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Altishahr

L'Altishahr (écriture ouïghoure : آلتی شهر, écriture ouïghoure cyrillique : Алтә-шәһәр, écriture ouïghoure latine : Altä-şähär or Alti-şähär[1], écriture ouïghoure arabisée : ئالتە شەھەر) est un nom utilisé aux XVIIIe et XIXe siècles pour désigner la région du bassin du Tarim. Ce terme signifie les « six villes »[2] - [3] - [4] - [5] - [6] - [7] en langues turques et fait référence aux villes-oasis situées sur le bord du Tarim, dans le sud de l'actuelle province chinoise du Xinjiang. Six villes (Altishahr) est synonyme de Kashgarie[8].

Étymologie

Altishahr est dérivé du mot turc alti, qui signifie « six » et du mot persan shahr, pour « ville »[9]. Ce nom a été utilisé par les habitants turcophones du bassin du Tarim aux XVIIIe et XIXe siècles. Parmi les autres termes locaux utilisés pour désigner cette région, on trouve Dorben Shahr, les « quatre villes » et Yeti Shahr, les « sept villes »[9] - [10].

Le terme d'Altishahr est adopté par certaines sources occidentales au XIXe siècle[9], mais d'autres sources/auteurs occidentaux utilisent « Kashgarie » pour désigner la même région[9]. Les sources Qing utilisent principalement le terme Nanlu, ou Circuit du Sud, pour désigner cette région[9]. Il existe également d'autres termes Qing moins utilisés, comme Huijiang (la « frontière musulmane »), Huibu (la « zone tribale musulmane ») et Bacheng (les « huit villes »)[9], ou Nanjiang[11].

Géographie de la région et lien avec le Xinjiang

Carte de la Dzoungarie (en rouge) et du bassin du Tarim (en bleu)
Carte montrant la séparation de la Dzoungarie et du bassin du Tarim (Taklamakan) par les monts Tian Shan

D'un point de vue géographique, l'Altishahr fait référence au bassin du Tarim, dans le sud du Xinjiang. Que ce soit d'un point de vue historique, géographique ou ethnique, le Tarim a toujours été distinct du bassin de la Dzoungarie, situé dans le nord du Xinjiang. Au moment de la conquête de la région par les Qing en 1759, la Dzoungarie est habitée par les Dzoungars, un peuple de nomades qui fait partie des Mongols Oirats et pratique le bouddhisme tibétain. Le bassin du Tarim est lui habité par des agriculteurs musulmans sédentaires implanté dans des oasis et turcophones. Ces musulmans sont aujourd'hui connus sous le nom de Ouïghours. Les deux régions sont gouvernées comme des circuits séparés, jusqu'à ce que le Xinjiang soit transformé en une province unifiée en 1884.

Onomastique

Dessin représentant un turc musulman de l'Altishahr, sous la dynastie Qing.

Au XVIIIe siècle, avant la conquête du Xinjiang par les Qing en 1759, les villes-oasis du Tarim ne sont pas gouvernées par une structure politique et le terme « Altishahr » ne fait pas référence à des villes spécifiques mais à la région en général[12]. Malgré cela, les visiteurs étrangers arrivant dans la région essayent d'identifier les « six villes » et proposent diverses listes[12].

Pour l'archéologue et explorateur allemand Albert von Le Coq, ces villes sont : (1) Kashgar, (2) Maralbexi (Maralbashi, Bachu), (3) Aksu (Aqsu), (4) Yengisar (Yengi Hisar), (5) Yarkant (Yarkand, Shache) et (6) Khotan, avec Kargilik (Yecheng) comme alternative à Aksu[12]. Par la suite, l'historien russe Vassili Barthold modifie cette liste en remplaçant Yengisar par Kucha (Kuqa)[12].

Le terme « sept villes » a pu être utilisé après la prise de Turpan (Turfan) par Yaqub Beg, lors de la guerre sacrée des Āfāqī Khojas et fait référence à (1) Kashgar, (2) Yarkant, (3) Khotan, (4) Uqturpan (Uch Turfan), (5) Aksu, (6) Kucha, et (7) Turpan[12].

Le terme « huit villes » (Шәкиз Шәһәр Şäkiz Şähār) est peut-être une traduction turque du terme chinois Qing Nanlu Bajiang, qui signifie littéralement « les huit villes du circuit sud ». Ces huit villes sont (1) Kashgar, (2) Yengisar, (3) Yarkant et (4) Khotan à l'ouest et (5) Uqturpan, (6) Aksu, (7) Karasahr (Qarashahr, Yanqi) et (8) Turpan à l'est[12].

Enfin, selon l'archéologue et explorateur Aurel Stein ; au début du XXe siècle, les administrateurs de la dynastie Qing utilisent le mot « Altishahr » pour décrire les villes-oasis situées autour de Khotan : (1) Khotan, (2) Yurungqash, (3) Karakax (Qaraqash, Moyu), (4) Qira (Chira, Cele), (5) Keriya (Yutian), et un sixième endroit non identifié[12].

Histoire

Jusqu'au VIIIe siècle apr. J.-C., une grande partie du bassin du Tarim est habitée par les Tokhariens, un peuple indo-européen et qui a construit des cités-états dans les oasis situées au bord du Désert du Taklamakan. L'effondrement du khaganat ouïgour, situé dans la région qui correspond actuellement à la Mongolie, et l'installation de la diaspora Ouïgoure dans le Tarim, entrainent la prédominance des langues et peuples turcs. Sous le règne des Qarakhanides, une grande partie des habitants de la région se convertissent à l'Islam. Du XIIIe au XVIe siècle, le Tarim occidental fait partie des grands empires turco-mongols qui dominent la région : Khanat de Djaghataï, Empire timouride et enfin le Mogholistan. Au XVIIe siècle, c'est le Khanat de Yarkand qui règne sur l'Altishahr jusqu'à sa conquête par les Dzoungars bouddhistes, venu de la Dzoungarie, au nord.

L'amban des qing entouré par les begs, représentants locaux à Khotan

Durant les années 1750, la région est conquise par la Chine des Qing, après la victoire de ces derniers dans leur lutte contre le Khanat dzoungar. Pendant presque un siècle et demi, les Qing administrent séparément la Dzoungarie et l'Altishahar, comme étant respectivement les circuits nord et sud de Tian Shan[13] - [14] - [15] - [16]. Malgré cette séparation administrative, les deux régions sont sous le contrôle du général d'Ili. Il y a un amban pour chacune de ces deux régions, celui du Sud était basé à Khotan. Le circuit sud (Tianshan Nanlu) est également connu sous les noms de Huibu (回部 litt : Région musulmane), Huijiang (回疆 litt : Frontière musulmane), Turkestan chinois, Kashgarie, Petite Boukharie ou Turkestan oriental. Après avoir étouffé la révolte des Dounganes à la fin du XIXe siècle, les Qing fusionnent les deux circuits pour créer la province du Xinjiang en 1884. Depuis lors, le terme de « Xinjiang » est utilisé par la République de Chine, puis la République populaire de Chine pour désigner l'ensemble de la zone et « Xinjiang du Sud » a remplacé « Altishahr » comme nom pour cette région.

Notes et références

  1. David Brophy, Uyghur Nation : Reform and Revolution on the Russia-China Frontier, Harvard University Press, , 319– (ISBN 978-0-674-97046-5, lire en ligne)
  2. ed. Bellér-Hann 2007, p. 5.
  3. Jonathan Neaman Lipman, Familiar strangers : a history of Muslims in Northwest China, University of Washington Press, , 59– (ISBN 978-0-295-80055-4, lire en ligne)
  4. (en) Enze Han, Contestation and adaptation : the politics of national identity in China, Oxford, OUP USA, , 160– (ISBN 978-0-19-993629-8, lire en ligne)
  5. Ildikó Bellér-Hann, Community Matters in Xinjiang, 1880-1949 : Towards a Historical Anthropology of the Uyghur, BRILL, , 39– (ISBN 978-90-04-16675-2 et 90-04-16675-0, lire en ligne)
  6. Justin Jon Rudelson et Justin Ben-Adam Rudelson, Oasis Identities : Uyghur Nationalism Along China's Silk Road, Columbia University Press, , 31– (ISBN 978-0-231-10786-0, lire en ligne)
  7. Justin Jon Rudelson et Justin Ben-Adam Rudelson, Bones in the Sand : The Struggle to Create Uighur Nationalist Ideologies in Xinjiang, China, Harvard University, (lire en ligne), p. 43
  8. René Grousset, The empire of the steppes : a history of central Asia, Rutgers University Press, , 687 p. (ISBN 978-0-8135-0627-2, lire en ligne), p. 344
  9. Newby 2005: 4 n.10
  10. Robert Leroy Canfield, Ethnicity, Authority, and Power in Central Asia : New Games Great and Small, Taylor & Francis, , p. 45
  11. S. Frederick Starr, Xinjiang : China's Muslim Borderland, M.E. Sharpe, , 30– (ISBN 978-0-7656-3192-3, lire en ligne)
  12. Bellér-Hann 2008: 39 nn.7 & 8
  13. Michell 1870, p. 2.
  14. Martin 1847, p. 21.
  15. Fisher 1852, p. 554.
  16. The Encyclopædia Britannica: A Dictionary of Arts, Sciences, and General Literature, Volume 23 1852, p. 681.

Voir aussi

Bibliographie

  • Situating the Uyghurs Between China and Central Asia, Ashgate Publishing, Ltd., (ISBN 0754670414, ISSN 1759-5290, lire en ligne)
  • Ildikó Bellér-Hann, Community Matters in Xinjiang, 1880-1949 : Towards a Historical Anthropology of the Uyghur, Éditions Brill, , 476 p. (ISBN 978-90-04-16675-2 et 90-04-16675-0, lire en ligne)
  • History of Civilizations of Central Asia: Development in contrast : from the sixteenth to the mid-nineteenth century, vol. Volume 5 of History of Civilizations of Central Asia, UNESCO, coll. « Multiple history series », (ISBN 9231038761, lire en ligne)
  • Kwangmin Kim (University of California, Berkeley), Saintly Brokers : Uyghur Muslims, Trade, and the Making of Qing Central Asia, 1696--1814, ProQuest, (ISBN 978-1-109-10126-3 et 1-109-10126-0, lire en ligne)
  • Edme Mentelle, Malte Conrad Brun et Pierre-Etienne Herbin de Halle, Géographie mathématique, physique & politique de toutes les parties du monde, Volume 12, H. Tardieu, (lire en ligne)
  • (en) James A. Millward, Beyond the pass : economy, ethnicity, and Empire in Qing Central Asia, 1759-1864, Stanford (Calif.), Stanford University Press, , illustrated éd., 353 p. (ISBN 0-8047-2933-6, lire en ligne)
  • James A. Millward, Eurasian Crossroads : A History of Xinjiang, Columbia University Press, , illustrated éd., 440 p. (ISBN 978-0-231-13924-3 et 0-231-13924-1, lire en ligne)
  • L. J. Newby, « The Begs of Xinjiang: Between Two Worlds », Cambridge University Press on behalf of School of Oriental and African Studies, vol. 61, no 2, , p. 278–297 (DOI 10.1017/s0041977x00013811, JSTOR 3107653)
  • (en) L.J. Newby, The Empire And the Khanate : A Political History of Qing Relations With Khoqand C1760-1860, Leiden, Éditions Brill, , 297 p. (ISBN 90-04-14550-8, lire en ligne)
  • Xinjiang: China's Muslim Borderland, M.E. Sharpe, (ISBN 0765613182, lire en ligne)

Liens externes

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