Al-Massad
Al-Massad (arabe : ۧÙÙ ŰłŰŻ, français : La Corde torsadĂ©e en fibres) est le nom traditionnellement donnĂ© Ă la 111e sourate du Coran, le livre sacrĂ© de l'islam. Elle comporte 5 versets. RĂ©digĂ©e en arabe comme l'ensemble de l'Ćuvre religieuse, elle fut proclamĂ©e, selon la tradition musulmane, durant la pĂ©riode mecquoise.
111e sourate du Coran La Corde torsadée en fibres | |
Le Coran, livre sacré de l'islam. | |
Informations sur cette sourate | |
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Titre original | ۧÙÙ ŰłŰŻ, Al-Massad |
Titre français | La Corde torsadée en fibres |
Ordre traditionnel | 111e sourate |
Ordre chronologique | 6e sourate |
PĂ©riode de proclamation | PĂ©riode mecquoise |
Nombre de versets (ayat) | 5 |
Ordre traditionnel | |
Ordre chronologique | |
Origine du nom
Bien que ne faisant pas partie de la proclamation, la tradition musulmane a donné comme nom à cette sourate La Corde torsadée en fibres[1], en référence au contenu de son cinquiÚme et dernier verset : « 5. à son cou, une corde de fibres. ».
PĂ©riode de proclamation
Il n'existe Ă ce jour pas de sources ou documents historiques permettant de s'assurer de l'ordre chronologique des sourates du Coran. NĂ©anmoins selon une chronologie musulmane attribuĂ©e Ă ÇŠaÊżfar al-áčąÄdiq (VIIIe siĂšcle) et largement diffusĂ©e en 1924 sous lâautoritĂ© dâal-Azhar[2] - [3], cette sourate occupe la 6e place. Elle aurait Ă©tĂ© proclamĂ©e pendant la pĂ©riode mecquoise, c'est-Ă -dire schĂ©matiquement durant la premiĂšre partie de l'histoire de Mahomet avant de quitter La Mecque[4]. ContestĂ©e dĂšs le XIXe par des recherches universitaires[5], cette chronologie a Ă©tĂ© revue par Nöldeke[6] - [7], pour qui cette sourate est la 3e.
Les sourates de la fin du Coran[Note 1] sont gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©es comme appartenant aux plus anciennes. Elles se caractĂ©risent par des particularitĂ©s propres. Elles sont brĂšves, semblent issues de proclamations oraculaires (ce qui ne signifie pas, pour autant, quâelles en sont des enregistrements), elles contiennent de nombreux hapax[8]...
Pour Nöldeke et Schwally, la quasi-totalitĂ© des sourates 69 Ă 114 sont de la premiĂšre pĂ©riode mecquoise. Neuwirth les classe en quatre groupes supposĂ©s ĂȘtre chronologiques. Bien que reconnaissant leur anciennetĂ©, certains auteurs refusent de les qualifier de « mecquoise », car cela prĂ©suppose un contexte et une version de la genĂšse du corpus coranique qui nâest pas tranchĂ©e. Cette approche est spĂ©culative[8].
En effet, ces textes ne sont pas une simple transcription stĂ©nographique de proclamation mais sont des textes Ă©crits, souvent opaques, possĂ©dant des strates de composition et des rĂ©Ă©critures Cela nâempĂȘche pas ces sourates de fournir des Ă©lĂ©ments contextuels (comme lâattente dâune Fin des Temps imminente chez les partisans de Mahomet). Ces textes sont marquĂ©s par une forme de piĂ©tĂ© tributaire du christianisme oriental[8].
Des divergences apparaissent dans la datation de cette sourate, celle-ci reposant entiĂšrement sur des spĂ©culations sur le lien de ce texte et de la vie de Mahomet. Parmi les chercheurs, certains ont une opinion « traditionnelle » (basĂ©e sur les sources exĂ©gĂ©tiques musulmanes) tandis que dâautres ont une opinion plus « textuelle », câest-Ă -dire prenant davantage en compte le Coran que les interprĂ©tations a posteriori[9] - [Note 2]. PrĂ©mare considĂšre cette sourate comme un fragment Ă©nigmatique quâil est impossible de contextualiser, sauf Ă suivre une interprĂ©tation tardive[9].
Interprétations
Verset 1 : malédiction
Cette sourate est interprĂ©tĂ©e par les explications de Circonstances de la RĂ©vĂ©lation (asbÄb an-nuzĆ«l), traditions tardives visant Ă contextaliser le Coran, comme une malĂ©diction qui vise Abu Lahab, identifiĂ© Ă l'oncle paternel de Mahomet et farouche adversaire de l'islam[9]. Le premier verset possĂšde des parallĂšles intĂ©ressants dans le Talmud[9].
Le nom Abu Lahab signifie « pĂšre de la flamme »[10] ou littĂ©ralement « pĂšre flamme »[9]. Pour la plupart des savants qui suivent encore l'interprĂ©tation traditionnelle[9], il s'agirait d'un surnom donnĂ© Ă l'un des demi-oncles paternels de Mahomet[11]. Celui -ci est l'un de opposants « les plus fĂ©roces du prophĂšte de l'islam ». Son nom serait 'Abd al-UzzĂą b. 'Abd al-Muttalib. Il est surnommĂ© « PĂšre de la flamme », Ă cause du chĂątiment qui le « consumera le Jour du Jugement » et aussi - si nous en croyons la tradition islamique - car son visage avait le teint rougeĂątre (ce qui aurait donc poussĂ© ses proches Ă le surnommĂ© ainsi). Selon les traditions musulmanes, Mahomet aurait entretenu avec lui de bonne relation avant sa mission prophĂ©tique. Deux de ses fils auraient Ă©tĂ© mariĂ©s (ou fiancĂ©s) Ă des filles de Mahomet. Les relations se seraient dĂ©tĂ©riorĂ©es lors de l'exclusion de Mahomet par le clan de BanĂ» Hashim. Selon ce qui ressort des sources et d'allusions coraniques, Abu Lahab serait un notable qui craignait que la rĂ©forme de Mahomet ne brise que la stabilitĂ© religieuse sociale et Ă©conomique de La Mecque[11]. Selon des traditions divergentes, il aurait soit jetĂ© des pierres sur Mahomet, soit l'aurait maudit[9]. Au mĂȘme titre que Abu Jahl, Abu Lahab serait mort lors de la bataille de Badr menĂ©e contre Mahomet[11]. Pour Lohmann, le surnom apparait avec cette sourate, elle ne lui est pas antĂ©rieure[12].
NĂ©anmoins, pour Neuenkirchen, ce texte peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme une malĂ©diction contre des personnes historiques, si l'on suit la lecture traditionnelle, ou contre l'homme pĂ©cheur en gĂ©nĂ©ral si on s'attache seulement au Coran[9]. Cette forme « pĂšre+nom » est utilisĂ©e rĂ©guliĂšrement en arabe pour dĂ©signer un objet ou une qualitĂ© (abu-jabir, « pĂšre qui restaure », signifie le « pain »). Cela permettrait d'y reconnaĂźtre une portĂ©e gĂ©nĂ©rale[9]. Pour Dye, « Un verset (Q 111 :1) parle dâAbĆ« Lahab, « le pĂšre de la flamme », que la tradition musulmane identifie Ă un oncle du ProphĂšte. On peut cependant comprendre cette sourate diffĂ©remment : le texte parle simplement dâun homme (et de sa femme), pris dans le feu de lâenfer. »[10] Pour PrĂ©mare, les Circonstances de la RĂ©vĂ©lation ont pour but d'expliquer a posteriori cette sourate qui reste Ă©nigmatique[9]. Van Reeth considĂšre le cas d'Abu Lahab comme « Ă©nigmatique » et son historicitĂ© sujette Ă controverse[13].
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- P. Neuenkirchen, "Sourate 111", Le Coran des Historiens, 2019, p. 2295 et suiv.
- R. Paret, Der Koran. Kommentar und konkordanz, 1980[Note 1].
Liens externes
- Texte de la sourate 111 en français, d'aprĂšs la traduction de Claude-Ătienne Savary de 1783.
Notes et références
Notes
- Lâauteur prĂ©cise que ces remarques, si elles sont dans une partie consacrĂ©e aux sourates 69 Ă 99, sâappliquent aussi aux sourates 100 Ă 114.
- Les islamologues ont utilisĂ© plusieurs approches pour tenter de dater les diffĂ©rentes sourates du Coran. Paret et Neuwirth appartiennent Ă lâ« Ă©cole allemande » qui, Ă la suite de Nöldeke, sâappuie sur la chronologie traditionnelle et sur un rĂ©cit « laĂŻcisĂ© » des traditions musulmanes. Autrefois dominant dans les Ă©tudes islamologiques, ce paradigme nöldekien n'est plus qu'« en partie prĂ©sent ». Les auteurs du Coran des historiens appartiennent davantage Ă lâautre courant (dit « sceptique ») qui prend davantage en compte une critique des sources traditionnelles. Voir : Historiographie de l'islam et du Coran
Références
- A. Chouraqui, Le Coran : L'appel, France, Robert Laffont, , 625 p. (ISBN 2221069641)
- G.S. Reynolds, « Le problÚme de la chronologie du Coran », Arabica 58, 2011, p. 477-502.
- R. BlachĂšre, Introduction au Coran, p. 244.
- R. BlachĂšre, Le Coran, 1966, p. 103.
- M. Azaiez, « Chronologie de la Révélation »
- G. Dye « Le Coran et son contexte Remarques sur un ouvrage récent », Oriens Christianus no 95, 2011, p. 247-270.
- E. Stefanidis, « The Qur'an Made Linear: A Study of the Geschichte des Qorùns' Chronological Reordering », Journal of Qur'anic Studies, X, II, 2008, p. 13.
- G. Dye, « Introduction aux sourates 69-99 », Le Coran des historiens, 2019, p. 1789 et suiv.
- P. Neuenkirchen, « Sourate 111 », Le Coran des historiens, t.2b, 2019, p. 2295 et suiv.
- Lieux saints communs, partagés ou confisqués : aux sources de quelques péricopes coraniques (Q 19 : 16-33), dans Isabelle Dépret & Guillaume Dye (éds), Partage du sacré : transferts, dévotions mixtes, rivalités interconfessionnelles, p. 55-121
- Bar-Asher M., "Abu Lahab", Dictionnaire du Coran, 2007, Paris, p. 18-19.
- Theodor Lohmann, « AbĆ« Lahab: Ăbersetzung und ErklĂ€rung von Sure 111 », Zeitschrift fĂŒr Religions- und Geistesgeschichte, vol. 18, no 4,â , p. 326â348 (ISSN 0044-3441, lire en ligne, consultĂ© le )
- J. Van Reeth, « Sourate 33 », Le Coran des Historiens, t.2b, 2019, p. 1119 et suiv.