Caftan marocain
Le caftan marocain (en arabe : ÙÙŰ·Ű§Ù qafáčÄn, en berbĂšre : â”⎰⎌â”⎰â”) est une tenue traditionnelle marocaine. Sous la forme d'une tunique longue, et en gĂ©nĂ©ral Ă manches longues, portĂ©e avec une ceinture (mdama) qui se dĂ©ploie sous Ă©normĂ©ment de styles et de couleurs. Le caftan marocain rĂ©sulte des savoir-faire des artisans et couturiers (maalem) du pays sous l'influence des cultures arabe, berbĂšre, andalouse et juive.
C'est la tenue dâapparat par excellence des femmes marocaines lors des cĂ©rĂ©monies (mariages, baptĂȘmes, fĂȘtes religieuses). Les stylistes ont dĂ©mocratisĂ© le caftan traditionnel en lâadaptant aux particularitĂ©s de notre civilisation du XXIe siĂšcle. Le caftan marocain a gagnĂ© en popularitĂ© aprĂšs avoir Ă©tĂ© introduit par de grandes lignes de vĂȘtements, et stylistes, Ă travers des dĂ©filĂ©s de mode prestigieux tel que l'Oriental Fashion Show[1] durant les Fashions week partout dans le monde. Ainsi que le travail de promotion de magazines marocains comme Femmes du Maroc.
De nos jours le caftan marocain est trÚs apprécié en dehors des frontiÚres du pays, notamment en Algérie.
Ătymologie
Le mot caftan vient du turc qaftÄn « robe d'honneur » qui serait un emprunt au perse haftÄn « sorte de vĂȘtement miliaire » d'aprĂšs la description de Antoine Gueuffroy dans Description de la cour du Grand Turc[2].
Histoire
Le caftan est Ă la base portĂ© par de hauts fonctionnaires et des lettrĂ©s. C'est un hĂ©ritage de l'Orient, une longue robe de drap, sans col et Ă manches larges[6]. Bien que le Maroc n'ait jamais Ă©tĂ© une province ottomane, on retrouve une influence turque dans certains vĂȘtement masculin, dont le caftan, introduit par la corporation des barcassiers de SalĂ©, probablement influencĂ© par les corsaires de Tunis[7]. Ă l'origine le Maroc connait deux types de caftan : un de FĂšs en brocart tissĂ© sur un mĂ©tier Ă tisser Ă la tire et celui de TĂ©touan dont les motifs ont subi une influence turco-persane[8].
Cependant, selon Naima El Khatib Boujibar, une archĂ©ologue et historienne de l'art marocaine, il est plus probable que le caftan soit arrivĂ© au Maroc Ă travers l'Empire ottoman, en passant par l'AlgĂ©rie. Cela aurait Ă©tĂ© grĂące au sultan saadien Abd al-Malik, qui avait vĂ©cu Ă Alger et Istanbul. Durant toute sa pĂ©riode de rĂšgne au Maroc, Abd al-Malik avait officiellement reconnu la suzerainetĂ© ottomane. Il s'habillait Ă la mode ottomane, parlait turc, rĂ©organisait son armĂ©e et son administration en imitant les pratiques ottomanes, et attribuait des titres turcs ottomans Ă ses fonctionnaires[9]. La seconde moitiĂ© du XVIe siĂšcle fut une pĂ©riode marquĂ©e par l'influence ottomane au Maroc, durant laquelle Ahmad al-Mansur, grandement influencĂ© par la culture ottomane, adopta des costumes et des coutumes turques. Il introduisit les modes vestimentaires ottomanes, son armĂ©e adopta des costumes et des titres turcs, et les ambassadeurs notĂšrent mĂȘme l'utilisation de poteries turques et de tapis turcs dans le palais Badi[10] - [11] - [12].
Le caftan marocain actuel, ample et richement brodĂ©, est le fruit d'une synthĂšse stylistique opĂ©rĂ© dans les annĂ©es 1960. Le caftan traditionnel s'illustrant par des couches multiples et des brocarts Ă©pais, des stylistes marocaines initiĂ©es Ă la mode française, vont le moderniser en rĂ©duisant le nombre de couches et l'ampleur des coupes. C'est le cas des stylistes Zina Guessous, NaĂŻna Bennis ou Zhor Sebti qui ont travaillĂ© avec la française Janine Halary. Cependant dans une optique nationaliste, le style se veut fondamentalement marocain avec l'introduction de technique traditionnelles jusque la rĂ©serve au linge de maison ou aux vĂȘtement d'hommes comme la broderie (tarz), la dentelle a aiguille (renda).
MĂȘme si ces techniques ont des origines Ă©trangĂšres (soit balkaniques, soit ottomanes, soit europĂ©ennes) et qu'elles sont introduites dans la mode marocaine qu'Ă la moitiĂ© du XXe siĂšcle, elles sont prĂ©sentĂ©es comme des « traditions millĂ©naires »[13].
Selon l'l'EncyclopĂ©die de l'Islam, le caftan a Ă©tĂ© introduit dans les Ătats barbaresques par les Ottomans et rĂ©pandu par la mode jusqu'au Maroc[14].
Différents types et styles de caftans marocains
Traditionnellement, chaque ville du royaume a son propre style de caftan et sa broderie.
Les coupes variaient aussi entre celle de FÚs, long et droit, et celle de Tétouan, court et ample. Mais de nos jours il n'existe plus de frontiÚres entre les différentes " capitales" du caftan au Maroc[15].
Venant de FÚs, le Caftane N'taa est un caftan en soie, en velours ou en brocard qui est orné de motifs décoratifs trÚs diversifiés réalisés au fil d'or (tarz ntaa)[16].
Dans les villes du nord du pays, la Keswa Kbira est un caftan portĂ© lors des grandes occasions par les juives marocaines. Cette tenue est marquĂ©e par l'influence de l'Espagne de la Renaissance[16]. En effet elle fait son apparition au Maroc avec l'arrivĂ©e des juifs morisques expulsĂ©s d'Espagne Ă la fin du XVe siĂšcle. Ce caftan est un ensemble de velours, de soie et dâor qui se compose le plus souvent de trois piĂšces : une vaste jupe, Zeltita, dont la coupe diffĂšre en fonction des rĂ©gions, un plastron nommĂ© Ktef et un gilet quâon appelle aussi corselet ou Gombaz. Les manches, quant Ă elles, sont en mousseline et ne sont pas rattachĂ©es au caftan.
Le plastron est la piĂšce la plus prĂ©cieuse du costume et la plus richement brodĂ©e de la tenue. Câest une piĂšce faite de velours, de soie, de cuir ou de coton que lâon brodait au fil dâor et dont les motifs diffĂ©raient dâune ville Ă une autre.
- Une Keswa Kbira de TĂ©touan, datant du XIXe siĂšcle.
- Tableau de Emile Vernet-Lecomte datant de 1869 qui représente une femme juive de Tanger portant la Keswa Kbira.
- Caftan dans la Casbah de TĂ©touan
à Tétouan, le caftan a de vastes dimensions et des manches larges. En velours, généralement violet ou rouge grenat, il est garni de galons et de soutaches d'or. Ce caftan peut se porter avec une petite ceinture, mdamma, pour laisser voir la décoration du haut du caftan. Mais traditionnellement il sera plutÎt porté avec une ceinture haute de FÚs, hzam squelli, lamé d'or qui ceint la taille et joue en quelque sorte le rÎle d'un corset[17].
Les stylistes marocains ont su sâadapter Ă lâair du temps, aujourdâhui, le caftan est taillĂ© plus prĂšs du corps, de façon Ă mieux Ă©pouser la silhouette, il est devenu un vĂȘtement moderne et Ă©lĂ©gant, facile Ă porter, mais parĂ© dâun prestige qui tient de son passĂ© lĂ©gendaire. Il demeure le vĂȘtement privilĂ©giĂ© de la femme marocaine, quâil sâagisse des jeunes ou des aĂźnĂ©es. Le caftan marocain est dĂ©sormais un savant mĂ©lange dâĂ©lĂ©gance, de raffinement et de confort, mais oĂč le passĂ© nâest pas reniĂ©.
Caftan marocain aujourd'hui
Le caftan marocain a aujourd'hui une renommée mondiale. Devenu trÚs tendance ces derniÚres années, il est vu comme l'alliance réussie entre le traditionnel et la modernité. Les défilés de mode mettant à l'honneur le caftan marocain sont réputés[18].
Caftan marocain en Algérie
Le caftan est prĂ©sent Ă©galement en AlgĂ©rie. En raison de la proximitĂ© gĂ©ographique et culturelle des deux peuples, on retrouve une grande proximitĂ© dans les traditions locales suivant les diffĂ©rentes rĂ©gions. La mode n'a pas Ă©chappĂ© Ă cela, notamment dans l'ouest algĂ©rien. Des villes comme Tlemcen pratiquent traditionnellement "l'amaria" et font appel a des "negafa" dans leurs mariages, comme on retrouve cela partout au Maroc. Plus largement dans le pays, dans certaines villes plus orientales comme Constantine, Ă la fin des annĂ©es 2000, il avait commencĂ© Ă rivaliser avec l'habit traditionnel local (la gandoura constantinoise). MalgrĂ© le fait que le caftan marocain se vend cher, son succĂšs peut s'expliquer par sa vente en prĂȘt-Ă -porter et son assimilation plus facile au costume traditionnel local[19] - [20].
Selon une jeune entrepreneuse de Casablanca : « On travaille beaucoup avec les Algériens, qui viennent acheter en grande quantité chez nous puisque la demande est importante dans leur pays. Les femmes adorent les Jellabas et Caftans marocains. »[21].
Caftan marocain en France
En France, il est entré dans la catéogrie de la Haute-Couture dite « marocaine ». Des défilés internationaux de créateurs y sont organisés, avec l'emergence de stylistes locaux, d'origine marocaine[22]. A titre d'exemple, il est aujourd'hui possible de voir des parisiennes adopter le caftan comme robe de soirée[23].
Le succÚs est tel que la réputée fashion week 2020 à Paris vit plusieurs défilés de caftans marocain,avec la participation de célÚbres designers et stylistes marocaines telles que Samira Haddouchi, Houda Serbouti et Fatima-Zahra El Filali Idrissi, sous le thÚme « Les merveilles de la route de la soie »[24].
Notes et références
- « Le caftan marocain à l'Oriental Fashion Show à Paris », sur Quid.ma (consulté le )
- Ătymologie de Caftan selon le dictionnaire du CNRS.
- « Le Caftan, un voyage dans les dédales d'une histoire millénaire », sur Atlasinfo, (consulté le )
- « Le raffinement du caftan marocain en vedette à Montréal », sur Libération (consulté le )
- « Le caftan marocain, chef dâĆuvre de l'artisanat », sur Vicedi : voyager comme Ulysse, (consultĂ© le )
- Jean Besancenot, Costumes du Maroc, Eddif, (ISBN 978-9954-1-0256-5, lire en ligne), p. 16
- Ivo Grammet, Min Dewachter et Els de Palmenaer, Maroc: les artisans de la mémoire, Quo Vadis, (ISBN 978-90-5349-577-3, lire en ligne), p. 178
- Galerie Charpentier, Deux mille ans d'art au Maroc, Galerie Charpentier, (lire en ligne)
- (en) Stephen Cory, Reviving the Islamic Caliphate in Early Modern Morocco, Routledge, (ISBN 978-1-317-06343-8, lire en ligne)
- (en) Venetia Porter et Mariam Rosser-Owen, Metalwork and Material Culture in the Islamic World: Art, Craft and Text, Bloomsbury Publishing, (ISBN 978-0-85773-343-6, lire en ligne)
- Narjess Ghachem-Benkirane et Philippe Saharoff, Marrakech, demeures et jardins secrets, www.acr-edition.com, (ISBN 978-2-86770-043-9, lire en ligne)
- Bulletin de la Société de géographie du Maroc, Société de géographie du Maroc, (lire en ligne)
- Collectif, Le Maroc au présent: D'une époque à l'autre, une société en mutation, Centre Jacques-Berque, (ISBN 979-10-92046-30-4, lire en ligne), page 352
- (en) Cl Huart, « ážČaftÄn », dans Encyclopaedia of Islam, First Edition (1913-1936), Brill, (lire en ligne)
- ATLASINFO, « Le Caftan, un voyage dans les dédales d'une histoire millénaire », sur Atlasinfo, (consulté le )
- PASS Technologie, 26, rue Louis Braille, 75012 Paris France, « Tarz ntaù », sur www.idpc.ma (consulté le )
- Jean Besancenot, Costumes du Maroc, Eddif, (ISBN 978-9954-1-0256-5, lire en ligne)
- Habitat de la bourgeoisie marocaine, Mouna M'Hammedi
- Le caftan marocain en passe de détrÎner la légendaire gandoura
- « Le caftan marocain séduit les Algériennes », sur Libération, (consulté le )
- « Coronavirus/Maroc: Derb Omar, Kori3a... le cri de détresse des commerçants », sur Hespress Français, (consulté le )
- La styliste au rendez-vous de la haute-couture marocaine, Journal leparisien
- Lâenseignement supĂ©rieur dans la mondialisation libĂ©rale: Une comparaison, Sylvie Mazzella
- Le Caftan marocain Ă la Fashion week de Paris 2020, VH Magazine