Agis IV
Agis IV (en grec ancien áŒÎłÎčÏ) est nĂ© en 265 et mort en 241.
Roi de Sparte |
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Agis IV est le fils aĂźnĂ© de Eudamidas II. Il est le 24e roi de la dynastie des Eurypontides. Il est roi de Sparte de 244 Ă On peut considĂ©rer quâil est le plus cĂ©lĂšbre des rois qui aient portĂ© ce nom. Il monte sur le trĂŽne en Il tente de rĂ©former Sparte pour lui rendre la puissance qui Ă©tait autrefois la sienne. Agis essaye de remettre en vigueur les lois de Lycurgue notamment en proposant d'abolir les dettes et de faire un nouveau partage des terres. Incapable de rĂ©aliser ses rĂ©formes Ă temps, il est contraint de quitter Sparte pour mener une guerre contre les Ătoliens. En son absence, une contre-rĂ©volution porte ses ennemis au pouvoir qui rappellent LĂ©onidas II, son principal adversaire. Ă son retour, Agis se rĂ©fugie dans le temple d'AthĂ©na Chalkioikos, mais les Ă©phores finissent par lâisoler et il est assassinĂ© Ă l'automne avec sa mĂšre et sa grand-mĂšre qui l'avaient soutenu. La postĂ©ritĂ© a reconnu Agis IV comme Ă©tant un idĂ©aliste Ă qui il a manquĂ© une certaine forme de rĂ©alisme pour imposer ses rĂ©formes. Le successeur dâAgis sur le trĂŽne fut son fils Eudamidas III.
Les conditions de l'accession au pouvoir
Agis succĂšde Ă son pĂšre en devenant roi en 245 Ă lâĂąge dâenviron 20 ans. On sait que son rĂšgne a durĂ© quatre annĂ©es. LâintĂ©rĂȘt de son rĂšgne provient de son action contre la crise intĂ©rieure que Sparte rencontre Ă lâĂ©poque de sa succession. Sparte est soumise Ă un processus dâoliganthropie qui se traduit par un nombre de plus en plus restreint de citoyens. On constate aussi la dĂ©gĂ©nĂ©rescence de ses institutions traditionnelles comme lâagogĂš en lien avec lâafflux de richesses et de luxe concentrĂ©s entre les mains de quelques oligarques, ce qui a pour consĂ©quence que le mode de vie spartiate sâest Ă©loignĂ© de la simplicitĂ© et de lâaustĂ©ritĂ© des anciennes mĆurs lacĂ©dĂ©moniennes et que cela entraĂźne lâimportation de vices et des inĂ©galitĂ©s matĂ©rielles. De ce fait, Sparte connaĂźt une crise sociale dâenvergure.
Au milieu du IVe siĂšcle av. J.-C., le nombre de citoyens dâancienne souche spartiate, possĂ©dant encore la pleine citoyennetĂ©, est minoritaire. Câest lâune des consĂ©quences de lâinnovation introduite par Epitadeus qui met un terme Ă la loi qui garantissait Ă tous les chefs de famille spartiates de possĂ©der une part Ă©gale de terre (kleros). Par consĂ©quent, la propriĂ©tĂ© terrienne passe dans les mains dâun petit nombre dâindividus, de sorte quâune centaine de familles spartiates possĂšdent encore des lots de terre, tandis que les pauvres sont accablĂ©s par les dettes.
Une volonté de réformes pacifiques
Les historiens estiment que le projet dâAgis pour Sparte ne comprend originellement pas de rĂ©volution institutionnelle. En effet, Agis nâenvisage pas de supprimer lâĂ©phorat ni la double monarchie. Pour donner du crĂ©dit Ă cette idĂ©e, on constate que lorsquâil destitue son rival LĂ©onidas, il sâempresse de le faire remplacer. De façon gĂ©nĂ©rale, Agis aurait prĂ©fĂ©rĂ© mener des rĂ©formes pacifiques dans un cadre lĂ©gal.
On sait qu'Agis IV depuis son jeune Ăąge a montrĂ© son attachement aux traditions spartiates. Cet attachement au passĂ© le conduit Ă entamer des rĂ©formes pour mettre fin aux abus et rĂ©tablir les institutions de Lycurgue, le lĂ©gislateur originel et mythique de Sparte. Agis se soucie moins du pouvoir que de la rĂ©volution sociale qui doit sauver Sparte. Pour ce faire, il propose lâabolition de toutes les dettes et un nouveau partage des terres. Lâautre dimension de son programme de rĂ©forme est de vouloir donner des terres aux PĂ©riĂšques qui dans la GrĂšce antique sont les habitants libres mais non citoyens de la Laconie et de la MessĂ©nie.
Pour mener Ă bien ces rĂ©formes, Agis rĂ©ussit Ă obtenir le soutien de deux personnes trĂšs influentes. L'une d'elles est son oncle AgĂ©silas (en), un homme possĂ©dant de grandes propriĂ©tĂ©s, mais qui Ă©tait profondĂ©ment impliquĂ© dans les mĂ©canismes des crĂ©ances, dont il espĂšre ĂȘtre libĂ©rĂ© avec les innovations dâAgis. Lâautre alliĂ© de cette rĂ©volution pacifique, câest Lysandre (un descendant du vainqueur de la bataille dâAigos Potamos qui fut le dernier engagement majeur de la guerre du PĂ©loponnĂšse).
Agis permet Ă Lysandre dâĂȘtre Ă©lu parmi les Ă©phores. Ce dernier expose ses intentions devant la gĂ©rousie. Il dĂ©fend le programme dâAgis dont lâabolition des dettes fait partie. Il propose que le territoire spartiate soit divisĂ© en deux parties, la premiĂšre se composant de 4 500 lots Ă©gaux, Ă diviser parmi les Spartiates eux-mĂȘmes dont les rangs allaient grossir grĂące Ă lâadmission dans le corps civique des plus respectables des PĂ©riĂšques ; lâautre partie Ă©tant composĂ©e de 15 000 lots Ă©gaux Ă diviser parmi les PĂ©riĂšques restants. Les rĂ©formes paraissent rĂ©pondre plus Ă des prĂ©occupations militaires quâĂ un Ă©ventuel idĂ©al Ă©galitaire, puisquâon redistribue les terres principalement aux citoyens.
LâĂ©phore Lysandre prĂ©sente le projet Ă la gĂ©rousie qui ne rĂ©ussit pas Ă se mettre dâaccord sur cette question des rĂ©formes. Ce quâil faut entendre, câest que les votes sont partagĂ©s, ce qui a comme consĂ©quence quâaucune majoritĂ© ne peut ĂȘtre dĂ©gagĂ©e. Par consĂ©quent, Lysandre convoque une assemblĂ©e du peuple Ă laquelle Agis soumet ses mesures. Agis consent Ă faire le premier sacrifice, en renonçant Ă ses propres terres et Ă son argent. Dans la continuitĂ©, Agis affirme que sa famille qui possĂšde beaucoup de richesses, ainsi que des relations et des soutiens politiques, suivra son exemple. Sa gĂ©nĂ©rositĂ© entraĂźne les applaudissements de la foule. LâassemblĂ©e est favorablement impressionnĂ©e par la gĂ©nĂ©rositĂ© du roi. Ce programme est chaleureusement accueilli par les classes les plus pauvres et par les jeunes gĂ©nĂ©rations. Cependant cette volontĂ© de rĂ©forme pacifique est vigoureusement contestĂ©e par les tenant de lâoligarchie fonciĂšre.
Le coup d'Ătat
Cependant le parti des oligarques, dirigĂ© par LĂ©onidas II, qui Ă©tait lâautre monarque de la dynastie des Agiades, obtient de la gĂ©rousie le rejet des rĂ©formes, mais seulement par une voix dâavance. On sait que LĂ©onidas II avait adoptĂ© des mĆurs et des habitudes luxueuses valables lors de son passage Ă la cour des SĂ©leucides. LĂ©onidas faisant obstacle Ă ses rĂ©formes, Agis IV dĂ©cide de se dĂ©barrasser de cet opposant. Arguant dâune vieille loi interdisant de se marier avec une Ă©trangĂšre, LĂ©onidas est par consĂ©quent accusĂ© d'avoir violĂ© les lois en Ă©pousant une femme perse. On lui reproche aussi le fait dâavoir vĂ©cu dans un pays Ă©tranger. LĂ©onidas est dĂ©chu et sa succession est assurĂ©e par son gendre ClĂ©ombrote qui coopĂšre avec Agis.
Cependant, peu de temps aprĂšs, le mandat dâĂ©phore de Lysandre arrive Ă son terme et les Ă©phores de lâannĂ©e suivante sont des opposants Ă Agis. Ils cherchent Ă restaurer le pouvoir de LĂ©onidas. Ils lancent une accusation Ă lâencontre de Lysandre en affirmant que ce dernier a tentĂ© de violer les lois de par son action. AlarmĂ© par la tournure des Ă©vĂ©nements, Lysandre convainc Agis de prendre une initiative sans prĂ©cĂ©dent qui consiste Ă dĂ©poser les Ă©phores par la force et Ă en nommer dâautres Ă la place. Pour ce faire, Lysandre invente la thĂšse de la prĂ©dominance des deux rois sur les Ă©phores. Il sâagit dâun vĂ©ritable coup dâĂtat dont le caractĂšre rĂ©volutionnaire est marquĂ© par le fait quâon arme de nombreux jeunes gens, mais contrairement Ă toute attente, on ne tue personne.
LĂ©onidas sâenfuit Ă TĂ©gĂ©e tout en Ă©tant protĂ©gĂ© dâAgis par AgĂ©silas. Ce dernier rĂ©ussit Ă persuader Agis et Lysandre que le moyen le plus efficace d'obtenir le consentement des riches Ă la redistribution de leurs terres serait de commencer par annuler les dettes. En consĂ©quence, les dettes sont annulĂ©es et toutes les obligations, les registres et les titres sont entassĂ©s sur la place du marchĂ© et brĂ»lĂ©s. RĂ©trospectivement lâabolition des dettes est le seul point du programme de rĂ©formes dâAgis qui a Ă©tĂ© appliquĂ©e.
Perte de soutien et l'échec des réformes
Cependant lâanaplĂšrĂŽsis, câest-Ă -dire lâextension du corps civique, nâest pas rĂ©alisĂ©. Selon Plutarque, le retard est imputable Ă lâĂ©phore AgĂ©silas, un grand propriĂ©taire endettĂ© qui avait intĂ©rĂȘt Ă une abolition des dettes, mais non Ă un nouveau partage des terres. Les choses semblent ĂȘtre plus compliquĂ©es en rĂ©alitĂ©, parce que certains Spartiates ayant rĂ©cupĂ©rĂ©s leurs terres hypothĂ©quĂ©es ne souhaitent plus une redistribution des terres qui aurait tournĂ© Ă leur dĂ©savantage.
AgĂ©silas, Ă©tant parvenu Ă ses fins, câest-Ă -dire Ă lâabolition des crĂ©ances, trouve divers prĂ©textes pour retarder le partage des terres. Pendant ce temps-lĂ , les AchĂ©ens assistent Sparte contre les Ătoliens. Agis est donc envoyĂ© Ă la tĂȘte d'une armĂ©e. La tactique prudente de Aratos de Sycione ne laisse aucune occasion Ă Agis pour se distinguer au combat. Cependant Agis gagne une certaine rĂ©putation pour l'excellente discipline de ses troupes.
Le problĂšme, câest quâen son absence, AgĂ©silas provoque la colĂšre des classes les plus pauvres par le report systĂ©matique de la division des terres. LâimpopularitĂ© dâAgĂ©lisas et lâabsence dâAgis qui mĂšne une guerre loin de Sparte permettent aux adversaires de la rĂ©forme de rappeler LĂ©onidas, qui, du coup, nomme de nouveaux Ă©phores. Par consĂ©quent, les pauvres ne font aucune rĂ©sistance lorsque les ennemis d'Agis remettent ouvertement en place LĂ©onidas II sur le trĂŽne. Agis fuit avec pour refuge le temple d'AthĂ©na Chalkioikos Ă Sparte.
LâĂ©chec dâAgis sâexplique par des causes conjoncturelles. Son refus de la violence a permis Ă ses opposants de se rĂ©organiser. Une application trop lente de la rĂ©forme nâa pas permis de crĂ©er de nouveaux citoyens qui auraient pu le soutenir. Enfin, les soutiens politiques sur lesquels reposent les rĂ©formes Ă©taient insuffisants. En effet, la grande majoritĂ© des femmes qui dĂ©tenaient des terres nâĂ©tait guĂšre sensible Ă lâidĂ©al guerrier dâAgis. Enfin, il y avait quelque chose dans la rĂ©forme elle-mĂȘme qui ne plaisait pas, notamment parce que lâaccroissement du nombre de citoyens pose un problĂšme pour les anciens citoyens qui ainsi devenaient minoritaires. Le conservatisme spartiate nâĂ©tait pas prĂȘt pour des rĂ©formes de cette envergure.
Exécution
En 241 av. J.-C., Agis est trahi par des amis lorsquâil quitte le sanctuaire pour prendre un bain. Agis est jetĂ© en prison. LĂ©onidas vient immĂ©diatement avec une bande de mercenaires et entoure la prison tandis que les Ă©phores entrent et organisent un simulacre de procĂšs. Lors de ce procĂšs, Agis rĂ©pond aux accusations en arguant du fait quâil a cherchĂ© Ă suivre et imiter Lycurgue pour revenir Ă la constitution originelle de Sparte. Lorsqu'on lui demande sâil se repent pour ce quâil a commis, Agis rĂ©pond qu'il ne devait jamais se repentir d'un si grand dessein, mĂȘme en face de la mort[1]. Il est condamnĂ© et exĂ©cutĂ© rapidement par strangulation, notamment parce que les Ă©phores craignaient une opĂ©ration de sauvetage, Ă©tant donnĂ© le fait quâune foule importante de gens sâĂ©tait rassemblĂ©e autour des portes de la prison.
Agis, observant que l'un de ses bourreaux est Ă©mu aux larmes, dĂ©clare : « Mon ami, cesse de pleurer sur moi, car subissant une mort si contraire aux lois et Ă la justice, je vaux mieux que mes meurtriers »[1]. Sa mĂšre AgĂ©sistrata et sa grand-mĂšre Archidamia Ă la suite dâune manipulation sont Ă©tranglĂ©es de la mĂȘme façon parce que, partageant les idĂ©es de Agis, elles devaient subir le mĂȘme traitement[1].
HĂ©ritage
Agis IV fut le premier roi de Sparte Ă avoir Ă©tĂ© mis Ă mort par les Ă©phores. Sa veuve Agiatis est mariĂ©e de force par Leonidas Ă son fils ClĂ©omĂšne III. Ce mariage forcĂ© nâempĂȘche pas les deux de dĂ©velopper lâun pour l'autre une affection et une estime rĂ©ciproque. ConsidĂ©rĂ© par de nombreux auteurs comme Ă©tant trop faible et accommodant pour faire face aux problĂšmes auxquels il Ă©tait confrontĂ©, Agis se caractĂ©rise par une sincĂ©ritĂ© de ses desseins et un mĂ©lange de jeunesse et de modestie qui siĂ©ent Ă sa dignitĂ© royale. Ces qualitĂ©s tendent Ă faire de lui le personnage le plus agrĂ©able de toute l'histoire de Sparte.
Sa vie et sa mort ont Ă©tĂ© une source dâinspiration romantique pour plusieurs auteurs de lâAntiquitĂ©. Il est le sujet dâune biographie perdue de Phylarque qui a apparemment beaucoup influencĂ© Plutarque lorsquâil rĂ©dige sa propre biographie dâAgis. Le texte de Plutarque nous propose un portrait idĂ©alisĂ© de Agis IV notamment parce quâil se fonde sur le texte de Phylarque. Les historiens considĂšrent qu'Agis IV fut le concepteur de la rĂ©volution rĂ©alisĂ©e par ClĂ©omĂšne III quelques annĂ©es plus tard.
Bibliographie
- J-A., de Foucault, E., Foulon, tome III, livre III Polybe, Paris, les Belles Lettres, 2004.
- Dimitri Kitsikis, áŒÎłÎčÏ ÎÎ, ᜠÏÏῶÏÎżÏ ÏÎżÏÎčαλÎčÏÏáœŽÏ áŒĄÎłÎÏηÏ-ÎŒÎŹÏÏÏ ÏÎ±Ï ÏοῊ áŒÎ»Î»Î·ÎœÎčÎșοῊ ÏÏÏÎżÏ ,΀ÏÎŻÏÎż ÎÎŹÏÎč, n° 165, octobre 2008, pp.52-59.(Agis IV, le premier dirigeant-martyre socialiste de l'espace grec)
- E., Levy, Sparte : Histoire politique et sociale jusquâĂ la conquĂȘte romaine, Ăditions du Seuil, Juin 2003.
- P., Cartledge et Antony Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta: A Tale of Two Cities, seconde Ă©dition, 1992.
- Plutarque, Vie, tome XI : Agis et CléomÚne-Les Gracques, texte établi et traduit par R. FlaceliÚre et E. Chambry, Paris, les belles lettres, 2003.
Références
- Plutarque
Source
- Cet article comprend des extraits du Dictionnaire Bouillet. Il est possible de supprimer cette indication, si le texte reflÚte le savoir actuel sur ce thÚme, si les sources sont citées, s'il satisfait aux exigences linguistiques actuelles et s'il ne contient pas de propos qui vont à l'encontre des rÚgles de neutralité de Wikipédia.