AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Analogue d'acide nucléique

Les analogues d'acides nuclĂ©iques sont des composĂ©s qui sont structurellement similaires aux ARN et ADN prĂ©sents dans la nature. Ils ont des utilisations pour la recherche en mĂ©decine et en biologie molĂ©culaire. Les nuclĂ©otides, qui constituent les acides nuclĂ©iques, sont composĂ©es de trois parties : un squelette phosphate, un sucre pentose (ribose ou dĂ©soxyribose) et l'une des quatre bases nuclĂ©iques. Dans un analogue d'acide nuclĂ©ique, n'importe laquelle de ces parties peut ĂȘtre modifiĂ©e. Cela rĂ©sulte typiquement en une modification de l'appariement ou de l'empilement des bases (il existe ainsi des bases universelles pouvant s'apparier avec n'importe quelle autre base). Les analogues permettent aussi des modifications de la structure de la chaĂźne, en remplaçant le squelette phosphate. Un squelette de PNA permet par exemple d'obtenir une structure en triple hĂ©lice[1].

L'ARN et l'ADN, des acides nucléiques existant dans la nature.

Utilisations

En médecine, plusieurs analogues de nucléosides sont employés comme antiviraux ou anticancéreux. Ils sont généralement administrés sous forme de nucléosides et transformés en nucléotides à l'intérieur de la cellule, car les nucléotides qui sont chargés traversent difficilement les membranes cellulaires.

Modifications communes dans les analogues de nucléosides.

Les analogues d'acides nucléiques ont de nombreux emplois en biologie moléculaire :

  • DĂ©tection de sĂ©quences particuliĂšres
  •  Fabrication d'ARN rĂ©sistants Ă  l'hydrolyse
  • SĂ©quençage de l'ADN grĂące Ă  des didĂ©soxynuclĂ©otides
  • Investigation des mĂ©canismes enzymatiques, en se servant des analogues comme inhibiteurs
  • Investigation des propriĂ©tĂ©s structurales des acides nuclĂ©iques
  •  CrĂ©ation de systĂšmes alternatif en biologie de synthĂšse
  • Recherche sur les origines de la vie


Analogues oĂč le squelette est modifiĂ©

Analogues d'ARN résistants à l'hydrolyse

Structure chimique Morpholino

Les riboses de la molĂ©cule d'ARN sont trĂšs facilement hydrolysables, ce qui la rend difficile Ă  synthĂ©tiser et utiliser de façon fiable. Des dĂ©rivĂ©s de ribose peuvent donc ĂȘtre utilisĂ©s. Les analogues les plus communs sont l'ARN substituĂ© en 2'O-mĂ©thyl, l'acide nuclĂ©ique verrouillĂ© (Locked Nucleic Acid ou LNA), le morpholino[2] - [3] et les acides nuclĂ©iques peptidiques (Peptide nucleic acid ou PNA). Bien que ces oligonuclĂ©otides aient des squelettes diffĂ©rents, ils sont toujours capables de s'hybrider Ă  l'ARN ou l'ADN, mais ils ne sont pas sensibles Ă  l'hydrolyse par les nuclĂ©ases. Il n'existe pas de mĂ©thode enzymatique pour les fabriquer, il est nĂ©cessaire de recourir Ă  des mĂ©thodes de synthĂšse telles que la stratĂ©gie de la phosphoramidite ou (pour le PNA) la synthĂšse peptidique.

RÎle hypothétique dans l'apparition de la vie

Il est intĂ©ressant de noter que de tels analogues d'acides nuclĂ©iques pourraient avoir jouĂ© un rĂŽle dans l'apparition de la vie, l'ARN connu actuellement Ă©tant trop complexe pour avoir Ă©tĂ© le premier acide nuclĂ©ique. Des analogues plus simples comme le GNA, le TNA et le PNA pourraient ĂȘtre des candidats plus vraisemblables.

Analogues de bases

Bases présentes naturellement

On distingue les bases pyrimidines et purines. Elles sont capables de s'apparier grĂące Ă  deux ou trois liaisons hydrogĂšne entre une fonction cĂ©tone) et une fonction amine ; elles peuvent aussi s'empiler par l'action de leurs cycles aromatiques (interaction de π-stacking).

Bases marquées par un fluorophore

Structure de l'aminoallyl-uridine

Des fluorophores comme la rhodamine et la fluorescéine sont liés au cycle voisin du sucre (en para) par un bras flexible, de sorte qu'il soit positionné dans le sillon majeur de la double hélice. En général, on synthétise d'abord la séquence avec des nucléotides ayant seulement le bras, puis l'on couple ces bras à des fluorophores (marquage indirect). L'enzyme utilisée, la Taq polymérase, n'est en effet pas capable d'incorporer directement les fluorophores en raison de leur taille.

Bases constituant elles-mĂȘmes un fluorophore

La plus frĂ©quemment utilisĂ©e est la 2-aminopurine, qui prĂ©sente la propriĂ©tĂ© intĂ©ressante d'ĂȘtre fortement fluorescente quand elle est libre en solution, mais considĂ©rablement moins lorsqu'elle est incorporĂ©e Ă  un brin d'acide nuclĂ©ique. La variation de l'intensitĂ© dĂ©pend de la sĂ©quence, mais elle est de l'ordre de cent fois[4].

Il existe d'autres bases du mĂȘme type : 3-MI, 6-MI, 6-MAP[5], pyrrolo-dC[6] et ses dĂ©rivĂ©s[7], bases furaniques modifiĂ©es [8] et bien d'autres[9] - [10] - [11] - [12].

La fluorescence de ces bases est trÚs dépendante de leur environnement direct. Ceci est utile pour observer les interactions entre protéines et ADN, et les transferts d'électron au sein de l'ADN. D'autres bases comme la 1,3-Diaza-2-oxophenothiazine, tC, ont un rendement de fluorescence presque indépendant des bases environnantes[13] - [14]. Par ailleurs, elles ont peu d'influence sur les propriétés physiques et chimiques de l'ADN, ce qui en fait des outils appréciables pour les analyses FRET. Le tCnitro, une base jouant le rÎle d'accepteur de fluorescence, a été développé à cet effet[15]. Le couple tCO (donneur)/ tCnitro (accepteur) est ainsi la premiÚre paire pour FRET utilisant des bases nucléiques.

Modification de l'appariement des bases

Paires de bases naturelles
size size
Une paire GC, formant 3 liaisons hydrogĂšne Une paire AT, formant 2 liaisons hydrogĂšne

La diaminopurine (DAP) est prĂ©sente naturellement chez le Cyanophage S-2L. UtilisĂ©e Ă  la place de l'adĂ©nine, elle forme trois liaisons hydrogĂšne avec la thymine, ce qui rend le brin plus stable et rend les interactions AT et GC aussi fortes l'une que l'autre[16]. Cela peut ĂȘtre utilisĂ© pour analyser les interactions molĂ©culaires mettant en jeu cette diffĂ©rence de force.

D'autres bases comme l'isoguanine et l'isocytosine (qui ont des groupements amine et cĂ©tone inversĂ©s par rapport Ă  leurs homologues) peuvent ĂȘtre incorporĂ©es lors d'une amplification par PCR, mĂȘme en prĂ©sence des quatre bases canoniques[17].

Paires de bases absentes dans la nature
size size size
DAP-T X-DAP iG-iC

Il est également possible de créer des bases qui s'apparient par interactions hydrophobes. On a par exemple le 2,4-difluorotoluÚne, un analogue de thymine, et le 4-méthylbenzimidazole, analogue d'adénine[18], ou encore l'isoquinoline et la pyrrolo[2,3-b]pyridine[19].

Bases universelles

Ces bases sont capables de s'apparier sans discrimination avec n'importe quelle autre base. GĂ©nĂ©ralement, elles diminuent considĂ©rablement la tempĂ©rature de fusion de la sĂ©quence. Parmi elles, on trouve les dĂ©rivĂ©s de la 2'-dĂ©oxyinosine (dĂ©soxynuclĂ©otide d'hypoxanthine), les analogues de nitroazole, et les bases aromatiques hydrophobes qui se lient sans liaison hydrogĂšne. Elles n'ont cependant pas montrĂ© d'intĂ©rĂȘt particulier dans la constitution d'amorces pour la polymĂ©risation.

Bases Ă©tendues et xDNA

Il existe un jeu de bases nucléiques étendu, appelé xDNA, qui comporte en plus des quatre bases canoniques, quatre bases étendues qui sont en fait les bases canoniques auxquelles on a ajouté un cycle benzÚne. Une base classique s'apparie avec une base étendue, de sorte que la longueur totale de la paire de base soit constante. De cela, il résulte quatre combinaisons possibles : xA-T, xT-A, xC-G et xC-C. Ce systÚme peut avoir une utilité pour des cas particuliers de recherche scientifique. Le yDNA est un systÚme similaire, mais le benzÚne sert cette fois-ci à élargir les bases[20].

Paires de bases artificielles ayant des propriétés particuliÚres
size size size
Base F-Z : Pas de liaison hydrogĂšne Base S-Pa: Trois liaisons hydrogĂšne Base xA-T : Liaison similaire Ă  A-T

Appariement avec un ion métallique

Les liaisons de type Watson-Crick peuvent ĂȘtre remplacĂ©es par un ion mĂ©tallique central. Les nuclĂ©osides jouent alors le rĂŽle de ligands. DiffĂ©rentes configurations bidentates permettent d'apparier deux nuclĂ©osides autour d'un atome mĂ©tallique central : en tĂ©traĂšdre, en dodĂ©caĂšdre, et carrĂ©e plane. La formation d'une telle paire de base peut rĂ©sulter de l'appariement non-canonique des bases habituelles en prĂ©sence d'un ion mĂ©tallique, ou du remplacement des atomes d'hydrogĂšne impliquĂ©s dans les liaisons de Watson et Crick par des atomes mĂ©talliques[21].

L'introduction d'ions métalliques dans un duplex d'ADN peut lui conférer des propriétés de perméabilité magnétique[22] - [23] ainsi qu'une stabilité augmentée[24].

Un exemple bien documentĂ© est la formation de la paire de bases T-Hg-T, qui met en jeu deux thymines reliĂ©es par un ion Hg<2+>[25] - [26]. Deux thymines ne peuvent pas s'apparier entre elles dans la nature, c'est donc bien un exemple d'appariement impossible stabilisĂ© par l'action d'un mĂ©tal. Il est Ă©galement possible de former des paires A-Zn-T et G-Zn-C Ă  pH Ă©levĂ©. Les ions CoÂČâș et NiÂČâș peuvent aussi former ce type de complexes. Ici, le cation divalent est coordinĂ© en complexe avec les bases, mĂȘme si la configuration exacte n'est pas parfaitement connue[27].

De nombreuses nuclĂ©obases artificielles ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es pour optimiser la complexation avec des mĂ©taux. Par exemple, un nuclĂ©oside modifiĂ© avec un pyridine-2,6-dicarboxylate se complexe fortement et spĂ©cifiquement avec les ions CuÂČâș, sans se lier significativement avec les autres cations (cette affinitĂ© peut s'expliquer par la formation d'un complexe tridendate)[28]. Ce type de technologie pourrait constituer, dans le futur, un espoir pour la fabrication de cĂąbles mĂ©talliques nanoscopiques capables de s'assembler eux-mĂȘmes[29].

SystĂšme orthogonal

Selon certains chercheurs[30], il serait possible d'implémenter dans des cellules un systÚme orthogonal complÚtement indépendant du matériel génétique déjà présent. Ceci permettrait d'assurer la sécurité d'utilisation des cellules modifiées[31].

Plusieurs approches sont envisagées :

  • De nouveaux systĂšmes de bases et de squelettes comme ceux prĂ©sentĂ©s dans cet article.
  • La crĂ©ation d'une polymĂ©rase capable de synthĂ©tiser un (acide xĂ©nonuclĂ©ique) (AXN). L'ARN polymĂ©rase T7 peut ĂȘtre utilisĂ©e comme modĂšle de dĂ©part[32].
  • Des ribosomes modifiĂ©s, dont le site anti-sĂ©quence Shine-Dalgarno est altĂ©rĂ©e pour permettre la translation des ARNm orthogonaux seulement[33]
  • De nouveaux ARNt correspondant Ă  des acides aminĂ©s non-naturels.

Notes et références

  1. Petersson B et al. Crystal structure of a partly self-complementary peptide nucleic acid (PNA) oligomer showing a duplex-triplex network. J Am Chem Soc. 2005 Feb 9;127(5):1424–30.
  2. Summerton J and Weller D. Morpholino Antisense Oligomers: Design, Preparation and Properties. Antisense & Nucleic Acid Drug Development 1997; 7:187-195.
  3. Summerton J. Morpholino Antisense Oligomers: The Case for an RNase-H Independent Structural Type. Biochimica et Biophysica Acta 1999; 1489: 141-158.
  4. Ward et al. Fluorescence Studies of Nucleotides and Polynucleotides I. Formycin 2-Aminopurine Riboside 2,6-Diaminopurine Riboside and Their Derivatives. J. Biol. Chem. 1969; 244: 1228–37.
  5. Hawkins Fluorescent pteridine nucleoside analogs - A window on DNA interactions. Cell Biochem. Biophys. 2001; 34: 257–81.
  6. Berry et al. Pyrrolo-dC and pyrrolo-C: fluorescent analogs of cytidine and 2 '-deoxycytidine for the study of oligonucleotides. Tetrahedron Lett. 2004; 45: 2457–61.
  7. Wojciechowski et al. Fluorescence and hybridization properties of peptide nucleic acid containing a substituted phenylpyrrolo-cytosine designed to engage guanine with an additional H-bond. J. Am. Chem. Soc. 2008; 130: 12574-12575.
  8. Greco et al. Simple fluorescent pyrimidine analogues detect the presence of DNA abasic sites. J. Am. Chem. Soc. 2005; 127: 10784–85.
  9. Rist et al. Fluorescent nucleotide base analogs as probes of nucleic acid structure, dynamics and interactions. Curr. Org. Chem. 2002; 6: 775–93.
  10. Wilson et al. Fluorescent DNA base replacements: reporters and sensors for biological systems. Org, & Biomol. Chem. 2006; 4: 4265–74.
  11. Wilhelmsson Fluorescent nucleic acid base analogues. Q. Rev. Biophys. 2010; 43(2): 159-183.
  12. Sinkeldam et al. Fluorescent analogs of Biomolecular Building Blocks: Design, properties and applications. Chem. Rev. 2010; 110(5): 2579-2619.
  13. Wilhelmsson et al. A highly fluorescent DNA base analogue that forms Watson-Crick base pairs with guanine. J. Am. Chem. Soc. 2001; 123: 2434–35.
  14. Sandin et al. Fluorescent properties of DNA base analogue tC upon incorporation into DNA - negligible influence of neighbouring bases on fluorescence quantum yield. Nucleic Acids Res. 2005; 33: 5019–25.
  15. Börjesson et al. Nucleic acid base analog FRET-pair facilitating detailed structural measurements in nucleic acid containing systems. J. Am. Chem. Soc. 2009; 131: 4288–93.
  16. Kirnos MD, Khudyakov IY, Alexandrushkina NI, Vanyushin BF. 2-aminoadenine is an adenine substituting for a base in S-2L cyanophage DNA. Nature. 1977 Nov 24;270(5635):369–70.
  17. Johnson SC et al. A third base pair for the polymerase chain reaction: inserting isoC and isoG. Nucleic Acids Res. 2004 Mar 29;32(6):1937–41.
  18. Taniguchi Y, Kool ET. Nonpolar isosteres of damaged DNA bases: effective mimicry of mutagenic properties of 8-oxopurines. J Am Chem Soc. 2007 Jul 18;129(28):8836–44. Epub 2007 Jun 26.
  19. G. T. Hwang, F. E. Romesberg, J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 14872
  20. Liu H et al. (ET Kool Lab). A four-base paired genetic helix with expanded size. Science. 2003 Oct 31;302(5646):868–71
  21. S. D. Wettig, D. O. Wood.m J.S. Lee.J. Inorg. Biochem. 2003, 94, 94–99
  22. H. Zhang, A. Calzolari, R. Di Felice. J. Phys. Chem. B 2005, 109, 15345–15348.
  23. P. Aich, R. J. S. Skinner, S. D. Wettig, R. P. Steer, J. S. Lee.Biomol. Struct. Dyn. 2002, 20, 93–98.
  24. G. H. Clever, K. Polborn, T. Carell, Angew. Chem. Int. Ed.2005, 117, 7370–7374
  25. E. Buncel, C. Boone, H. Joly, R. Kumar, A. R. J. Norris, Inorg. Biochem.198525, 61–73
  26. A. Ono, H. Togashi, Angew. Chem.2004, 43, 4300–4302
  27. E. Meggers, P. L. Holland, W. B. Tolman, F. E. Romesberg, P. G. Schultz. J. Am. Chem. Soc.2000122, 10714–10715
  28. J. S. Lee, R. J. S. Skinner, L. J. P. Latimer, R. S. Reid. Biochem. Cell Biol.199371, 162–168
  29. K. Tanaka, A. Tengeiji, T. Kato, N. Toyama, M. Shionoya. Science2003, 299, 1212–1213
  30. Schmidt M. Xenobiology: a new form of life as the ultimate biosafety tool Bioessays Vol 32(4):322-331
  31. Herdewijn P, Marliùre P.Toward safe genetically modified organisms through the chemical diversification of nucleic acids. Chem Biodivers. 2009 Jun;6(6):791–808.
  32. A. Shinkai, P. H. Patel, L. A. Loeb, J. Biol. Chem. 2001, 276, 18836
  33. Rackham O, Chin JW. A network of orthogonal ribosome x mRNA pairs.Nat Chem Biol. 2005 Aug;1(3):159-66. Epub 2005 Jul 17.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.