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Bataille de Cynoscéphales (197 av. J.-C.)

La bataille de Cynoscéphales (du lieu-dit Κυνός Κεφαλών : « Têtes de chien » en grec) a lieu en Thessalie en juin 197 av. J.-C. entre l'armée romaine commandée par Flamininus et l'armée macédonienne commandée par Philippe V de la dynastie antigonide. Elle marque la victoire des Romains lors de la Deuxième guerre de Macédoine (200-197).

Bataille de Cynoscéphales
Description de cette image, également commentée ci-après
Site de la bataille (vue actuelle)
Informations générales
Date 197 av. J.-C.
Lieu Thessalie
Issue Victoire de Rome
Forces en présence
~ 33 400 hommes~ 22 500 hommes
Pertes
~ 700 morts~ 8 000 morts
~ 5 000 prisonniers

Deuxième Guerre macédonienne

Batailles

1re guerre macédonienne (215-205 av. J.-C.) :

  • Trattato tra Annibale e Filippo V di Macedonia (en)

2e guerre macédonienne (200-196 av. J.-C.) :

3e guerre macédonienne (171-168 av. J.-C.) :

4e guerre macédonienne (149-146 av. J.-C.) :

CoordonnĂ©es 39° 25′ 00″ nord, 22° 34′ 00″ est
Géolocalisation sur la carte : Grèce
(Voir situation sur carte : Grèce)
Bataille de Cynoscéphales

Campagne préliminaire

Alors que les années précédentes, l'armée romaine n'avait pas bonne réputation en Grèce, Flamininus entreprend une politique de « philhellénisme militant », selon l'expression d’Édouard Will[1], pour augmenter l’influence romaine en Grèce, ce qu’il réussit brillamment. Les négociations de paix avec Philippe V ne sont qu’un artifice pour gagner du temps : Flamininus obtient une seconde année de consulat et entend la mettre à profit pour obtenir une victoire définitive et s’arroger un triomphe à Rome. En 198 av. J.-C., Philippe est en mauvaise posture : au début de l’année suivante, il est définitivement isolé et doit recruter par défaut des hommes trop jeunes ou trop âgés[2]. Il décide de jouer son va-tout dans une dernière bataille. Nicholas G. Hammond s’interroge là sur sa décision de ne pas évacuer les places fortes du sud de la Thessalie, ce qui lui aurait permis de rassembler des troupes de meilleure qualité[3].

Flamininus dispose sous ses ordres d'environ 33 000 soldats plus les troupes alliĂ©es : des archers mercenaires de Crète, des Ă©lĂ©phants et des cavaliers numides. Philippe disposait d'une phalange d’environ 16 000 phalangites, 2 000 peltastes, 2 000 fantassins lĂ©gers d’Illyrie, 2 000 Thraces, 1 500 mercenaires, et 2 000 cavaliers (MacĂ©doniens et Thessaliens), soit un total de 22 500 hommes. Avec une faible proportion de cavalerie, sa force de frappe se situe clairement dans ses phalanges.

Philippe V rassemble son armée à Dion et entraîne les recrues. Il ne démarre sa campagne que lorsqu’il apprend l’avancée de Flamininus vers Thèbes. Il arrive aux environs de Phères en Thessalie et s’attend peut-être à y combattre l’armée romaine. Il envoie ses forces légères en reconnaissance et celles-ci, de nuit, rencontrent leurs vis-à-vis. D’après Polybe[4], la nature du terrain ne permet ni à Philippe, ni à Flamininus de risquer une bataille rangée, et le roi fait marche vers la cité de Scotoussa à l’ouest. Flamininus semble avoir compris les intentions de Philippe et s’engage dans une course pour le prendre de vitesse. Les deux armées marchent alors sur des voies parallèles, séparées seulement par les crêtes du mont Narthaque. Philippe ralentit sa marche sur le territoire de Scotoussa et semble y trouver du ravitaillement.

DĂ©roulement de la bataille

Grandes phases de la bataille.

La nuit a Ă©tĂ© orageuse et la pluie dense : au matin, une Ă©paisse brume s’attachait aux collines (nous sommes en juin). Philippe doit Ă©tablir le camp et envoie une partie de ses hommes chercher du fourrage pour les bĂŞtes. Il dĂ©pĂŞche Ă©galement une troupe lĂ©gère s’établir sur la crĂŞte qui le sĂ©parait de sa destination (qui se trouve d’après Hammond sur la route entre Larissa et Pharsale). Mais Flamininus envoya Ă©galement 1 300 hommes sur cette mĂŞme crĂŞte afin d’apercevoir l’armĂ©e macĂ©donienne lorsque la brume faiblira. Les deux armĂ©es Ă©taient dangereusement proches. De l’escarmouche qui oppose les Ă©claireurs sur la crĂŞte dĂ©coule la bataille de CynoscĂ©phales, au pied des collines dites « tĂŞtes de chien ».

Le dĂ©tachement macĂ©donien chasse les Romains de la crĂŞte. Flamininus envoie un renfort de 500 cavaliers et 2 000 fantassins lĂ©gers romains et Ă©toliens, qui repoussent les MacĂ©doniens et prend possession de la crĂŞte. Ă€ son tour, Philippe envoie son hipparque LĂ©on et la cavalerie thessalienne ainsi que les mercenaires (sauf les Thraces), sous la direction d’AthĂ©nagoras. Les MacĂ©doniens jettent ainsi facilement les Romains en bas de la colline. Après ce jeu de va-et-vient, Flamininus dĂ©cide de disposer ses lĂ©gions en ordre de bataille sur deux ailes et prend la tĂŞte de l’aile gauche pour repousser les mercenaires en dĂ©sordre. Philippe, de son cĂ´tĂ©, fut poussĂ© par les rapports enthousiastes de ses messagers Ă  prendre l’initiative du combat.

Il rassemble la moitié de ses phalangites ainsi que les peltastes, et laisse à Nicanor le soin de le suivre sans attendre avec le reste des hommes, ce qui semble indiquer que tous les hommes ne sont pas disponibles au camp. Flamininus, à l’aide de l’aile gauche et des troupes légères, repousse les Macédoniens engagés en haut de la colline. C’est à ce moment que Philippe se montre à la tête de sa phalange et la déploie sur 16 rangs avec les Peltastes sur sa droite, comme il est d’usage. Il masse les troupes légères et sa cavalerie restante sur les flancs. Lorsque la manœuvre fut exécutée, il ne pouvait tarder à engager son aile, voyant la situation de ses fantassins légers et de ses mercenaires. Il ordonne la charge sans attendre Nicanor, et Flamininus le suivit dans son élan.

L’aile gauche romaine est repoussée par cette irrésistible charge et subit des pertes très importantes étant donné son placement. Cette déconvenue est logique pour une formation qui prend de front une rangée de sarisses sur un tel dénivelé. On ne peut pas dire que le consul soit un tacticien émérite en opposant volontairement ses hommes à cet impénétrable mur de sarisses. Le flanc gauche romain étant presque totalement massacré quand le corps macédonien est intact, Flamininus porte ses espoirs dans son aile droite inemployée, dont les éléphants sont placés en avant, et mène l’attaque contre l’aile gauche macédonienne. Celle-ci n’est pas formée et avance toujours en colonne. Les hommes macédoniens paniquent et plutôt que de former une ligne de sarisses pour stopper nettement cette charge, ils se désorganisent et prennent la fuite. On peut dire que deux combats différents avaient lieu, et c’est par l’initiative d’un tribun, célèbre mais anonyme, que le combat prit une tournure décisive. Il incita les troupes de l'aile droite romaine victorieuse à se rabattre sur les phalanges de l'aile droite macédonienne et à ne pas poursuivre les fuyards. Le flanc droit macédonien, qui n'avait subi presque aucune perte jusque-là est alors encerclé par les débris du flanc gauche romain et par les éléphants. Philippe quitte le champ de bataille à la tête de la cavalerie des Compagnons, qui n'ont pas servi durant la bataille.

Selon Polybe et Tite-Live, 8 000 MacĂ©doniens perdirent la vie et 5 000 furent prisonniers alors que Flamininus n'aurait perdu que 700 soldats.

DĂ©clin de la phalange

La supĂ©rioritĂ© tactique de la lĂ©gion romaine sur la phalange tient au fait que cette dernière doit, pour remplir son rĂ´le, avoir les flancs protĂ©gĂ©s et doit garder une certaine cohĂ©sion, alors que les lĂ©gionnaires peuvent combattre dans n’importe quelles conditions. De plus, la phalange macĂ©donienne du IIe siècle av. J.-C. n'est plus du tout celle imaginĂ©e par Philippe II, le crĂ©ateur de ce système. Constamment alourdie au fil des annĂ©es, Ă  l'image de la sarisse qui mesure 5 mètres sous le règne d'Alexandre le Grand et 7,5 mètres dès 274 et le siège d'Edessa par les Spartiates, la phalange est devenue rigide et difficilement manĹ“uvrable. L'Orient Ă©tant alors dominĂ© par les puissances hellĂ©nistiques, les rois lagides, sĂ©leucides ou antigonides dĂ©cidèrent d'alourdir l'armement de leurs sarissophores pour disposer ainsi d'un avantage dĂ©cisif contre d'autres armĂ©es composĂ©es des mĂŞmes troupes. En effet les combats entre deux nations hellĂ©niques, quoique très meurtriers, restaient souvent indĂ©cis, tant l'armement et les effectifs Ă©taient semblables. Ces changements, notamment l'allongement de la sarisse, Ă©taient destinĂ©s Ă  s'opposer avec bien plus d'efficacitĂ© Ă  d'autres armĂ©es de type macĂ©donien, Ă  une Ă©poque oĂą le besoin de possĂ©der une armĂ©e efficace contre des troupes mobiles et flexibles comme des lĂ©gionnaires romains ne se faisait pas encore sentir.

Cette bataille est parfois perçue comme une forme de passation de pouvoir entre un système centenaire et décadent, qui n'avait jusqu'alors jamais été défait depuis sa création, et une armée extrêmement souple. La formation romaine en manipules a montré ses qualités et son incroyable capacité à exploiter les faiblesses des phalanges (lenteur, cohésion friable, faibles sur les flancs et l'arrière, rôle devenu exclusivement défensif) devenues trop lourdes à cause de cette frénétique course aux armements. Les deux siècles suivants ne seront qu'une lente agonie pour ce système militaire qui perdurera péniblement jusqu'en 30 av. J.-C. et l'annexion de l'Égypte ptolémaïque.

Toutefois, cette opinion provient de l'analyse partisane de Polybe dans son excursus à propos des deux systèmes militaires romains et macédoniens qu'il compare. L'analyse de cet excursus montre des lacunes dans l'explication, dans les exemples et l'analyse de ceux-ci, telles qu'on ne peut, sur cet extrait tout du moins, juger Polybe comme impartial. La bataille de Cynoscéphales n'est pas une bataille à proprement parler, mais une escarmouche qui dégénère sans véritable plan élaboré par les généraux. L'armée macédonienne n'est pas intervenue au complet contrairement à l'armée romaine. On ne peut pas tirer de telles conclusions après Cynoscéphales, ni même après la bataille de Magnésie du Sipyle ou de Pydna : l'analyse précise des récits de ces batailles ne peut faire émerger les conclusions auxquelles arrive Polybe, ou alors seulement en partie. De plus, les défaites des nations helléniques étaient très souvent la conclusion de grandes erreurs stratégiques pourtant évitables comme à Magnésie, à Pydna ou aux Thermopyles, et non d'une supériorité prétendue des légionnaires sur les phalanges. Parce que les faits n'étaient pas suffisants, Polybe a dû créer l'explication de la conquête de la Grèce et des Royaumes hellénistiques : pour cela il utilisa, entre autres, des arguments du domaine militaire.

Bilan

Cette dĂ©faite macĂ©donienne marqua le passage de tĂ©moin en Grèce entre les successeurs d’Alexandre le Grand et Rome. La bataille de Pydna qui marque la fin de la Troisième guerre de MacĂ©doine fut la preuve que le temps de la phalange Ă©tait rĂ©volu. Bien que la paix qui suivit laissât Ă  Philippe V son empire comme tampon entre la Grèce et l’Illyrie, il perdit son contrĂ´le sur les États grecs, dut payer une forte rançon (1 000 talents) et donner sa flotte. Cependant, Rome renonça Ă  toucher cette rançon : cette « gĂ©nĂ©rositĂ© » fut par la suite largement exploitĂ©e sur le plan de la propagande.

Notes et références

  1. E. Will, Histoire politique du monde hellénistique (320-30 av. J.-C.), II, Nancy, 1967, pp. 121–178.
  2. Tite-Live, XXI, 3, 4
  3. N. G. L. Hammond, « The campaign and battle of Cynoscephalae in 197 BC », The Journal of Hellenic Studies, vol. 108 (1988), pp. 60–82
  4. Polybe, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], XVIII,, 20

Sources antiques

Bibliographie

  • Édouard Will, Histoire politique du monde hellĂ©nistique 323-, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », (ISBN 2-02-060387-X).
  • Miltriade B Hatzopoulos, L'organisation de l'armĂ©e macedonienne sous les antigonides : problèmes anciens et documents nouveaux, Athenes, Centre de recherche de l'antiquitĂ© grecque et romaine, Fondation nationale de la recherche scientifique, coll. « Meletemata » (no 30), , 196 p. (ISBN 978-9-607-90507-9).
  • (en) N. G. L. Hammond, «The campaign and the battle of Cynoscephalae in 197 BC », in Journal of Hellenic Studies, no 108, pp. 60-82, 1988.
  • (en) F. W. Walbank, A historical commentary on Polybius, volume 2, Commentary on Books 7-18, Oxford, 1967.
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