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Akazu

L'Akazu (maisonnée en kinyarwanda) est le surnom dont les Rwandais désignaient avant 1994 l'entourage proche de Juvénal Habyarimana, président de la république du Rwanda et surtout de son épouse Agathe Habyarimana et des frères de celles-ci, en raison du train de vie et du comportement de ces personnalités. Ce nom désignait dans le Rwanda précolonial le premier cercle de la Cour du Roi.

Ce terme fait ainsi référence au cercle de proches du président Habyarimana, impliqués de différentes manières dans la perpétration du génocide des Tutsi au Rwanda. Plusieurs de ces personnes ont été depuis condamnées du fait de leur implication dans ledit génocide.

Avant 1994

La population rwandaise soumise à un appauvrissement à la fin des années 1980 acceptait de plus en plus mal les détournements que l'Akazu effectuait à son profit : utilisation du travail traditionnel (l'umaganda) à titre privé, escroquerie de Gebeka consistant à détourner les bénéfices d'un projet de production de lait financé sur fonds publics. En 1988, le colonel Stanislas Mayuya, potentiel successeur du président Habyarimana, dont les prises de position menaçaient l'Akazu, était assassiné, ainsi que son meurtrier et les hommes chargés de l'enquête[1].

Ces scandales répétés contribuèrent à affaiblir le régime au début des années 1990, déjà confronté à la guerre civile. En , un proche d'Habyarimana, Christophe Mfizi, démissionna du parti présidentiel, le MRND, en accusant l'Akazu, qu'il appelait « le réseau zéro », d'avoir pris le contrôle de l'État qu'il exploitait pour son propre profit[2] - [3] - [4]. Selon un rapport international de 1993, plusieurs membres de l'entourage du président Habyarimana organisent les massacres, les assassinats individuels, les affrontements et les perturbations d'activités d'autres partis, qui se développent à partir de 1992[5].

Accusation relative au génocide et verdict final

L’Akazu était formé des proches parents et de Habyarimana, qui détenaient les principaux postes ministériels et économiques du pays[6] - [7]. Il se constitue en particulier autour de la Première dame Agathe Habyarimana[8]. En verrouillant strictement le pouvoir et grâce au contrôle étroit exercé à tous les échelons de l'administration, jusqu'au niveau communal, le régime mis en place par l'État aurait grandement facilité le génocide puisque tous les éléments susceptibles de s'opposer au pouvoir central auraient été systématiquement écartés. L'existence de l'Akazu a été reconnue « au-delà de tout doute raisonnable » par une chambre du TPIR[9].

Principaux membres de l'Akazu

Les principaux membres de l'Akazu Ă©taient[1]:

  • Agathe Habyarimana, la femme du prĂ©sident, n'a jamais Ă©tĂ© fonctionnaire de l’État ; son cas n'a pas Ă©tĂ© examinĂ© en justice. Le Conseil d'État français, dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile[10], souligne « l'existence de raisons sĂ©rieuses de penser [qu'elle] aurait commis un crime au sens du a) de l'article 1er F de la convention de Genève, alors mĂŞme qu'elle avait quittĂ© le Rwanda le », en se fondant « sur le rĂ´le central de l'intĂ©ressĂ©e au sein d'un rĂ©gime au pouvoir avant le qui avait prĂ©parĂ© et planifiĂ© le gĂ©nocide ainsi que sur ses agissements personnels dans la pĂ©riode dĂ©cisive du dĂ©clenchement du gĂ©nocide entre le 6 et le et sur les liens qu'elle a ensuite continuĂ© Ă  entretenir avec les auteurs du gĂ©nocide ». Il prĂ©cise que « l'existence de raisons sĂ©rieuses de penser que la requĂ©rante s'est rendue coupable des agissements qui lui sont reprochĂ©s » n'est pas subordonnĂ©e au fait qu'elle « n'aurait pas exercĂ© de fonctions officielles et ne ferait pas l'objet de poursuites ».
  • Protais Zigiranyirazo, frère d'Agathe Habyarimana et ancien prĂ©fet de Ruhengeri jusqu'en 1998[11]. Il a Ă©tĂ© condamnĂ© en première instance Ă  20 ans de prison pour sa participation aux massacres du sur la colline de Kesho dans la prĂ©fecture de Gisenyi et celle d'avoir aidĂ© et encouragĂ© le gĂ©nocide les 12 et Ă  l'occasion des tueries perpĂ©trĂ©es au barrage routier Kiyovu de Kigali. Cette condamnation a Ă©tĂ© annulĂ©e par les juges d'appel le qui l'ont acquittĂ©. Ils ont en effet estimĂ© que les juges de première instance s'Ă©taient gravement fourvoyĂ©s dans leur enquĂŞte et que les condamnations portĂ©es contre Zigiranyirazo dans ces deux affaires violaient les principes Ă©lĂ©mentaires et fondamentaux de la justice[12].
  • Élie Sagatwa, cousin d'Agathe Habyarimana[13] et secrĂ©taire particulier du prĂ©sident Habyarimana, n’avait pas un poste de dĂ©cision. Il est mort en mĂŞme temps que le prĂ©sident dans l’attentat du .
  • SĂ©raphin Rwabukumba, cousin d'Agathe Habyarimana, Ă©tait directeur gĂ©nĂ©ral de la SociĂ©tĂ© la Centrale (importante sociĂ©tĂ© d'import de riz) Ă  Kigali en 1994[14].
  • ThĂ©oneste Bagosora, directeur de cabinet du ministre de la DĂ©fense, condamnĂ© en 2011 par le TPIR Ă  30 ans de prison pour gĂ©nocide et divers crimes commis par ses subordonnĂ©s. Il a nĂ©anmoins Ă©tĂ© acquittĂ© du chef d'accusation d'entente en vue de commettre un gĂ©nocide.
  • FĂ©licien Kabuga, homme d’affaires puissant considĂ©rĂ© comme le « financier » du rĂ©gime[15]. Il est arrĂŞtĂ© en en France, alors qu'il vivait sous une fausse identitĂ©[16].
  • Aloys Ntiwiragabo, chef des renseignements militaires rwandais (G2) Ă  partir de 1993 et chef d’état-major adjoint de l’armĂ©e rwandaise[17] - [18]. Le Tribunal pĂ©nal international lui attribue notamment la confection d'une liste des « « ennemis » dĂ©finis comme « le Tutsi de l’intĂ©rieur et de l’extĂ©rieur », mais Ă©galement des opposants ou des personnes considĂ©rĂ©es comme trop modĂ©rĂ©es »[17] - [19]. Richard Mugenzi, qui travaille au sein du G2, quand ce service de renseignements Ă©tait dirigĂ© par Ntiwiragabo, le dĂ©crit comme un « fanatique »[17]. ValĂ©rie Bemeriki, qui travaille Ă  l'Ă©poque pour la radio RTLM, qui diffuse des messages appelant Ă  l'Ă©limination des Tutsis[20], le dĂ©crit comme l'un des trois principaux intervenants qui « venaient voir le PDG pour lui confier les communiquĂ©s Ă  passer »[17]. Mediapart, qui a enquĂŞtĂ© sur Aloys Ntiwiragabo, le qualifie de « pilier prĂ©sumĂ© du gĂ©nocide des Tutsis », rĂ©vĂ©lant qu'il fait partie des onze individus dĂ©signĂ©s par le procureur du TPIR comme « [s'Ă©tant entendus] entre eux et avec d’autres pour Ă©laborer un plan dans l’intention d’exterminer la population civile tutsi et d’éliminer les membres de l’opposition et de se maintenir au pouvoir. »[17]. Une enquĂŞte prĂ©liminaire est ouverte le , pour « crimes contre l’humanitĂ© » contre Aloys Ntiwiragabo[21] - [22] - [23].

Notes et références

  1. Mission d'information sur le Rwanda, Le contexte politique intérieur rwandais/Une difficile démocratisation (1990-1992)/Un régime affaibli.
  2. Christophe Mfizi, Le réseau z&ro, Kigali, 1992
  3. Filip Reyntjens, L'Afrique des Grands Lacs en crise, Rwanda et Burundi (1988-1994), Karthala (1994), p. 189-190
  4. HRW, FIDH, Aucun témoin ne doit survivre, le génocide au Rwanda, Karthala (1999), p. 58-59
  5. Rapport de la commission internationale d'enquĂŞte sur les violations des droits de l'homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990, (7-21 janvier 1993)
  6. HRW, FIDH, Aucun témoin ne doit survivre, Karthala (1999), p. 58-59.
  7. Filip Reyntjens, L'Afrique des grands lacs en crise, Rwanda et Burundi (1988-1994), Karthala (1994), p. 189-190.
  8. Pierre Lepidi et Piotr Smolar, « Avant le génocide des Tutsi au Rwanda, la France a reçu des alertes claires et régulières », sur Le Monde, (consulté le ).
  9. [PDF] TPIR, Ch. 1e instance III, Le Procureur c. Protais Zigiranyirazo , jugement, p. 34, § 103 [lire en ligne (page consultée le 14 juillet 2021)].
  10. Conseil d'État, 10e et 9e sous-sections réunies, 16/10/2009, n°311793.
  11. Agence Reuters, « Pas de visa en France pour un ex-dignitaire Hutu rwandais », sur Mediapart (consulté le )
  12. Le tribunal n'avait pas tenu compte dans son verdict des principes juridiques qui gouvernent la répartition du poids de la preuve face aux alibis de la défense, et a sérieusement erré dans sa façon de prouver la culpabilité « http://fr.hirondellenews.com/content/view/14540/326/ hirondellenews.com »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  13. Gaspard Muzabyimana, Rwanda, le mythe des mots, recherche sur le concept « akazu » et ses corollaires, p. 21
  14. Selon Filip Reyntjens, lors des massacres du Bugesera en 1992, Séraphin Rwabukumba et le ministre Joseph Nzirorera avaient fourni l'essence pour conduire l'opération. cf Mission d'information sur le Rwanda, Le contexte politique intérieur rwandais/Le gouvernement de coalition (avril 1992-juin 1993)/L’inquiétante structuration de la violence politique/Les massacres du Bugesera.
  15. « Enquête sur le financement du génocide au Rwanda : Félicien Kabuga, le grand argentier des massacres », lemonde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. « Félicien Kabuga, l’un des principaux accusés du génocide rwandais, arrêté en France », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. Théo Englebert, « Aloys Ntiwiragabo, pilier présumé du génocide des Tutsis, se terre en France », sur Mediapart (consulté le )
  18. Maria Malagardis, « Rwanda : «Il y aurait une centaine de génocidaires supposés en France» », sur Libération.fr, (consulté le )
  19. 17 mai 2011 - Jugement Portant Condamnation - TPIR, page 13.
  20. Joseph Confavreux, « Les archives sonores de Radio 1000 collines », sur Mediapart (consulté le )
  21. « Rwanda: enquête ouverte en France pour «crimes contre l’humanité» contre un ancien haut responsable rwandais », sur rfi.fr (consulté le )
  22. « Génocide rwandais : enquête ouverte contre Aloys Ntiwiragabo pour "crimes contre l'humanité" », sur France 24, (consulté le )
  23. Par Le Parisien avec AFPLe 25 juillet 2020 à 19h14, « Crimes contre l’humanité : un ex-haut responsable rwandais, caché en France, visé par une enquête », sur leparisien.fr, (consulté le )
  24. Stéphanie Maupas, « Les experts », dans Stéphanie Maupas (dir.), Juges, bourreaux, victimes : Voyage dans les prétoires de la justice internationale, Paris, Autrement, , 192 p. (ISBN 978-2-7467-1207-2), p. 76-87, spéc. p. 85
  25. Gaël Le Roux, « Pauline Nyiramasuhuko, le visage féminin du génocide », sur France 24, (consulté le )
  26. Isabelle Delpla, « Les femmes et le droit (pénal) international », Clio. Femmes, genre, histoire, Belin, vol. 39, no 1,‎ , p. 183-204, spéc. p. 190
  27. « TPIR : peines réduites en appel dans le dernier procès », sur www.justiceinfo.net, (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

On trouvera une bibliographie détaillée sur le génocide des Tutsi du Rwanda ici : Bibliographie et filmographie sur le génocide des Tutsi au Rwanda

  • (en) Samuel Totten, Paul Robert Bartrop et Steven L. Jacobs, « Akazu », in Dictionary of Genocide: A-L, ABC-CLIO, 2008, p. 7 (ISBN 9780313346422)
  • (en) Andrew Wallis, Stepp'd in blood. Akazu and the Architects of the Rwandan Genocide Against the Tutsi, Zero Books, 2019, 726 p.

Liens externes

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