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Arbre de défaillances

Un arbre de dĂ©faillances ou ADD (aussi appelĂ© arbre de pannes ou arbre de fautes) est une technique d’ingĂ©nierie trĂšs utilisĂ©e dans les Ă©tudes de sĂ©curitĂ© et de fiabilitĂ© des systĂšmes statiques (un systĂšme statique est un systĂšme dont la dĂ©faillance ne dĂ©pend pas de l'ordre de dĂ©faillance de ses composants), ainsi que dans l'analyse de cause racine (ACR). Cette mĂ©thode consiste Ă  reprĂ©senter graphiquement les combinaisons possibles d’évĂ©nements qui permettent la rĂ©alisation d’un Ă©vĂ©nement indĂ©sirable prĂ©dĂ©fini. Une telle reprĂ©sentation graphique met donc en Ă©vidence les relations de cause Ă  effet. Cette technique est complĂ©tĂ©e par un traitement mathĂ©matique qui permet la combinaison de dĂ©faillances simples ainsi que de leur probabilitĂ© d'apparition. Elle permet ainsi de quantifier la probabilitĂ© d'occurrence d'un Ă©vĂ©nement indĂ©sirable, Ă©galement appelĂ© « Ă©vĂ©nement redoutĂ© ».

Exemple d'arbre de défaillances.

Généralités

L'arbre de dĂ©faillances (Fault Tree ou « FT » en anglais) est un outil graphique trĂšs utilisĂ© dans les Ă©tudes de sĂ©curitĂ© et de fiabilitĂ© des systĂšmes. Cet outil, aussi appelĂ© « arbre de pannes » ou « arbre de fautes », permet de reprĂ©senter graphiquement les combinaisons possibles d’évĂ©nements qui permettent la rĂ©alisation d’un Ă©vĂ©nement indĂ©sirable prĂ©dĂ©fini. L’arbre de dĂ©faillances est ainsi formĂ© de niveaux successifs d’évĂ©nements qui s’articulent par l’intermĂ©diaire de portes (initialement logiques). En adoptant cette reprĂ©sentation et la logique dĂ©ductive (allant des effets vers les causes) et boolĂ©enne qui lui est propre, il est possible de remonter d’effets en causes de l’évĂ©nement indĂ©sirable Ă  des Ă©vĂ©nements de base, indĂ©pendants entre eux et probabilisables [1].

Lorsqu’il s’agit d’étudier les dĂ©faillances d’un systĂšme, l’arbre de dĂ©faillances s’appuie sur une analyse dysfonctionnelle d’un systĂšme Ă  rĂ©aliser prĂ©alablement : une analyse des modes de dĂ©faillance et de leurs effets (AMDE, ou complĂ©tĂ©e par la criticitĂ©, AMDEC). Cette mĂ©thode inductive (allant des causes vers les effets) apparaĂźt donc comme un prĂ©alable Ă  la construction d’un arbre de dĂ©faillances puisque l’identification des composants et de leurs modes de dĂ©faillance est gĂ©nĂ©ralement utilisĂ©e au dernier niveau d’un arbre.

L’analyse par arbre de dĂ©faillances est certainement une des techniques d’ingĂ©nierie les plus rĂ©pandues, avec les diagrammes de fiabilitĂ© (qui reposent sur les mĂȘmes fondements mathĂ©matiques) pour analyser la sĂ»retĂ© de fonctionnement d’un systĂšme mais d’autres alternatives existent.

L’analyse par arbre de dĂ©faillances et le diagramme de fiabilitĂ© sont des mĂ©thodes pratiques Ă  condition que les Ă©vĂ©nements de base soient faiblement dĂ©pendants. Dans le cas contraire, ces techniques deviennent caduques et il est nĂ©cessaire d’employer une technique plus appropriĂ©e reposant sur un modĂšle dynamique comme un Processus de Markov.

Les arbres de dĂ©faillances sont utilisĂ©s dans l'ingĂ©nierie de sĂ»retĂ© des industries « Ă  risques » : aĂ©rospatial, ferroviaire, nuclĂ©aire, naval, chimie
 Ils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s comme un outil d’évaluation de la conception ; ils permettent d’identifier les scĂ©narios conduisant Ă  des accidents dans les phases amont du cycle de vie d’un systĂšme et peuvent Ă©viter des changements de conception d’autant plus coĂ»teux qu’ils sont tardifs. Ils peuvent aussi ĂȘtre utilisĂ©s comme un outil de diagnostic, prĂ©voyant la ou les dĂ©faillances des composants la ou les plus probables lors de la dĂ©faillance d’un systĂšme.

De nombreux ouvrages [2] - [3] - [4] - [5] - [6] de sûreté de fonctionnement traitent de ce sujet.

Historique

Les arbres de dĂ©faillances ont Ă©tĂ© inventĂ©s Ă  l’origine par des ingĂ©nieurs, puis ils ont Ă©tĂ© formalisĂ©s par les mathĂ©maticiens et les informaticiens ont dĂ©veloppĂ© des logiciels pour les manipuler.

L'analyse par arbre de dĂ©faillances a Ă©tĂ© Ă  l'origine dĂ©veloppĂ©e en 1962 aux BELL Laboratories par H.A. Watson, sur une demande de l’U.S. Air Force pour Ă©valuer le SystĂšme de commande de Lancement du missile balistique intercontinental Minuteman[7]. L'utilisation des arbres de dĂ©faillances s’est rĂ©pandue et sert souvent comme un outil d'analyse de la dĂ©faillance d’un systĂšme Ă  des experts de fiabilitĂ©.

AprĂšs la premiĂšre utilisation (missile Minuteman), Boeing et AVCO ont utilisĂ© les arbres de dĂ©faillances pour l’ensemble du systĂšme de Minuteman II en 1963 et 1964. Ce mode d’analyse fit l’objet d’une grande promotion lors du Symposium System Safety de 1965 Ă  Seattle patronnĂ© par Boeing et l'UniversitĂ© de Washington. Boeing a commencĂ© Ă  utiliser les arbres de dĂ©faillances pour la conception d'avions civils vers 1966. En 1970, aux États-Unis, la direction gĂ©nĂ©rale de l'aviation civile amĂ©ricaine (FAA) a changĂ© sa rĂ©glementation pour l'aviation de transport . Ce changement a conduit Ă  adopter des critĂšres probabilistes d'Ă©chec pour les Ă©quipements et systĂšmes avioniques et a menĂ© Ă  l'utilisation courante des arbres de dĂ©faillances dans le domaine de l'aviation civile.

Dans l'industrie du nuclĂ©aire civil, l’U.S. Nuclear Regulatory Commission (NRC) a commencĂ© Ă  utiliser l'Ă©valuation de risque probabiliste (PRA ou probabilistic risk assessment) via des mĂ©thodes incluant les arbres de dĂ©faillances en 1975, notamment avec la publication du rapport Rasmussen (appelĂ© aussi WASH-1400). Ce rapport a Ă©tĂ© un jalon important dans le dĂ©veloppement des Ă©tudes probabilistes pour les centrales nuclĂ©aires car il a Ă©tabli une mĂ©thodologie d'identification et de quantification des scĂ©narios susceptibles de conduire Ă  la fusion du cƓur d'une centrale, mĂ©thodologie dont les grands principes sont toujours en vigueur 40 ans aprĂšs. En 1979, Ă  la suite de l’accident de Three Mile Island la NRC a intensifiĂ© la recherche sur les PRA. Cela a finalement menĂ© Ă  la publication en 1981 du manuel sur les arbres de dĂ©faillances intitulĂ© NRC Fault Tree Handbook (NUREG-0492) et Ă  l’obligation de rĂ©aliser des PRA pour les installations nuclĂ©aires sous l’autoritĂ© de la NRC.

Représentation

Un arbre de défaillances est généralement présenté de haut en bas.

La ligne la plus haute ne comporte que l'évÚnement dont on cherche à décrire comment il peut se produire.

Chaque ligne détaille la ligne supérieure en présentant la combinaison ou les combinaisons susceptibles de produire l'évÚnement de la ligne supérieure auquel elles sont rattachées.

Ces relations sont représentées par des liens logiques, dont la plupart sont des « ou » et « et » ; on emploie généralement le terme de « porte OU » et de « porte ET ».

MĂ©thodologie


Démarche et définitions

L’arbre de dĂ©faillances est une mĂ©thode dĂ©ductive, qui fournit une dĂ©marche systĂ©matique pour identifier les causes d’un Ă©vĂ©nement unique intitulĂ© Ă©vĂ©nement redoutĂ©. Le point de dĂ©part de la construction de l’arbre est l’évĂ©nement redoutĂ© lui-mĂȘme (Ă©galement appelĂ© Ă©vĂ©nement sommet). Il est essentiel qu’il soit unique et bien identifiĂ©. À partir de lĂ , le principe est de dĂ©finir des niveaux successifs d’évĂ©nements tels que chacun est une consĂ©quence d’un ou plusieurs Ă©vĂ©nements du niveau infĂ©rieur. La dĂ©marche est la suivante : pour chaque Ă©vĂ©nement d’un niveau donnĂ©, le but est d’identifier l’ensemble des Ă©vĂ©nements immĂ©diats nĂ©cessaires et suffisants Ă  sa rĂ©alisation. Des opĂ©rateurs logiques (ou portes) permettent de dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment les liens entre les Ă©vĂ©nements des diffĂ©rents niveaux [8].

Le processus dĂ©ductif est poursuivi niveau par niveau jusqu’à ce que les spĂ©cialistes concernĂ©s ne jugent pas nĂ©cessaire de dĂ©composer des Ă©vĂ©nements en combinaisons d’évĂ©nements de niveau infĂ©rieur, notamment parce qu’ils disposent d’une valeur de la probabilitĂ© d’occurrence de l’évĂ©nement analysĂ©. Ces Ă©vĂ©nements non dĂ©composĂ©s de l’arbre sont appelĂ©s Ă©vĂ©nements Ă©lĂ©mentaires (ou Ă©vĂ©nements de base).

Notons que[9]:

1. Il est nécessaire que les événements élémentaires soient indépendants entre eux.

2. Leur probabilitĂ© d’occurrence doit pouvoir ĂȘtre quantifiĂ©e (condition nĂ©cessaire seulement dans le cas oĂč l’arbre est destinĂ© in fine Ă  une analyse quantitative).

3. Contrairement Ă  l’approche inductive de l’AMDE(C) (analyse des modes de dĂ©faillance, de leurs effets et de leur criticitĂ©) qui ne cible pas les consĂ©quences des dĂ©faillances Ă©lĂ©mentaires, l’approche dĂ©ductive de l’arbre de dĂ©faillances permet de se focaliser exclusivement sur les dĂ©faillances contribuant Ă  l’évĂ©nement redoutĂ©.

Voici un exemple d’analyse par arbre de dĂ©faillances d’un systĂšme simple constituĂ© d’une ampoule fonctionnant sur batterie et dont la mise en action est commandĂ©e Ă  l’aide d’un bouton poussoir.

‱ ÉvĂ©nement redoutĂ© :

⇒ L’ampoule ne s’allume pas.

‱ Premier niveau :

⇒ ÉvĂ©nements de niveau infĂ©rieur pouvant gĂ©nĂ©rer l’évĂ©nement redoutĂ© :
- DĂ©faillance au niveau du bouton poussoir;
- DĂ©faillance des batteries A et B (redondance) ;
- DĂ©faillance de l’ampoule.

‱ Second niveau :

⇒ ÉvĂ©nements pouvant ĂȘtre Ă  l’origine de l’indisponibilitĂ© du bouton poussoir :
- Erreur de l’opĂ©rateur (pression trop forte sur le bouton) ;
- DĂ©gradation des fils au niveau de l’interrupteur ;
- Blocage du mécanisme.
⇒ ÉvĂ©nements pouvant ĂȘtre Ă  l’origine de l’indisponibilitĂ© d'une batterie :
- DĂ©charge complĂšte de la batterie.
⇒ ÉvĂ©nements pouvant ĂȘtre Ă  l’origine de la dĂ©faillance de l’ampoule :
- Agression mĂ©canique de l’ampoule ;
- DĂ©faillance de l’ampoule elle-mĂȘme.

L’arbre de dĂ©faillances correspondant Ă  cette analyse est le suivant :

Exemple d'arbre de défaillances
Exemple d’analyse par arbre de dĂ©faillances d’un systĂšme simple : une lampe alimentĂ©e par batterie.


La construction de l’arbre de dĂ©faillances est une phase importante de la mĂ©thode car sa complĂ©tude conditionne celle de l’analyse qualitative ou quantitative qui sera rĂ©alisĂ©e par la suite.

Analyse qualitative : l’arbre de dĂ©faillances Ă©tant construit, deux types d’exploitation qualitatifs peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s :

1. L’identification des scĂ©narios critiques susceptibles de conduire Ă  l’évĂ©nement redoutĂ©.
Par l’analyse des diffĂ©rentes combinaisons de dĂ©faillances menant Ă  l’évĂ©nement sommet, l’objectif est ici d’identifier les combinaisons les plus courtes appelĂ©es coupes minimales (cf. § “Fondements mathĂ©matiques”).
2. La mise en Ɠuvre d’une procĂ©dure d’allocation de barriĂšres.
Ce deuxiĂšme type d’exploitation qualitatif permet d’allouer un certain nombre de barriĂšres de sĂ©curitĂ© (techniques ou d’utilisation) en fonction de la gravitĂ© de l’évĂ©nement redoutĂ© et des contraintes normatives Ă©ventuelles.

Analyse quantitative : Une Ă©tude probabiliste peut avoir deux objectifs :

1. l’évaluation rigoureuse de la probabilitĂ© d’occurrence de l’évĂ©nement redoutĂ© ;
2. le tri des scénarios critiques (en partant coupes minimales de plus fortes probabilités).

Ces calculs ne peuvent se concevoir que si chaque Ă©vĂ©nement Ă©lĂ©mentaire peut ĂȘtre probabilisĂ© Ă  partir d’une loi soigneusement paramĂ©trĂ©e et de la connaissance du temps de mission associĂ© Ă  l’évĂ©nement redoutĂ© et/ou Ă  l’aide de donnĂ©es issues du retour d’expĂ©rience.

Identification de l’évĂ©nement redoutĂ©

L’identification de l’évĂ©nement redoutĂ© (Ă©galement appelĂ© Ă©vĂ©nement-sommet, Ă©vĂ©nement de tĂȘte ou encore racine) est absolument essentielle Ă  l’efficacitĂ© et Ă  la pertinence de la mĂ©thode.

L’évĂ©nement redoutĂ© correspond le plus souvent Ă  un Ă©vĂ©nement catastrophique en termes humain, environnemental ou Ă©conomique.

Il peut s’avĂ©rer nĂ©cessaire parfois de caractĂ©riser l’évĂ©nement redoutĂ© pour chacune des missions du systĂšme Ă©tudiĂ©.

Exemples d’évĂ©nements redoutĂ©s :

- Non refroidissement de réacteur nucléaire ;
- DĂ©faillance catastrophique non rĂ©parable Ă  bord d’un sous-marin immergĂ© (l’analyse pourrait distinguer le cas « dĂ©faillance lors d’une mission en milieu hostile » du cas « dĂ©faillance lors d’une opĂ©ration de routine ») ;
- Explosion d’une capacitĂ© sous pression ;
- Refus de dĂ©marrage de pompes d’approvisionnement d’un systĂšme incendie, d’une automobile
 ;
- DĂ©bordement d’une cuve contenant un fluide extrĂȘmement nocif.

Il existe plusieurs mĂ©thodes permettant de procĂ©der Ă  l’identification des Ă©vĂ©nements redoutĂ©s. L’Analyse PrĂ©liminaire des Risques (APR), est utilisĂ©e dans la plupart des industries. La mĂ©thode HAZOP, pour Hazard and Operability study, est plus particuliĂšrement adaptĂ©e aux industries de procĂ©dĂ© comme la pĂ©trochimie. Enfin, une Analyse des Modes de DĂ©faillance et de leurs Effets sur le systĂšme (AMDE) peut Ă©galement s’avĂ©rer efficace.

Examen du systĂšme

Lors d'une analyse fiabiliste d'un systĂšme, il est toujours difficile de dĂ©limiter prĂ©cisĂ©ment les contours de l'Ă©tude. L’analyste doit pour cela se poser un certain nombre de questions incontournables du type : Quelles sont les intentions de l'analyse ? Quelles en sont les limites ? S'agit-il de maĂźtriser une prise de risque relative Ă  la sĂ©curitĂ© des personnes ou de comparer diffĂ©rents dispositifs ? L'objectif est-il de dĂ©montrer la conformitĂ© Ă  des normes officielles et/ou Ă  des spĂ©cifications imposĂ©es par le client ?

Avant d'entamer la construction de l'arbre de défaillances proprement dite, les analystes chargés des études de sécurité doivent acquérir au préalable une trÚs bonne connaissance de l'ensemble du systÚme et de sa fonction. Ils doivent s'appuyer pour cela sur l'expérience des ingénieurs et techniciens chargés des opérations sur le terrain. Il est également nécessaire de délimiter précisément l'étude et ce à différents niveaux : nature des événements pris en compte, équipements impliqués ou non dans la fonction du systÚme, importance de l'environnement, etc.

Afin d'ĂȘtre complet et rigoureux, l'examen du systĂšme doit couvrir obligatoirement chacun des thĂšmes suivants :

  • La description du systĂšme (Ă©lĂ©ments et sous-systĂšmes inclus dans l'Ă©tude et Ă©lĂ©ments exclus) ;
  • La dĂ©finition de la mission (spĂ©cifications du systĂšme, phases des diverses missions, procĂ©dures de maintenance et de rĂ©paration, reconfigurations possibles
) ;
  • L'analyse de l'environnement ;
  • L'identification des Ă©vĂ©nements Ă  prendre en compte : Ă©tendue Ă  donner Ă  l'Ă©tude (Par exemple : prise en compte ou non des typhons, des consĂ©quences des erreurs humaines, des problĂšmes de transport de piĂšces ou de personnel
).

Construction de l'arbre

Cette section décrit la maniÚre de construire l'arbre, cette construction est détaillée dans plusieurs normes industrielles dont la CEI 61025[10]

ÉvĂ©nement sommet (Ă©vĂ©nement indĂ©sirable)

La premiĂšre Ă©tape rĂ©side dans la dĂ©finition de l’évĂ©nement Ă  Ă©tudier, cet Ă©vĂ©nement est appelĂ© Ă©vĂ©nement sommet, Ă©vĂ©nement indĂ©sirable ou encore Ă©vĂ©nement redoutĂ©. Cette Ă©tape est cruciale quant Ă  la valeur des conclusions qui seront tirĂ©es de l'analyse. (voir la section identification). Il est important de dĂ©finir l'Ă©vĂ©nement de façon explicite et prĂ©cise. L'arbre de dĂ©faillances se veut ĂȘtre une reprĂ©sentation synthĂ©tique, le libellĂ© de l’évĂ©nement sommet devra ĂȘtre court. Ce libellĂ© sera, en gĂ©nĂ©ral, trop court pour dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment l'Ă©vĂ©nement et lever les ambiguĂŻtĂ©s. Il devra donc y avoir :

  • un libellĂ© bref, mais aussi Ă©vocateur que possible dans la boĂźte qui reprĂ©sente l'Ă©vĂ©nement sommet dans l'arbre,
  • un texte complĂ©mentaire apportant toutes les prĂ©cisions utiles sur la dĂ©finition de l'Ă©vĂ©nement.

Cette remarque est aussi valable pour tous les événements qui vont figurer dans l'arbre.

ÉvĂ©nements intermĂ©diaires

L’évĂ©nement sommet Ă©tant dĂ©fini, il convient de dĂ©crire la combinaison d'Ă©vĂ©nements pouvant conduire Ă  cet Ă©vĂ©nement sommet. Les Ă©vĂ©nements intermĂ©diaires sont donc des Ă©vĂ©nements moins globaux que l'Ă©vĂ©nement sommet. Une fois ces Ă©vĂ©nements dĂ©finis, ils seront liĂ©s Ă  l'Ă©vĂ©nement sommet via un connecteur logique. Ces Ă©vĂ©nements intermĂ©diaires peuvent ĂȘtre, Ă  leur tour, redĂ©finis par d'autres Ă©vĂ©nements intermĂ©diaires plus dĂ©taillĂ©s.

Connecteurs Logiques

Les connecteurs logiques (ou portes logiques - voir Symboles graphiques) sont la liaison entre les diffĂ©rentes branches et/ou Ă©vĂ©nements. Les plus classiques sont ET et OU. Toutes les combinaisons logiques s'expriment avec ces deux connecteurs et la nĂ©gation logique qui exprime le contraire de l'Ă©vĂ©nement qu’elle affecte.

Les connecteurs fonctionnent comme suit:

  • OU : l’évĂ©nement en sortie/supĂ©rieur survient si un, au moins, des Ă©vĂ©nements en entrĂ©e/infĂ©rieur survient/est prĂ©sent ;
  • ET : l’évĂ©nement en sortie/supĂ©rieur survient seulement si tous les Ă©vĂ©nements en entrĂ©e/infĂ©rieur surviennent/sont prĂ©sents ;
  • K/N : c'est un vote majoritaire : l'Ă©vĂ©nement en sortie/supĂ©rieur survient si au moins K (c'est un entier qui sert Ă  paramĂ©trer le comportement de la porte) parmi les N Ă©vĂ©nements en entrĂ©e/infĂ©rieurs surviennent/sont prĂ©sents. Cette porte gĂ©nĂ©ralise les deux prĂ©cĂ©dentes : une porte OU est une porte 1/N et une porte ET est une porte N/N.

L'utilisation exclusive des trois connecteurs ci-dessus permet de rester dans le cadre des arbres de défaillances cohérents (cf. plus bas la définition de cette notion), et c'est en pratique ce qui est fait le plus souvent.

Dans certaines situations, il est nécessaire d'introduire des non cohérences avec des connecteurs NON, OU exclusif (réalisé si une et une seule de ses entrées est réalisée) etc. mais cela rend le traitement mathématique plus complexe.

Enfin, il peut ĂȘtre pratique Ă  des fins descriptives d’utiliser des connecteurs plus complexes, comme des connecteurs voteurs, conditionnels
 Ces connecteurs permettent de traduire des comportements particuliers qu’il est possible de rencontrer dans certaines architectures. Au mĂȘme titre, une dimension temporelle peut ĂȘtre nĂ©cessaire pour traduire le comportement d’un systĂšme, pour cela il existe des connecteurs ET sĂ©quentiel prenant en compte le sĂ©quencement des Ă©vĂ©nements, des connecteurs SPARE prenant en compte des lots de rechanges, etc. L'utilisation de ces connecteurs peut conduire Ă  des modĂšles dont la signification mathĂ©matique est ambiguĂ« et est interprĂ©tĂ©e diffĂ©remment suivant les outils informatiques dans lesquels ils sont saisis. C'est pourquoi dans le cadre de cet article seuls les modĂšles boolĂ©ens purs sont dĂ©veloppĂ©s.

ÉvĂ©nements de base, transfert et conditions

Il est possible de prendre en compte des Ă©vĂ©nements sur lesquels les informations sont insuffisantes pour les dĂ©composer davantage ou encore qu'il n'est pas utile de dĂ©velopper plus, ces Ă©vĂ©nements sont appelĂ©s Ă©vĂ©nements non dĂ©veloppĂ©s. Lors de la construction de gros arbres de dĂ©faillances, il est pratique d'utiliser des portes de transfert, permettant ainsi de rendre la lecture et la validation de l'arbre plus aisĂ©e. Ces portes signalent que la suite de l'arbre est dĂ©veloppĂ©e sur une autre page. Les Ă©vĂ©nements de base (ou Ă©vĂ©nements primaires [11]) sont les Ă©vĂ©nements les plus fins de l'arbre, il ne sera pas possible de les dĂ©tailler davantage ; ils concernent la dĂ©faillance (Ă©lectrique, mĂ©canique, logiciel
) d'un Ă©lĂ©ment du systĂšme. L'apparition de certains Ă©vĂ©nements (de base ou autre) peut avoir une consĂ©quence Ă  certaines conditions. Nous sommes donc conduits Ă  introduire dans l'arbre des conditions dont la rĂ©alisation conditionne l'enchaĂźnement. Ces conditions interviennent dans la construction de l'arbre comme des Ă©vĂ©nements intermĂ©diaires Ă  l'exception que ces conditions ne sont plus dĂ©composĂ©es et deviennent donc « de base Â».

Exemple

Nous cherchons à étudier la probabilité de débordement d'un réservoir.

Résumé des rÚgles importantes

Pour résumer en quelques étapes la construction d'un arbre :

  • Partir de l'Ă©vĂ©nement redoutĂ© (sommet de l'arbre)
  • Imaginer les Ă©vĂ©nements intermĂ©diaires possibles expliquant l'Ă©vĂ©nement sommet
  • ConsidĂ©rer chaque Ă©vĂ©nement intermĂ©diaire comme un nouvel Ă©vĂ©nement sommet
  • Imaginer les causes possibles de chaque Ă©vĂ©nement au niveau considĂ©rĂ©
  • Descendre progressivement dans l'arbre jusqu'aux Ă©vĂ©nements de base

Il est important de ne pas considérer immédiatement les événements de base (panne d'un composant par exemple).

Symboles graphiques

Les symboles de base utilisés dans les arbres de défaillances sont classés en plusieurs types :

  • ÉvĂ©nements
  • Portes
  • Symboles de transfert.

Dans les logiciels permettant d'éditer des arbres de défaillances, on pourra constater des variations mineures.


Symboles des événements dans les arbres de défaillances
Symbole Nom Description
ÉvĂ©nement de Base ÉvĂ©nement du plus bas niveau pour lequel la probabilitĂ© d'apparition ou d'information de fiabilitĂ© est disponible.
ÉvĂ©nement maison ÉvĂ©nement qui doit se produire avec certitude lors de la production ou de la maintenance. On peut aussi le dĂ©finir comme un Ă©vĂ©nement non-probabilisĂ©, que l'on doit choisir de mettre Ă  1 ou Ă  0 avant tout traitement de l'arbre. Ce type d'Ă©vĂ©nement permet d'avoir plusieurs variantes d'un arbre sur un seul dessin, en modifiant la logique de l'arbre selon la valeur choisie par l'utilisateur.
ÉvĂ©nement non dĂ©veloppĂ© Le dĂ©veloppement de cet Ă©vĂ©nement n'est pas terminĂ©, soit parce que ses consĂ©quences sont nĂ©gligeables, soit par manque d'information.
Symboles des portes dans les arbres de défaillances
Symbole Nom Description Nombre d'entrées
OU (OR) L'événement de sortie apparaßt si au moins un des événements d'entrées apparaßt. >1
ET (AND) L'événement de sortie apparaßt si tous les événements d'entrées apparaissent. >1
NON (NOT) L'événement de sortie apparaßt si l'événement d'entrée n'apparaßt pas. L'état logique de la sortie est l'inverse de celui d'entrée. =1
OU Exclusif (XOR) L'événement de sortie apparaßt si un seul événement d'entrée apparaßt. >1
VOTE MAJORITAIRE L'événement de sortie apparaßt si au moins k événements d'entrées apparaissent (k<n). >1

Fondements mathématiques

ModÚle booléen qualitatif

D'un point de vue mathĂ©matique un arbre de dĂ©faillances est dĂ©fini par un ensemble de fonctions boolĂ©ennes imbriquĂ©es les unes dans les autres. La fonction de plus haut niveau est la fonction correspondant Ă  l’évĂ©nement redoutĂ©. Toutes ces fonctions portent sur un ensemble de variables boolĂ©ennes regroupĂ©es dans le vecteur , les Ă©vĂ©nements de base. La valeur 1 de la variable signifie que le composant d’indice est dĂ©faillant (et donc, la valeur 0 signifie qu’il est en bon fonctionnement).

Dans l'expression :

- est ce que l'on appelle une porte dont la nature dépend de la fonction (par exemple ET, OU, NON, K/N, OU exclusif, etc.),
- représente l'ensemble des entrées de de type événement de base (c'est un sous-ensemble de ) ;
- reprĂ©sente l'ensemble des entrĂ©es de type porte ; c’est un sous-ensemble des fonctions , ne contenant que des fonctions d'indice infĂ©rieur strictement Ă  (pour Ă©viter une dĂ©finition circulaire).

Chacune des portes (ou fonctions intermédiaires) est le sommet d'un sous-arbre.

Voici par exemple un arbre de défaillances défini par 3 portes ET, 1 porte NON et 1 porte OU :

En éliminant les fonctions intermédiaires , on trouve aisément la définition explicite de en fonction des , à savoir :

Les principaux traitements que l'on peut faire à partir de la fonction booléenne sont les suivants :

- L'énumération des coupes minimales ou impliquants premiers (définitions données plus bas),
- Le calcul de facteurs d’importance structurelle. TrĂšs peu utilisĂ©s en pratique, ils visent Ă  donner des indications du mĂȘme ordre que les facteurs d’importance calculĂ©s avec des probabilitĂ©s, lorsque celles-ci ne sont pas disponibles.

Une grande variĂ©tĂ© d’algorithmes permettant de faire ces traitements a Ă©tĂ© publiĂ©e dans la littĂ©rature scientifique. Il s’agit d’un sujet spĂ©cialisĂ© qui ne sera pas dĂ©veloppĂ© ici.

Une propriĂ©tĂ© trĂšs importante du point de vue pratique est ce qui est appelĂ© la cohĂ©rence d’un arbre de dĂ©faillances.

Définition : un arbre de défaillances est cohérent si :

1 Il n’existe aucun Ă©tat du systĂšme, tel qu’à partir de cet Ă©tat la dĂ©faillance d'un composant (formellement, cela correspond au passage de la valeur zĂ©ro Ă  la valeur un pour la variable correspondante) peut rĂ©parer le systĂšme (formellement, cela correspond au passage de la valeur un Ă  la valeur zĂ©ro pour la fonction ),
2 La fonction dépend effectivement de toutes les variables de .

La premiĂšre propriĂ©tĂ© ci-dessus Ă©quivaut Ă  la propriĂ©tĂ© duale suivante : il n’existe aucun Ă©tat du systĂšme, tel qu’à partir de cet Ă©tat la rĂ©paration d'un composant (formellement, cela correspond au passage de la valeur un Ă  la valeur zĂ©ro pour la variable correspondante) peut mettre le systĂšme en panne (formellement, cela correspond au passage de la valeur zĂ©ro Ă  la valeur un pour la fonction ).

Une façon trĂšs simple d’assurer par construction la cohĂ©rence d’un arbre de dĂ©faillances est de le construire uniquement avec des portes ET, OU, K/N. C’est ce qui est fait dans la grande majoritĂ© des applications pratiques des arbres de dĂ©faillances.

Lorsqu’un arbre de dĂ©faillances est cohĂ©rent, sa fonction admet une reprĂ©sentation canonique qui s’écrit comme la disjonction logique de ses coupes minimales.

DĂ©finition : une coupe d’un arbre de dĂ©faillances cohĂ©rent est un ensemble de dĂ©faillances de composants tel que lorsque ces dĂ©faillances sont simultanĂ©ment prĂ©sentes, l’évĂ©nement sommet de l’arbre est rĂ©alisĂ©. Plus gĂ©nĂ©ralement, la notion de coupe est dĂ©finie pour l'ensemble des systĂšmes statiques[12].

DĂ©finition : une « coupe minimale Â» d’un arbre de dĂ©faillances cohĂ©rent est une coupe comportant un mombre minimal d'Ă©vĂ©nements dĂ©faillants. Autrement dit, dĂšs qu’on enlĂšve une dĂ©faillance de la coupe, n’importe laquelle, l’ensemble des dĂ©faillances restantes ne suffit plus Ă  provoquer l’évĂ©nement sommet. Une seconde propriĂ©tĂ© des coupes minimales est qu'elles ne peuvent contenir aucune autre coupe. La cohĂ©rence du systĂšme considĂ©rĂ© permet alors de garantir que tout ensemble d'Ă©vĂ©nements de base contenant cette coupe minimale est Ă©galement une coupe. L'ensemble des coupes minimales est suffisant pour reprĂ©senter la dĂ©faillance du systĂšme, le calcul de cet ensemble peut ĂȘtre rĂ©alisĂ© par minimisation de la fonction [13].

La notion de coupe minimale admet une gĂ©nĂ©ralisation appelĂ©e impliquant premier pour les arbres non cohĂ©rents. Cette notion Ă©tant peu utilisĂ©e en pratique, elle n’est pas dĂ©crite ici.

Il est particuliĂšrement intĂ©ressant de considĂ©rer le cardinal (on dit aussi : ordre) des coupes minimales, autrement dit le nombre minimal d’évĂ©nements Ă©lĂ©mentaires nĂ©cessaires Ă  produire l’évĂ©nement sommet de l’arbre. En particulier pour les systĂšmes critiques, des rĂšgles du type « il faut la combinaison d’au moins trois Ă©vĂ©nements indĂ©pendants pour crĂ©er la situation dangereuse » sont autant, voire plus opĂ©rationnelles que des exigences exprimĂ©es en probabilitĂ©s. Les coupes minimales ayant le plus petit cardinal dĂ©finissent le nombre minimum d’évĂ©nements dont l’occurrence simultanĂ©e peut provoquer l’évĂ©nement sommet ; dans un contexte de « dĂ©fense en profondeur », c’est le nombre de barriĂšres. Les coupes minimales d’ordre un reprĂ©sentent tous les Ă©vĂ©nements de base qui Ă  eux seuls produisent l’évĂ©nement indĂ©sirable.

Quantification avec des probabilités fixes

La connaissance qualitative dĂ©finie par peut Ă©ventuellement ĂȘtre complĂ©tĂ©e par une connaissance quantitative : la donnĂ©e, pour chaque , de la probabilitĂ© (Ă©ventuellement donnĂ©e en fonction du temps : cf. paragraphe suivant) que prenne la valeur 1. Disons tout de suite que ce qui fait la puissance des arbres de dĂ©faillances, et, plus gĂ©nĂ©ralement des « mĂ©thodes boolĂ©ennes Â» en sĂ»retĂ© de fonctionnement est l'hypothĂšse d'indĂ©pendance globale des . Les principaux traitements que l'on peut faire Ă  partir d’un arbre de dĂ©faillances muni de probabilitĂ©s sont les suivants :

- L'Ă©numĂ©ration des coupes minimales ou impliquants premiers associĂ©s Ă  leurs probabilitĂ©s. La possibilitĂ© de les quantifier permet de ne lister que ceux dont la probabilitĂ© dĂ©passe un certain seuil, ce qui est une façon efficace de limiter l’explosion combinatoire Ă  laquelle peut conduire ce type de traitement ;
- Le calcul de la probabilité de l'événement (qui s'identifie avec l'espérance mathématique de ) ;
- Le calcul de divers facteurs d'importance associés aux événements de base.

La description des algorithmes permettant de rĂ©aliser les calculs sur de vrais modĂšles, de grande taille, ne sera pas abordĂ©e ici car c’est un sujet trĂšs technique et spĂ©cialisĂ©.

Les deux grandes catégories de méthodes consistent à :

- trouver les coupes minimales et calculer une approximation de la probabilitĂ© de l’évĂ©nement redoutĂ© en faisant la somme des probabilitĂ©s des coupes (grĂące Ă  l'indĂ©pendance des Ă©vĂ©nements de base, la probabilitĂ© d'une coupe se calcule simplement comme le produit des probabilitĂ©s des Ă©vĂ©nements de base qui la composent) : cette mĂ©thode n’est utilisable que pour des arbres de dĂ©faillances cohĂ©rents dont tous les Ă©vĂ©nements de base sont de faible probabilitĂ©. Pour les cas complexes, on utilise une troncature sur la probabilitĂ© des coupes minimales : on Ă©limine le plus tĂŽt possible dans l’exploration celles de probabilitĂ© infĂ©rieure Ă  un seuil que l’on choisit de façon Ă  rĂ©aliser un bon compromis entre prĂ©cision du calcul et ressources nĂ©cessaires pour le rĂ©aliser.
- partitionner l’espace de tous les Ă©tats possibles (il y en a ) en les Ă©tats oĂč et ceux oĂč , et sommer les probabilitĂ©s des Ă©tats de la premiĂšre catĂ©gorie. En pratique, cela se fait avec la technique des BDD (Binary Decision Diagram, ou diagramme de dĂ©cision binaire) qui permet de coder des ensembles d’états de maniĂšre trĂšs compacte sans les Ă©numĂ©rer explicitement. Cette mĂ©thode donne un rĂ©sultat exact quand l’énumĂ©ration peut ĂȘtre exhaustive.

Quantification avec des probabilités fonction du temps

En donnant Ă  la valeur 1 de la variable la signification “le iĂšme composant est dĂ©faillant Ă  l’instant t”, on peut rĂ©aliser une sĂ©rie de calculs de la probabilitĂ© de l’évĂ©nement de tĂȘte de l’arbre Ă  des instants diffĂ©rents. C’est ainsi que l’on peut calculer l’indisponibilitĂ© d’un systĂšme en fonction du temps. Par exemple, dans le cas trĂšs courant oĂč la durĂ©e de vie (alĂ©atoire) d’un composant (le temps avant sa dĂ©faillance) est modĂ©lisĂ©e par une loi exponentielle de paramĂštre (Cf. Loi_exponentielle), la probabilitĂ© que ce composant soit dĂ©faillant avant le temps de mission du systĂšme (temps pendant lequel l’occurrence de la dĂ©faillance peut se produire) est donnĂ©e par :

        (1) 

Cette formule suppose le composant non rĂ©parable. Si au contraire il est rĂ©parable, et si on suppose que sa durĂ©e de rĂ©paration suit une loi exponentielle de paramĂštre , alors sa probabilitĂ© d’ĂȘtre dĂ©faillant Ă  l’instant (autrement dit son indisponibilitĂ©) est donnĂ©e par la formule :

     (2)

En supposant que tous les composants du systĂšme sont ainsi modĂ©lisĂ©s, on voit qu’il est facile de calculer la probabilitĂ© de dĂ©faillance du systĂšme complet Ă  l’instant en deux temps : 1. calcul des probabilitĂ©s de tous les Ă©vĂ©nements de base Ă  l’instant t Ă  l’aide des formules (1) ou (2) ci-dessus, 2. “propagation” de ces probabilitĂ©s dans l’arbre de dĂ©faillances avec les mĂ©thodes Ă©voquĂ©es dans la section prĂ©cĂ©dente pour calculer la probabilitĂ© de dĂ©faillance du systĂšme Ă  l’instant t, c’est-Ă -dire son indisponibilitĂ©.

Plus généralement, il existe tout un ensemble de formules analytiques permettant de calculer les probabilités de défaillance des composants en fonction du temps. Ces formules permettent de prendre en compte des hypothÚses telles que la possibilité de réparer le composant, de le tester périodiquement, et aussi différents types de lois de probabilité pour les durées de vie des composants. Par exemple, on utilise généralement des lois de Weibull pour modéliser les durées de vie de composants soumis à un phénomÚne de vieillissement.

Il est important de noter que la technique dĂ©crite ci-dessus permet de faire seulement des calculs de disponibilitĂ© et pas de fiabilitĂ© du systĂšme. Toutefois, il se trouve que ces deux notions se confondent pour un systĂšme cohĂ©rent dont aucun composant n’est rĂ©parable. Dans ce cas, que ce soit au niveau d’un composant ou au niveau du systĂšme tout entier, toute panne est dĂ©finitive, et la probabilitĂ© d’ĂȘtre en panne Ă  l’instant t (indisponibilitĂ©) est Ă©gale Ă  la probabilitĂ© d’ĂȘtre tombĂ© en panne avant t (dĂ©fiabilitĂ©).

Lorsqu’on a affaire Ă  un systĂšme comportant des composants rĂ©parables, un calcul de fiabilitĂ© reste possible, mais au prix d’une approximation. Le principe de ce calcul consiste Ă  estimer le taux de dĂ©faillance du systĂšme Ă  diffĂ©rents instants compris entre 0 et t, puis Ă  calculer la fiabilitĂ© Ă  l’instant t par la formule d’intĂ©gration du taux de dĂ©faillance ci-dessous :

L’approximation faite est double : d’une part, dans l’estimation du taux de dĂ©faillance, pour lequel il n’existe pas de formule exacte, et d’autre part dans l’intĂ©gration numĂ©rique de ce taux sur l’intervalle [0, t].

SensibilitĂ©s, Facteurs d’importance

Les composants constitutifs d'un systĂšme peuvent avoir une importance plus ou moins grande pour ce systĂšme. Un composant correspondant Ă  un point unique de dĂ©faillance sera bien entendu plus important qu'un composant de caractĂ©ristiques Ă©quivalentes mais mis en parallĂšle avec d’autres composants. Sur un systĂšme de trĂšs petite taille, l’identification de ces composants importants peut se faire par une simple lecture des coupes. Mais pour un systĂšme complexe et sĂ»r dont les coupes sont d'ordre Ă©levĂ©, cette lecture est impossible. C'est pourquoi des facteurs d'importance ont Ă©tĂ© introduits afin d'Ă©tablir une hiĂ©rarchie des composants. L'importance d'un composant pouvant varier suivant les objectifs recherchĂ©s, plusieurs facteurs d'importance ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s. Ci-aprĂšs, voici cinq facteurs d’importance parmi les plus utilisĂ©s ; leurs dĂ©finition et signification exacte seront disponibles sur un article consacrĂ© Ă  ce sujet.

- Birnbaum (aussi appelĂ© facteur d’importance marginal)
- Critique
- Diagnostic
- Facteur d’augmentation de risque
- Facteur de diminution de risque

Attention, ces diffĂ©rents facteurs d'importance ne vont pas toujours dans le mĂȘme “sens”, il peut ĂȘtre difficile d'identifier formellement les composants Ă  amĂ©liorer (en les rendant plus fiables, mieux maintenus
). C'est pourquoi il est conseillĂ© de ne pas se fier Ă  un seul facteur d'importance.

Avantages et limites

Avantages

L'analyse par arbre de défaillances est la plus couramment utilisée dans le cadre d'études de fiabilité, de disponibilité ou de sécurité des systÚmes. Elle présente en effet un certain nombre d'avantages non négligeables par rapport aux autres méthodes, à savoir :

  1. Son aspect graphique tout d'abord, caractĂ©ristique particuliĂšrement importante, constitue un moyen efficace de reprĂ©sentation de la logique de combinaison des dĂ©faillances. Il participe largement Ă  la facilitĂ© de mise en Ɠuvre de la mĂ©thode et Ă  la comprĂ©hension du modĂšle. Ainsi, il est un excellent support de dialogue pour des Ă©quipes pluridisciplinaires.
  2. Le processus de construction de l'arbre basé sur une méthode déductive permet à l'analyste de se focaliser uniquement sur les événements contribuant à l'apparition de l'événement redouté.
  3. Une fois la construction de l'arbre terminée, deux modes d'exploitation sont possibles :
    • l'exploitation qualitative servant Ă  l'identification des combinaisons d'Ă©vĂ©nements critiques, la finalitĂ© Ă©tant de dĂ©terminer les points faibles du systĂšme;
    • l'exploitation quantitative permettant de hiĂ©rarchiser ces combinaisons d'Ă©vĂ©nements suivant leur probabilitĂ© d'apparition, et estimer la probabilitĂ© de l'Ă©vĂ©nement sommet, l'objectif in fine Ă©tant de disposer de critĂšres pour dĂ©terminer les prioritĂ©s pour la prĂ©vention de l'Ă©vĂ©nement redoutĂ©.
  4. Par opposition aux méthodes de simulation, l'approche analytique offerte par l'arbre de défaillances a l'avantage de pouvoir réaliser des calculs rapides (avantage tout à fait relatif au vu de l'évolution permanente de l'informatique) et exacts.
  5. La méthode permet d'estimer la probabilité non seulement de l'événement redouté, mais aussi celle des portes intermédiaires, à partir de celle des événements de base. Il est également possible de faire de la propagation d'incertitudes sur les données d'entrée, et du calcul de facteurs d'importance.
  6. La taille de l'arbre de défaillances est proportionnée à la taille du systÚme étudié, et pas exponentielle en fonction de cette taille.

Limites

L'utilisation de l’arbre de dĂ©faillances devient inefficace ou difficilement applicable lorsque les caractĂ©ristiques suivantes apparaissent :

1. Dépendance entre les événements
Les calculs de probabilitĂ© d’occurrence effectuĂ©s par le biais de l’arbre de dĂ©faillances sont basĂ©s sur une hypothĂšse d’indĂ©pendance des Ă©vĂ©nements de base entre eux. Par exemple, la probabilitĂ© d’apparition d’un Ă©vĂ©nement de base ne peut pas dĂ©pendre de l’apparition d’autres Ă©vĂ©nements de base.
2. Notion d’évĂ©nements temporisĂ©s
L'arbre de défaillances ne rend pas compte de l'aspect temporel des événements. Il ne peut donc considérer ni les dépendances fonctionnelles, ni les états passés. De plus, il ne permet pas de prendre en compte un ordre imposé dans lequel des événements doivent se produire pour induire une défaillance.
3. SystÚme dégradé
L’arbre de dĂ©faillances est binaire. Un Ă©vĂ©nement se produit ou ne se produit pas, mais aucune notion de capacitĂ© ou d’efficacitĂ© ne peut intervenir. Par exemple, une vanne sera considĂ©rĂ©e comme ouverte ou fermĂ©e, mais sans pouvoir dĂ©terminer d’état intermĂ©diaire.
4. Taille de l’arbre
La taille n’est pas une limite en soi. NĂ©anmoins dĂšs qu'elle augmente de maniĂšre significative, l’arbre doit ĂȘtre divisĂ© en sous-arbres, et la lisibilitĂ© ainsi que la comprĂ©hension du modĂšle deviennent alors plus difficiles.

Arbres de défaillances dynamiques

L'Ă©volution des systĂšmes et l'amĂ©lioration de leur fiabilitĂ© a fait apparaĂźtre des processus de dĂ©faillance dĂ©pendant du temps (la dĂ©faillance d'un sous-systĂšme Ă©tant engendrĂ©e par une sĂ©quence de dĂ©faillances des composants le constituant) voire de l'Ă©tat des composants (certains composants pouvant ĂȘtre dormants, car non sollicitĂ©s, ou actifs, la probabilitĂ© de dĂ©faillance Ă©tant dĂšs lors diffĂ©rente dans ces deux Ă©tats). De tels comportements de dĂ©faillance ne pouvant pas ĂȘtre modĂ©lisĂ©s Ă  l'aide des portes logiques dĂ©finies initialement, de nouvelles portes, dites dynamiques, ont Ă©tĂ© dĂ©finies par les chercheurs dans ce but. Les portes logiques ont alors Ă©tĂ© qualifiĂ©es de portes statiques, et les arbres de dĂ©faillances utilisant ces portes ont Ă©galement Ă©tĂ© qualifiĂ©s d'arbres de dĂ©faillances statiques (Static Fault Trees, ou SFT, en anglais). Un arbre de dĂ©faillances dynamique (Dynamic Fault Tree, ou DFT, en anglais) est, quant Ă  lui, un arbre de dĂ©faillances contenant des portes dynamiques et Ă©ventuellement des portes statiques.

Les portes dynamiques

Trois portes (ou familles de portes) dynamiques ont été introduites à partir de 1976, chacune de ces portes étant destinée à modéliser un comportement dynamique bien spécifique.

La porte ET Prioritaire (Priority-AND, PAND en anglais)

La porte Priority-AND (PAND) a été introduite pour la premiÚre fois dans [14] en tant que porte équivalente à une porte logique ET conditionnée par séquence d'occurrence de ses entrées de la gauche vers la droite.

Notes et références

  1. Probabilistic Risk Analysis: Foundations and Methods Tim Bedford, Roger Cooke, Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni 2001.
  2. Winfrid G. Schneeweiss, Boolean Functions : With Engineering Applications and Computer Programs, Springer-Verlag,
  3. Tim Bedford, Probabilistic Risk Analysis : Foundations and Methods, Cambridge University Press, Cambridge, UK,
  4. Alain PagÚs et Michel Gondran, Fiabilité des systÚmes, Eyrolles,
  5. Maßtrise des risques et Sûreté de fonctionnement dans les systÚmes de production, sous la direction de E. Niel & E. Craye, coll. SystÚmes automatisés IC2, Hermes Sciences,
  6. Probabilistic Risk Assessment and Management for Engineers and Scientists, Second Edition, Hiromitsu Kumamoto, Ernest J. Henley, IEEE PRESS,
  7. André Lannoy : Maßtrise des risques et sûreté de fonctionnement - repÚres historiques et méthodologiques. Lavoisier 2008
  8. Fault tree handbook, W. E. Vesely, F. F. Goldberg, N. H. Roberts, D.F. Haasl, NUREG report 0492, 1981.
  9. IEC 61025 “Fault tree analysis” et sa traduction française NF EN 61025 “Analyse par arbre de pannes”
  10. Norme Internationale : Analyse par arbre de panne, CEI, , 38-73 p.
  11. Jean Pierre Signoret, « Arbre de dĂ©faillance - Contexte boolĂ©en, analyse et bases mathĂ©matiques », Techniques de l'IngĂ©nieur, Techniques de l'IngĂ©nieur, vol. SE4052 V1,‎ , p. 3-4
  12. Z. W. Birnbaum, J. D. Esary et S.C. Saunders, « Multicomponent systems and structures and their reliability », Technometrics, vol. 3,‎ , p. 55–77 (JSTOR 1266477, MR 0122658)
  13. E.J. McCluskey Jr, « Minimization of Boolean functions. », Bell System Technical Journal, vol. 35,‎ , p. 1417–1444
  14. 13. J.B. Fussell, E.F. Aber et R.G. Rahl. On the Quantitative Analysis of Priority-AND Failure Logic. IEEE Transactions on Reliability, vol. R-25, no. 5, p. 324–326, 1976.

Voir aussi

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