Antoun Saadé
Antoun Saadé ( - ) (arabe: أنطون سعادة) était un homme politique nationaliste pan-syrien, un journaliste et un philosophe libanais, fondateur du Parti social nationaliste syrien.
Naissance | |
---|---|
Décès |
(à 45 ans) Beyrouth |
Nom dans la langue maternelle |
أنطون سعادة |
Nom de naissance |
أنطون خليل سعادة |
Nationalités |
ottomane (- Grand Liban (- État du Grand Liban (d) (- libanaise (- Syrie |
Formation | |
Activités |
Religion | |
---|---|
Parti politique | |
Idéologie | |
Condamné pour |
Intellectual conflict in Syrian literature (d) |
Biographie
Antoun Saadé est un chrétien orthodoxe libanais[1] né en 1904 dans le village de Dhour Choueir au Mont Liban. Il entame ses études au Caire puis à Broummana au Liban. Son père était lui-même un nationaliste syrien ainsi qu'un défenseur de la démocratie, ainsi qu'un intellectuel et auteur, qui a été décrit comme "un écrivain prolifique et polymathe , dont les œuvres couvrent les domaines de la politique, de la littérature, du journalisme, de l'écriture de romans , et traduction"[2] . À la fin de 1919, Saadeh a immigré aux États-Unis, où il a résidé pendant environ un an avec son oncle à Springer, Nouveau-Mexique et a travaillé dans une gare locale. En février 1921, il s'installe au Brésil avec son père qui était un éminent journaliste de langue arabe. En 1924, Saadé fonde une société secrète qui vise à l'unification de la Syrie naturelle. Cette société fut dissoute l'année suivante. La Syrie naturelle, selon Saadé, comprenait le Levant , la Palestine, la Transjordanie, le Liban, la Syrie, l'Irak et certaines parties du sud de la Turquie. Sa conception de la Syrie incluait tous les groupes religieux, ethniques et linguistiques vivant dans cette région[1]. il émigre au Brésil où il rejoint ses parents et commence à s'intéresser au nationalisme syrien. Il participe au magazine littéraire Al Majalla, un journal fondé par son père Khalil Saadé, un influent syrien (de la Grande Syrie). Il apprend à parler le portugais, l'anglais, l'espagnol, l'allemand, le français et le russe.
Il fonde en 1924 son premier mouvement politique, un mouvement qui a pour objectif la libération de la Syrie de l'occupation française. En 1930, il travaille à Damas pour le journal al Ayam. En 1932, il fait son retour au Liban et commence à enseigner à l'Université américaine de Beyrouth.
Il recrute cinq étudiants avec qui il va fonder, le , le Parti social nationaliste syrien. Le nouveau parti défend une réforme radicale de la société conforme à la laïcité, une idéologie inspirée du fascisme italien, le « pansyrianisme », dont l'objectif est la création d'une Grande Syrie, regroupant la Syrie actuelle, le Liban, la Jordanie, certaines parties de la Turquie et le territoire actuel de l'État d’Israël[3]. Le parti est logiquement hostile à la présence française au Levant. Mais il s'agit d'une organisation clandestine qui se cache sous le couvert d'une compagnie syrienne de commerce.
Le PSNS remporte beaucoup de succès, ce qui inquiète les autorités françaises. Le , Antoun Saadé est arrêté et condamné à six mois de prison pour activité subversive. En prison, il écrit un livre, La Genèse des nations (Nouchoû al oumam).
Il retrouve sa liberté en 1936 et est à nouveau arrêté en 1937, mais son parti devient légal. En prison, il écrira cette fois La Genèse de la nation syrienne (Nouchoû al oumma al souriya) qui sera confisqué. On ne sait toujours pas si le « livre » a été brûlé ou bien s'il est toujours accessible (référence nécessaire). Les hommes d'Antoun Saadé combattent violemment les chefs de la milice de Pierre Gemayel à Bikfaya, Saadé déclare alors :
« Si l'on veut absolument que le Liban constitue une entité, il faut au moins que cette entité soit commune à tous les Libanais et qu'elle ne soit pas accaparée par une secte dominante qui réduit le Liban à elle-même. Nous exigeons la fin des privilèges d'une seule secte confessionnelle et nous dénonçons l'arrogance du parti fasciste qui s'est proclamé son représentant. »
À la suite de ces violences contre les Kataëb, Saadé est de nouveau pourchassé ; en 1938, il se rend en Amérique latine. Les autorités françaises interdisent le parti en 1939. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des soulèvements ont lieu au Liban et en Syrie contre les Français, Saadé est cette fois-ci condamné à vingt ans de prison par contumace.
Après le départ des Français en 1946, il rentre au Liban, mais il est forcé de prendre le maquis après le mandat d'arrêt lancé contre lui par la justice libanaise. En 1947, le PSNS est de nouveau autorisé, le parti dénonce le plan de partage de la Palestine et la dégradation des liens entre la Syrie et le Liban.
Saadé profite des élections législatives pour lancer un appel pour mettre fin au confessionnalisme du Liban, et pour l'instauration d'un État laïc dans le pays.
La popularité de Saadé est alors à son point culminant. Le gouvernement libanais mené par Riyad es-Solh et les phalangistes décident de s'allier pour détruire le mouvement. Il est alors persuadé que les phalangistes veulent le tuer, il décide donc de monter une insurrection contre le gouvernement, mais cette tentative d'insurrection se retourne contre lui. Plus de 3 000 militants du PSNS sont arrêtés et il est forcé de se réfugier à Damas. Il est tout d'abord bien accueilli par le colonel Zaim, mais le gouvernement syrien livre Saadé au gouvernement libanais. Il n'a pas été jugé à juste titre puisque le verdict de sa mise à mort n'est tombé que 48 heures après son arrestation. L'accusation : complot contre la sécurité de l'État. La sentence est exécutée le par un peloton d'exécution. Ses derniers mots ont été « Je meurs mais mon parti survivra ».
Après son exécution, il est publié en 1949 en arabe un ouvrage qui constitue une exposition synthétique de sa pensée : le titre anglais en est The ten lectures (Beirut) 1948), traduit et préfacé par Adel Beshara (Saadeh Cultural Foundation, 2021, Beyrouth). Plus récemment, en 2019, un ouvrage, inspiré par les mémoires de Juliette Antoun Saadé (son épouse), est précieux d'enseignements pour la compréhension de sa vie et de son œuvre[4]. Enfin, un essai lui a été consacré, par Edmond Melhem, sous le titre : Antoun Sa'adeh - a man ahead of his time, Dar Fikr, Beyrouth, 2022.
Idéologie
Saadé était assez hostile au nationalisme arabe, car pour lui une nation ne se base pas sur une langue, une religion ou sur une ethnie. Au contraire, il explique que la nation a vocation à accueillir plusieurs ethnies, car pour lui ce qui fait l'identité de l'homme, c'est l'endroit géographique dans lequel il vit. Il s'en explique dans son livre La genèse des nations :
Il reprend la citation d'Ernest Renan dans son Histoire du peuple d'Israël publié en 1887 dans laquelle il explique : « Une nation résulte du mariage d'un groupe d'hommes et d'une terre. »
Il explique encore que :
« La nation résulte non de l'origine ethnique commune, mais du processus unificateur du milieu social et physique ambiant. L'identité des Arabes ne provient pas du fait qu'ils descendraient d'un ancêtre commun, mais qu'ils ont été façonnés par le milieu géographique : le désert de l'Arabie, l'Assyrie pour la Syrie, le Maghreb... »
Il a d'abord négligé l'arabité de la Syrie avant d'admettre que la Syrie est bien un pays arabe. Il explique :
« Lorsque nous parlons du monde arabe, nous entendons le monde qui parle la langue arabe et dont nous sommes. »
Une thèse a été consacré à l'œuvre d'Antoun Saadé : Wissam Samia, Le Leadership institutionnel - vers un leadership institutionnel dans l'organisation, fondé sur la doctrine intellectuelle d'Antoun Saadeh, Thèse de doctorat en Sciences économiques, sous la direction de Nikolay Nenovsky, Amiens, 2021 (un article en langue anglaise en est issu)[5].
Notes et références
- « الحزب السوري القومي الإجتماعي - الموقع الرسمي - ما قبل التأسيس » [archive du ] (consulté le )
- Adel Beshara, The Origins of Syrian Nationhood : Histories, Pioneers and Identity, Taylor & Francis (2012), p. 13
- Philippe Baillet, L'autre tiers-mondisme : des origines à l'islamisme radical : fascistes, nationaux-socialistes, nationalistes-révolutionnaires entre défense de la race et solidarité anti-impérialiste, Saint-Genis-Laval, Akribeia, , 475 p. (ISBN 978-2-913612-61-7), p. 154-155
- Régina Sneifer, Une femme dans la tourmente dans la grande Syrie, préface de Georges Corm, Riveneuve, 2019.
- (en) Wissam Samia, « Antun Saadeh 's Social-Nationalist Doctrine. Presenting and Reconstructing an Original Economic and Social Theory », Economic Alternatives, University of National and World Economy, Sofia, Bulgarie,, 3, pp. 492-504, septembre 2020. (lire en ligne)