Accueil🇫🇷Chercher

Base Nord

La base Nord était un projet de base navale secrète allemande proposée dans la baie de Zapadnaya Litsa, à l'ouest de Mourmansk mis à disposition par l'Union soviétique. La base faisait partie d'un partenariat qui s'était développé entre l'Allemagne et l'Union soviétique à la suite du traité germano-soviétique de non-agression de 1939, et de l’accord économique global de 1940.

Localisation de la Base Nord avec les frontières politiques actuelles.
Base Nord
Localisation de la Base Nord avec les frontières politiques actuelles.

En 1939, l'Union soviétique accepta de fournir un emplacement pour une base à l'Allemagne, dans le but de soutenir les sous-marins et les raids contre les navires de commerce[1]. L'Allemagne envoya des navires de ravitaillement qui étaient ancrés dans la baie, mais aucun bâtiment de combat de la Kriegsmarine ne fut ravitaillé[2]. L’invasion de la Norvège par l’Allemagne en avril 1940 a, par la suite, rendu la base inutile[3].

En 2008, la base Nord fut la vedette d’une série importante d'investigation historique de la BBC-PBS, appelé World War II Behind Closed Doors: Stalin, the Nazis and the West (La Seconde Guerre mondiale derrière les portes fermées: Staline, les nazis et l'Occident), et d’un livre du même nom de Laurence Rees en 2009[4].

Contexte

Au cours de l'été 1939, après avoir mené des négociations à la fois avec un groupe anglo-français et l'Allemagne à propos d’éventuels accords militaires et politiques[5], l'Union soviétique choisit l'Allemagne. Elle signe le 19 août, un accord commercial germano-soviétique prévoyant l'échange de certains matériels militaires et civils allemands en échange de matières premières soviétiques[6] - [7] et le 23 août, le pacte Molotov-Ribbentrop, qui incluait des protocoles secrets prévoyant une répartition des États d'Europe du Nord et de l’Est en «sphères d'influence » allemande et soviétique[8].

Une semaine après la signature du Pacte Molotov-Ribbentrop, le partage de la Pologne commença avec l'invasion allemande de la Pologne occidentale[9], suivie par l'invasion par l'Union soviétique de la Pologne orientale le 17 septembre, en coordination avec les forces allemandes[10].

Négociations

À la fin de 1939, les deux pays entamèrent des discussions sur un accord économique plus large que l'accord de commerce germano-soviétique de 1939[11] - [12]. Depuis le début de ces négociations, l'Union soviétique avait clairement indiqué qu'elle était prête à échanger sa position maritime stratégique contre de la technologie[13]. Les Soviétiques étaient disposés à fournir une base septentrionale aux Allemands, mais pas un port, car cela donnerait une indication ouverte de l'aide soviétique à l’Allemagne, et indiquerait qu'elle était un cobelligérant[13].

En octobre, les Soviétiques offrirent d'abord de fournir une base à l'ouest de Mourmansk, où les Allemands ont noté le manque de mouillage et d’installations[14]. Les Soviétiques modifièrent leur offre pour Zapadnaya Litsa, dans le golfe Motovsky sur le fjord Litsa le point le plus occidental de la péninsule de Kola, que les Allemands acceptèrent[14].

Les opérations de la base

La nécessité de garder le secret

Même si elle avait conclu des ententes secrètes avec l'Allemagne pour le partage de territoire et pour une aide militaire, l'Union soviétique tenta de maintenir un semblant de neutralité. À ce titre, plusieurs options pour le ravitaillement soviétique des navires de raids allemands qui opéraient en bordure du droit international, furent considérés. En particulier, feindre la capture de navires de ravitaillement soviétiques par les navires allemands et puis les relâcher après que les Allemands aient récupéré le ravitaillement ou de placer les fournitures à un point de transbordement où les Allemands les récupéreraient plus tard[15].

La base de Zapadnaya Litsa, appelée «Base Nord », présente des avantages en matière de secret. Elle était entourée par le territoire russe et fermée à tout trafic maritime étranger et national, de sorte que personne ne pouvait voir les opérations en cours[13]. Son entrée empêchait également l'observation depuis la mer[13].

Les conditions de la base initiale

L’Allemagne savait que les fortifications allemandes de la base Nord était impossibles politiquement[16]. La base, à cette époque, était totalement sous-développée, sans aucune communication par rail ou par route et n'avait pas accès à l'eau potable[17]. Mourmansk (à 120 kilomètres de là) avait un accès au canal de la mer Blanche[18], mais quand les Allemands y parvinrent, Mourmansk n'avait pas encore été développé et le travail forcé des forçats du goulag était encore en train de construire les installations soviétiques[18].

Au début, l’Allemagne fournit le matériel nécessaire pour ses U-boots en vue de les utiliser dans la base et les envoya d'abord à Mourmansk[19]. Elle utilisa les navires marchands Cordillera (12 055 tonneaux[20]), Phoenicia (4 124 tonneaux[20]) et le Sachsenwald (650 tonneaux) pour ce faire[21]. Les trois navires avaient été internés à Mourmansk depuis le début de la guerre[21]. Le Cordillera retourna à Mourmansk presque immédiatement en décembre 1939 et ensuite se rendit à Hambourg en février 1940.

Le commandement de la flotte du Nord de l’Union soviétique avait été informé par Moscou que les Allemands pourraient utiliser la base pour soutenir le blocus des îles Britanniques[19]. Toutefois, le sous-marin britannique HMS Salmon coula le U-36, le premier sous-marin que l'Allemagne avait envoyé en éclaireur à la base Nord, dans la mer de Norvège, bien que les Britanniques ne connaissaient pas la mission de l’U-36[22]. L'U-38 plus tard accomplit cette tâche de reconnaissance malgré l'intervention de torpilleurs soviétiques et de navires des garde-cotes[22].

Les rumeurs

En décembre 1939, les médias d’Europe occidentale commencèrent à publier des rumeurs d'une base sous-marine septentrionale allemande en Union soviétique[23]. Le journal danois Nationaltidende, le magazine français Paris-Soir et une station de radio française firent état de rumeurs d'une base sous-marine allemande, même s’ils avaient incorrectement identifié son emplacement[23]. L'Allemagne rejeta ces allégations comme étant des rumeurs sans fondement[23]. Des rumeurs similaires refirent surface en mars 1940 à le Stockholm Daily Press[24].

L'invasion de la Norvège

L'ancien baleinier "Jan Wellem" (à gauche) échoué à Narvik après les batailles de Narvik du 10 au 13 avril 1940. Il fut plus tard récupéré[25].

En avril 1940, l'Allemagne envahit la Norvège pour obtenir une base pour mener des raids navals dans l'Atlantique Nord, et pour assurer les expéditions de minerai de fer depuis la Suède via le port de Narvik[26]. Bien que les bâtiments utilisés ne soient partis de la base Nord, le ravitailleur Jan Wellem de 11 965 t[27] - [28], important pour les opérations à Narvik fut envoyé à partir de la base Nord[31]. Aucun sous-marin allemand ou navire de guerre de surface ne provenait de la base Nord[32].

Le 1er mai 1940, les Soviétiques fournirent un meilleur point d'ancrage pour la base Nord à proximité de la baie Iokanga[24]. Cependant, l’invasion de la Norvège par l’Allemagne avait réduit la nécessité de la base Nord pour les opérations, elle était devenue plus importante en tant que symbole de la coopération que pour sa disponibilité opérationnelle[33]. En avril 1940, l’Union soviétique mit fin à sa coopération concernant la base Nord[34].

Références

  1. Philbin III 1994, p. xiv
  2. Мельтюхов М.И. Упущенный шанс Сталина. Советский Союз и борьба за Европу: 1939-1941. — М.: Вече, 2000
  3. Tobias R. Philbin. The lure of Neptune: German-Soviet naval collaboration and ambitions, 1919-1941. Chapter 5. p. 112-17
  4. (en) Laurence Rees, World War II Behind Closed Doors : Stalin, the Nazis and the West, BBC Books, (lire en ligne), p. 66-69
    « ...this was, for the Soviets, one of the greatest secrets of the war... during the September 1939 meeting with Stalin and Molotov. The German Foreign Minister had asked if the Soviets could provide a base in Murmansk for the repair of U-boats and, in principle, this had been agreed. But from that moment the Soviet authorities were worried that the British - or anyone else - might discover that they were providing military assistance to the Nazis. ...the Soviets offered the nearby bay of Sapadnaja Liza [ Zapadnaya Litsa ] instead... it was henceforth only to be known as 'Basis Nord' (Base North). The German supply ship Sachsenwald entered Base North on 1 December 1939, the first of several vessels to be stationed there. ... In mid-April 1940 the Germans were asked to move their base further along the coast to the even more remote Jokanga Bay [mouth of Iokanga River ]. Molotov told the German naval attaché in Moscow that the move was necessary because of Soviet fears that Allied aircraft... might identify the German ships. ...the German liaison officer, Auerbach, visited the new Base North for the first time on 20 May... Life was grim for the German sailors at Base North. In April 1940 Dr Kampf, doctor on the German supply ship Phoenicia, complained in his diary... The story of Base Nord... is important because its existence shows the schizophrenic attitude of the Soviets towards assisting the Germans. On the one hand, the Soviets undoubtedly provided the Germans with a military supply base; but on the other, ideologically the Nazis remained a possible enemy. So in effect they were allies, and yet they were potential belligerents. »
  5. Shirer 1990, p. 515–540
  6. Shirer 1990, p. 668
  7. Ericson 1999, p. 57
  8. Text of the Nazi-Soviet Non-Aggression Pact, executed August 23, 1939.
  9. Roberts 2006, p. 82
  10. Roberts 2006, p. 43
  11. Ericson 1999, p. 61
  12. Philbin III 1994, p. 75–6
  13. Philbin III 1994, p. 82–3
  14. Philbin III 1994, p. 81
  15. Philbin III 1994, p. 64–75
  16. Philbin III 1994, p. 93–4
  17. Philbin III 1994, p. 84–5
  18. Philbin III 1994, p. 92
  19. Philbin III 1994, p. 89–90
  20. Hamburg-America at theshipslist.com
  21. Philbin III 1994, p. 99–103
  22. Philbin III 1994, p. 96
  23. Philbin III 1994, p. 107
  24. Philbin III 1994, p. 112–114
  25. (en) Don Kindell, « British and Other Navies in World War 2 Day-by-Day »
  26. (en) Owen Booth et John Walton, The Illustrated History of World War II, Chartwell Books, Inc., , p. 44–49
  27. (en) « Miramar Ship Index » (consulté le )
  28. (en) Sergey Kovalev, « The Basis Nord Mystery », Oil of Russia International Quarterly Edition, no 2, (lire en ligne)
  29. (en) Tobias R. Philbin, The Lure of Neptune : German-Soviet Naval Collaboration and Ambitions, 1919-1941, University of South Carolina Press, , 192 p. (ISBN 978-0-87249-992-8, lire en ligne), p. 102, 110, 113–114
  30. (en) Don Kindell, « Naval Events, April 1940, Part 1 of 4 », Naval-History.Net, (consulté le )
  31. Une source indique que le Jan Wellem[27] est aussi entré à la base Nord[29]. Une autre source indique que le Jan Wellem part de Mourmansk le 6 avril 1940 pour Narvik harbor où il entre en toute sécurité avant le début de la bataille de Narvik[30]
  32. Philbin III 1994, p. 113
  33. Philbin III 1994, p. 112–117
  34. (en) « Memorandum by the German Ambassador in the Soviet Union (Schulenburg); April 11, 1940. Tgb. Nr. A. 1833/40 Moscow, April 11, 1940. », sur avalon.law.yale.edu

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Tobias R. Philbin III, The Lure of Neptune : German-Soviet Naval Collaboration and Ambitions, 1919–1941, University of South Carolina Press, , 220 p. (ISBN 978-0-87249-992-8, présentation en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Edward E. Ericson, Feeding the German Eagle : Soviet Economic Aid to Nazi Germany, 1933–1941, Greenwood Press, , 282 p. (ISBN 978-0-275-96337-8, présentation en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Geoffrey Roberts, Stalin's Wars : From World War to Cold War, 1939–1953, New Haven (Conn.)/London, Yale University Press, , 400 p. (ISBN 978-0-300-11204-7, présentation en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) William L. Shirer, The Rise and Fall of the Third Reich : A History of Nazi Germany, Simon & Schuster, , 1264 p. (ISBN 978-0-671-72868-7, présentation en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.