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Axiome des parallèles

L’axiome d'Euclide, dit également cinquième postulat d’Euclide, est dû au savant grec Euclide (IVe siècle av. J.-C.). C'est un axiome relatif à la géométrie du plan.

La nécessité de cet axiome a constitué la question la plus lancinante de toute l'histoire de la géométrie, et il a fallu plus de deux millénaires de débats ininterrompus pour que la communauté scientifique reconnaisse l'impossibilité de le réduire au statut de simple théorème.

Énoncé initial

Illustration de l'axiome d'Euclide : La droite S détermine les angles internes α et β avec les droites g et h. La somme de ces angles étant inférieure à deux droits, g et h se coupent « du côté de ces deux angles », c'est-à-dire à gauche de S sur la figure.

L'énoncé original est exprimé dans le livre I des Éléments d'Euclide sous la forme suivante[1] - [2] :

« Si une droite tombant sur deux droites fait les angles intérieurs du même côté plus petits que deux droits, ces droites, prolongées à l'infini, se rencontreront du côté où les angles sont plus petits que deux droits. » (voir figure).

En langage moderne, cela pourrait donner :

« Si une droite coupe deux autres droites en déterminant deux angles internes dont la somme est différente de deux angles droits, alors les deux droites se coupent dans le demi-plan pour lequel la somme est inférieure à deux angles droits ».

Historique : théorème ou axiome

Euclide

Euclide a présenté cette propriété comme un axiome : son cinquième postulat.

Il est assez vraisemblable que lui-même doutait de savoir si son affirmation était ou non démontrable. Les raisons pour le penser sont autant le choix de la propriété dont l'énoncé est plutôt celui d'un « théorème indémontrable », que le fait qu'Euclide établit les 28 premières propositions de ses Éléments sans recourir à son fameux axiome[3], comme s'il avait voulu inviter ses lecteurs à s'en passer, et les inciter par là à le démontrer.

Essais de démonstrations et propositions équivalentes

De fait, pendant plus de deux millénaires, bien des géomètres ont pensé que cette propriété devait découler logiquement des autres postulats. Ils ont donc tenté de prouver l'axiome d'Euclide. Parmi les plus illustres de ces savants on citera :

Comme la démonstration de l'axiome requerrait de le ramener à des évidences, d'autres énoncés plus ou moins équivalents au postulat d'Euclide ont résulté des meilleures de ces tentatives de démonstration. Les variantes connues sont assez nombreuses. Les plus célèbres sont probablement :

  • « Par un point donné, on peut mener une et une seule parallèle à une droite donnée ». Cette forme de l'axiome d'Euclide est due au mathématicien Antique Proclus. Elle est connue sous le nom de postulat des parallèles, et sous le nom de postulat de Playfair dans le monde anglo-saxon.
  • « Il existe des quadrilatères à quatre angles droits. »
  • « Il existe des triangles dont la somme des angles est égale à deux droits. » (Legendre)
  • « Il existe des triangles semblables de toutes les tailles. » (John Wallis)
  • « Par trois points non alignés d'un plan, on peut toujours mener un cercle et un seul. » (Farkas Bolyai)

Ces propositions sont considérées comme « grossièrement équivalentes » à l'axiome des parallèles. Par équivalentes, il faut comprendre que moyennant des conventions de vocabulaire adaptées, ces axiomes, vrais en géométrie euclidienne, ne le sont ni en géométrie hyperbolique, ni en géométrie elliptique[11].

Par exemple, les deux axiomes suivants ne sont pas équivalents à l'axiome d'Euclide :

  • « Si deux droites non parallèles sont prolongées à l'infini, elles s'écartent indéfiniment. »
  • « Il existe des droites parallèles. »

En effet, ces axiomes vrais en géométrie euclidienne le sont également en géométrie hyperbolique. Ils ne permettent donc pas de démontrer l'axiome d'Euclide. Cependant, ils sont apparentés à l'axiome d'Euclide, car ils sont faux en géométrie sphérique.

Géométries non euclidiennes

Au XIXe siècle, avec les recherches de Lobatchevski, Bolyai, Gauss, Riemann, Beltrami, Klein et Poincaré, on a pu trouver d'autres géométries possibles et non contradictoires en conservant les axiomes de la géométrie d'Euclide[12] à l'exception du cinquième postulat ; ces nouvelles géométries sont appelées non euclidiennes. L'histoire de cette découverte est un épisode fascinant de l'histoire de la géométrie ; elle est retracée dans ses grandes lignes à l'article « Géométrie non euclidienne »[13].

On trouve deux manières différentes de pratiquer la géométrie sans l'axiome des parallèles.

Dans la première, la somme des angles d'un triangle est supérieure à 180° : on l'appelle géométrie elliptique (dont la géométrie sphérique est un modèle) ; dans l'autre, elle est inférieure à 180° : c'est la géométrie hyperbolique ou géométrie de Lobatchevski. Par exemple, en modifiant le cinquième axiome ainsi : « Par un point extérieur à une droite, on peut faire passer une infinité de droites parallèles à cette droite, et toutes différentes », on obtient la géométrie hyperbolique.

Dans les géométries non euclidiennes, le théorème de Pythagore n'est plus applicable.

Résistances

Le postulat d'Euclide est lié à une certaine perception immédiate de l'espace. Y renoncer n'est probablement pas si évident… Dans Les Fous littéraires[14], André Blavier cite 13 ouvrages parus entre 1862 et 1932 écrits par ceux que l'auteur appelle du terme plus général de « quadrateurs » qui pensent démontrer le postulat d'Euclide.

Notes

  1. καί έάν είς δύο εύθείας εύθεία έμπίπτουσα τας εντος καί επί τά αύτά μέρη γωνίας δύο όρτων έλάσσονας ποιη έκβαλλομένας τάς δύο εύθείας έπ απειρον συμπίπτειν, έφ ά μέρη έισίν αί των δύο όρτων έλάσσονες.
  2. La traduction peut par exemple être vu ici : Youcef Guergour, « Le cinquième postulat des parallèles chez al-Mu'taman Ibn Hud, roi de Saragosse », Llull, Revista de la Sociedad Española de Historia de las Ciencias y de las Técnicas, vol. 32, no 69,
  3. « Euclide a pu s'en passer pour montrer ses 28 premières propositions et n'y a recours pour démontrer la 29ème que parce qu'il échoue à la démontrer à partir des quatre autres. », Hervé Zwirn, Les limites de la connaissance, Éditions Odile Jacob, coll. « Sciences », , 381 p. (ISBN 2738108849 et 978-2738108845)
  4. Rosenfeld et Youshkevitch 1997, p. 136.
  5. Rosenfeld et Youshkevitch 1997, p. 137.
  6. Youcef Guergour, « Le cinquième postulat des parallèles chez al-Mu'taman Ibn Hud, roi de Saragosse », Llull, Revista de la Sociedad Española de Historia de las Ciencias y de las Técnicas, vol. 32, no 69, .
  7. Rosenfeld et Youshkevitch 1997, p. 138.
  8. Rosenfeld et Youshkevitch 1997, p. 139.
  9. Rosenfeld et Youshkevitch 1997, p. 140-141.
  10. Rosenfeld et Youshkevitch 1997, p. 142.
  11. En toute rigueur, la formulation de son axiome par Euclide est faite de telle sorte qu'elle exclut la géométrie hyperbolique mais pas la géométrie elliptique, pour laquelle la question du côté où les droites se rencontrent n'a pas de sens, puisqu'elles se rencontrent de chaque côté. L'unicité du point de rencontre de deux droites est une évidence pour Euclide. La formulation d'Euclide rend dissymétrique, en quelque sorte, l'axiomatique de la géométrie euclidienne. L'utilisation de l'axiome des parallèles est en ce sens mieux adaptée à l'axiomatique générale de la géométrie. C'est elle qui a été utilisée par Hilbert.
  12. Il n'est pas tout à fait exact qu'on puisse dériver les géométries non euclidiennes des quatre autres axiomes d'Euclide que le cinquième. Ce serait vrai si l'axiomatique d'Euclide ne présentait aucun défaut. Mais tel n'est pas le cas, malgré sa rigueur, pour les critères de son époque et de nombreuses époques suivantes. Felix Klein, David Hilbert, et d'autres, en ont proposé des axiomatiques plus satisfaisantes pour les critères modernes.
  13. On peut développer des géométries qui diffèrent de celle d'Euclide par bien d'autres choses que le 5e axiome ; dans son livre La Science et l'Hypothèse, Poincaré y consacre un chapitre. Ces géométries ne sont bien évidemment pas euclidiennes non plus. Cependant, le terme « géométrie non euclidienne » est consacré aux géométries qui ne diffèrent de celle d'Euclide que par l'absence du postulat des parallèles et par les hypothèses relatives à la taille de l'angle non défini dans le quadrilatère de Sacchieri.
  14. A. Blavier, Les Fous littéraires, paru en 1982, réédité en 2000 Paris, Éditions des Cendres (ISBN 2-86742-094-6), p. 471.

Voir aussi

Bibliographie

  • Christian Houzel, « Histoire de la théorie des parallèles », dans Roshdi Rashed, Mathématiques et Philosophie : de l'Antiquité à l'âge classique, CNRS, (ISBN 2222044960), p. 163-179
  • Khalil Jaouiche, La théorie des parallèles en pays d’Islam : contribution à la préhistoire des géométries non euclidiennes, Paris, Vrin, , 266 p. (ISBN 2-7116-0920-0, présentation en ligne)
  • Jean-Claude Pont, L'aventure des parallèles : histoire de la géométrie non euclidienne, précurseurs et attardés, Lang, (ISBN 3-261-03591-9)
  • (en) Boris Abramovich Rosenfeld (trad. du russe), chap. 2 « The Theory of Parallels », dans A history of non-euclidean geometry : evolution of the concept of a geometric space, New York, Springer, (DOI 10.1007/978-1-4419-8680-1), p. 35-109
  • Boris A. Rosenfeld et Adolf P. Youshkevitch, « Géométrie », dans Histoire des sciences arabes : mathématiques et physique, t. 2, Seuil,
  • Yves Coudène, La géométrie élémentaire d'Euclide à aujourd'hui, Calvage & Mounet, coll. « Mathématiques en devenir », , 451 p. (ISBN 978-2-49-323001-0), Annexes, chap. 2 (« Le postulat des parallèles »)

Articles connexes

Liens externes

[ppt] Jacques Verdier, Les démonstrations de l'axiome d'Euclide, la théorie des parallèles, Besançon, 2007


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