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Bardage

Le bardage désigne à l'origine un mode de transport par bard. Le verbe barder a très vite pris les trois sens différents suivants : charger, couvrir régulièrement, amonceler jusqu'à l'effondrement catastrophique[1].

Définitions

Suivant cette première acception, le bardage correspond à un chargement, suivi d'un transport de matériaux plus ou moins lourds. Le débardage équivaut à leur décharge, et par extension, indique précisément le transport du lieu d'extraction aux premiers lieux de dépôt ou d'entreposage. Ainsi les débardeurs d'antan étaient les ancêtres des dockers et autres manœuvres manutentionnaires ou de carrière d'aujourd'hui.

Suivant la seconde acception, le bardage est une couverture d'un matériau sous forme d'unités élémentaires ajustées[2] ou superposées (pierres taillés ou pavés, planchettes de bois appelées bardeaux ou essis, planches en ramée, parements divers...) sur une surface préalablement définie, sol, mur ou toit d'habitation... Charpentiers, architectes et autres constructeurs ont gardé cet emploi spécifique.

Quant à la troisième acception, elle ne s'est préservée que par l'emploi, aujourd'hui mystérieux et obscur, souvent figuré, du verbe intransitif barder[3]. Les héritiers des mondes paysans ou marins ne profèrent-il pas sentencieusement, devant un signe de danger météorologique, la découverte d'une situation précaire ou d'insécurités menaçantes, l'évidence des paroles ou gestes provocateurs attestant un équilibre ou une paix précaire : "ça va barder !"

Un vocabulaire technique ancien et souvent oublié

Le bard, assemblage de bois destiné à transporter des charges diverses, apparaît sous forme écrite en ancien français au XIIIe siècle. Il est écrit communément bar en 1239. Il est précocement confondu avec le baiart, mot attesté fin XIIe siècle qui est une civière spécifique, pour porter à bras des matériaux ou des objets humides, ruisselant d'eau, voire coupants et très lourds en les soulevant le moins possible. Un bard paysan peut se définir en principe comme une surface plane ou une caisse plus ou moins profonde, en planches, qui peut être portée à l'aide de deux longues branches ou brancards. Il servait à remonter la terre dans les champs en terrasses ou en pente, à évacuer ou répandre le fumier, à apporter les amendements, ainsi qu'à tous types de transports d'objets lourds. Le bayard ou béart, héritier du baiart, possède un niveau de planches portantes, souvent à claire-voie, bien plus bas que le niveau des brancards. Il s'agit de protéger le haut du corps des porteurs, de l'eau ou de limiter le danger de choc ou de coupure, en cas de renversement ou de maladresse.

Le bard, connu sous cette graphie dans le dictionnaire de Trévoux en 1751, se définit souvent comme une grande civière pour le transport à bras, de fardeaux, de pierre, de bois, de grosses charges... Il est parfois conçu pour être tracté ou traîné par un attelage, il peut s'agir d'un simple plancher robuste qui est tiré sur le champ, par exemple pour ôter les racines de betteraves ou d'un système de traîne, simplifié pour accrocher une grume ou une grosse pierre, en partie découpée ou emmener un outil particulier. Avec l'évolution technique, il a pu évolué vers un traîneau à patin robuste ou revenir, via l'adjonction d'une roue, vers une forme de brouette basse[4].

Le verbe barder, attesté en 1638, signifie dans le champ lexical du transport, "charger quelque chose ou quelqu'un sur un bard, puis le transporter". La charge d'un bard ou bardage correspond à une bardée. Mais, déjà dès les temps modernes, bien avant 1680 et plus encore au siècle des Lumières, le verbe s'applique à tous chargements sur chariot, charrette, traîneau, bateau ou en train de flottage... que ce soit pour l'évacuation locale d'un chantier de pierre vers le pied du tas, ou les besoins du transport en général. Le bardeur ou débardeur est le manœuvre qui charge ou décharge[5]. Le dictionnaire de Trévoux, en 1751, restreint la signification du verbe barder à "charger et transporter des matériaux lourds sur un bard de chantier ou de mines". Le sens du mot bardage, signifiant ce type de transport lourd, est déjà vieilli en 1837. Le bardage n'est plus que la charge d'un bard, et, à l'instar du monde des traîneaux et du portage, l'ensemble du vocabulaire spécifique tombe en déchéance, son emploi s'efface mis à part dans quelques métiers du transport et les contrées paysannes marginales. Le verbe barder prend une acception argotique "travailler dur, trimer, porter des charges lourdes" reconnue entre 1889 et 1894 dans les écrits de presse. Durant la Belle Époque, la tâche pénible devient de plus en plus dangereuse. En 1920, l'expression "aller à toute barde", soit à toute allure pour un véhicule mal stabilisé ou brinquebalant ressort aussi de l'argot régional.

Façade en tavaillons ou bardeaux.

Pour justifier le bardage ou pose de bardeaux ou de revêtements spécifiques, il faut revenir à des formes anciennes du verbe barder, signifiant "couvrir régulièrement, planchéier une surface, poser un revêtement dur, par exemple de pierre, sur le sol aplani". Le bardage s'applique aussi, à l'époque moderne dans le monde de l'architecture, à un revêtement protecteur, parfois provisoire, aménagé autour d'un ouvrage d'art. Notons que les bardeaux, sous les appellations diverses d'essentes, aisseaux ou essis, tavillons ou tavaillons... sont des petites planches de forme définie utilisée, parfois sous les tuiles, et surtout en revêtement, sur voliges, de couverture et/ou de façade exposée, autrefois dans les régions montagnardes. Aujourd'hui le bardage s'applique à tous revêtements de couverture ou de façade, à base de matériaux plus ou moins larges, épais, lourds, y compris pierreux comme les ardoises. Le bardage désignait encore pour les charpentiers la pose de planches plus ou moins longues, pour créer un plancher sur les solives d'un étage. Dans les mines, le bardage consistait en la pose de cloison protectrice, dénommée globalement un bardeau, entre deux chambres ou tunnels.

Origine des termes bard, barder, bardage

Ils appartiennent à la racine indo-européenne, qui a pris les formes barr, bart, bard, barz[6]. La famille, souvent en rapport d'origine avec les morceaux en bois ou objet confectionné en planches, est vaste. En breton, barr désigne "la branche, le sommet parmi d'autres sommets"[7], barazh "le baquet", barazher "le faiseur de baquets ou de barattes" ou encore "le tonnelier". En français, elle compte "la baratte"[8], "le baril", "la barrique". L'anglais connaît board, à l'origine "la planche", le verbe to board "embarquer", aboard "à bord". Avant de devenir la couchette sur un bateau, le terme berth ne signale qu'une simple planche en claire-voie. Le gallois bord désigne une planche ou une table, bar la barre. Le norois bord désigne "la planche, l'arête du navire".

Le bas latin barra, au sens de "planche, bois coupé, pal ou pieu, levier plan ou pièce porteuse plane" hérite, semble-t-il, du gaulois générique barro. Il a évolué avec le latin médiéval barra, l'entrave, la barrière de péage, la barre métallique de justice. Mais gouverner ou barrer un navire consiste à manier la barre, soit la pièce en bois du gouvernail. La terminologie marine garde un emploi spécifique du verbe barder, au sens de "drosser, affaler, se faire dévier sur la côte, vers un obstacle dangereux". Il semble que le délicat maintien de direction du bard-traîneau soit implicitement évoqué. Un traîneau (sans guide ou patin directionnel) a souvent tendance à chasser latéralement et à causer un accident, voire à verser, s'il heurte un obstacle[9]. On peut alors rapprocher cet emploi de l'embardée des chars ou véhicules terrestres. Embarder, c'est faire, pendant le transport, un écart brusque ou imprévu, soit par maladresse de conduite, soit par évitement d'obstacles (pierre, vent, eau, boue...) avec la possibilité d'accidenter ou d'immobiliser le véhicule[10]. L'idée que le mobile à direction incontrôlable puisse se faire déporter, puis se faire soulever lors du choc sur l'obstacle, avant de verser, semble commune au bateau, malmené par les rouleaux de vagues ou à la dérive, autant qu'à la charrette et au chariot, menés imprudemment.

Le bar ou bard désigne un support de forme imprécise (une caisse, un plancher, une forme évasé, dès éléments fixés ou fixateurs, des accroches de sacs ou de filets...) qu'il est possible de traîner, d'installer sur un radeau, de porter, de déplacer, de rouler... au fil de l'évolution technique. S'il désigne un véhicule, il est parfois difficile de préciser s'il est porté à bras ou sur le dos, s'il est solidaire d'un train roulant, flottant ou glissant, s'il se meut par traction ou par lui-même, par exemple par gravité le long d'une pente. Ce support utilisé pour un transport adapté qui peut être chargé, ponté, couvert, rempli par couches ou en amoncellement par vrac semble à l'origine des multiples significations du verbe "barder". Plus que les avatars de formes du "véhicule" souvent en concurrence avec d'autres vocables ou parfois éphémères, ce verbe d'action a, semble-t-il, préserver l'argument de continuité de cette racine, en créant des significations rapidement émancipées de l'objet premier "bard", ceci contrairement à la définition répétée des dictionnaires. Puis, l'effacement progressif du verbe barder dans le langage n'a laissé que les opérations spécialisées de bardage.

Il reste que le bard a assurément pu servir comme support intermédiaire entre une charge éventuellement animée et un véhicule de base ou être mobile servant de porteur. Prenons un cheval et sa charge. Si le bardotto italien ou notre bardot/bardeau dénomment cet équidé, bête de somme, se peut-il que le bard ait désigné un jour un type de bât à base de bois de fût, de deux panneaux rembourré de toile et de crochets ? Si la charge correspond à un cavalier ou une cavalière, le bard devient un type de selle. La bardelle et autrefois la barde, type de selle en toile rembourrée, prouvent cet emploi. Et peut-être, l'argot militaire barda désignant cet équipement du soldat qui finit par se retrouver sur son dos ?

L'objet technique que désigne un bard n'est pas fabriqué qu'à partir de planches en bois, mais aussi de liens et de pièces textiles, de petites pièces en métal, ou encore de matières diverses. La racine ne peut être associée à la matière bois, et probablement depuis des millénaires . Une coulée de boue qui recouvre à la suite d'un glissement de terrain une portion de chemin ou voie aménagée n'est-elle pas un barro gaulois ou barrum gallo-romain, c'est-à-dire un support dense particulier qui recouvre le premier support de roulage, jusqu'à constituer un barrage ?

Bardage en architecture et construction

En architecture et construction, un bardage est un revêtement protecteur de mur extérieur ou de toit, à l'origine en bardeaux ou essis, c'est-à-dire en planchettes de bois. Il est souvent encore en bois mais on le trouve aussi en PVC, en tôles ou plaques métalliques, en bac acier... Il a un double rôle, décoratif mais aussi de protection et d'isolant.

Dans le cas de l'isolation des murs par l'extérieur, le bardage est fixé sur la structure qui supporte le matériau isolant. Le bardage en bois nécessite un entretien régulier qui va de cinq ans (façades exposées à la pluie) à dix ans. Les lamelles de bardage (en assemblage) sont aussi appelées lattes de bardage, latrines de bardage ou encore laies de bardage qu'elles soient en aluminium, bois ou tout autre matériau que l'on assemble pour obtenir le bardage final.

Bardis de marine

Terme de marine, le bardis désigne une séparation de planches qu'on fait à fond de cale pour charger des blés[11].

Bardage en manutention

Bardage moderne de blocs de calcaire à la carrière de Saint-Pierre-Aigle.

Le bardage est encore, dans les métiers de la pierre (carrier et tailleur de pierre), le transport et la manutention des blocs de pierre. Les mots suivants ont la même origine:

  • Bard : moyen de transport ancien souvent par traîne ou civière servant à transporter à bras des charges lourdes, par exemple les pierres taillées hors du chantier[12]. Le mot masculin était encore écrit autrefois bar ou barre.
  • Barder: action de bouger et transporter la pierre, notamment avec un bard, avec un chariot du chantier ou tout autre engin ; être à pied d'œuvre[12].
  • Bardeur: Manœuvre ou ouvrier spécialisé employé à porter ou traîner les matériaux sur le chantier. Il utilisait autrefois le bard ou poussait wagon ou chariot pour apporter les pierres au pied du bâtiment[12]. L'usage généralisée de la grue de chantier l'a transformé en servant de celle-ci, à moins qu'il ne se fonde avec les conducteurs d'engins.

Le mot bardage désigne aussi généralement, le transport des matériaux lourds sur un chantier de construction et le magasinage lourd dans des centres grossistes..

Notes et références

  1. Ces trois significations sont encore comprises à la fin du XIXe siècle. Résumons les définitions du Grand Larousse universel de Claude Augé parue en 1922 : i) charger, transporter sur un bard, d'où "barder des matériaux" et l'emploi argotique barder au sens de "travailler avec effort". ii) couvrir un cheval de bataille d'une barde. Le mot barde proviendrait ici de l'italien barda, armure au sens global ou plus particulièrement "lame de métal de fer". Le cheval de guerre est surtout protégé au niveau du haut des membres, de sa croupe, de son poitrail et de son cou. L'adjectif bardé signifie "couvert", le verbe se barder "se couvrir, être couvert". L'acception est générale, comme l'exemple d'un élève maladroit qui se barde d'encre. Un sens culinaire en rôtisserie peut être ajouté : barder, envelopper de tranches de lard. La barde est une tranche mince de lard ou de gras, servant à enrober les pièces de gibier ou de volaille, pendant leur cuisson. iii) une expression "ça va barder", interprétée de façon militaire "le combat sera violent". Notons que la seconde signification élaborée, proposée dans ce Larousse est susceptible de provenir de l'arabe barda'a, désignant le bât, la selle enveloppante. Les mots féminins "barde" ou "bardelle", désignant des "selles rembourrées", attestés en moyen français, ne peuvent être rattachés à la racine du "bard" masculin. Les deux racines se seraient influencées inextricablement. Ainsi le bardot ou bardeau, proche de l'italien bardotto, est-il une bête de somme, au sens de simple cheval de bât ou de petit mulet robuste destiné au portage des charges ou du bagage ? Mais nous pouvons garder un second sens de couverture moins élaborée, le dictionnaire Du Gange mentionne, outre "couvrir un cheval d'une armure", une seconde signification commune au XVe siècle "couvrir, recouvrir une surface avant le pavage", par exemple "barder et paver de bonnes pierres". Le bardage désigne expressément la préparation d'une surface plane, à l'aide de sables, pour recevoir mais il inclut le transport et la première pose des pavés. L'opération de pavage permet d'unifier et solidariser la surface pavée, à l'aide d'un liant ou mortier.
  2. Un chargement pour qu'il soit stable doit être entrepris avec méthode. L'empilement ordonné, en couches compactes spécifiques, est probablement à l'origine du second sens, "couvrir". Le troisième sens proviendrait de l'amoncellement en vrac, devenant imposant et susceptible de s'ébouler à partir d'une taille critique.
  3. Le sens premier "charge et transport" est souvent retrouvé a posteriori à un niveau (sur)naturel par l'effet d'un bouleversement "de fond en comble" du paysage connu. Que ce soient après une bataille meurtrière transformant un paysage champêtre et bucolique en espace de désolation et de mort, une tempête côtière effaçant radicalement les repères familiers de navigation, une inondation catastrophique ravageant les rives forestières et les méandres d'autrefois...
  4. Donnons quelques mots techniques de la même famille. Le bardeur, à ne pas confondre avec le travailleur de force, infra, peut désigner un chariot, un wagon, un train servant au transport de blocs. Lors des chantiers, en particulier de fortifications militaires, à la Belle Époque, le bardeur était un véhicule sur rail servant à transporter les blocs de béton. Un bardeau, apparent diminutif de bard, a longtemps dénommé un petit train de bois flotté (avant de devenir un petit train à vapeur transportant du bois).
  5. Le bardeur est à l'origine porteur de bard ou de fardeaux. Dans le dictionnaire françois de Richelet paru en première édition en 1680, le bardeur est "celui qui traîne les pierres sur les petits chariots dans les grands ateliers des maçons".
  6. Cette explication est proposée en particulier par Pol corvez, option cité. Le dictionnaire étymologique et historique du français d'Albert Dauzat, Henri Mitterand et Jean Dubois choisit tantôt une origine obscure tantôt ancrée sur le portage d'un "béart" ou "bayard".
  7. barrey désigne plus précisément la branche.
  8. La baratte est à l'origine une simple batte en forme de planchette avec laquelle l'opérateur frappe ou bat la crème pour provoquer mécaniquement une inversion de phase et fabriquer du beurre.
  9. Ici barder c'est se faire "transporter par les caprices des courants marins" : être en bardée, c'est être transporté sans forcément maîtriser la bonne direction.
  10. L'étymologie populaire provençale relie leur mot familier "barda" désignant la boue, à la genèse de l'embardée. Aller dans la boue, faut-il préciser suffisamment étendue, molle et humide, peut être une cause commune d'embardée, mais cela reste une hypothèse peu fiable pour le terme décrit. Le Trésor de la langue française retient cette dernière hypothèse, pour proposer un prudent sens complémentaire à barder, "charger" ou "porter du lourd". Elle est fondée sur le vieux provençal barrum, attesté en 1190, "boue". Une voiture barde quand les roues glissent de côté sans tourner ou lorsque, à cause d'une surcharge, elle patine et ne peut être convenablement dirigée. Ne peut-on simplifier cette vision en affirmant que le véhicule se comporte comme un bard-traîneau, sur une surface apparemment sans adhérence ?
  11. Académie française., Dictionnaire de l'Académie françoise. Quatriéme édition. Tome premier. A-K [- second. L-Z]. (OCLC 490173394, lire en ligne)
  12. J.M.Morisot. Tableaux détaillés des prix de tous les ouvrages du bâtiment. Carilian 1814.books.google

Voir aussi

Bibliographie

  • Pol Corvez, Dictionnaire des mots nés de la mer, Les termes issus du langage maritime, Chasse-Marée, Douarnenez, 2007, 360 pages avec index, (ISBN 978-2353570072). Seconde édition augmentée, Chasse-Marée, Glénat, 2009, 720 pages.

Liens externes

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