August Emil Fieldorf
August Emil Fieldorf, connu sous le pseudonyme de Nil, né le 20 mars 1895 à Cracovie et mort le 24 février 1953 à Varsovie, est un officier général polonais (brigadier général). AprÚs la Seconde Guerre mondiale, il est accusé par le régime stalinien en Pologne de haute trahison et d'espionnage, il est alors condamné à mort puis exécuté[1].
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(Ă 57 ans) Varsovie |
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Infanterie de la Seconde république polonaise (d), Armia Krajowa |
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NKVD camp in RembertĂłw (d), prison de MokotĂłw |
Distinctions | Liste détaillée Badge "For faithful service" (d) () Croix de la Valeur () Croix d'argent de l'ordre militaire de Virtuti Militari () Latvian War of Independence 10 Year Anniversary Commemorative Medal (d) () Médaille de la commémoration de l'indépendance (1928) (d) () Croix d'or du Mérite () Croix de l'Indépendance () Chevalier de l'ordre Polonia Restituta () Bronze Medal for Long Service (d) () Silver Medal for Long Service (d) () Croix d'or de l'ordre militaire de Virtuti Militari () Army Medal for War 1939-45 (en) () Croix de l'Armia Krajowa () September Campaign Cross (d) () Ordre de l'Aigle blanc () Médaille de guerre (1918-1921) (d) Commemorative badge of the Border Protection Corps (d) Croix du Mérite des forces de Lituanie (en) |
Biographie
Une partie de ses ancĂȘtres Ă©taient dâorigine allemande. Il est nĂ© le 20 mars 1895 Ă Cracovie. Il y fait ses Ă©tudes au collĂšge Saint Nicolas, puis au sĂ©minaire. En 1910 il adhĂšre Ă une organisation paramilitaire pour lâindĂ©pendance de la Pologne, lâAssociation des fusiliers (chasseurs). Il en devient membre actif en 1912. Il termine Ă©galement une Ă©cole pour sous-officiers.
PremiĂšre Guerre mondiale
Le 6 aoĂ»t 1914, Fieldorf sâengage dans la PremiĂšre brigade des LĂ©gions polonaises nouvellement formĂ©es par JĂłzef PiĆsudski. Il part sur le front russe oĂč il sert en tant que second dâune section dâinfanterie. En 1916, il est promu sergent et en 1917, il est envoyĂ© Ă lâĂ©cole dâofficiers. AprĂšs la crise du serment (en), il est expĂ©diĂ© dans lâarmĂ©e austro-hongroise et mutĂ© sur le front italien, quâil abandonne pour rentrer en Pologne. En aout 1918, il se porte volontaire pour lâOrganisation Militaire Polonaise dans sa ville natale de Cracovie.
Seconde RĂ©publique de Pologne
Ă compter de novembre 1918 Fieldorf sert dans la nouvelle armĂ©e polonaise de la Seconde RĂ©publique de Pologne, dâabord en tant que chef de section, puis Ă partir de mars 1919, comme commandant dâune compagnie de mitrailleuses lourdes. En 1919 et 1920, il prend part Ă la campagne pour rĂ©unir la rĂ©gion de Wilno Ă la Pologne proprement dite. AprĂšs le dĂ©clenchement de la Guerre soviĂ©to-polonaise, il prend part comme commandant de compagnie Ă la prise de Dyneburg, Ć»ytomierz et en 1920 Ă lâexpĂ©dition polonaise sur Kiev. Fieldorf Ă©pouse Janina Kobylinska en 1919, dont il aura deux filles, Krystyna et Maria. Restant au service actif aprĂšs la guerre, il est promu major et affectĂ© au 1er rĂ©giment dâinfanterie polonaise comme commandant de bataillon. En 1935 il reçoit le commandement du bataillon indĂ©pendant Troki du KOP. Un an plus tard il est promu lieutenant-colonel. Peu avant le dĂ©clenchement de la Seconde Guerre mondiale, il commande le 51e rĂ©giment de chasseurs Giuseppe Garibaldi au sein de la 12e Division dâinfanterie polonaise sur les marches orientales de la Pologne.
Seconde Guerre mondiale
Fieldorf commande son rĂ©giment pendant la campagne de Pologne. AprĂšs lâĂ©crasement de sa division, il sâenfuit en civil dans la nuit du 8 au 9 septembre pour rejoindre Cracovie. De lĂ , il cherche Ă rejoindre la France, mais il est arrĂȘtĂ© Ă la frontiĂšre slovaque. Il est internĂ© en octobre 1939, mais sâenfuit quelques semaines plus tard dâun camp dâinternement et gagne la France via la Hongrie. En France il rejoint la nouvelle armĂ©e polonaise en cours de formation. Il poursuit sa formation dâĂ©tat-major et est promu colonel en mai 1940. AprĂšs la dĂ©faite française de juin 1940, il est envoyĂ© clandestinement en Pologne en septembre de la mĂȘme annĂ©e comme premier Ă©missaire du Gouvernement polonais en exil sous le pseudonyme de Nil. Son itinĂ©raire de retour vers la Pologne le conduit en Afrique du Sud, puis par avion au-dessus de la RhodĂ©sie, le Soudan et lâEgypte, puis en Roumanie et de lĂ en train jusquâen Pologne. C'est parce que sa route aĂ©rienne survole le Nil qu'il choisit comme nom de guerre le nom de ce fleuve africain. Il rejoint l'ZwiÄ zek Walki Zbrojnej (ZWZ, Union pour la Lutte ArmĂ©e) dâabord Ă Varsovie, puis Ă partir de 1941 Ă Vilnius et BiaĆystok. Un an plus tard, on lui confie le commandement du Kedyw, les opĂ©rations spĂ©ciales de lâAK, poste qu'il occupe jusquâen fĂ©vrier 1944. Câest sur ses ordres quâa lieu le 1er fĂ©vrier 1944 lâopĂ©ration Kutschera, assassinat du chef de la SS et de la police du district de Varsovie Franz Kutschera, opĂ©ration exĂ©cutĂ©e par les Loups Gris. Peu avant lâeffondrement de l'Insurrection de Varsovie, il est promu, sur ordre du chef suprĂȘme de lâArmĂ©e polonaise le gĂ©nĂ©ral Kazimierz Sosnkowski, au rang de brigadier gĂ©nĂ©ral. Il devient lâadjoint au commandant en chef de lâAK, le gĂ©nĂ©ral Leopold Okulicki en octobre 1944. Il est Ă©galement nommĂ© Ă la tĂȘte de lâorganisation NIE, formĂ©e de cadres de lâAK dans le but de contrer le nouveau gouvernement polonais dâobĂ©dience stalinienne.
Arrestations et exécution
Le 7 mars 1945, Fieldorf est arrĂȘtĂ© par le NKVD dans la ville de MilanĂłwek en possession de cigarettes et de dollars amĂ©ricains, ce qui lui vaut d'ĂȘtre envoyĂ© dans un camp de travail forcĂ© du Goulag dans lâOural. Disposant depuis plusieurs annĂ©es de faux papiers au nom de Walenty Gdanicki, cheminot, il n'est toutefois pas identifiĂ© comme l'ancien chef du Kedyw et du NIE[2]. LibĂ©rĂ© en 1947, il retourne dans la Pologne nouvellement gouvernĂ©e par le Parti Ouvrier Polonais et son ministĂšre, de plus en plus rĂ©pressif, de la SĂ©curitĂ© Publique. Il sâĂ©tablit Ă BiaĆa Podlaska et ne reprend pas ses activitĂ©s clandestines. Se dĂ©plaçant entre Varsovie et Cracovie, il finit par sâĂ©tablir Ă ĆĂłdĆș. Le gouvernement stalinien qui persĂ©cute les anciens rĂ©sistants fidĂšles au Gouvernement polonais en exil offre Ă ces derniers une amnistie en 1948. Ignorant quâil sâagit dâune feinte, Fieldorf se dĂ©clare alors aux autoritĂ©s sous son identitĂ© rĂ©elle. Il est alors mis en arrestation Ă Varsovie. En prison, il refuse, mĂȘme sous la torture, de collaborer avec les services de sĂ©curitĂ© communistes. Les interrogatoires poussĂ©s du gĂ©nĂ©ral Fieldorf sont supervisĂ©s en personne par le colonel JĂłzef RĂłĆŒaĆski, ministre de la sĂ©curitĂ© publique de Pologne. Le colonel Kazimierz Gorski, interrogateur de la Police secrĂšte polonaise, lâUB tĂ©moigne en 1997: « [JĂłzef] RĂłĆŒaĆski sâarrĂȘtait frĂ©quemment pendant mes interrogatoires du gĂ©nĂ©ral et avait avec lui des conversations sur de nombreux sujets. Le procureur Benjamin Wajsblech se montrait Ă©galement souvent et en de nombreuses occasions me donnait des instructions verbales. Je prĂ©parais une dĂ©cision en vue de refuser Ă la dĂ©fense les preuves matĂ©rielles. Je la rĂ©digeais sous la dictĂ©e de Wajsblech. Je ne dĂ©cidais pas qui interroger ni comment. » Fieldorf fut accusĂ© par le procureur Helena WoliĆska-Brus dâĂȘtre un criminel hitlĂ©ro-fasciste et dâavoir dans le cadre de lâAK ordonnĂ© lâexĂ©cution de partisans soviĂ©tiques. A lâissue dâun jugement par un tribunal fantoche, il fut condamnĂ© Ă mort le 16 avril 1952 par le juge Maria Gurowska. Un appel Ă une cour de niveau supĂ©rieur Ă©choua et le recours en grĂące de la famille auprĂšs du leader communiste de lâĂ©poque BolesĆaw Bierut fut rejetĂ©. La sentence fut exĂ©cutĂ©e par pendaison le 24 fĂ©vrier 1953 Ă 3 heures de lâaprĂšs-midi Ă lâinfĂąme prison de MokotĂłw Ă Varsovie.
Le procureur communiste Wiktor Gattner dĂ©crit ainsi les derniers moments de Fieldorf : « Jâai demandĂ© au condamnĂ© sâil avait un souhait. Fieldorf rĂ©pondit : PrĂ©venez sâil vous plait ma familleâ. Jâai dĂ©clarĂ© que sa famille serait avisĂ©e [âŠ] Le condamnĂ© mâa regardĂ© avec insistance droit dans les yeux. Il se tenait debout. Personne ne le tenait. Il avait la contenance dâun homme trĂšs fort. On aurait pu admirer son sang-froid dans ces dramatiques circonstances. Il ne cria ni ne fit un geste. Je dis « ProcĂ©dez Ă lâexĂ©cution ! Le bourreau et un des gardes sâapprochĂšrent du condamnĂ© [âŠ] Je mâapprochais du garde et rĂ©digeai de ma main le protocole de lâexĂ©cution». Le corps du gĂ©nĂ©ral Fieldorf ne fut jamais rendu Ă sa famille et reste Ă ce jour inhumĂ© dans un lieu inconnu. En 2009 un article publiĂ© dans un journal britannique sous-entendit que Fieldorf a Ă©tĂ© enterrĂ© dans une fosse commune dans un cimetiĂšre de Varsovie, avec les dĂ©pouilles de 248 autres patriotes polonais assassinĂ©s[3].
En 1958, le bureau du procureur mit fin Ă toute enquĂȘte ultĂ©rieure.
RĂ©habilitation et reconnaissance
Une statue fut érigée en 1972 sur sa tombe symbolique.
En 1989, Ă la suite de lâeffondrement de la RĂ©publique populaire de Pologne, Fieldorf a Ă©tĂ© officiellement rĂ©habilitĂ©. Le musĂ©e de l'Armia Krajowa de Cracovie, qui a ouvert ses portes en 2000, est nommĂ© en son honneur[4]. En 2006, le prĂ©sident Lech KaczyĆski lui a attribuĂ© Ă titre posthume lâordre de lâAigle blanc.
Un film biographique, GeneraĆ Nil, rĂ©alisĂ© par Ryszard Bugajski avec Olgierd Ćukaszewicz dans le rĂŽle-titre, est sorti en salles en 2009[5].
Recherche de justice
La fille de Fieldorf Maria Fieldorf Czarska a demandĂ© que le procureur responsable de lâexĂ©cution de son pĂšre, Helena WoliĆska-Brus (qui vĂ©cut Ă Oxford en Angleterre jusquâĂ sa mort en 2008) soit traduite en justice en Pologne. WoliĆska, procureur militaire dans les annĂ©es 50 fut accusĂ©e dâavoir participĂ© Ă lâenquĂȘte et au procĂšs qui aboutirent Ă lâexĂ©cution de Fieldorf. Elle avait signĂ© le mandat dâarrĂȘt et prorogĂ© plusieurs fois sa dĂ©tention, bien quâĂ©tant au courant de son innocence. Un rapport Ă©mis en 1956 par les autoritĂ©s communistes conclut que WoliĆska avait violĂ© les rĂšgles de droit et avait Ă©tĂ© impliquĂ©e dans des simulacres dâenquĂȘtes et de parodies de procĂšs qui avaient souvent abouti Ă des exĂ©cutions. Les charges contre elle ont Ă©tĂ© Ă©tablies par lâInstitut de la MĂ©moire Nationale qui affirmait que WoliĆska avait Ă©tĂ© lâinstrument dâun meurtre judiciaire, ce qui Ă©tait classĂ© comme un crime stalinien et Ă ce titre punissable de 10 ans de prison. Lâaffaire suscita lâattention Ă lâĂ©tranger[6]. Le Royaume-Uni refusa de lâextrader et WoliĆska-Brus dĂ©cĂ©da le 26 novembre 2008 sans avoir Ă©tĂ© traduite en justice. Parlant dâautres individus ayant pris part Ă ce meurtre judiciaire de son pĂšre (câest-Ă -dire fabrication de preuves) Maria Fieldorf-Czarska dit :
« Je ne peux permettre que lâenquĂȘte [sur lâassassinat de mon pĂšre] soit close ni que les individus suivants Ă©chappent Ă la justice : le directeur adjoint de la justice au bureau du Procureur GĂ©nĂ©ral, Alicja Graff, lâAvocat gĂ©nĂ©ral Wiktor Gattner, lâinterrogateur Kazimierz Gorski. Ils auraient pu refuser [de prendre part Ă lâassassinat de mon pĂšre]. Personne ne les a forcĂ©s ni physiquement ni psychologiquement [Ă le faire]. Jâexige que les gens qui ont tuĂ© mon pĂšre soient traduits en justice [âŠ]. Je rĂȘve dâune Pologne oĂč les institutions judiciaires sont transparentes et dignes de respect et de confiance. De tels types dâinstitutions doivent ĂȘtre les fondements dâune nation souveraine. Je voudrais tellement que nous, les Polonais, soyons capables de choisir nos propres exemples Ă suivre et non ceux proposĂ©s par dâautres. »
Honneurs, DĂ©corations et Citations
- Ordre de l'Aigle blanc (2006)
- Ordre militaire de Virtuti Militari, (1923)
- Croix de l'Indépendance (1932)
- Ordre Polonia Restituta (1937)
- Croix de la valeur (KrzyĆŒ Walecznych) quatre fois
- Croix d'or du mĂ©rite (KrzyĆŒ ZasĆugi)
Notes et références
- « 117 victimes du stalinisme exhumĂ©es », Le Figaro,â (lire en ligne).
- (pl) WĆodzimierz Kalicki, GeneraĆ Nil: Prawda przeciw sile, Gazeta Wyborcza, 17 avril 2009.
- https://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/poland/5887700/Secret-grave-of-Polish-hero-discovered.html
- « Le MusĂ©e de lâArmia Krajowa GĂ©nĂ©ral Emil Fieldorf-Nil de Cracovie », sur visitmalopolska.pl (consultĂ© le ).
- (en) « General Nil », sur Internet Movie Database
- East European Constitutional Review, New York University School of Law, 1999
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- (pol) StanisĆaw Marat, Jacek Snopkiewicz, Zbrodnia. Sprawa generaĆa Fieldorfa-Nila, Wydawnictwo Alfa, Warszawa 1989, (ISBN 83-7001-308-2),
- (pol) Tadeusz Kryska-Karski i StanisĆaw Ć»urakowski, GeneraĆowie Polski NiepodlegĆej, Editions Spotkania, Warszawa 1991, wyd. II uzup. i poprawione, s. 91,
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (en) Doomed Soldiers 1944-1963, The Untold Story.
- (en) Biography of Brigadier-General Emil August Fieldorf
- (en) Is this justice or revenge?, The Independent, Dec 30, 1998
- (en) Oxford don's wife 'sent war hero to his death', The Daily Telegraph, 22 Nov 2007
- (en) Britain must not stand in the way of Polish justice, The Scotsman, 25 November 2007
- (en) Polish enemies fight over Gen Emil Fieldorf, The Daily Telegraph, 25 Nov 2007
- 'en) Doomed Soldiers 1944-1963, The Untold Story.