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Bourla-Papey

La révolte des Bourla-Papey est le plus important soulÚvement campagnard qu'ait connu le Pays de Vaud. Des groupes de paysans armés, hostiles à un retour aux anciens droits féodaux, procÚdent en 1802 à la destruction de nombreuses archives seigneuriales et communales.

Nom

Le nom Bourla-Papey (prononcé [ˈburla paˈpe]) provient du patois vaudois ; sa traduction française est Brûle-Papiers, en référence aux nombreux actes commis par les protagonistes de la révolte.

Origines du mouvement

Sous la RĂ©publique helvĂ©tique, alors mĂȘme que le pays doit consentir Ă  d’importants sacrifices en raison de l’occupation militaire française, les charges fĂ©odales, supprimĂ©es par la loi du 10 novembre 1798, sont rĂ©introduites par le coup d’état du 7 janvier 1800. Cette dĂ©cision mĂ©contente les populations rurales qui cherchent Ă  s’y opposer, notamment Ă  BĂąle en 1800, ainsi que dans le canton de Vaud oĂč une rĂ©union de cultivateurs, Ă  Morges, refuse dĂšs le 24 septembre 1800 ce retour aux anciens privilĂšges. Une Adresse des soussignĂ©s aux AutoritĂ©s du Canton du LĂ©man (29 novembre 1800) rĂ©unit 4 000 signatures et demande la destruction des documents attestant des droits fĂ©odaux.

Principaux protagonistes

Portait de Louis Reymond
Louis Reymond, par Benjamin Samuel Bolomey, 1798

La rĂ©volte, sourde tout d’abord, n’éclate vĂ©ritablement qu’au printemps 1802. Les insurgĂ©s bĂ©nĂ©ficient alors du large soutien non seulement d'une grande partie de la population, mais mĂȘme de la part des Ă©lites politiques et de certains officiers des troupes d’occupation française. Les meneurs vaudois, notamment Henri Marcel, Henri Cart de Nyon, Henri Dautun et Claude Mandrot, sont sous l’influence de Louis Reymond, officier recruteur et rĂ©dacteur L’Ami de la LibertĂ©, puis du RĂ©gĂ©nĂ©rateur, qui, Ă  partir du 4 mai 1802 en tout cas, passe pour le principal chef des Bourla Papey et se dit « Commandant des troupes vaudoises armĂ©es pour l’abolition des droits fĂ©odaux ». Son manifeste datĂ© de Saint-Saphorin-sur-Morges le 7 mai 1802 et lu publiquement sur la place Montbenon Ă  Lausanne, prĂ©cise les griefs et les exigences des rĂ©voltĂ©s.

Face aux insurgĂ©s figurent certains chefs des troupes françaises d’occupation, comme le gĂ©nĂ©ral Louis Marie Turreau qui promet l’appui de la France, tandis que le commandant Michel Veilande et François Pierre Amey, gĂ©nĂ©ral français dĂ©lĂ©guĂ© par son supĂ©rieur Joseph HĂ©lie DĂ©sirĂ© Perruquet de Montrichard, souhaitent le maintien de l’ordre, tout comme les autoritĂ©s helvĂ©tiques reprĂ©sentĂ©es par le commissaire du gouvernement Bernhard Friedrich Kuhn (de) puis son successeur Joseph Lanther, ainsi que par le prĂ©fet national du canton du LĂ©man, Henri Polier, enfin par les hommes d’État vaudois Henri Monod et Auguste Pidou.

Vaines menaces sur Lausanne

L’insurrection, commencĂ©e sporadiquement dĂšs le mois de fĂ©vrier 1802, s’étend dĂšs la fin avril. De nombreux villageois convergent vers Lausanne dans la nuit du 30 avril au 1er mai dans l’intention d’attaquer les archives du chef-lieu vaudois, conservĂ©es notamment dans la tour de la cathĂ©drale et Ă  l’hĂŽtel de ville. Toutefois, en raison d’un manque de coordination entre les groupes, ce premier mouvement d’insurrection reste sans rĂ©sultats. Le 8 mai, Ă  la suite d’une nouvelle marche sur Lausanne, les paysans dĂ©filent dans les rues aux cris de: « paix aux hommes, guerre aux papiers » en brandissant Ă  la pointe de leurs baĂŻonnettes des fragments de documents. À nouveau, cependant, les archives sont sauvĂ©es grĂące Ă  des mesures de temporisation qui obtiennent des insurgĂ©s un retrait Ă  Saint-Sulpice, au camp dit des Gamaches (en raison des guĂȘtres blanches que portaient nombre d’entre eux), puis Ă  PrĂ©verenges. ParallĂšlement Ă  ces Ă©vĂ©nements aux abords du chef-lieu vaudois, de nombreux chĂąteaux sont attaquĂ©s en divers points du territoire.

Archives incendiées

Le chĂąteau de La Sarraz est ravagĂ© dĂ©jĂ  le 19 fĂ©vrier 1802 ; puis, avant le 17 mars, c’est au tour de celui de BiĂšre, alors propriĂ©tĂ© de Jacques Necker. BientĂŽt, le mouvement s’étend Ă  une grande partie de La CĂŽte, du Gros-de-Vaud et du Nord vaudois. DĂ©but mai, les insurgĂ©s sĂ©vissent Ă  Mollens, Pampigny, Vullierens, Denens, Cuarnens, L'Isle, Reverolle, Clarmont, Cottens, Aubonne et Yens. Le 6 mai, un accord signĂ© Ă  Riond-Bosson (Tolochenaz), livre aux insurgĂ©s les archives communales de Morges, qui sont en partie jetĂ©es aux flammes. Puis diverses bandes ravagent Echichens, Vufflens-le-ChĂąteau, Monnaz et Saint-Saphorin-sur-Morges, ainsi que Nyon, Coppet, Crans, Duillier, Coinsins, Begnins, Rolle, Allaman, Bursinel, Dully, Essertines-sur-Rolle, Perroy et Vincy. Des autodafĂ©s similaires ont Ă©galement lieu Ă  Echallens, Saint-BarthĂ©lĂ©my, GoumoĂ«ns-la-Ville, ou encore dans le nord-ouest du canton, Ă  Yverdon, Champvent, Grandson, Corcelles-sur-Chavornay, Bavois, RomainmĂŽtier, Orbe et Orny. En fait, seuls les districts de Lausanne, d'Aigle et du Pays-d'Enhaut restent relativement paisibles, encore qu’à Aigle une bonne partie des archives ait Ă©tĂ© dĂ©truite aprĂšs mĂ»re rĂ©flexion en 1803[1].

DĂ©nouement de la crise

L’affaire se dĂ©noue sur un malentendu le 11 mai 1802, au terme de nĂ©gociations avec le gĂ©nĂ©ral français François Pierre Amey et le commissaire du gouvernement central Bernhard Friedrich Kuhn (de). Tous deux dĂ©peignent aux insurgĂ©s les consĂ©quences tragiques d’une guerre civile et semblent entrer en matiĂšre sur une solution pacifique de la crise. Par consĂ©quent, les Bourla-Papey, persuadĂ©s d’avoir obtenu l’amnistie et la promesse de la suppression des droits fĂ©odaux, acceptent dans la joie la dissolution de leurs troupes et leur retour au foyer. Toutefois, en l’absence d’un accord Ă©crit, cette interprĂ©tation est bientĂŽt contestĂ©e par les autoritĂ©s. Un contingent supplĂ©mentaire de 1 500 militaires français, venant de GenĂšve, occupe alors le canton de Vaud, tandis qu’un nouveau commissaire de l’HelvĂ©tique, Joseph Lanther, impose le dĂ©sarmement de toutes les communes qui ont participĂ© au soulĂšvement. Un tribunal spĂ©cial condamne Ă  la peine capitale les principaux fauteurs de troubles, dont la plupart sont toutefois absents. Puis, lorsqu'Ă  la suite de la Guerre des BĂątons (Stecklikrieg) le gouvernement central doit capituler le 18 septembre 1802 et se rĂ©fugier Ă  Lausanne, la situation politique se renverse. Sous l’influence du nouveau PrĂ©fet national Henri Monod et de l’avocat et homme politique Auguste Pidou, les condamnĂ©s sont bientĂŽt amnistiĂ©s par un vote du SĂ©nat helvĂ©tique, qui dĂ©cide Ă©galement la liquidation des droits fĂ©odaux le 29 septembre 1802.

En 1942, l'aventure des Bourla-Papey a servi de cadre au roman de Charles-Ferdinand Ramuz, La Guerre aux papiers[2].

Notes et références

  1. EugĂšne Mottaz, Dictionnaire historique du canton de Vaud, Lausanne, 1914 (Slatkine 1982), I, p. 47-48.
  2. Ramuz 2003.

Bibliographie

  • Alfred de Bougy, Les Bourla-Papey ou BrĂ»leurs de Papiers : roman rustique, GenĂšve, Slatkine, (rĂ©impr. 1988) (ISBN 978-2-05-101023-8).
  • EugĂšne Mottaz, Les Bourla-Papey et la rĂ©volution vaudoise, Lausanne, Rouge & Cie, (lire en ligne) [dĂ©tail des Ă©ditions].
  • Paul Maillefer, Histoire du canton de Vaud dĂšs les origines, Lausanne, Payot, (lire en ligne).
  • R. SecrĂ©tan, « À propos des Bourla-Papey », Revue historique vaudoise,‎ , p. 17-32.
  • Jacques Besson, L'insurrection des Bourla-Papey (ou brĂ»leurs de papiers) dans le Canton du LĂ©man du 15 septembre 1800 Ă  fin septembre 1802 et l'abolition des droits fĂ©odaux dans le canton de Vaud (loi du 31 mai 1804), Éditions Ouverture, , 207 p. (ISBN 2-88413-060-8).
  • Michel Pahud, « L'insurrection au village : nouvelles pistes sur les Bourla-Papey », Le canton de Vaud, de la tutelle Ă  l'indĂ©pendance (1789-1815), Lausanne, Centre patronal, no 30,‎ (ISBN 2-940089-12-4).
  • Michel Pahud, L'insurrection des Bourla-Papey (1802) : historiographie et Ă©tude de sa prĂ©paration dans le district de Morges, MĂ©moire de licence de la FacultĂ© des Lettres de l’UniversitĂ© de Lausanne, sous la dir. de F. Jequier, , 153 f..
  • ClĂ©my Vautier, « L'amnistie des patriotes et des Bourla-Papey sous la RĂ©publique helvĂ©tique : aveu d'impuissance ou mesure d'apaisement ? », Revue historique vaudoise,‎ , p. 299-312.
  • Charles-Ferdinand Ramuz, La Guerre aux papiers, L'Âge d'Homme, (1re Ă©d. 1942), 144 p. (ISBN 978-2-8251-1821-4)
  • Fanny Vaucher et Eric Burnand, "Le siĂšcle de Jeanne" Parution 17.11.2022 dans la collection Trajectoire de l'Ă©diteur Antipodes (ISBN 2889012239)
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