AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Camptotheca acuminata

Camptotheca acuminata, l’arbre du bonheur, est une espĂšce d'arbres de la famille des Nyssaceae, pouvant atteindre 20 mĂštres de haut, originaire du sud de la Chine.

Son nom « arbre du bonheur », vient de la traduction de son nom chinois le plus commun ć–œæ ‘ xǐshĂč, dĂ©signant strictement Campotheca acuminata var. acuminata[n 1].

Avant les annĂ©es 1970, son seul usage mĂ©dicinal connu est celui contre les maladies de peau, utilisĂ© par certaines minoritĂ©s ethniques de Chine du Sud. En 1966, une Ă©quipe amĂ©ricaine a isolĂ© de l’écorce de l'arbre un alcaloĂŻde, nommĂ© la camptothĂ©cine, aux activitĂ©s cytotoxique et antitumorale. Il en est rĂ©sultĂ© la mise au point de traitements aussi bien en mĂ©decine naturelle chinoise (dite mĂ©decine traditionnelle chinoise) qu’en mĂ©decine moderne (avec des dĂ©rivĂ©s mĂ©dicamenteux de synthĂšse, mondialement commercialisĂ©s, utilisĂ©s en chimiothĂ©rapie).

C’est un arbre ornemental plantĂ© le long des routes et dans les parcs. Les travaux de chimistes amĂ©ricains de 1966 ont transformĂ© cet arbre ornemental de Chine en matiĂšre mĂ©dicale « traditionnelle » chinoise.

Étymologie et histoire de la nomenclature

Camptotheca acuminata, collecteur Armand David en 1868-7, localité Jiangxi, vallée du Ly-Chan

Le nom de genre campto.theca est composĂ© des mots grecs, kamptĂŽ ÎșαΌπω « courbĂ© » et thĂȘkĂȘ ΞηÎșη « boĂźte, coffre » ; la morphologie de ce nom est motivĂ©e par la forme des anthĂšres inflĂ©chies du cĂŽtĂ© interne d’une maniĂšre caractĂ©ristique.

L’épithĂšte spĂ©cifique acuminata dĂ©rive du latin acuminatus « en pointe » renvoie Ă  la forme de l’apex des feuilles.

Cet arbre a Ă©tĂ© collectĂ© par le pĂšre Armand David, durant sa seconde expĂ©dition naturaliste qui le conduisit en Chine centrale puis au Tibet oriental du au . Durant son sĂ©jour Ă  Jiujiang sur les bords du Chang Jiang, dans la province du Jiangxi, il herborisa sur les pentes du mont Lu (1 474 m) connu comme « terre des lettres, mont des poĂšmes » (æ–‡ćœ‹è©©ć±±) mais aussi rĂ©putĂ© pour ses richesses naturelles. C’est lĂ  qu’il collecta des Ă©lĂ©ments d’un bel arbre qui s’avĂ©ra ĂȘtre non seulement une nouvelle espĂšce (connue en Chine mais jamais dĂ©crite scientifiquement) mais aussi d’un genre inconnu. Les spĂ©cimens du pĂšre David une fois arrivĂ©s au MusĂ©um national d’histoire naturelle, furent dĂ©crit en 1873 par le botaniste Joseph Decaisne qui dut crĂ©er le nouveau genre Camptotheca de la famille des Nyssaceae, dans Bulletin de la SociĂ©tĂ© Botanique de France 20: 157. 1873[2].

La premiĂšre occurrence de l’arbre du bonheur, dans la littĂ©rature chinoise se situe en 1848, dans Zhi wu ming shi tu kao æ€ç‰©ććźžć›Ÿè€ƒ [Étude illustrĂ©e des noms et de la nature des plantes], sous le nom de hanlian 旱èŽČ. Pour cet arbre, l’auteur Wu Qijun ćŽć…¶æżŹ, donne une description morphologique brĂšve, l’habitat, accompagnĂ©s d’une illustration mais il ne signale pas d’utilisation mĂ©dicinale (Li et Zhang[3], 2014). Les plantes sont classĂ©s selon les catĂ©gories du mĂ©decin naturaliste Li Shizhen : 1) les graines 2) les lĂ©gumes 3) les herbes de montagne 4) les herbes de milieux humides ...12) les arbres mulei 朚类. L’auteur a associĂ© dans un mĂȘme ouvrage les plantes mĂ©dicinales (servant de materia medica) avec des plantes purement ornementales[4].

Taxons subordonnés

  • Camptotheca acuminata var. acuminata
  • Camptotheca acuminata var. rotundifolia, BM Yang et LD Duan, 1988
  • Camptotheca acuminata var. tenuifolia, WP Fang et Soong, 1975

Description

Camptotheca acuminata (Manual of Vascular Plants of the Lower Yangtze Valley China Illustration fig. 258)

Camptotheca acuminata est un arbre Ă  feuilles caduques pouvant atteindre 20 m de haut, Ă  l’écorce gris clair, profondĂ©ment sillonnĂ©e verticalement[5].

La feuille simple, portée par un pétiole de 1,5 à cm, possÚde un limbe oblong-ovale, ou orbiculaire, légÚrement pubescent, à apex aigu.

L’inflorescence est une panicule terminale ou axillaire, de tĂȘtes sphĂ©riques, de 1,5 Ă  cm de diamĂštre, portant de nombreuses fleurs ; chacune possĂšde un calice en forme de coupe, 5 pĂ©tales vert clair de mm, 10 Ă©tamines dont 5 externes plus longues que les pĂ©tales. Les Ă©tamines prĂ©sentent un long filet papilleux, terminĂ© par un connectif conique soutenant 4 loges anthĂ©rales Ă  peu prĂšs libres, pendantes, inflĂ©chie du cĂŽtĂ© interne, et munie d’une sorte de valvule pollinifĂšre (description de Decaisne[2]).

La floraison a lieu de mai Ă  juillet[5].

Le fruit est finement ailĂ©, samaroĂŻde, gris-brun, lisse, contenant 1 graine. Ils sont regroupĂ©s en tĂȘte globuleuses.

Distribution

L’espĂšce est distribuĂ©e en Chine dans les provinces de Fujian, Guangdong, Guangxi, Guizhou, Hubei, Hunan, Jiangsu, Jiangxi, Sichuan, Yunnan, Zhejiang.

Il croĂźt Ă  la lisiĂšre des forĂȘts, prĂšs des cours d’eau, en dessous de 1 000 m, dans des zones chaudes et humides oĂč la tempĂ©rature moyenne annuelle est comprise entre 13 °C et 17 °C et les prĂ©cipitations annuelles sont supĂ©rieures Ă  1 000 mm[6]. Cependant, il est cultivĂ© en zones moins chaudes et moins humides, comme dans le BĂ©arn en France, d’aprĂšs l’Association des Fous de palmiers et pourrait rĂ©sister Ă  des tempĂ©ratures de −8 °C[7]. Depuis son introduction aux États-Unis en 1911 par E.H. Wilson, il est cultivĂ© dans les jardins botaniques, les arboretums, dans de petites plantations.

Il est commun dans la plaine de Chengdu dans l’ouest du Sichuan et le sud-est du Jiangxi.

L’espĂšce est couramment cultivĂ©e en Chine.

Illustrations

  • Tronc de Camptotheca acuminata
    Tronc de Camptotheca acuminata
  • Feuilles de Camptotheca acuminata
    Feuilles de Camptotheca acuminata
  • Inflorescence
    Inflorescence
  • Fruits
    Fruits

Utilisations

Bois de Camptotheca acuminata,
Jardin botanique de Chengdu

Horticulture

Depuis les années 1960, Camptotheca acuminata est planté le long des rues, des routes et dans les jardins.

Valorisation du bois

Le bois du Camptotheca est utilisĂ© pour la fabrication de meubles et la fabrication de papier, de contreplaquĂ©, d’allumettes, de boĂźte d’emballage etc[6].

Ethnobotanique

Le nom d’ « arbre du bonheur » xishu viendrait de son utilisation en mĂ©decine populaire pour guĂ©rir un « flegme » tenace et rendre le patient « heureux »[3].

L’arbre du bonheur est largement distribuĂ© dans le sud et le sud-ouest de la Chine, rĂ©gion oĂč sont rĂ©parties une quarantaine de minoritĂ©s ethniques de Chine. Lors d’une enquĂȘte de terrain auprĂšs de la population 䟗族 Dong de Huaiji (Guangdong), Li et Zhang[3] montrent que l’arbre qui Ă©tait commun il y a quelques dĂ©cades, avait une utilisation mĂ©dicinale limitĂ©e Ă  cette ethnie. Les gens fabriquaient une pĂąte Ă  partir des feuilles et des fruits frais ainsi que de la poudre Ă  partir de matiĂšres sĂšches tirĂ©es de l’arbre, et les mĂ©langeaient avec du vin de riz pour obtenir un remĂšde contre la furonculose, les maladies de peau et mĂȘme un liu (probablement un cancer). L’enquĂȘte poursuivie auprĂšs de centaines de personnes aux Hunan, Sichuan, et Yunnan, n’a trouvĂ© personne ne connaissant l’usage ethnobotanique du Camptotheca. Ces derniĂšres dĂ©cennies, les rĂ©gions visitĂ©es ont vu leurs forĂȘts coupĂ©es Ă  blanc pour les besoins de l’agriculture et le savoir mĂ©dicinal sur les plantes, uniquement oral (ce n'est pas de la MTC), a probablement disparu avec les dĂ©forestations.

MĂ©decine naturelle

Fait surprenant, il n’y a pas de mention textuelle d’usage en mĂ©decine traditionnelle chinoise de Camptotheca acuminata avant l’isolement de la camptothĂ©cine, un alcaloĂŻde ayant des propriĂ©tĂ©s anticancĂ©reuses, dĂ©couverte par une Ă©quipe du Research Triangle Institute de Caroline du Nord (Wall et al. en 1966[8]). Avant 1965, seulement 25 publications scientifiques dans le monde ont traitĂ© de Camptotheca et toutes portaient exclusivement sur la botanique[9].

Ce n’est qu’à partir des annĂ©es 1970, que les mĂ©decins chinois Han ont commencĂ© Ă  utiliser en mĂ©decine naturelle (appelĂ©e assez indĂ»ment MĂ©decine traditionnelle chinoise ou MTC) les Ă©corces, fruits et feuilles de Camptotheca pour traiter certains cancers Ă  l’hĂŽpital[3]. Ils ont attribuĂ© Ă  la matiĂšre mĂ©dicale tirĂ©e de Camptotheca les catĂ©gories de la MTC. Ainsi la nature de l’arbre du bonheur xishu est « amer », ku è‹Š (une des Cinq saveurs, wuwei äș”ć‘ł, acide, amer, doux, piquant, salĂ©, qui se comprennent dans le grand systĂšme de correspondance des Wuxing de la MTC), « froide » han 毒, « toxique » youdu æœ‰æŻ’[10]. Le remĂšde naturel agit par les mĂ©ridiens du foie, de la vĂ©sicule biliaire, de la rate et de l’estomac[11].

L’écorce de Camptotheca est utilisĂ©e dans le traitement du psoriasis. Le fruit est un anticancĂ©reux utilisĂ© dans les cancer gastrique, intestinal etc.[6].

Pharmacologie

De l’écorce de Camptotheca acuminata fut extraite par criblage systĂ©matique de produits naturels, la camptothĂ©cine, un alcaloĂŻde actif sur certains cancers (Wall et al[8], 1966). Les Ă©corces de tronc, les Ă©corces de racines et les fruits de cet arbre renferment respectivement 0,01, 0,02 et 0,03 % de camptothĂ©cine, composĂ© dont la prĂ©sence a Ă©galement Ă©tĂ© signalĂ©e chez une Rubiaceae (Ophiorrhiza mungos L.) et chez une Icacinaceae (Nothapodytes nimmoniana)[12].

Cependant ce lactame neutre est particuliĂšrement insoluble dans les solvants usuels.

L’activitĂ© cytotoxique et antitumorale reconnue Ă  la camptothĂ©cine a conduit, dans les annĂ©es 1970, Ă  des essais cliniques prĂ©liminaires qui furent rapidement interrompus eu Ă©gard Ă  l’importante toxicitĂ© observĂ©e. Lorsque ultĂ©rieurement, fut mis en Ă©vidence une activitĂ© de cette molĂ©cule sur la topoisomĂ©rase I, une enzyme impliquĂ©e dans la dĂ©torsion spatiale de l’ADN, nĂ©cessaire Ă  la rĂ©plication et Ă  sa transcription, des travaux de recherche ont Ă©tĂ© entrepris en vue de l’obtention d’analogues synthĂ©tiques Ă  toxicitĂ© rĂ©duite[12].

Plusieurs dĂ©rivĂ©s mĂ©dicamenteux de cette molĂ©cule ont retenu l’attention de la mĂ©decine moderne. Ce sont des mĂ©dicaments toxiques qui ne peuvent ĂȘtre administrĂ©s que dans des structures spĂ©cialisĂ©es et par des personnels qualifiĂ©s. Certains sont commercialisĂ©s :

  • l'irinotĂ©can, pro-mĂ©dicament dont le mĂ©tabolite actif inhibe la topoisomĂ©rase 1 induisant des cassures de l'ADN prĂ©fĂ©rentiellement dans les cellules cancĂ©reuses. Indication : Cancer colorectal mĂ©tastatique. ParticuliĂšrement toxique.
  • le rubitĂ©can est aussi est un inhibiteur oral de la topoisomĂ©rase. Indication : cancer du pancrĂ©as et autres tumeurs solides.

Conclusion

Les travaux de pharmacologie moderne peuvent ĂȘtre la source de traitements en mĂ©decine « traditionnelle » chinoise.

Une Ă©tude historique prĂ©cise a permis d’établir que ce sont les travaux de chimistes amĂ©ricains de 1966 qui sont Ă  l’origine de la transformation d’un arbre ornemental de Chine en matiĂšre mĂ©dicale traditionnelle de MĂ©decine traditionnelle chinoise et non le processus inverse de passage d’une plante mĂ©dicinale chinoise Ă  une drogue anticancĂ©reuse, comme il est gĂ©nĂ©ralement pensĂ©[13].

Bibliographie

  • Li, S., Zhang, Z., Cain, A., Wang, B., Long, M., Taylor, J. (2005), Antifungal Activity of Camptothecin, Trifolin, and Hyperoside Isolated from Camptotheca acuminata in Journal of Agricultural and Food Chemistry 53 (1), 32–37. doi:10.1021/jf0484780. PMID 15631505.
  • G. Samuelsson (2004) Drugs of Natural Origin: a Textbook of Pharmacognosy (5 ed.). Stokkholm: Swedish pharmaceutical press, (ISBN 978-91-974318-4-2).

Notes

  1. il possĂšde d’innombrables autres noms en Chine : 旱èŽČ HĂ nliĂĄn, æ°Žæ — shuǐ lĂŹ, æ°ŽæĄæ ‘ shuǐtĂłngshĂč, ć€©æą“æ ‘ tiānzǐshĂč, 旱èŽČ歐 hĂ n liĂĄnzǐ, ćƒäžˆæ ‘ qiānzhĂ ng shĂč, 野芭蕉 yě bājiāo, æ°ŽæŒ ć­ shuǐ mĂČ zi, etc.

Références

  1. IPNI. International Plant Names Index. Published on the Internet http://www.ipni.org, The Royal Botanic Gardens, Kew, Harvard University Herbaria & Libraries and Australian National Botanic Gardens., consulté le 27 juillet 2020
  2. Référence Biodiversity Heritage Library : 258099#page/156
  3. Shiyou Li and Wanli Zhang, « Ethnobotany of Camptotheca Decaisne: New Discoveries of Old Medicinal Uses », Pharmaceutical Crops, vol. 5, no 2,‎ , p. 140-145 (lire en ligne)
  4. Georges Métaillé, Science and civilisation in China, volume VI :4, Cambridge university press, , 748 p.
  5. (en) Référence Flora of China : {{{3}}}
  6. Baidu 癟科 [encyclopĂ©die], « ć–œæ ‘ » (consultĂ© le )
  7. Association des Fous de Palmiers, « Camptotheca acuminata » (consulté le )
  8. Wall ME, Wani MC, Cook CE, Palmer KH, McPhail AT, Sim GA, « Plant Antitumor Agents. I. The Isolation and Structure of Camptothecin, a Novel Alkaloidal Leukemia and Tumor Inhibitor from Camptotheca acuminata », J. Am. Chem. Soc., vol. 88, no 16,‎ , p. 3888-3890
  9. Shiyou Li, « Development of Camptotheca Decaisne as Pharmaceutical Crops », Pharmaceutical Crops, vol. 5, no 2,‎ (lire en ligne)
  10. A ćŒ»ć­Šç™Ÿç§‘ [EncyclopĂ©die mĂ©dicale], « ć–œæ ‘ » (consultĂ© le )
  11. Ran X.D., Zhong hua yao hai [Encyclopédie des herbes médicinales chinoises], Harbin press, Harbin,
  12. Bruneton, J., Pharmacognosie - Phytochimie, plantes mĂ©dicinales, 4e Ă©d., revue et augmentĂ©e, Paris, Tec & Doc - Éditions mĂ©dicales internationales, , 1288 p. (ISBN 978-2-7430-1188-8)
  13. Stringner S. Yang, Gordon M. Cragg, David J. Newman, « The Camptothecin Experience: From Chinese Medicinal Plants to Potent Anti-Cancer Drugs », dans Yuan Lin (ed.), Drug Discovery and Traditional Chinese Medicine, Springer, 2001 (2012) (ISBN 1461355621)

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.