AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Camp de protestation

Un camp de protestation est un campement alternatif autogĂ©rĂ© oĂč s’installent durablement des activistes afin de servir de base permanente Ă  une protestation massive, gĂ©nĂ©ralement pacifiste, visant Ă  empĂȘcher le dĂ©marrage ou la poursuite d’un chantier sur ce site ou Ă  proximitĂ©.

Le camp de protestation de Rossport (en), en Irlande, installé sur le trajet proposé pour un oléoduc (septembre 2006).

Ce type de militantisme « diffĂšre d’autres formes de mouvement social en cela qu’il se compose d’actes de protestation continue (actions directes, veillĂ©es, marches) et d’actes de reproduction sociale nĂ©cessaires Ă  la survie quotidienne (cuisine, nettoyage, construction d’abris et de toilettes). »[1]

On parle parfois de ZAD, pour « zone à défendre », pour désigner certains de ces camps, en particulier lorsque la revendication s'inscrit dans le domaine de l'écologie politique.

Protestation pacifiste et anti-militariste

Ce mode de protestation est particuliĂšrement vivace au Royaume-Uni, dans la lignĂ©e d’un courant pacifiste du scoutisme[2] et surtout des mouvements de protestation fĂ©ministes et pacifistes des annĂ©es 1920 consĂ©cutifs Ă  la Grande Guerre. Ces camps de paix sont devenus cĂ©lĂšbres Ă  partir des annĂ©es 1980 avec le Camp de femmes pour la paix de Greenham Common en Angleterre, un campement fĂ©ministe antinuclĂ©aire et antimilitariste implantĂ© prĂšs d’une base RAF qui dura dix-neuf ans, de 1981 Ă  2000, et en inspira plusieurs autres.

À Faslane, en Écosse[3], un campement de protestation toujours actif a dĂ©marrĂ© le 12 juin 1982 dans le sillage de celui de Greenham Common. SituĂ© Ă  cĂŽtĂ© de la base navale nuclĂ©aire HMNB Clyde, dans la rĂ©gion d’Argyll and Bute, il s’est dĂ©placĂ© plusieurs fois depuis ses dĂ©buts et parfois scindĂ© en plusieurs campements tenus par des militants d’obĂ©dience diverses, notamment socialistes et anarchistes. Parfois bien installĂ© mais toujours dĂ©pendant de la tolĂ©rance plus ou moins autoritaire de la municipalitĂ©, Faslane reste un lieu de sĂ©jours militants et de manifestations ponctuelles visant Ă  maintenir vivante l’opposition Ă  la guerre et au nuclĂ©aire, tout en poursuivant l’objectif initial de « rĂ©flĂ©chir au-delĂ  de la protestation ».

Opposition à des grands travaux d'aménagement

La tenue d’un camp No Border en 2009 sur une zone d’amĂ©nagement diffĂ©rĂ© pour « rĂ©flĂ©chir au-delĂ  de la protestation » contre le grand projet inutile imposĂ© d’aĂ©roport Ă  Notre-Dame-des-Landes va, entre autres, inaugurer l’appellation ZAD – zone Ă  dĂ©fendre. Suivront celles du Testet contre le barrage de Sivens dans le Tarn, d’octobre 2013 Ă  septembre 2014, celle de l'Amassada Ă  Saint-Victor-et-Melvieu en Aveyron contre un projet de transformateur Ă©lectrique HT de 2014[4] Ă  2019, celle de la forĂȘt de Roybon en IsĂšre contre un projet de Center Parks depuis l’automne 2014, la ZAD du Moulin dans la forĂȘt de Kolbsheim depuis avril 2016 contre le projet d’autoroute contournant Strasbourg, le camp autour de l’ancienne gare de LumĂ©ville, prĂšs de Bure, pour lutter contre le projet CIGEO d’enfouissement de dĂ©chets nuclĂ©aires en 2015[5] et celui crĂ©Ă© Ă  Hambach en Allemagne pour s'opposer au dĂ©veloppement d'une mine de lignite Ă  ciel ouvert.

RĂ©appropriation d’espaces urbains

L’occupation de places urbaines (Tahrir au Caire et Syntagma Ă  AthĂšnes en 2011, parc Gezi sur la place Taksim Ă  Istamboul et Place de l’indĂ©pendance rebaptisĂ©e EuromaĂŻdan Ă  Kiev en 2013,  Hong Kong en 2014), par les mouvements Occupy Wall Street ou IndignĂ©s ( Puerta del Sol Ă  Madrid), ainsi que Nuit debout, les camps action climat et No Border sont Ă©galement des camps de protestation.

« Le mouvement des IndignĂ©s (Indignados, en espagnol) et Occupy sont des mouvements sociaux qui, inspirĂ©s notamment par le Printemps arabe, ont dĂ©butĂ© en 2011 dans de nombreux pays pour protester contre les politiques d’austĂ©ritĂ©, le fort taux de chĂŽmage, l’accroissement des inĂ©galitĂ©s sociales, la collusion des hommes politiques au pouvoir avec les intĂ©rĂȘts des entreprises et de la finance capitalistes, et qui militent pour une dĂ©mocratie « rĂ©elle » et pour la justice sociale. »[6]

Bien que solidement ancrĂ©es dans le local, toutes ces protestations ont en commun une portĂ©e globale, comme l’exprime l’Indienne Arundhati Roy Ă  l’UniversitĂ© populaire de Washington Square Park le 16 novembre 2011 :

« Ce que vous avez accompli depuis le 17 septembre, le jour oĂč le mouvement ‘Occupy’ a commencĂ© aux États-Unis, c’est d’introduire une nouvelle imagination, un nouveau langage politique dans le cƓur de l’empire. Vous avez rĂ©introduit le droit au rĂȘve dans un systĂšme qui a essayĂ© de transformer tout le monde en zombies hypnotisĂ©s dans un consumĂ©risme bĂȘtiïŹant mis sur le mĂȘme pied que le bonheur et l’épanouissement[7]. »

On y retrouve ainsi des modes de rĂ©invention du quotidien qui passent par « des vergers urbains, des cantines collectives, une rĂ©appropriation de l’espace public et des imaginaires communs »[6]. Avec le blocage physique et l’occupation spatiale en effet, « C’est d’abord l’expĂ©rience de l’espace qui est remise en question par ces mouvements. L’espace social devient un “hybride” entre cyberespace et espace fortement localisĂ© (“Place Tahrir”, “Puerta del Sol“, ”Place de la RĂ©publique“, etc.) ; l’espace gĂ©opolitique, quant Ă  lui, oscille entre une circulation globale et une inscription et des revendications fortement nationales. L’expĂ©rience du temps s’accĂ©lĂšre Ă©galement, entre flux de communication numĂ©rique et flash mob »[8].

De plus, « Ces camps qui, d’une ville, d’un pays ou d’un continent Ă  l’autre apparaissent et disparaissent, adoptent et adaptent de maniĂšre crĂ©ative des formes de processus dĂ©cisionnels, des stratĂ©gies d’hĂ©bergement, des pratiques mĂ©diatiques militantes et des modes d’action directe. »[1]

Autres campements temporaires

C’est « Ă  la suite du campement durant quatre mois de 48 mĂ©nages, essentiellement des familles avec enfants, expulsĂ©es en mai 1990 de deux immeubles squattĂ©s »[9] Ă  Paris qu’est nĂ© le DAL, association de dĂ©fense des mal-logĂ©s et sans logis.

Par ailleurs, il arrive que des campements d’activistes s’organisent durant des grĂšves prolongĂ©es. Ainsi, en plus d’autres modes d’action et de protestation plus traditionnels, la coordination des infirmiĂšres campa pendant plusieurs jours devant le ministĂšre de la SantĂ© Ă  l’automne 1991[10] et des sages-femmes installĂšrent des tentes devant les maternitĂ©s de plusieurs villes de France durant l’hiver 2013-2014.

Cependant, comme dans le cas de personnes qui “campent” devant une institution pour faire valoir leurs revendications qu’elles estiment inaudibles autrement[11], il s’agit bien lĂ  de campements protestataires mais qui visent Ă  porter des revendications par la visibilitĂ© et la permanence, non Ă  exercer une occupation alternative de l’espace public.

De mĂȘme, si les participants Ă  des rassemblements protestataires, tels qu’une vĂ©lorution ou une free party, sont le plus souvent installĂ©s en camping, celui-ci est un mode de logement le temps de la manifestation, ce n’est ni le moyen de protestation ou d’occupation de l‘espace, ni l’objet du rassemblement. Mais ce sont bien des camps de protestation qui, de plus en plus nombreux dans le monde, « s’opposent Ă  la fracturation hydraulique et Ă  la construction d’olĂ©oducs. Des camps sont installĂ©s pour entraver des projets de gentrification, pour empĂȘcher des expulsions et exiger des droits pour les migrants. »[1]

Notes et références

Cet article est partiellement issu et adaptĂ© d’articles WikipĂ©dia en anglais, notamment (en) « Protest Camp », « Peace Camp », « Camp de paix de Faslane », « Occupy » et en espagnol, (es) « Indignados ».

  1. Anna Feigenbaum, « Le camp pour la paix exclusivement fĂ©minin de Greenham Common », (traduit et adaptĂ© depuis A. Feigenbaum, «Tactics and technology», thĂšse de doctorat, McGill, 2008 ; A. Feigenbaum, A.P.Mac Curty et F. Frenzel, Protest Camps, ZED, 2013 et Salter, « Protest Camps », M. Ed, 2016, « Making Things International-2 », University of Minnesota Press, Minneapolis), in FĂ©minismes ! — maillons forts du changement social, revue Passerelle n° 17, juin 2017, coĂ©dition Ritimo et Coredem
  2. Cf. le mouvement "New Age" (en) Kibbo Kift, qui organisa de 1931 Ă  1951 des campements pacifistes ponctuĂ©s de randonnĂ©es, de cĂ©rĂ©monies et d’ateliers artisanaux.
  3. Cf. Camp de paix de Faslane (en) d’oĂč est traduite et rĂ©sumĂ©e cette section. Des militants du camp de Faslane ont publiĂ© un journal en 2008 : Faslane: Diary of a Peace Camp, Polygon Édimbourg
  4. Cf. Pierre Myriade, « Voleurs de vent, semeurs de tempĂȘte », in CQFD n°147, octobre 2016, en ligne
  5. Depuis, « yourtes, tentes, chapiteaux ont Ă©tĂ© remballĂ©s, mais une dizaine de personnes est restĂ©e sur place pour relancer les chantiers, un jardin. Un immense prĂ©au de bois y a Ă©tĂ© construit avec des occupants de la Zad — zone Ă  dĂ©fendre — de Roybon pour “charpenter les luttes”. », Gaspard D’Allens et Andrea Fuori, Bure, la bataille du nuclĂ©aire, co-Ă©dition Seuil-Reporterre, 2017
  6. Viviana Asara et Barbara Muraca, «Indignados, Occupy, toujours actuels, toujours stimulants», in Reporterre.net, 9 mai 2016 en ligne
  7. L’allocution en français est disponible en ligne.
  8. « Penser les soulĂšvements », prĂ©sentation de la journĂ©e d’étude du 3 dĂ©cembre 2016 au MusĂ©e du Jeu de Paume dans le cadre du sĂ©minaire 2016-2017 de Georges Didi-Huberman au Centre d’histoire et de thĂ©orie des arts - CEHTA de l’EHESS.
  9. Cf. site web du DAL, prĂ©sentation de l’association.
  10. Cf. « Les manifestations des infirmiĂšres de l'automne 1991 », sur le site web de l’INA (Institut national de l’audiovisuel) en ligne
  11. Cf. Eric Turpin, « Christiane Leveuf demande un rendez-vous Ă  la ministre de la santĂ© », France-Bleue Normandie, 25 octobre 2013 en ligne

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.