Affaire des barbouzes de la DGSE
L'affaire des barbouzes de la DGSE est une affaire criminelle qui met en cause deux gardiens du camp de Cercottes (de la Direction générale de la Sécurité extérieure) qui auraient exécuté des assassinats rémunérés pour différents commanditaires. Le premier de ces contrats est mené à son terme en 2018, par l'assassinat de Laurent Pasquali.
Les enquêteurs envisagent l'hypothèse de leur participation dans une dizaine d'affaires (toutes n'ayant pas forcément conduit à des meurtres) comme la surveillance d'un concurrent à la mairie de Saint-Maur-des-Fossés en 2014 par le maire alors en place, Henri Plagnol mais aussi la tuerie de Chevaline.
Chronologie des différentes affaires
2012 : tuerie de Chevaline
La tuerie de Chevaline est un quadruple assassinat mystérieux le sur le bord d'un chemin forestier situé sur la commune de Doussard, à la limite de la commune de Chevaline.
En , la police retrouve chez le commanditaire présumé du projet d'assassinat de Marie-Hélène Dini, Jean-Luc Avella Bagur, des munitions de Luger P06. Ces munitions sont rares et ont été utilisées lors de la tuerie de Chevaline. Cette découverte entraîne le réexamen du dossier pour tenter de faire le lien entre les deux affaires[1] - [2] - [3] - [4].
2014 : affaire Henri Plagnol
Henri Plagnol, qui fut secrétaire d’Etat de Jacques Chirac, aurait fait appel, avant les municipales de 2014 à Saint-Maur-des-Fossés, à la même cellule de barbouzes pour faire surveiller son concurrent, Sylvain Berrios qui est, à la suite de ces élections devenu maire. Par la suite, Henri Plagnol est condamné en 2017 à un an de prison avec sursis et trois ans d’inéligibilité. Il a été considéré comme complice d’un système de fausses factures payées par la mairie de Saint-Maur à une filiale de Bygmalion, la société impliquée dans la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012[5].
Les enquêteurs semblent aussi faire un lien avec l'agression de Jean-François Le Helloco, ami de Sylvain Berrios. Un matin d', le conseiller départemental Jean-François Le Helloco est attaqué par deux hommes cagoulés dans le jardin de sa maison de Saint-Maur. S'ensuit une pluie de coups, des injonctions « Faut que tu arrêtes ! » et une photo souvenir[6].
2018 : meurtre de Laurent Pasquali
Laurent Pasquali, pilote automobile, disparaît inexplicablement en 2018 à Levallois. Le , un crâne et des ossements humains sont découverts dans un bois à Cistrières. Ils ne sont pas immédiatement identifiés[7]. On apprend par la suite qu'il s'agit du corps de Laurent Pasquali. Il a été abattu[8] et enterré dans ce bois en Haute-Loire[9] - [10] - [11]. Laurent Pasquali aurait touché 200 000 euros pour apposer un logo sur sa voiture de rallye durant les courses et n'aurait pas respecté les termes du contrat[12].
Le 23 janvier 2023, RTL révèle qu'un policier, en poste au sein la Direction générale de la Sécurité intérieure, a reconnu en garde à vue avoir fourni l’adresse privée du pilote de rallye[13]. Il est aussi suspecté d’avoir effectué, en 2014, des surveillances et photographies de Sylvain Berrios, maire de Saint-Maur-des-Fossés[14].
2020 : affaire du syndicaliste d'Izernore
Interpellé dans le cadre de l'affaire, un ancien journaliste au Dauphiné libéré, Frédéric Vaglio, reconnaît avoir reçu en janvier 2020 d'« amis » entrepreneurs dans le domaine de la plasturgie un versement de 75 000 euros, en règlement d'une mission d'élimination d'un syndicaliste appartenant à la CGT. Celui-ci n'aurait échappé à l'assassinat que par le repli rendu nécessaire par l'échec de la tentative de meurtre de Marie-Hélène Dini, exposée ci-après. Mis en examen le pour « association de malfaiteurs en vue de commettre un crime », ces « amis » sont écroués ; ils démentent totalement les accusations qui pèsent sur eux[15] - [16] - [17].
Le 20 mai 2022, Libération révèle que Damien Abad, alors ministre des Solidarités, apparaît dans des écoutes policières[18]. Il aurait cherché à obtenir des informations à propos de l'enquête visant deux de ses amis entrepreneurs[19]. Ignorant qu'ils sont sur écoute, il promet à ses amis de contacter la préfète du département de l'Ain pour recueillir des informations[18]. Damien Abad répond à Libération qu'il aurait simplement voulu se renseigner, sans volonté d’interférer dans l’enquête.
2020 : projet d'assassinat de Marie-Hélène Dini
Le , Marie-Hélène Dini chef d’entreprise, à la tête d’une école de formation de coach sort de chez elle en retard à Créteil (Val-de-Marne). Elle aperçoit une voiture de police avec des policiers en train d'interpeller deux hommes. Les deux hommes sont découverts en possession d'armes, et la police découvre qu'ils sont gardiens d'un camp de la DGSE. Ils auraient eu pour ordre d’éliminer Marie-Hélène Dini, supposée être un agent ou une informatrice du Mossad, mais surtout, initiatrice d'une tentative de structuration de la profession de coach en France. Le commanditaire, un de ses concurrents, avoue avoir demandé son exécution car il craignait que la création d'un syndicat national ne fasse de l'ombre à son affaire[8] - [20] - [21].
Suspects
Exécutants présumés
Pierre B. et Carl E. seraient les deux exécutants présumés qui travaillent pour la DGSE. Ils n'appartiennent pas au service action de la DGSE mais ils sont simplement des gardiens du camp d’entraînement de la DGSE à Cercottes. Ils ont comme pseudonymes : Dagomar et Adelard[22].
Commanditaires présumés
Les commanditaires présumés semblent avoir pour point commun d'appartenir à une loge maçonnique nommée « Athanor » (nom médiéval du fourneau des alchimistes). Cette loge appartient à l'obédience Grande Loge de l'Alliance maçonnique française (GL-AMF). Créée au printemps 2012 à la faveur de la scission d’une autre obédience, la GL-AMF compte quelque 15 000 membres et 680 loges en France. Le , la loge mise en cause, installée à Puteaux, dans les Hauts-de-Seine, a été fermée par le nouveau grand maître[23].
Réaction des obédiences et des organes maçonniques
Le journal Le Parisien qui évoque l'affaire en Une, sous le titre « Victime des tueurs francs-maçons », voit ce titre qualifié de « racoleur et putassier » par l'auteur du blog maçonnique Hiram.be, jugeant l'amalgame entre les auteurs des méfaits et leur qualité de franc-maçon comme teinté d'antimaçonnisme et alimentant les fantasmes véhiculés contre la franc-maçonnerie dans les milieux qui lui sont hostiles[24].
La Grande Loge nationale française précise dans un communiqué que les noms des deux suspects apparaissent dans leur registre entre 2009 et 2012, année de leur départ de l'obédience, sans jamais avoir occupé de postes significatifs. Elle affirme son indignation devant des agissements putatifs qui salissent la franc-maçonnerie tout entière[25] - [26].
Le grand maître du Grand Orient de France, dans une publication précise que le Grand Orient n'a aucun lien, ni même aucune connaissance de l'existence de cette loge maçonnique [n 1], mise en cause dans les chroniques criminelles des médias français. Il affirme, tout en respectant la présomption d'innocence, que de tels agissements sur lesquels toute la lumière doit être faite, rejaillissent sur la franc-maçonnerie qui reste un ordre et une association humaniste respectueuse sans conditions des lois de la République[27] - [28].
Pour sa part la Grande Loge de l'Alliance maçonnique française à laquelle appartenait la loge Athanor, dissoute en février et à laquelle sont rattachés plusieurs protagonistes de l'affaire, rappelle « qu’en tant qu’obédience maçonnique, elle prône le respect strict et absolu de toutes les lois en vigueur dans notre République ». Elle suspend les membres incriminés jusqu'au rendu de l'enquête[29].
Notes et références
Notes
- La loge maçonnique n'appartenant pas à son obédience.
Références
- « Derrière les Blaireaux des légendes, des tentatives assassinat en série », Le Canard enchaîné,‎ .
- Jérémy Laugier, « Le démantèlement d’un réseau va-t-il relancer l'enquête sur Chevaline ? », sur 20 Minutes, (consulté le ).
- F.M., « Enquête. Quel lien entre la tuerie de Chevaline et l'officine criminelle franc-maçonne ? », sur Le Progrès (consulté le ).
- S.B., « Haute-Savoie. Tuerie de Chevaline : une nouvelle piste inattendue », sur Le Dauphiné libéré (consulté le ).
- Laurent Léger, « Un ancien ministre faisait surveiller son adversaire par des barbouzes », sur Libération (consulté le ).
- Stéphane Joahny, « Le maire de Saint-Maur a vécu sous la menace d'ex-militaires et francs-maçons », sur Le JDD (consulté le )
- Daniel Lauret, « Un crâne et des ossements humains découverts dans un bois à Cistrières (Haute-Loire) », sur La Montagne, (consulté le ).
- Jacques Monin, Elodie Guéguen et Cellule investigation de Radio France, « Barbouzes, francs-maçons et crimes en série : plongée dans une affaire judiciaire hors normes », sur France Inter, (consulté le )
- Lionel Ciochetto, « Les ossements découverts à Cistrières ont enfin été identifiés, le début de "l'affaire Pasquali" », sur La Montagne, (consulté le ).
- Boris Thiolay, « ENQUETE. L'invraisemblable officine criminelle qui réunissait francs-maçons et gardiens affiliés à la DGSE », sur Le JDD (consulté le ).
- Timothée Boutry, Jean-Michel Décugis et Jérémie Pham-Lê, « Laurent Pasquali, pilote «boute-en-train» et première victime du réseau franc-maçon de tueurs », sur Le Parisien, (consulté le ).
- « Corps de Laurent Pasquali trouvé dans les bois de Cistrières : le pilote devait de l’argent à un sponsor », sur L'Éveil de la Haute-Loire, (consulté le )
- « INFO RTL - Policier de la DGSI mis en examen : ce que l'on sait », sur www.rtl.fr (consulté le )
- « Laurent Pasquali : un policier impliqué dans le meurtre ? », sur Sport Auto, (consulté le )
- Christophe Labbé, « Derrière les Blaireaux des légendes, des tentatives d'assassinat en série », Le Canard enchaîné,‎ , p. 4
- Fatima Bouyablane, « AIN : des tueurs à gage en lien avec les renseignements devaient tuer un syndicaliste, une cheffe d'entreprise écrouée », sur France 3 Auvergne Rhône-Alpes, (consulté le )
- Thomas Prouteau, « Francs-maçons criminels : deux commanditaires d’un contrat présumé sur un syndicaliste interpellés », sur RTL, (consulté le )
- Laurent Léger, « Justice: les curieux coups de fil du député Damien Abad », sur Libération (consulté le )
- « Damien Abad : pourquoi le nom du ministre se retrouve cité dans une affaire de tentative d'assassinat d'un syndicaliste », sur ladepeche.fr (consulté le )
- Laurent Valdiguié, « Projet d'assassinat d'une coach : révélations sur les barbouzes de la DGSE et de la franc-maçonnerie », sur Marianne, (consulté le ).
- Timothée Boutry, Jean-Michel Décugis et Jérémie Pham-Lê, « Un réseau franc-maçon derrière la tentative de meurtre d’une coach par des agents de la DGSE », sur Le Parisien, (consulté le ).
- Jean Guisnel, « Dagomar et Adelard : « gardes-barrières » à la DGSE et assassins ratés », sur Le Point, (consulté le ).
- Gérard Plumecoq (Geplu), « Tentative d'assassinat de Puteaux : « Athanor », une loge de la GL-AMF », sur Hiram.be, (consulté le ).
- Gérard Plumecoq (Geplu), « Un beau titre bien racoleur, bien putassier... », sur Hiram.be, (consulté le ) .
- Jean-Laurent Turbet, « GLDF : Le Grand-Maître réagit concernant les présumés tueurs, francs-maçons et membres de la DGSE dont il est question dans la presse. », sur Bloc notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités (consulté le ).
- « Communiqué du Grand Maître », sur gldf.orf, (consulté le ).
- Jean-Laurent Turbet, « GODF : Communiqué concernant l'affaire de la « Loge Puteaux » et les présumés assassins. », sur Bloc notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités (consulté le ).
- « Communiqué de Presse du 4 février 2021 », sur godf.org, (consulté le ).
- Laurent Léger, « Cellule criminelle de barbouzes : une loge franc-maçonne dissoute », sur Libération, (consulté le ).