Apaturies
Les Apaturies ou Apatouries (en grec ancien : ÎÏαÏÎżÏÏÎčα) sont une fĂȘte des familles et des groupes de familles dans la GrĂšce antique ; ces festivitĂ©s religieuses, communes Ă tous les Ioniens, se dĂ©roulaient dans le cadre familial, dans plusieurs rĂ©gions de GrĂšce ; elles semblent dâorigine, ou du moins, dâinspiration athĂ©nienne.
Câest la fĂȘte des phratries, ces clans qui se disent issus dâun mĂȘme ancĂȘtre. On y discutait des affaires de la phratrie et elles avaient un rĂŽle dâĂ©tat civil puisquâĂ cette occasion on enregistrait les adolescents et les nouvelles Ă©pouses lĂ©gitimes. Chez Platon, le personnage de Critias se souvient dây avoir participĂ© Ă lâĂąge de dix ans[1].
Les fĂȘtes
Le nom Apatouria dĂ©riverait de ÎŹÎŒÎ±ÏαÏÏÏÎčα amapatoria, indo-europĂ©en *sm-ph2tor-u-, soit la fĂȘte de « ceux qui ont le mĂȘme pĂšre »[2].
Ă AthĂšnes, elles Ă©taient cĂ©lĂ©brĂ©es au cours du mois de Pyanepsion[3], Ă l'automne, en octobre. Une lĂ©gende faisait remonter son origine Ă une guerre entre les AthĂ©niens et les BĂ©otiens au XIIe siĂšcle av. J.-C. et faisait dĂ©river son Ă©tymologie de áŒÏÎŹÏη / apatĂ© / ruse, en rĂ©fĂ©rence Ă une ruse qui permit lâĂ©limination du roi bĂ©otien. Dionysos y avait sa place en tant que « feu du lignage » et du fait de sa tricherie qui avait permis au hĂ©ros athĂ©nien MĂ©lanthos de vaincre Xanthos, le roi de ThĂšbes[4].
Les Apatouries duraient trois jours[3]. Le premier jour (ÎŽÏÏÏΔÎčα / dorpeia) Ă©tait surtout marquĂ© par un banquet en soirĂ©e des phratries[5] (nouveau-nĂ©s et jeunes mariĂ©s)[3]. Le deuxiĂšme jour (ÎŹÎœÎŹÏÏÏ ÏÎčÏ / anarrhysis) comportait un sacrifice public, câest-Ă -dire financĂ© par lâĂtat[6]. Le nom de la journĂ©e dĂ©rive du verbe grec dĂ©signant lâaction de tirer vers lâarriĂšre la tĂȘte de lâanimal sacrifiĂ© pour lâĂ©gorger. Le troisiĂšme jour ( áŒĄ ÎșÎżÏ ÏΔῶÏÎčÏ áŒĄÎŒÎÏα / Îoureotis hemĂ©ra / jour de la coupe des cheveux ), le pĂšre dâun enfant lĂ©gitime nĂ© depuis les derniĂšres Apatouries amenait ce dernier se faire inscrire sur les registres de la phratrie aprĂšs le sacrifice appelĂ© meion. Vers les 16 ans, les jeunes hommes, aprĂšs le sacrifice dit « koureion » se tondaient les cheveux (ou juste une boucle) et le dĂ©diaient Ă ArtĂ©mis[7]. Si personne ne sây opposait, le pĂšre devait offrir en sacrifice une brebis ou une chĂšvre Ă Zeus Phratrios et AthĂ©na[8] Phratria, ainsi qu'Ă HĂ©phaistos[8], en tant que protecteur du foyer et de la vie familiale, Ă AthĂšnes[9] ; par serment il confirmait la lĂ©gitimitĂ© de son fils. Les membres de lâassemblĂ©e de la phratrie votaient alors la rĂ©ception de lâenfant au sein de la phratrie. Si le vote Ă©tait nĂ©gatif, le pĂšre pouvait saisir la justice. Si les tribunaux lui donnaient raison, lâenfant Ă©tait reçu dans la phratrie et ceux qui sây Ă©taient opposĂ©s pouvaient ĂȘtre condamnĂ©s Ă une amende.
DâaprĂšs HĂ©rodote[10], les Apatouries Ă©taient cĂ©lĂ©brĂ©es dans les principales citĂ©s ioniennes Ă lâexception notable dâĂphĂšse et Colophon, exclues pour meurtre. Dans ces communautĂ©s ioniennes, câest Aphrodite áŒÏαÏÎżÏ ÏÎčÎŹÏ qui prĂ©sidait parfois Ă cette fĂȘte familiale[11]. DâaprĂšs le grammairien HĂ©sychios d'Alexandrie, la fĂȘte des Apatouries Ă©tait parfois suivie d'une quatriĂšme journĂ©e, appelĂ©e epibda (en grec ancien : áŒÏÎŻÎČΎα), mais d'autres disent que ce terme dĂ©signait plus gĂ©nĂ©ralement tout lendemain de fĂȘte[12].
La bataille navale des Arginuses, opposant AthĂšnes Ă Sparte durant la guerre du PĂ©loponnĂšse, fut une victoire athĂ©nienne. Toutefois, le reste de la flotte spartiate tentant de s'enfuir, les AthĂ©niens se mirent Ă leur poursuite, laissant seulement quelques hommes sous la direction de Thrasybule et ThĂ©ramĂšne pour rĂ©cupĂ©rer les naufragĂ©s. Il est Ă noter que les AthĂ©niens mettaient plus qu'un point d'honneur Ă rĂ©cupĂ©rer les dĂ©pouilles de leurs hommes : c'Ă©tait un crime blasphĂ©matoire de ne pas offrir de sĂ©pulture dĂ©cente aux soldats tombĂ©s pour la patrie. Ainsi, les stratĂšges furent relevĂ©s de leur fonction et convoquĂ©s Ă AthĂšnes pour un procĂšs. Le procĂšs semblait leur donner lâavantage au dĂ©but, mais il fut interrompu pour laisser place aux Apatouries, durant lesquelles l'absence des nombreux marins se fit ressentir. L'EcclĂ©sia, poussĂ©e par les dĂ©magogues, dĂ©cida finalement de faire exĂ©cuter les stratĂšges.
Bibliographie
- Pauline Schmitt-Pantel, « AthĂ©na Apatouria et la ceinture : les aspects fĂ©minins des Apatouries Ă AthĂšnes », Annales. Ăconomies, SociĂ©tĂ©s, Civilisations, vol. 32á” annĂ©e, no 6,â , p. 1059-1073 (lire en ligne)
- Pierre Vidal-Naquet, « Du sauvage au cultivĂ© : le passage de l'adolescence en GrĂšce ancienne », Raison prĂ©sente, t. Enfant antique et pĂ©dagogie classique, no 59,â 3e trimestre 1981, p. 9-26. (lire en ligne)
- Florence Gherchanoc, « Le lien filial dans l'AthĂšnes classique : Pratiques et acteurs de sa reconnaissance », MĂštis. Anthropologie des mondes grecs anciens, vol. 13,â , p. 313-344. (lire en ligne)
- Luc Brisson (dir.), TimĂ©e : Platon, Ćuvres complĂštes, Ăditions Flammarion, (1re Ă©d. 2006), 2204 p. (ISBN 9782081218109).
- (grc + fr) Théophraste (trad. O. Navarre), CaractÚres, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France » (no 5), (1re éd. 1921), 104 p. (ISBN 978-2-251-00623-9, BNF 45521926)
Notes et références
- Platon, Timée [détail des éditions] [lire en ligne], 21 b.
- (en) Robert S. P. Beekes, Etymological Dictionary of Greek, Brill, 2009, p. 114
- Brisson, p. 2127
- Jean Haudry, Le feu dans la tradition indo-européenne, ArchÚ, Milan, 2016 (ISBN 978-8872523438), p. 359.
- Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], II, 48.
- Scholie Ă Aristophane, Les Acharniens, vers 146.
- Louis SĂ©chan et Pierre LĂ©vĂȘque, Les grandes divinitĂ©s de la GrĂšce, Ăditions E. de Boccard, 1966, p. 356.
- Théophraste, p. 46.
- Henri Jeanmaire, Couroi et CourĂštes, Essai sur lâĂ©ducation spartiate et sur les rites dâadolescence dans lâantiquitĂ© hellĂ©nique, Travaux et MĂ©moires de l'UniversitĂ© de Lille, p. 379 et suivantes.
- Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], Livre I, 147.
- Louis SĂ©chan et Pierre LĂ©vĂȘque, Les grandes divinitĂ©s de la GrĂšce, Ăd. De Boccard, 1966, p. 375.
- HĂ©sychios dâAlexandrie, s.v. ÎșÎżÏ ÏΔῶÏÎčÏ.
Sources
- (en + grc) Souda (lire en ligne) (fragment : alpha, 2940)
- Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], I, 147.
- Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, C. Daremberg, E. Saglio ; article : Apaturia