,000, dĂ©partement de la Haute-Savoie, prĂšs de Chamonix, en trĂšs haute rĂ©solution

  • En rĂ©gion de plaine (Environs de CrĂšvecƓur-le-Grand (Oise) - feuille de Montdidier (Somme) -
    1/80 000 - révision de 1885)

  • En rĂ©gion montagneuse

Extraits de la carte d'Ă©tat-major

Projection

Canevas de Bonne

La projection sur laquelle est construite la carte d'état-major est la projection dite de Bonne. Celle-ci repose sur la triangulation des ingénieurs géographes avec comme ellipsoïde de référence l'ellipsoïde de Plessis 1817.

La projection de Bonne est équivalente puisqu'elle conserve les surfaces (les méridiens ont pour images non pas des droites mais des courbes concourantes). Le centre de projection est constitué par l'intersection du méridien de Paris (longitude origine) avec le 45e parallÚle Nord (parallÚle standard) ; le point ainsi défini se situe sur la commune d'Ayrens dans le Cantal.

Habillage

Le carroyage de la carte s'effectue tous les 0,10 grade pour les méridiens et parallÚles. Le cadre spécifie la valeur de ces lignes en grades décimaux (exemple : 50' = 0,5 g) cÎté intérieur et en degrés sexagésimaux cÎté extérieur (exemple: 50' = 5/60 = 0,833°)

La représentation du relief

Le choix des hachures comme seul moyen de rendre compte « in fine » de l’orographie est clarifiĂ© en 1827. C’est la premiĂšre fois que l’on tente de reprĂ©senter rigoureusement le relief sur tout le territoire national. La carte de Cassini, dont l’objectif premier reste le rĂ©fĂ©rencement et le positionnement rigoureux de tous les feux de France, ne signifie au lecteur qu’une reprĂ©sentation de l’esprit du relief, faute de mesures de nivellement. Parce que tous les points gĂ©odĂ©siques ayant servi Ă  Ă©tablir le canevas de la « nouvelle carte de France » ont Ă©tĂ© calculĂ©s non seulement en planimĂ©trie mais aussi en altimĂ©trie, des points cotĂ©s apparaissent sur la carte.

Des choix difficiles

La carte d'Ă©tat-major succĂšde au plan-relief.

Le marque le dĂ©but d’une grande aventure cartographique en France. Il s’agit de la date de dĂ©ploiement des ingĂ©nieurs gĂ©ographes pour commencer la « nouvelle carte topographique de la France[3] ». À l’époque, la majeure partie des effectifs est affectĂ©e aux travaux de gĂ©odĂ©sie. Pour les levĂ©s, seuls huit topographes commencent leurs travaux en rĂ©gion parisienne Ă  l’échelle du 1/10 000 en ayant prĂ©alablement densifiĂ© le rĂ©seau de triangulation existant.

Étant donnĂ© les prĂ©occupations de l’époque et le cĂŽtĂ© novateur de cette opĂ©ration, les officiers qui procĂšdent aux levĂ©s jouissent alors d’une certaine autonomie dans leur travail. Pour la reprĂ©sentation du relief, ils placent sur les minutes des courbes de niveau auxquelles ils adjoignent des hachures tracĂ©es Ă  la plume. Ces hachures ne rĂ©pondent Ă  aucune rĂšgle stricte et les officiers les dessinent alors sans aucune contrainte particuliĂšre. Parfois, la cohabitation hachures/courbes de niveau produit un effet peu lisible ; il peut arriver par endroits que les hachures soient interrompues pour laisser passer une courbe de niveau !

Les premiĂšres annĂ©es de 1820 verront l’achĂšvement des minutes des premiĂšres feuilles de la nouvelle carte[4]. Cette premiĂšre vague de production est l’occasion pour la commission de topographie du DĂ©pĂŽt de la Guerre de prĂ©ciser les mĂ©thodes de levĂ©s, ce qu’il apparaĂźt urgent de faire si l’on souhaite que la facture de la carte conserve son uniformitĂ©.

En 1823, la Commission de Topographie avec Ă  sa tĂȘte, le lieutenant-colonel Puissant, Ă©met une instruction destinĂ©e Ă  clarifier les mĂ©thodes de levĂ©s notamment pour ce qui concerne la question du relief. Cette instruction fait Ă©tat de trois techniques usitĂ©es jusqu’alors dans l’établissement des minutes : Pour les minutes au 1/10 000 cohabitent :

  1. un semis de points cotés ;
  2. des courbes de niveau à équidistance de 5 m ;
  3. des hachures.

À la suite de cet Ă©tat des lieux, l’instruction poursuit sur le passage probable de l’échelle des minutes au 1/40 000 (clarifiĂ© en 1824) et prĂ©conise de ce fait l’abandon pur et simple des courbes de niveau. En effet, le passage Ă  des levĂ©s au 1/40 000 implique de porter Ă  20 m l’équidistance de ces courbes (contre 5 m au 1/10 000) pour des questions de lisibilitĂ© de la carte qui, rappelons-le, est une rĂ©duction des minutes.

« Dans cet intervalle on pourrait omettre souvent des mouvements complets de terrain, ou des accidents importants qui caractĂ©risent la figure du sol, ou bien si l’on voulait les conserver de 5 en 5 mĂštres, comme pour le 1/10 000, il faudrait se rĂ©soudre Ă  faire une miniature dĂ©licate et d’une exĂ©cution trop difficile. »

Pour l’établissement des minutes au 1/40 000, l’instruction prĂ©conise l’utilisation des points cotĂ©s (« cotes de niveau ») avec la mise en place de hachures (« tracĂ©s des lignes de plus grandes pentes »). Elle prĂ©cise pour la nature des points cotĂ©s : « Il faudra que l’IngĂ©nieur dĂ©termine ces cotes de niveau sur les points culminants, dans les fonds, sur les bords et aux sources des eaux courantes et stationnaires, aux carrefours des routes, au bas et au sommet des cĂŽtes sur les mĂȘmes routes, et partout oĂč elles peuvent ĂȘtre nĂ©cessaires pour la plus grande intelligence des mouvements du terrain et de l’inclinaison des pentes diverses. » Quant Ă  la mise en place des hachures, outre leur description technique, elle conseille l’exĂ©cutant :

« Ce sera Ă  l’intelligence de l’ingĂ©nieur Ă  faire le choix des dĂ©tails qu’il faudra omettre ou conserver. Il omettra, dans certains cas, des pentes faibles qu’il devra indiquer dans d’autres, dans l’intention toujours de conserver l’ensemble et l’esprit des formes du terrain. »

Enfin la question du relief est close par le rappel des objectifs avouĂ©s de la future carte : « C’est principalement sur les bords des grandes riviĂšres, sur les cĂŽtĂ©s des routes jusqu’à un quart de distance, que le figurĂ© doit ĂȘtre le plus soignĂ©, afin de servir avec succĂšs aux opĂ©rations militaires d’attaque et de dĂ©fense. Les cotes de niveau, çà et lĂ  sur les berges de riviĂšres ou sur les hauteurs qui les avoisinent et les dominent, sont surtout nĂ©cessaires pour indiquer comment et de combien les rives se commandent, car le dessin laisse toujours de l’incertitude Ă  cet Ă©gard. »

L’instruction de 1823 intervient alors que des rapports font Ă©tat d’une hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© dangereuse des travaux des officiers. Certains reprĂ©sentent les courbes de niveau « à vue » alors que d’autres vont jusqu’à prendre des mesures d’azimut de lignes de plus grandes pentes afin de tracer ces courbes avec le plus de prĂ©cision qu’il leur soit donnĂ©. Les annĂ©es qui suivront 1823 verront une divergence d’opinions sur la question de la reprĂ©sentation de l’orographie entre les membres du personnel du DĂ©pĂŽt de la Guerre, certains jugeant les dispositions de 1823 non satisfaisantes. En 1826, alors que depuis deux ans toutes les minutes sont levĂ©es au 1/40 000[5], le Ministre de la Guerre crĂ©e sur proposition du gĂ©nĂ©ral Guilleminot, directeur du DĂ©pĂŽt de la Guerre, une commission chargĂ©e de clore une fois pour toutes cette question.

La premiĂšre rĂ©union de la Commission de Topographie renouvelĂ©e a lieu le . Les objectifs parlent d’eux-mĂȘmes : l’heure est Ă  l’uniformisation des travaux et Ă  la cessation des troubles :

« faire cesser la divergence d’opinions et d’actions existant depuis trop longtemps entre les divers services publics, sur la maniĂšre d’exprimer le relief du terrain dans le dessin des plans spĂ©ciaux et des cartes topographiques, comme aussi sur le systĂšme de hachures et d’ombres dont il est le plus convenable de faire usage », « D’examiner, parmi les diffĂ©rents systĂšmes suivis ou proposĂ©s, quel est celui qui doit ĂȘtre adoptĂ© gĂ©nĂ©ralement. », « de rechercher en mĂȘme temps s’il est applicable Ă  toutes les Ă©chelles, et particuliĂšrement Ă  celles du 1/40 000 et du 1/80 000, la premiĂšre employĂ©e pour les minutes de la carte de France, et la seconde pour la gravure. », aussi l’aspect coĂ»t n’est pas oublié : « De s’assurer si le systĂšme qui sera prescrit Ă  cet Ă©gard n’entraĂźnera pas Ă  des dĂ©penses beaucoup plus considĂ©rables que celles qui ont Ă©tĂ© prĂ©vues. »

Outre celles dĂ©jĂ  utilisĂ©es, une technique inĂ©dite est proposĂ©e Ă  la commission. Il s’agit du « procĂ©dĂ© des hachures horizontales » qui repose sur la mise en place d’une multitude de courbes de niveaux de mĂȘme Ă©paisseur avec une faible Ă©quidistance de sorte qu’elles forment des teintes. PrĂ©sentĂ© comme plus rapide Ă  mettre en Ɠuvre que les hachures cette mĂ©thode est Ă  rapprocher d’un ombrage Ă  Ă©clairage zĂ©nithal.

Pour l’établissement de carte au-dessous du 1/5 000, la commission est unanime : c’est l’emploi des courbes de niveaux qui prĂ©vaut[6].

En ce qui concerne la carte de l’état-major, la commission fait dresser plusieurs modĂšles d’une mĂȘme zone pour se donner les moyens de trancher.

Il faudra attendre mars 1827 pour que des décisions soient prises. Plusieurs visions se confrontent :

Minutes au 1/40 000 Minutes au 1/80 000
Ingénieurs Géographes Courbes Hachures
Général Brossier s'appuyant sur les avis du lieutenant-colonel Puissant et du colonel Jacotin Courbes + ombrages
Général Lachasse de Vérigny, général Brossier Courbes Hachures
Commandant Lapie Hachures
Général du génie Fleury
(expériences de levés en Catalogne)
Courbes

Le tableau ci-dessus rĂ©sume les opinions dĂ©veloppĂ©es devant la commission. Certains souhaitent une reprĂ©sentation rigoureuse du relief alors que d’autres privilĂ©gient l’effet artistique seul. La majoritĂ© s’accorde pour combiner les deux visions sans pour autant trancher sur les mĂ©thodes Ă  employer. AprĂšs d’ñpres discussions (chaque mĂ©thode Ă  ses avantages et ses inconvĂ©nients), la commission rend nĂ©anmoins un avis :

Pour les minutes ; elle approuve l’utilisation des courbes de niveau dont l’équidistance devra ĂȘtre respectĂ©e sur l’ensemble d’une mĂȘme carte.

Pour la mise au net avant gravure ; des hachures seront adjointes aux courbes de niveau.

DĂ©sormais on adjoint aux minutes un calque sĂ©parĂ© des courbes de niveau[7] dont l’équidistance adoptĂ©e rĂ©pond Ă  la rĂšgle qui consiste Ă  diviser le dĂ©nominateur de l’échelle de la carte Ă  lever par 4 000. Pour la carte de l’État Major 80000/4000= 20 m. Toutefois, Ă©tant donnĂ© que l’intensitĂ© du relief de tout un pays n’est pas uniforme, des adaptations de cette valeur interviennent dans les rĂ©gions trĂšs montagneuses ou Ă  trĂšs faible relief.

Chaque ingĂ©nieur gĂ©ographe remet au dĂ©pĂŽt ces calques et ce n’est qu’aprĂšs que la transformation courbe de niveau → hachures a lieu. DĂ©sormais, l’exĂ©cution des hachures est « centralisĂ©e » Ă  Paris. Cette dĂ©cision permet une meilleure maĂźtrise de la mise en place des hachures en rĂ©duisant les divergences d’interprĂ©tation rencontrĂ©es jusqu’alors. Le , ordre est donnĂ© aux officiers de « s’abstenir de tracer les hachures » et de ne se consacrer qu’aux courbes de niveau Ă  Ă©quidistance de 5 mĂštres tracĂ©es Ă  l’encre de Chine pĂąle. Pour les zones Ă  fort relief, il est prĂ©conisĂ© de doubler l’équidistance ; de mĂȘme la possibilitĂ© de la rĂ©duire localement est admise sous rĂ©serve que les courbes intercalaires soient tracĂ©es plus finement. Cet ordre prĂ©cise aussi que les officiers devront s’employer Ă  mettre en place des « teintes lavĂ©es au pinceau » afin de renforcer l’évocation du relief par les courbes. Toujours en prĂ©vention des divergences d’apprĂ©ciation, des teintes-type leur sont communiquĂ©es. Enfin il est prĂ©cisĂ© que les cotes de nivellement dĂ©terminĂ©es sur le terrain seront portĂ©es sur les minutes en noir tandis que les cotes des principales courbes seront portĂ©es en rouge. Cependant, comme dans toutes rĂ©formes, les vieilles pratiques ont la vie dure et dĂšs l’annĂ©e suivante, des circulaires sont Ă©mises Ă  destination des chefs de section pour que les officiers dont ils ont la responsabilitĂ© respectent les « rĂšgles de l’art » auxquelles ils ont l’obligation de se conformer.

En 1830, douze ans aprĂšs les premiers levĂ©s, des problĂšmes persistent toujours. À travers des notes, des interrogations se forment. On s’interroge par exemple sur le bien-fondĂ© de maintenir des levĂ©s au 1/20 000[8] alors que l’échelle de production (le 1/80 000) ne permet pas de conserver tous les dĂ©tails. Une rĂ©flexion porte sur l’emplacement des points cotĂ©s qui doivent, pense-t-on, se trouver essentiellement sur les lignes caractĂ©ristiques du terrain.

Le , un ordre original du gĂ©nĂ©ral Pelet[9] est donnĂ© Ă  la commission chargĂ©e de la rĂ©ception des travaux des officiers. Il s’agit d’établir un classement par « ordre de mĂ©rite » des douze meilleurs levĂ©s. De plus elle devra fournir au directeur du DĂ©pĂŽt de la Guerre un rapport sur les opĂ©rations gĂ©odĂ©siques et cartographiques correspondant aux levĂ©s. L’annĂ©e suivante, le , un ordre fusionnera cette commission avec celle de la gravure pour former la commission des travaux graphiques.

Dans l’ordre de fusion, Pelet apporte une apprĂ©ciation qu’il est important de relever tant elle rend compte des prĂ©occupations du service Ă  l’époque. « les publications [
] de la carte de France doivent subir de notre part l’examen le plus rigoureux et une rĂ©vision complĂšte avant le moment oĂč elles seront livrĂ©es aux observations et aux attaques de la critique et, je le dis avec une profonde douleur, elle a eu plus d’une fois l’occasion de s’exercer Ă  notre Ă©gard. ». Le gĂ©nĂ©ral va aller plus loin en mettant en place ce qui s’apparente Ă  un vĂ©ritable « contrĂŽle qualité » avec en parallĂšle la crĂ©ation d’un concours : « Il ne suffit pas d’atteindre la perfection dans tous nos travaux graphiques, il faut la maintenir et l’accroĂźtre ; il faut crĂ©er l’émulation parmi ceux qui sont appelĂ©s Ă  nous aider, afin que, dessinateurs et graveurs, tous ceux qui veulent mĂ©riter le beau nom d’artiste ne restent pas en dehors des progrĂšs que nous voulons obtenir. Je pense qu’il serait utile d’établir un concours parmi eux et d’attribuer une rĂ©compense Ă  celui qui, dans le dessin ou la gravure, aurait produit le plus beau travail. » avant de conclure « Le but de ce que je propose est facile Ă  saisir : je veux perfectionner et amĂ©liorer les travaux dont nous partageons tous l’honneur et la responsabilitĂ©, quoique celle-ci pĂšse plus particuliĂšrement sur moi. Je veux surtout asseoir sur des bases solides l’exĂ©cution de la grande Ɠuvre qui nous est confiĂ©e, et en mĂȘme temps la faire participer au progrĂšs gĂ©nĂ©ral. ».

Le concours dont il est fait mention consiste à attribuer une note sur 20 aux travaux des géodésiens et topographes qui était la moyenne pondérée de quatre notes :

  1. une note sur 20 coefficient 3 pour le trait.
  2. une note sur 20 coefficient 4 pour le dessin du trait
  3. une note sur 20 coefficient 2 pour les teintes
  4. une note sur 20 coefficient 5 pour « l’exactitude et l’intelligence des mouvements du sol »

Ce concours montre une fois de plus, par l’importance du coefficient attribuĂ©, le souci de la question du relief.

Une des attributions de la commission est de veiller au bon raccordement des feuilles Ă  graver. Entre autres, elle devra faire effectuer des rĂ©ductions au 1/80 000 des feuilles Ă  graver pour « constater l’effet gĂ©nĂ©ral des mouvements du terrain et l’exactitude des raccordements ».

La commission publiait rĂ©guliĂšrement des recommandations Ă  destination des chefs de section et aux topographes. Une fois de plus, l’accent est mis sur l’orographie. Quelques nouveautĂ©s apparaissent Ă  partir de 1839 : dorĂ©navant, les officiers emporteront avec eux des modĂšles de terrain pour aider Ă  la mise en place des courbes. BientĂŽt gĂ©nĂ©ralisĂ©s, des « calques de courbes » font leur apparition sur certains levĂ©s et permettent de dissocier le modelĂ© du terrain de la planimĂ©trie. Des prĂ©cisions sont apportĂ©es quant au choix des points cotĂ©s. Ils doivent se trouver le long de tous les dĂ©crochements de terrain mais aussi au niveau des dĂ©pressions. Une mĂ©thodologie est mĂȘme prĂ©cisĂ©e :

« [
] il convient, avant d’explorer une contrĂ©e, de bien se pĂ©nĂ©trer de sa configuration hydrographique. On y parvient en traçant sur une carte Ă  grande Ă©chelle les lignes de partage des eaux ou les crĂȘtes des bassins hydrographiques, jusque dans leurs moindres subdivisions. On rend alors familiĂšre la dĂ©pendance successive de ces parties et l’on dĂ©couvre les rapports constants ou les analogies qui servent en quelque sorte de boussole pour Ă©clairer la marche et abrĂ©ger les investigations. ».

Les notions de « ligne de partage des eaux », « ligne de faĂźte », « cols », « ensellement » sont abordĂ©es et prĂ©cisĂ©es. Il s’agit « d’exprimer sur les cartes toutes les lignes de faĂźte qui, avec les principales circonstances physiques, concourent Ă  dĂ©terminer le squelette complet du terrain. ». Il est prĂ©cisĂ© l’importance de placer des cotes sur quatre types de ligne qui sont :

  1. les lignes de partage des eaux.
  2. les lignes de talweg (« thalweg »).
  3. les lignes de plus grandes pentes et les courbes horizontales qui correspondent aux cols et aux autres points caractéristiques
  4. les « lignes de sĂ©paration des berges d’avec les plateaux et les plaines infĂ©rieures »

L’attention des exĂ©cutants est apportĂ©e sur la complĂ©mentaritĂ© entre ce rĂ©seau et le rĂ©seau hydrographique dont l’étude forme ce qu’on appelle alors « la thĂ©orie du terrain » qui deviendra plus tard, avec la gĂ©omorphologie, une science Ă  part entiĂšre.

MalgrĂ© ces indications, cette mĂ©thodologie reste trĂšs vague aux yeux des officiers. Le peu de formation qu’ils avaient Ă  ce sujet leur permettait de reprĂ©senter le relief d’une maniĂšre certes trĂšs minutieuse, mais peu expressive sur les traits rĂ©ellement caractĂ©ristiques de la zone qu’ils devaient lever.

Le une instruction gĂ©nĂ©rale est transmise Ă  tous les topographes de la carte de France ; mĂȘme si elle fut complĂ©tĂ©e plus tard, ce sera la derniĂšre. Elle consiste en une confirmation des diverses dispositions prises dans les instructions prĂ©cĂ©dentes et tente d’élucider les derniers points qui posent problĂšme. Il s’agit lĂ  d’un texte de rĂ©fĂ©rence qui perdurera jusqu’à l’achĂšvement de la carte.

Cette instruction nous informe sur l’ampleur de la tĂąche qui pouvait ĂȘtre assignĂ©e Ă  un officier d’état-major. En « pays ordinaire », la zone Ă  lever s’étendait Ă  un carrĂ© de 20 km de cĂŽté ; en moyenne montagne le cĂŽtĂ© se rĂ©duisait Ă  17 km (16 km en haute montagne) tandis que dans les « pays Ă  peu prĂšs plats » le cĂŽtĂ© pouvait atteindre 25 km. Une partie de l’instruction est consacrĂ©e au positionnement des points cotĂ©s. Elle rappelle qu’il faut prĂ©fĂ©rer des points judicieusement choisis Ă  des points plus Ă©pars et en sur-quantitĂ©. L’instruction prĂ©conise de les placer le long des lignes caractĂ©ristiques du relief citĂ©es prĂ©cĂ©demment, mais aussi Ă  d’autres endroits remarquables : aux sources, aux confluents des riviĂšres ainsi qu’aux nƓuds des grandes routes[10].

L’instruction prĂ©cise aussi les conditions dans lesquelles doivent s’effectuer les dĂ©terminations altimĂ©triques : « on devra Ă©viter de prendre des cotes de hauteur Ă  de trop grandes distances, surtout le matin de trĂšs bonne heure et le soir prĂšs le coucher du soleil, Ă  cause de la rĂ©fraction. ». Elle fait aussi Ă©tat des difficultĂ©s de dĂ©termination que les officiers pourraient rencontrer et propose des mĂ©thodes. Elle souligne le fait que les calculs des cotes doivent ĂȘtre effectuĂ©s sur le terrain de maniĂšre Ă  pouvoir rĂ©itĂ©rer les mesures en cas d’erreur. Les calculs sont consignĂ©s dans des cahiers spĂ©ciaux oĂč chaque point est clairement identifiĂ©.

La formule de calcul des points cotés est la suivante :

Avec : dN la dénivelée recherchée ; K la distance ; D la distance zénithale ; n la réfraction et r le rayon moyen de la Terre.

L’auteur de cette formule n’est autre que Pierre-Simon de Laplace. Le commandant Maissiat, chef de la section topographique du DĂ©pĂŽt de la Guerre, a calculĂ© des tables de cette formule dont chaque officier avait copie.

Toujours sur le registre du relief, une autre partie de l’instruction traite des courbes de niveaux. Elle mentionne le tracĂ© des vallĂ©es sĂšches en ligne ponctuĂ©e.

En 1851 également, l'invention de l'arithmomÚtre rendue disponible pour les topographes facilite l'exploitation et les calculs liés aux relevés topographiques[2].

Le dĂ©but des annĂ©es 1860 voit l’exĂ©cution des derniers levĂ©s. Il s’agit essentiellement des territoires cĂ©dĂ©s Ă  la France en 1860 (comtĂ© de Savoie et de Nice) ainsi que de la Corse. Il s’agit lĂ  de zones montagneuses. On peut ĂȘtre amenĂ© Ă  se poser la question de la qualitĂ© de l’orographie, surtout dans ces zones qui, Ă  l’époque ne reprĂ©sentaient que peu d’intĂ©rĂȘts. En 1863, alors que les derniers levĂ©s en Savoie touchaient Ă  leur fin, le lieutenant-colonel Borson Ă©crit Ă  ce sujet :

« Les officiers doivent ĂȘtre prĂ©venus contre le relĂąchement qui peut les gagner facilement, en face de la tĂąche ingrate d’avoir Ă  lever des dĂ©serts de glace ou des zones stĂ©riles et inhabitĂ©es. Le point de vue auquel il faut se placer est ici celui des exigences nouvelles de la science, qui fait aujourd’hui de ces rĂ©gions, encore inconnues il y a un demi-siĂšcle, l’objet d’explorations minutieuses. ». Borson revient toutefois plus loin sur les « dĂ©serts ». Pour les glaciers, les zones alpestres et les crĂȘtes inaccessibles, il Ă©crit : « on cherchera naturellement Ă  dĂ©terminer les crĂȘtes par leurs points marquants et Ă  fixer la position des thalwegs. Les formes gĂ©nĂ©rales du terrain et les accidents secondaires se dessineront ensuite plus ou moins Ă  vue, mais on aura bien soin, dans les stations les plus importantes de dessiner un ou plusieurs profils, qui serviront Ă  conserver la trace durable de l’aspect des lieux, et qui, rĂ©unis et coordonnĂ©s avec d’autres, permettront d’obtenir un figurĂ© assez prĂ©cis de la rĂ©gion. ».

La technique des hachures

Si les courbes de niveau reposent sur des considĂ©rations altimĂ©triques, les hachures rendent compte des pentes des terrains et sont par consĂ©quent plus intelligibles pour des nĂ©ophytes. Cependant, les hachures ne peuvent ĂȘtre mises en place que sur connaissance expresse des courbes de niveau d’oĂč elles tirent toute leur rigueur. Lorsque leur tracĂ© est rigoureux, on doit pouvoir sans difficultĂ© passer d’un type de reprĂ©sentation du relief Ă  l’autre.

Par définition, les hachures sont toujours normales aux courbes de niveau. Leur tracé suit toujours le plus court chemin qui sépare deux courbes de niveau consécutives.

La réalisation de hachures repose sur le respect de trois rÚgles fondamentales :

1) Le principe de la ligne de plus grande pente :

le trait d’une hachure suit toujours la ligne de plus grande pente que l’on rattache directement Ă  la ligne d’écoulement des eaux. Ce principe fait qu’en toutes circonstances toute hachure est perpendiculaire Ă  la tangente de la courbe de niveau qu’elle intercepte.

2) Loi du quart :

cette loi prĂ©cise que l’écartement des hachures est fixĂ© au quart de leur longueur (dĂ©limitĂ© par deux courbes de niveau). Ainsi, plus la pente est forte, plus les hachures sont courtes et plus elles sont serrĂ©es. Le respect rigoureux de cette rĂšgle permet de retrouver le tracĂ© des courbes de niveau Ă  partir des hachures. La densitĂ© du trait est ainsi directement liĂ©e Ă  l’intensitĂ© de la pente. Il existe des dĂ©rogations Ă  cette rĂšgle : lorsque les pentes sont trĂšs fortes (milieu Ă  relief prononcĂ©) le dessin des hachures devient impossible (espacement entre hachures extrĂȘmement rĂ©duit), on adopte alors les directives suivantes :

  • l’écartement minimum entre hachure est fixĂ© Ă  un demi millimĂštre, ce qui correspond Ă  un espacement entre courbes de niveau de 2 millimĂštres (0,5 mm x 4 = 2 mm) ;
  • l’épaisseur des hachures est augmentĂ©e pour les pentes les plus fortes de maniĂšre Ă  obtenir une teinte proportionnelle Ă  la pente ;
  • les hachures cĂšdent la place au signe de l’escarpement lorsque l’écartement des courbes de niveau n’excĂšde pas le quart de millimĂštre (ce qui correspond au 1/80 000 avec un Ă©quidistance de 20 mĂštres Ă  une pente de 1/1).

3) Emploi d’un diapason :

Diapason carte.PNG

La loi du quart rĂ©glant les questions de l’espacement et de la longueur des hachures, reste Ă  traiter de leur Ă©paisseur. Un diapason permet Ă  l’exĂ©cutant de disposer Ă  tout instant d’un modĂšle de hachures type, conçu de telle sorte que l’intensitĂ© de la teinte soit proportionnelle Ă  la pente.

En ce qui concerne la carte de l’État Major, la reprĂ©sentation de « la montagne » sur les premiĂšres minutes ne se limitait qu’au seul respect de la rĂšgle du quart. Plus tard on fit intervenir le principe du « grossissement » avant l’adoption du premier diapason du colonel Bonne.

Ce diapason Ă©tait tout Ă  fait appropriĂ© aux pentes moyennes mais avait l’inconvĂ©nient d’un rendu fort contrastĂ© entre les zones de plaines (quasi inexpressives) et les zones montagneuses (lourdeur de lecture due Ă  l’« invasion » des hachures).

AprĂšs de multiples modifications, c’est finalement un diapason dit « diapason français » mis au point par le colonel Hossard qui succĂšde Ă  celui de Bonne. Il prĂ©sente une Ă©chelle de douze teintes associĂ©es Ă  des pentes type allant de 1/1 Ă  1/144°[11]. Il est Ă©tabli pour que le rapport hachure sur intervalle Ă©gale une fois et demie la pente. En vue d’aider l’exĂ©cutant, l’espacement des courbes de niveau correspondant Ă  chaque teinte figure sur le diapason.

MĂȘme si la plus grande partie de la carte de France est gravĂ©e en suivant ce diapason, il n’en demeure pas moins qu’une possibilitĂ© d’interprĂ©tation persiste. Le colonel Hossard Ă©crit Ă  ce sujet :

« Tous les essais tentĂ©s pour exprimer la rapiditĂ© des pentes, en raison de l’intensitĂ© des teintes, ont contribuĂ© Ă  prouver combien il est difficile, avec un seul diapason de hachures de conserver un modĂšle suffisant aux pays de plaines et aux rĂ©gions moyennes, sans arriver au noir presque absolu lorsqu’on aborde les hautes montagnes. Dans le nouveau diapason, on s’est proposĂ© de rĂ©partir convenablement les tons, depuis les pentes les plus douces que l’on peut exprimer jusqu’aux inclinaisons les plus fortes
 Toutefois, si un tel diapason Ă©tait suivi dans toute sa rigueur, on n’obtiendrait qu’une carte sans expression dans toutes ses parties ; aussi est-il bien entendu que le diapason a principalement pour but d’assurer de l’uniformitĂ© dans les travaux, sans exclure complĂštement la partie artistique du dessin, qui doit contribuer puissamment Ă  lui donner de l’expression. Le dessinateur doit prendre le diapason pour type dans toutes les pentes intermĂ©diaires entre les plus douces et les plus raides de la rĂ©gion dont il exĂ©cute le figurĂ© en se rĂ©servant la facultĂ© d’adoucir un peu les plateaux et de donner plus d’expression vers les maxima d’inclinaison des pentes et notamment des berges des vallĂ©es. »

Le respect strict des trois rĂšgles de base permet, nous l’avons vu, de tracer sans aucune hĂ©sitation les hachures dans le cas de pentes Ă  tracĂ©s linĂ©aires. Parce que cette hypothĂšse est loin de rĂ©pondre aux subtilitĂ©s d’un relief rĂ©el, le dessinateur doit toujours manipuler les diapasons en les adaptant aux diverses situations rencontrĂ©es si bien que le traitement d’un relief en hachures fait indubitablement appel Ă  plus de rĂ©flexions que le tracĂ© de simples courbes.

Vers un réseau de nivellement

Une des grandes « nouveautĂ©s » apportĂ©es par la carte de l’état-major est la tentative d’une reprĂ©sentation raisonnĂ©e du relief. Pour ce faire, avant mĂȘme le levĂ© topographique il a fallu mettre en place tout un semis de points calculĂ©s en altitude rĂ©partis de façon judicieuse sur la zone de la carte Ă  lever.

Bien souvent, les officiers devront mettre en place ces points en partant des points gĂ©odĂ©siques issus de la triangulation des IngĂ©nieurs GĂ©ographes. Cependant, l’instruction de 1851 fait mention de travaux de nivellement rĂ©alisĂ©s par une administration autre que l’armĂ©e :

« Les IngĂ©nieurs des Ponts et ChaussĂ©es pourront souvent donner aux officiers les nivellements des grandes routes et des principaux cours d’eau, qui seront pour eux de prĂ©cieux documents. Ces nivellements sont ordinairement rapportĂ©s Ă  un plan de repĂšre supĂ©rieur ; mais au moyen d’une bonne cote commune, on obtiendra la hauteur de ce plan, et en retranchant de cette hauteur toutes les cotes de nivellement, on aura les hauteurs au-dessus de la mer ».

À l’époque certaines grandes villes possĂšdent un rĂ©seau de nivellement qui leur est propre (celui de Paris date du XVIIe siĂšcle). Bien souvent ces rĂ©seaux ne sont pas rattachĂ©s Ă  une rĂ©fĂ©rence nationale. L’administration des Ponts et ChaussĂ©es a elle aussi effectuĂ© des opĂ©rations de nivellement linĂ©aire sur les principaux axes de communication (routes, fleuves
).

Plus que prĂ©cĂ©demment, la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle va, avec l’ùre prĂ©industrielle, voir la mise en chantier de nombreuses voies de communication Ă  l’échelle nationale (chemins de fer essentiellement mais encore canaux, routes, ponts
). Pour ces travaux Ă  grande Ă©chelle, les ingĂ©nieurs ont besoin d’effectuer des nivellements sur plusieurs dizaines de kilomĂštres. Des rĂ©seaux dĂ©partementaux voient le jour mais trĂšs vite le besoin d’un rĂ©seau de points connus dans un mĂȘme systĂšme altitude se fait ressentir ; de lĂ  Ă  ce que la Carte d’État Major ne les englobe, il n’y a qu’un pas !

Paul-Adrien BourdalouĂ« (1798-1868), ingĂ©nieur des Ponts et ChaussĂ©es, se voit confier diffĂ©rents travaux locaux Ă  partir des annĂ©es 1830. Durant prĂšs de vingt annĂ©es il va amĂ©liorer les mĂ©thodes opĂ©ratoires[12](invention de nouveaux outils, raccourcissement des visĂ©es
). Dans les annĂ©es 1850, de nombreux dĂ©partements possĂšdent leurs rĂ©seaux de nivellement mais il n’existe aucune cohĂ©rence entre les rĂ©seaux de deux dĂ©partements contigus. Cela pose problĂšme pour certains chantiers d’envergure.

En 1857, BourdalouĂ« se voit confier la rĂ©alisation d’un nivellement gĂ©nĂ©ral de la France. Deux opĂ©rations sont distinguĂ©es : un nivellement de haute prĂ©cision (lignes de bases constituant l’ossature nationale) et un autre de dĂ©tails que l’on appelle alors « nivellement gĂ©nĂ©ral des dĂ©partements ».

La rĂ©alisation de ce rĂ©seau s’échelonnera de 1857 Ă  1864 par la mise en place de 15000 repĂšres en fonte sur tout le territoire national. DĂšs 1859 le travail est suffisamment avancĂ© pour que l’on puisse constater que la mer MĂ©diterranĂ©e est de quelques centimĂštres plus haute que l’ocĂ©an Atlantique. Le , une dĂ©cision ministĂ©rielle fixe le zĂ©ro de nivellement au trait 0,40 m de l’échelle de marĂ©e du fort Saint-Jean de Marseille.

En 1878, le ministĂšre des Travaux Publics confie Ă  Charles Lallemand (1857-1938) la tĂąche d’amĂ©liorer et de densifier le rĂ©seau BourdalouĂ«. Pour ce faire, il est nommĂ© directeur d’un service crĂ©Ă© en 1884 : le Nivellement GĂ©nĂ©ral de France (N.G.F.).

L’observation du niveau des mers, par l’installation d’un marĂ©graphe Ă  Marseille du au , permet de fixer un nouveau point fondamental qui « redescend » de 71 mm le « zĂ©ro Bourdaloue ». Le « zĂ©ro Lallemand » ainsi dĂ©fini est toujours Ă  l’heure actuelle la rĂ©fĂ©rence du nivellement national.

Évolutions

DĂšs le milieu du XIXe siĂšcle, des cartes adaptĂ©es de la carte d'Ă©tat-major voient le jour. MĂȘme si « l'offre cartographique » a tendance Ă  s'Ă©toffer, la carte de rĂ©fĂ©rence reste la carte d'Ă©tat-major jusqu'Ă  la fin de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle. Le plus souvent il s'agit d'un changement d'Ă©chelle pour des utilisations spĂ©cifiques :

Type 1889

Quart Nord-Est de la feuille de Melun

En 1889 des considĂ©rations Ă©conomiques mĂšnent Ă  la dĂ©cision de fractionner les feuilles en quatre quarts (numĂ©rotation du Nord au Sud et de l'Ouest Ă  l'Est). La mise Ă  jour d'une planche nĂ©cessitait auparavant l'emploi d'un graveur pour une feuille entiĂšre ; dĂ©sormais quatre graveurs diffĂ©rents travaillent sur chaque quart d'oĂč un gain de productivitĂ©. Cette dĂ©cision porte le nombre de coupure de 273 Ă  1 092 coupures.

Généralement la date de la carte se trouve en bas à droite. Par exemple l'inscription « 3024 » signifie «  ». On peut aussi lire le nom du graveur et le prix de la carte.

RĂ©ductions

Exemple de carte au 1/200 000 type 1912 : feuille de Larche
  • RĂ©duction au 1/100 000 et colorisation en 5 couleurs : carte du service vicinal ou dite du MinistĂšre de l'intĂ©rieur ;
  • RĂ©duction au 1/200 000 en 81 feuilles. 2 types (en 6 couleurs) ont vu le jour : type 1880 et 1912 ;
  • RĂ©duction au 1/320 000 en 33 feuilles monochromes ;
  • RĂ©duction au 1/500 000 en 15 feuilles (en 5 couleurs) : "Carte Prudent" ;
  • RĂ©duction au 1/600 000 en 6 feuilles. Des versions couleurs et monochromes coexistent.

Agrandissements

En 1898 il est décidé une évolution majeure dans la production de la carte d'état-major :

  • Changement d'Ă©chelle : du 1/80 000 au 1/50 000. L'Ă©chelle 1/50 000 avait Ă©tĂ© retenue lors des premiĂšres rĂ©flexions sur la carte.
  • Changement de projection : La projection de Bonne est abandonnĂ©e au profit de la projection Lambert issue du tout nouveau systĂšme gĂ©odĂ©sique français NTF.

Étant donnĂ© l'ampleur du changement, l'opĂ©ration intervient au moment d'une mise Ă  jour d'une feuille existante.

Il existe quatre types de cette carte d'état-major « nouvelle génération » :

  1. type 1900 : les cartes sont colorisées avec 8 à 12 couleurs ;
  2. type militaire (dit "type M") 1922 : 3 couleurs ;
  3. type courant 1922 : colorisation à 5 couleurs et remplacement des hachures par des courbes de niveau.
  4. type 1972 : colorisation à 5 couleurs et modifications mineures de symbolisation[13].

Pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, une sĂ©rie de cartes devant satisfaire au plan directeur de tir est produite par augmentation photographique[14] par le Service GĂ©ographique de l'ArmĂ©e. Les Ă©chelles usitĂ©es sont le 1/20 000, 1/10 000 et mĂȘme le 1/5 000. Figurent sur ces cartes les organisations ennemies : tranchĂ©es, batteries
 Un code couleur est adopté : bleu : installations ennemies ; rouge : installations amies ; tout le reste est noir. 274 feuilles de dimension 64 cm par 40 cm sont ainsi produites.

Numérisation

L'IGN via son GĂ©oportail propose aujourd'hui en 2D et 3D une carte de France mĂ©tropolitaine reconstruite (assemblage numĂ©rique) Ă  partir des 78 dessins-minutes originaux de la carte d’état-major, dessinĂ©s Ă  l'Ă©chelle 1:40000, aquarellĂ©s, rĂ©cemment scannĂ©s (avec une rĂ©solution de 40 microns) puis gĂ©orĂ©fĂ©rencĂ©s par l'IGN. La projection a Ă©tĂ© modifiĂ©e, passant de celle de Bonne Ă  la projection Lambert-93 permettant de superposer cette carte aux cartes modernes. La carte est disponible en « dalles » de 20 × 20 km.

La postérité de la carte d'état-major du XIXe siÚcle fut une nouvelle carte topographique de la France réalisée au XXe siÚcle par l'IGN, et seulement achevée en 1980[2].

Notes et références

  1. IGN 2019 [« Les forĂȘts anciennes ; État des lieux des forĂȘts dĂ©jĂ  prĂ©sentes dans la premiĂšre moitiĂ© du XIXe siĂšcle »] ; SynthĂšse pĂ©riodique de l’inventaire forestier, IF, no 42, juillet 2018 voir p 6 de la [« TĂ©lĂ©charger l'iF no 42, pdf de 7,9 Mo version pdf »]
  2. Citation ou explication donnée dans le documentaire La cartographie de l'état-major, Dessous des cartes présenté par Jean-Christophe Victor, indiqué en Liens externes.
  3. Cette date apparaĂźt dans une circulaire adressĂ©e Ă  tous les prĂ©fets Ă©mise dĂ©but 1818. Elle est signĂ©e du ministre de la Guerre de l’époque : le marĂ©chal-comte Laurent de Gouvion-Saint-Cyr
  4. Feuille de Paris : 1820 ; feuille de Beauvais : 1823 ; feuille de Melun : 1824
  5. Depuis une ordonnance du 25 février 1824
  6. Le colonel Bonne est totalement contre l’idĂ©e de faire appel Ă  des courbes de niveaux, et ce, Ă  quelque Ă©chelle que ce soit. Il rappelle en effet que leur utilisation implique une connaissance parfaite et minutieuse du relief.
  7. Cette technique a commencĂ© Ă  ĂȘtre utilisĂ©e en 1737 par le gĂ©ographe Buache, mais le but recherchĂ© n’était alors qu’une reprĂ©sentation approximative du relief sans aucune indication prĂ©cise du nivellement.
  8. Les levĂ©s rĂ©alisĂ©s entiĂšrement au 1/20 000 ont concernĂ© la zone « sensible » du nord de l’Alsace et de la Lorraine. La zone « tampon » que constitue le Bassin parisien a Ă©tĂ© levĂ© au 1/40 000 avec des fragments au 1/20 000. Tout le reste du territoire sera levĂ© exclusivement au 1/40 000.
  9. Baron Pelet, lieutenant général, Pair de France, directeur du DépÎt général de la guerre de 1830 à 1850.
  10. Cette disposition se retrouve dans les cartes IGN actuelles au 25 000
  11. Dans la pratique, les hachures les plus longues que l’on rencontre en consultant les diffĂ©rentes feuilles de la carte ne dĂ©passent pas les 16 mm, preuve que les graveurs se sont limitĂ©s Ă  reprĂ©senter les pentes supĂ©rieures Ă  1/64. En effet la longueur des hachures, peut aller, selon le diapason français jusqu’à 34 mm (1/144).
  12. BourdalouĂ« fut chargĂ© du nivellement nĂ©cessaire au percement du canal de Suez par Ferdinand de Lesseps. EnterrĂ© Ă  Bourges (ville dont il est originaire), sa tombe a la forme d’une pyramide Ă©gyptienne et est munie d’un repĂšre de nivellement (repĂšre G’.A.K3-75A altitude 147,391 m) !
  13. Ce dernier type, faute d'ĂȘtre mentionnĂ© sur les cartes, est moins connu que les prĂ©cĂ©dents, a fortiori lorsqu'il n'apporte que des modifications mineures au type 1922 (diffĂ©rence de tramage des coloris et de l'Ă©paisseur des traits). Il est documentĂ© dans la brochure SpĂ©cifications de l'Ă©quipement gĂ©ographique de base du territoire national / Paris : Institut gĂ©ographique national, 1972
  14. Ce procédé d'agrandissement ne fait qu'amplifier les défauts de la carte (erreur de positionnement des objets par exemple).

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes