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Beit Hadassah

Beit Hadassah est une colonie juive située dans la vieille ville d'Hébron, ville palestinienne de Cisjordanie, dans la région des monts de Judée, au sud de Jérusalem.

Beit Hadassah / HĂ©bron

Il s'agit de la premiÚre colonie établie dans le centre de la ville. Le complexe est composé principalement d'unités résidentielles entourant le bùtiment principal, facilement reconnaissable grùce à son toit en pente et à sa façade monumentale créée à partir de plusieurs étoiles de David[1]. Des appartements sont situés à l'étage supérieur, tandis qu'un musée de l'histoire juive d'Hébron ainsi qu'un mémorial pour les victimes du massacre de 1929 se trouvent au rez-de-chaussée.

La colonie se trouve dans la zone H2 de la ville scindĂ©e, sous contrĂŽle de l'armĂ©e de dĂ©fense d'IsraĂ«l, dans laquelle vivent environ 30 000 palestiniens et oĂč se trouve une enclave de peuplement juif de 600 Ă  800 habitants. Cette zone a connu de multiples cycles de violence dans le contexte de la poursuite des activitĂ©s de colonisation.

La communautĂ© internationale considĂšre les colonies israĂ©liennes en Cisjordanie comme illĂ©gales au regard du droit international[2]. L’article 49 de la quatriĂšme Convention de GenĂšve stipule en effet qu’une « puissance occupante ne pourra procĂ©der Ă  la dĂ©portation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupĂ© par elle »[3]. Cette disposition importante du droit international humanitaire est universellement comprise comme interdisant l’établissement de colonies israĂ©liennes dans n’importe quelle partie des territoires palestiniens occupĂ©s, mais le gouvernement israĂ©lien le conteste.

Histoire

Le complexe historique Beit Hadassah date de 1893. Sa création a été initiée par le rabbin Haim Rahamim Yosef Franco (1833-1901)[4], un érudit réputé et grand rabbin de la communauté séfarade d'Hébron. Le premier étage a été construit avec des fonds donnés par les communautés juives d'Afrique du Nord.

Le bùtiment s'appelait à l'origine Chesed L'Avraham (bonté d'Abraham) et servait d'infirmerie et de centre d'aide pour les nécessiteux. En 1911, un étage supplémentaire a été construit grùce à des fonds donnés par les communautés juives d'Inde et de Bagdad[5].

Plus tard, l'Organisation sioniste des femmes Hadassah d'Amérique[6] a parrainé une clinique médicale qui offrait une assistance gratuite aux résidents juifs et arabes. Le célÚbre pharmacien Ben Zion Gershon[7] travaillait dans l'immeuble adjacent. Les leaders rabbiniques de la communauté juive tels que le rabbin Hanoch Hason, le rabbin Joseph Castel et leurs familles vivaient également dans les bùtiments adjacents au complexe.

Le 24 aoĂ»t 1929, l'hĂŽpital a Ă©tĂ© le thĂ©Ăątre de violences interethniques qui ont fait des centaines de morts parmi la population juive et arabe de la ville. La veille du massacre, il y avait entre 600 et 800 Juifs Ă  HĂ©bron, appartenant aux communautĂ©s religieuses ashkĂ©naze et sĂ©farade, reprĂ©sentant 10% de la population de la ville[8]. 67 d’entre eux ont Ă©tĂ© assassinĂ©s et des dizaines d’autres griĂšvement blessĂ©s. Les tĂ©moignages des survivants sont proprement insoutenables[9].

La clinique est pillĂ©e et brĂ»lĂ©e. De nombreux juifs sont abritĂ©s par leurs voisins arabes[9]. Les survivants sont amenĂ©s Ă  Beit Romano, puis la communautĂ© fuit la ville. Certains reviendront, mais partiront dĂ©finitivement aprĂšs la grande rĂ©volte arabe contre l’immigration juive sioniste et les autoritĂ©s britanniques (1936-1939). En effet, ni sous mandat britannique, ni plus tard sous administration jordanienne, ils n’auront l’autorisation de regagner la ville.

Le complexe est ensuite utilisĂ© de 1936 Ă  1948 comme fromagerie par les familles Abu Eiseh et Ezra, jusqu'Ă  ce que la famille Ezra dĂ©mĂ©nage Ă  JĂ©rusalem au milieu des annĂ©es 1940. Hamed Abu Eisheh, associĂ© Ă  un juif d’HĂ©bron dans un Ă©levage de moutons, faisait aussi office de gardien du lieu[8].

AprĂšs la guerre de 1948, lorsqu'un grand nombre de rĂ©fugiĂ©s, en provenance des terres palestiniennes occupĂ©es par IsraĂ«l, arrivent Ă  HĂ©bron, le bĂątiment est utilisĂ© par l'UNRWA, L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les rĂ©fugiĂ©s de Palestine dans le Proche-Orient, et sert ensuite d'Ă©cole jusqu'au milieu des annĂ©es 1970[1]. Le lieu Ă©tait alors connu sous le nom d’Al Daboya (en arabe: Ű§Ù„ŰŻŰšÙˆÙŠŰ§)[1] - [8].

Avec la guerre de 1967, la tutelle jordanienne laisse la place Ă  l’occupant israĂ©lien. En juin les soldats israĂ©liens arrivent au cƓur de la ville. Quelques milliers d’habitants fuirent vers la Jordanie. Pour certains d’entre eux, rĂ©fugiĂ©s de 48, c’était un deuxiĂšme exode[8]. La mĂȘme annĂ©e, certains juifs espĂšrent revenir Ă  Beit Hadassah. Bien que le gouvernement d'IsraĂ«l ait fermĂ© l'Ă©cole qui occupait Beit Hadassah, il n'a pas rendu le bĂątiment aux juifs et l'a laissĂ© fermĂ©. Des tentatives occasionnelles de repeuplement ont eu lieu, mais elles ont toutes Ă©chouĂ©[5].

En 1979, alors que Menachem Begin Ă©tait Premier ministre, dix-neuf femmes juives et une quarantaine d'enfants de la colonie de Kiryat Arba font irruption dans le bĂątiment vide et s'y installent. Le gouvernement israĂ©lien n'a pas reconnu officiellement la colonie, mais n'a pas non plus tentĂ© d'expulser les colons. Ces femmes et ces enfants qui ont vĂ©cu lĂ  dans des conditions particuliĂšrement difficiles pendant presque toute une annĂ©e reprĂ©sentent pour de nombreux colons " le noyau de la communautĂ© juive restaurĂ©e d’HĂ©bron"[10].

Le maire d’HĂ©bron de l’époque, Fahed Al Qawasmeh, Ă©lu en 1976 sur la liste de l’OLP, expulsĂ© par IsraĂ«l en 1980 puis assassinĂ© Ă  Amman en 1983, a dĂ©clarĂ© maintes fois Ă  l’époque : « Je suis d’accord pour que les juifs reviennent Ă  HĂ©bron et qu’il rĂ©cupĂšrent toutes leurs propriĂ©tĂ©s Ă  une seule condition : que les rĂ©fugiĂ©s palestiniens puissent retourner chez eux et rĂ©cupĂ©rer leurs propriĂ©tĂ©s »[8] - [11].

Le 2 mai 1980 un commando de quatre fedayin du Fatah postĂ© sur les toits avoisinants Beit Hadassah tire et lance des grenades sur un groupe d’étudiant. Six d’entre eux seront tuĂ©s: deux IsraĂ©liens, deux AmĂ©ricains, un Canadien et vingt autres blessĂ©s. L’armĂ©e israĂ©lienne a dynamitĂ© ensuite les bĂątiments situĂ©s en face de la colonie[1] - [5] - [8] - [11]. Le gouvernement israĂ©lien mit alors en Ɠuvre « une rĂ©ponse sioniste adĂ©quate »: les colons juifs furent autorisĂ©s Ă  s’installer dans la ville et les autoritĂ©s financĂšrent la rĂ©habilitation des anciens bĂątiments de la communautĂ© juive d’avant 1929. Le maire de HĂ©bron, Fahed Al-Qawasmeh, fut dĂ©portĂ© au Liban pour « incitation au crime »et l’armĂ©e israĂ©lienne dynamita les maisons palestiniennes proches de Kyriat Arba[11]. Une partie de la colonie a Ă©tĂ© installĂ©e sur des bĂątiments palestiniens existants. Deux caravanes rĂ©sidentielles situĂ©es dans une rue voisine font Ă©galement partie du complexe[1] - [5] - [8].

Pour rendre Beit Hadassah apte à une installation permanente, deux étages ont été ajoutés en 1985 dans un style combinant l'ancien et le nouveau, transformant la maison en un immeuble d'appartements[5].

Aujourd'hui, Beit Hadassah est le foyer d'une trentaine de familles juives et comprend une synagogue, une aire de jeux, des chambres d'hĂŽtes et le musĂ©e historique d'HĂ©bron. Le quartier de Beit Hadassah comprend la maison Schneerson; la maison de Rebbetzin Menucha Rachel Slonim, matriarche de Chabad Ă  HĂ©bron, qui sert de rĂ©sidence et d'Ă©cole maternelle; Beit Hashisha, qui commĂ©more les six victimes de l'attaque terroriste de 1980, et Beit Romano oĂč vivent et Ă©tudient les Ă©tudiants de Yeshivat Shavei Hevron[5].

Situation politique

Contrairement Ă  toutes les autres localitĂ©s palestiniennes, Ă  l'exception de JĂ©rusalem-Est, HĂ©bron a Ă©tĂ© la cible d'une intense activitĂ© de colonisation au cƓur mĂȘme de la ville, lĂ  oĂč se trouvait autrefois son centre commercial. Ces activitĂ©s, qui ont dĂ©butĂ© quelques mois seulement aprĂšs le dĂ©but de l'occupation israĂ©lienne, ont entraĂźnĂ© la crĂ©ation de cinq colonies, comptant plusieurs centaines d'habitants: Beit Hadassah, Beit Romano, Tel Rumeida, Avraham Avinu, et Beit Hashalom. Certains de ces habitations appartenaient autrefois Ă  des Juifs qui vivaient dans la ville avant mĂȘme la crĂ©ation de l'État d'IsraĂ«l.

Toit d'une maison palestinienne occupé par l'armée israélienne

DÚs le début, le processus de colonisation dans la ville a déclenché un cycle d'attaques et de représailles violentes entre les colons israéliens et les résidents palestiniens, qui a fait un grand nombre de victimes des deux cÎtés. Invoquant la nécessité de prévenir les frictions entre les deux populations, les autorités israéliennes ont progressivement isolé le centre d'Hébron du reste de la ville, coupant la contiguïté entre ses zones sud et nord . Cette politique a été guidée par ce que les autorités israéliennes appellent le " principe de séparation "[12].

Les origines de cette politique remontent Ă  1994 lorsque, Ă  la suite d'un massacre de fidĂšles musulmans par un colon israĂ©lien, IsraĂ«l a mis en place un systĂšme pour rĂ©glementer l'accĂšs sĂ©parĂ© Ă  la MosquĂ©e Ibrahimi/ Tombeau des Patriarches. La division en deux zones Ă  souverainetĂ© partagĂ©e, H1 et H2, a Ă©tĂ© officialisĂ©e en janvier 1997 par la signature entre l’autoritĂ© palestinienne et le gouvernement israĂ©lien du protocole d’accord sur le redĂ©ploiement dans la ville d’HĂ©bron.

Filet de protection entre habitations palestiniennes et colonies israéliennes

Toutefois, ce n'est qu'aprĂšs le dĂ©but de la deuxiĂšme Intifada en 2000, et l'augmentation du nombre d'attaques et de victimes des deux cĂŽtĂ©s, que la sĂ©paration des zones de colonies et de leurs environs du reste de la ville a Ă©tĂ© mise en Ɠuvre de maniĂšre systĂ©matique. Cette sĂ©paration s'est faite par le dĂ©ploiement de points de contrĂŽle supplĂ©mentaires et d'autres obstacles, ainsi que par l'imposition de restrictions d'accĂšs Ă  la circulation des Palestiniens. Pendant les trois premiĂšres annĂ©es du soulĂšvement, HĂ©bron connaĂźtra 377 jours de couvre-feu, dont un continu durant 182 jours. DĂšs le dĂ©but de l’Intifada, des restrictions sans prĂ©cĂ©dent sont imposĂ©es aux Palestiniens de la partie H2, provoquant un dĂ©placement de population important vers l’ouest de la ville. En 2007, plus de 1 500 magasins de la zone H2 (soit prĂšs de 80 %) sont fermĂ©s, la moitiĂ© par dĂ©cision militaire, l’autre Ă  la suite du couvre-feu[13] - [14].

Outre la violence des colons et les restrictions d'accÚs, la vie des Palestiniens de H2 a été gravement affectée par les incursions et les raids constants des forces israéliennes dans leurs maisons, qui comprennent souvent la prise de possession temporaire de certaines piÚces, ou de toits. Ces politiques et pratiques ont créé un environnement coercitif qui a porté atteinte aux conditions de vie des Palestiniens. Des milliers de personnes ont été contraintes de quitter la zone[12].

En septembre 2017, le Commandement central de l’armĂ©e israĂ©lienne Ă©largi les pouvoirs municipaux des rĂ©sidents juifs de HĂ©bron. Selon les fonctionnaires, cette dĂ©cision permettrait de renforcer la communautĂ© dans la citĂ© divisĂ©e en Cisjordanie. L’ordonnance transfĂšre la responsabilitĂ© des besoins en infrastructure des rĂ©sidents, y compris l’électricitĂ©, l’entretien des routes et les eaux usĂ©es des Palestiniens au comitĂ© municipal de HĂ©bron qui est sous la juridiction du ministĂšre de l’IntĂ©rieur d’IsraĂ«l. Cette dĂ©cision a Ă©tĂ© vivement critiquĂ©e par l’ONG La Paix Maintenant[15].

En janvier 2019 le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu annonce que son pays ne renouvellera pas le mandat de la Présence internationale temporaire à Hébron (TIPH) : "Nous n'autoriserons pas la poursuite de la présence d'une force internationale qui agit contre nous". Cette mission d'observation civile était composée d'observateurs venant du Danemark, d'Italie, de NorvÚge, de SuÚde, de Suisse, et de Turquie. Cette décision est jugée regrettable par La Suisse et les quatre autres pays ayant déployé des observateurs à Hébron, qui rejettent les accusations de l'Etat hébreu[16]. La communauté juive d'Hébron a quant à elle salué cette décision[17].

En octobre 2020, le gouvernement israélien donne son feu vert à l'octroi de permis de construction pour 31 nouvelles unités dans la vieille ville, une premiÚre depuis deux décennies. Le début des travaux intervient alors que le nouveau gouvernement israélien de coalition, qui a mis fin en juin dernier à 12 ans de rÚgne de Benjamin Netanyahu, a entamé des discussions avec l'Autorité palestinienne afin d'améliorer la vie quotidienne des Palestiniens sans aborder la question du processus de paix[18].

Notes et références

  1. « Beit Hadassah - Mapping Hebron's Apartheid », sur www.hebronapartheid.org (consulté le )
  2. Richard Falk, « Le droit international est clair sur un point : les colonies israéliennes sont illégales », sur middelesteye.net, (consulté le )
  3. « TraitĂ©s, États parties et Commentaires - Convention de GenĂšve (IV) sur les personnes civiles, 1949 - 49 - DĂ©portations, transferts, Ă©vacuations », sur ihl-databases.icrc.org (consultĂ© le )
  4. (en) « Rabbi Franco - Founder of Beit Hadassah », sur the Jewish Community of Hebron (consulté le )
  5. (en-US) « Beit Hadassah – From Historic Hospital to Symbol of Rebirth | The Hebron Fund » (consultĂ© le )
  6. « Organisation américaine Hadassah - modes de vie et problÚmes sociaux - 2021 », sur dainamtechnology.com (consulté le )
  7. « Dr Ben Zion Gershon (1856-1929) - Mémorial Find a... », sur fr.findagrave.com (consulté le )
  8. Anwar Abu Eisheh, « HĂ©bron : les affres de la colonisation », Confluences MĂ©diterranĂ©e,‎ , p. 29 Ă  41 (lire en ligne)
  9. « RETOUR SUR L'HISTOIRE. “Le massacre d’HĂ©bron n’était pas un pogrom” », sur Courrier international, (consultĂ© le )
  10. David Wilder, « « Nous ne sommes pas des colons » », Les Cahiers de l'Orient,‎ , p. 125 Ă  133 (lire en ligne)
  11. coriolan1949, « LA POUTRE ET LA PAILLE », sur Club de Mediapart, (consulté le )
  12. (en) United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, « The humanitarian situation in the H2 area of Hebron city. », sur ochaopt.org, (consulté le )
  13. (en) « 2007 Activity Report », sur B'Tselem (consulté le )
  14. ChloĂ© Yvroux, « L'impact du contexte gĂ©opolitique sur «l'habiter» des populations d'HĂ©bron-Al Khalil (Cisjordanie) », L’Espace gĂ©ographique,‎ , p. 222 Ă  232 (lire en ligne)
  15. Par Jacob Magid et AFP, « L’armĂ©e donne aux rĂ©sidents juifs de HĂ©bron de nouvelles prĂ©rogatives municipales », sur fr.timesofisrael.com (consultĂ© le )
  16. www rfj ch, RFJ, Radio Fréquence Jura, « La Suisse regrette la fin de la mission d'observation à Hébron », sur www.rfj.ch (consulté le )
  17. Marc, « Netanyahu met fin au mandat des observateurs (TIPH) à Hébron », sur JForum, (consulté le )
  18. « Des colons israéliens construisent de nouveaux logements dans la ville poudriÚre de Hébron », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
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