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Canon eusébien

Un canon eusébien ou table des canons est un système de division des quatre Évangiles canoniques utilisé depuis l'Antiquité tardive jusqu'au Moyen Âge. La division en chapitres actuellement en usage n'a été adoptée qu'au XIIIe siècle, et la subdivision en versets numérotés actuelle dérive d'un système mis au point au XVIe siècle.

VIe siècle. Vatican, Bibliothèque Apostolique. Vat. lat. 3806

Les canons d'Eusèbe adoptent un type de reprĂ©sentation (enluminure) que l’on trouve au dĂ©but de diffĂ©rents manuscrits mĂ©diĂ©vaux (bibles glosĂ©es ou bibles avec commentaires, bibles pandectes, Ă©vangĂ©liaires, livres d’évangiles) etc. Ils sont gĂ©nĂ©ralement rĂ©partis en 1 165 sections : 355 pour Matthieu, 235 pour Marc, 343 pour Luc et 232 pour Jean.

Ils doivent leur nom à Eusèbe de Césarée.

Principe

Le principe des canons eusébiens consiste à indiquer quels passages des évangiles sont similaires d’un évangéliste à l’autre. Le lecteur du Nouveau Testament utilisait ces pages par nécessité, car autrement il lui était impossible de retrouver un même épisode de la vie de Jésus-Christ, par exemple chez Matthieu et Marc.

Représentation

Canons de l'Ă©vangile de Adysh (GĂ©orgie)

Il s’agit quasi systématiquement d’une série de colonnades et d’arcatures inscrites sous un vaste portique. Ce système de colonnades court sur plusieurs pages. À chaque colonne est associé un évangile (Matthieu, Marc, Luc ou Jean) et chaque ligne de texte correspond aux références numérotées d’un même passage.

Structure

  • Canons 1 : Extraits communs aux quatre Ă©vangiles
  • Canons 2 : Extraits communs Ă  Mt, Mc, Lc
  • Canons 3 : Extraits communs Ă  Mt, Lc et Jn
  • Canons 4 : Extraits communs Ă  Mt, Mc et Jn
  • Canons 5 : Extraits communs Ă  Mt et Lc
  • Canons 6 : Extraits communs Ă  Mt et Mc
  • Canons 7 : Extraits communs Ă  Mt et Jn
  • Canons 8 : Extraits communs Ă  Mc et Lc
  • Canons 9 : Extraits communs Ă  Lc et Jn
  • Canons 10 : Passages propres (Sondergut) Ă  chaque Ă©vangile dans l’ordre canonique des Ă©vangiles (Mt ; Mc ; Lc ; Jn)
Table # Matthieu Marc Luc Jean
In Quo Quattor
Canon I. Oui Oui Oui Oui
In Quo Tres
Canon II. Oui Oui Oui
Canon III. Oui Oui Oui
Canon IV. Oui Oui Oui
In Quo Duo
Canon V. Oui Oui
Canon VI. Oui Oui
Canon VII. Oui Oui
Canon VIII. Oui Oui
Canon IX. Oui Oui
In Quo Matth. Proprie
Canon X Oui
In Quo Marc. Proprie
Canon X Oui
In Quo Luc. Proprie
Canon X Oui
In Quo Ioh. Proprie
Canon X Oui

Les combinaisons « Mc, Lc et Jn » et « Mc et Jn » n’ont jamais lieu[1].

Origines

La création du système

C’est en Orient que ce type de représentation est créé et qu’il se diffuse dès le IIIe siècle.

Ammonius d’Alexandrie (IIIe siècle apr. J.-C.) invente un procédé qui consiste à reproduire intégralement les quatre textes dans quatre colonnes, en établissant des correspondances entre eux.

Au début du IVe siècle apr. J.-C., Eusèbe de Césarée trouve le moyen de mettre en relation les passages identiques d’un évangile à un autre sous la forme d’un tableau simplifié. Dans une lettre adressée à son ami Carpien, souvent reproduite parmi les textes préliminaires des évangiles, Eusèbe explique qu’il a divisé chaque texte en chapitres, puis les a numérotés. Enfin il a établi entre eux des concordances en les classant en dix tableaux placés au début du volume.

Carl Nordenfalk (1938) a été le premier à proposer une reconstitution du modèle conçu par Eusèbe. Les canons se développaient en sept tables précédées d’un prologue contenant, entre autres, la lettre d’Eusèbe à Carpien expliquant leur disposition.

Un manuscrit londonien conserve au folio 10 la dernière page de cette lettre. Son texte est encadré par des arcs identiques à ceux que l’on trouve dans les canons qui la suivent. Au total, dix pages sont occupées par les concordances établies par Eusèbe, et la lettre explicative. C’est certainement ce premier modèle de lettre qui fut reproduit par la suite. En toute hypothèse, aucun ouvrage plus ancien et présentant cette lettre ne semble avoir été découvert.

La transmission par Eusèbe de Césarée

Après avoir fixé cette distribution, Eusèbe aurait envoyé cinquante exemplaires copiés au scriptorium de Césarée à l’Empereur Constantin Ier. Ils constituent alors un modèle pour les manuscrits byzantins réalisés par la suite.

D’emblée la présentation des colonnes de chiffres s’effectue dans une structure composée d’arcades, de chapiteaux et de colonnes. Ce modèle aura persisté dans les bibles, évangéliaires ou livres d’évangiles pendant plus de mille ans.

La diffusion en Occident

C’est par l’intermédiaire de Jérôme de Stridon (vers 340 – 3 septembre 420) que l’usage est adopté dans l'Église d'Occident. En effet, il les ajoute dans son édition de la Vulgate et en donne une explication, en publiant en même temps la lettre d’Eusèbe à Carpien, ainsi que sa lettre au pape Damase.

Les canons eusébiens ne sont que brièvement évoqués dans les études sur l’enluminure. Ils ont souvent été considérés comme des dessins sans originalité du fait de leur représentation répétitive.

Galerie

  • Canons du Codex Beneventanus (VIIIe siècle).
    Canons du Codex Beneventanus (VIIIe siècle).
  • Canons de Londres - manuscrit byzantin, (vers VIe — VIIe siècles), insĂ©rĂ© dans un Ă©vangĂ©liaire du XIIe siècle.
    Canons de Londres - manuscrit byzantin, (vers VIe — VIIe siècles), inséré dans un évangéliaire du XIIe siècle.
  • Évangile de Rabbuli (Syrie, vers le VIe siècle)
    Évangile de Rabbuli (Syrie, vers le VIe siècle)
  • Codex Brixianus, vers le VIe siècle)
    Codex Brixianus, vers le VIe siècle)
  • ÉvangĂ©liaire de Lorsch. 778—820. canon I.
  • ÉvangĂ©liaire de Lorsch canon II.
    Évangéliaire de Lorsch canon II.
  • ÉvangĂ©liaire de Lorsch canon V.
    Évangéliaire de Lorsch canon V.
  • ÉvangĂ©liaire de Lorsch canon X.
    Évangéliaire de Lorsch canon X.
  • ÉvangĂ©liaire de Lwow (XIIe siècle)

Références

Bibliographie

  • Ammonius d’Alexandrie, Harmonie Ă©vangĂ©lique, mi IIIe, traduction en Latin de Victor di Capua
  • CABROL Fernand, R. P. dom LECLERCQ Henri, Dictionnaire d’ArchĂ©ologie ChrĂ©tienne et de Liturgie, Letouzey et AnĂ©, Paris, 1924
  • BOINET AmĂ©dĂ©e, La miniature carolingienne, Picard, 1920
  • BOUTEMY AndrĂ©, La miniature, Paris, 1926
  • BOUTEMY AndrĂ©, Les manuscrits Ă  miniatures (IXe - XIIe s.) Ă  l’exposition Scaldis de Tournai
  • EBERSOLT Jean, Orient et Occident. Recherches sur les influences byzantines et orientales en France avant les croisades, Paris, Bruxelles, G. van Oest, 1963
  • Enluminure carolingienne et romane, Paris, 1976, dans Les dossiers de l’archĂ©ologie, no 14, janvier-fĂ©vrier 1970
  • GARRIGOU Gilberte, Naissance et splendeurs du manuscrit monastique du VIIe au XIIe s., Noyon, 1992
  • NORDENFALK Carl, Die Spätantiken Kanontafeln, Kunstgeschichtliche Studien ĂĽber die eusebianische Evangelien-Konkordanz in der vier ersten Jahrhunderten ihrer Geschichte, Göteborg, 1938
  • NORDENFALK Carl, L’enluminure au Moyen Ă‚ge, Skira, Genève, 1995 (rĂ©ed.)
  • NORDENFALK Carl, GRABAR AndrĂ©, La peinture romane du XIe au XIIIe s.
  • NORDENFALK Carl, « L’enluminure », dans Les grands siècles de la peinture. Le Haut Moyen Ă‚ge du IVe au XIe s., A. Skira, 1957
  • Éric Palazzo, « L’illustration dans l’évangĂ©liaire au Haut Moyen Ă‚ge », dans La Maison-Dieu, 176, 1989, p. 67-80
  • Éric Palazzo, L’enluminure Ă  Metz au Haut Moyen Ă‚ge (VIIIe-XIe), Édition Serpenoise, 1989
  • ROMANINI Angiola Maria (dir.), Enciclopedia dell’arte medievale, Istituto della Enciclopedia Italiana, Rome, 1991
  • TOUBERT HĂ©lène, « Formes et fonctions de l’enluminure », dans Histoire de l’édition française, t. 1 : Le livre conquĂ©rant, Paris, 1982, p. 87-129

Articles connexes

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