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Affaire Rodica Negroiu

L'affaire Negroiu Ă©galement appelĂ©e « Affaire de l'empoisonneuse de MaxĂ©ville », est une affaire criminelle française qui dĂ©bute le Ă  VandĹ“uvre-lès-Nancy en Meurthe-et-Moselle lors du dĂ©cès de Raymond Jactel, militaire Ă  la retraite de 82 ans. L'enquĂŞte diligentĂ©e Ă  l'occasion de ce dĂ©cès rĂ©vèle une seconde victime, en l’occurrence le second mari de Rodica Negroiu, dans le corps duquel on met en Ă©vidence la mĂŞme substance toxique que celle trouvĂ©e dans le corps de Raymond Jactel, Ă  savoir de la digoxine. La mise en exergue de ce double meurtre remĂ©more dans la communautĂ© roumaine de Tel Aviv, l'existence d'un premier mari, nommĂ© Herman Goldstein, qui est dĂ©cĂ©dĂ© lui aussi dans des conditions suspectes.

Affaire Negroiu
Titre Affaire Rodica Negroiu
Fait reproché Homicide
Chefs d'accusation Assassinat
Pays Drapeau de la France France
Ville Vandœuvre-lès-Nancy,
Custines
Nature de l'arme Empoisonnement Ă  la digoxine (digitaline)
Date ,
Nombre de victimes 2 (voire 3)
Jugement
Statut Affaire jugée : condamnée à 20 ans de réclusion criminelle
Tribunal Cour d'assises de Meurthe-et-Moselle Ă  Nancy
Date du jugement

Les faits

Le , Raymond Jactel, militaire Ă  la retraite, dĂ©cède Ă  20 h 30 Ă  l'hĂ´pital de Nancy de ce qui semble ĂŞtre un accident cardiaque après qu'il a appelĂ© les secours. Il s'avère que Jactel a contractĂ© un viager auprès de Rodica Negroiu, et qu'il a converti toutes ses Ă©conomies en Bons du TrĂ©sor, soit 700 000 francs, qui disparaissent le jour de son dĂ©cès.

Contexte de l'Affaire Simone Weber

Cette affaire prend place dans la même région que celle de Simone Weber, avec l'emploi de la même substance toxique : la digoxine, avec la même motivation : l'argent.

EnquĂŞtes

Enquête liée à Raymond Jactel

Avant de connaître Rodica, Jactel avait pris sous son aile le jeune Claude, un enfant de l'assistance publique, qu'il destinait à être son légataire. Après avoir rencontré Rodica les relations entre Jactel et Claude semblent se déliter : Jactel ne destine bientôt plus Claude à hériter de la maison. Toutefois, Jactel confie à Claude le lieu où il cachait les bons du Trésor ainsi que leurs numéros de série[1].

Quelques jours après le décès de Jactel, une personne se présente à La Poste pour échanger 3 des Bons du Trésor. Face à la demande du guichet de présenter sa pièce d'identité, le porteur repart sans insister. Alertés de cet incident les policiers font le lien avec les bons du Trésor disparus au décès de Raymond Jactel. Plus tard, les policiers présentent Roger, le compagnon de vie du moment de Rodica, au postier qui le reconnait formellement.

Les policiers dĂ©couvrent que le contrat de viager entre Raymond Jactel et Rodica Negroiu avait Ă©tĂ© signĂ© Ă  peine deux mois avant le dĂ©cès du retraitĂ©. Les termes du contrat prĂ©cisaient une rente mensuelle de 2 000 francs Ă  verser au bĂ©nĂ©fice de Jactel, de plus Negroiu devait s'occuper de lui jusqu'Ă  la fin de ses jours.

L'enquête de voisinage fait ressortir que si Negroiu s'occupait depuis deux années du retraité, celle-ci était réputée être autoritaire, pouvant avoir une emprise sur lui.

10 jours après son enterrement, le corps de Raymond Jactel est exhumĂ© et des analyses sont effectuĂ©es sur ses viscères par l'Institut MĂ©dicolĂ©gal de Strasbourg. Les analyses font ressortir la prĂ©sente de digoxine (digitaline) et du phĂ©nobarbital (un antiĂ©pileptique). L'enquĂŞte rĂ©vèle qu'aucun mĂ©decin n'avait prescrit de tels mĂ©dicaments Ă  Jactel. En revanche, le , c'est-Ă -dire six mois avant le dĂ©cès du retraitĂ©, Rodica Negroiu s'Ă©tait fait prescrire ces deux substances dans une pharmacie Ă  Nancy.

Enquête liée à Rodica Negroiu et à feu son second mari : Gérard Helluy

L'enquĂŞte fait ressortir qu'après avoir quittĂ© sa Roumanie natale et ĂŞtre arrivĂ©e en France, Rodica Negroiu s'est mariĂ©e avec GĂ©rard Helluy, 68 ans, qui est dĂ©cĂ©dĂ© deux ans après la noce, cĂ©lĂ©brĂ©e le Ă  Nancy.

InterrogĂ©es, les sĹ“urs et la belle-sĹ“ur de GĂ©rard Helluy dĂ©crivent Rodica comme une profiteuse. Elles expliquent, par exemple, qu'Ă  la suite du mariage GĂ©rard a offert un appartement au fils de Rodica. De plus, il aurait Ă©tĂ© contraint d'offrir Ă  Rodica un manteau de vison qui aurait coĂ»tĂ© le prix de trois mois de pension, soit environ 14 500 francs. Par la suite en manque de liquiditĂ©s, GĂ©rard demande Ă  Rodica de le lui restituer pour que le vendeur le lui reprenne, mais Rodica avoue alors l'avoir dĂ©jĂ  revendu.

À la suite de cet incident, et accompagné par une sœur et une belle-sœur, Gérard se rend auprès du notaire pour déposer une demande de divorce et annuler la donation au dernier vivant qu'il a signée trois jours après le mariage[2]. Il est avéré par une enquête des renseignements généraux qu'au début de leur mariage Gérard et Rodica ne vivaient pas sous le même toit : lui vivait à Custines et elle à Nancy. La demande de naturalisation faite par Rodica est rejetée à deux reprises pour ce motif[3]. À la suite de ces rejets, Gérard et Rodica se mettent à vivre sous le même toit, toutefois la sœur et la belle-sœur de Gérard Helluy expliquent qu'ils ne partageaient pas la même chambre et que leur frère et beau-frère s'enfermait à clef la nuit dans sa chambre armé d'un nerf de bœuf et d'une chaîne de peur que Rodica l'agressât [4]. La sœur et la belle-sœur affirment qu'en leur présence Gérard présentait un caractère fort lorsque Rodica était absente, mais en sa compagnie, il était complètement soumis.

Dans ce contexte, GĂ©rard annule sa demande de divorce et signe une nouvelle donation au dernier vivant.

Le jour du décès de son mari Gérard, Rodica vient à peine d'acquérir la nationalité française et d'obtenir le droit de toucher une pension de réversion en cas de décès de son époux, ainsi que de bénéficier de la donation au dernier vivant. Rodica parle du décès de son mari comme des conséquences d'un excès d'alcool. Un médecin signe l'acte de décès en mentionnant cette cause, toutefois l'autopsie effectuée quatre ans après son décès déterminera que les prélèvements effectués sur les cheveux, les poils et le foie de Gérard Helluy contiennent de la digoxine à des doses pouvant expliquer son décès. Effectivement l'analyse de la croissance des cheveux démontre une consommation chronique de digoxine par Helluy, étalée sur plusieurs mois.

Cette particularité est aussi retrouvée sur les échantillons de cheveux prélevés sur Jactel : sa consommation de digoxine s'avèrera elle aussi chronique, étalée sur plusieurs semaines[5].

Enquête liée à Rodica Negroiu et à feu son premier mari : Herman Goldstein

Rodica Negroiu
Tueuse en série
Image illustrative de l’article Affaire Rodica Negroiu
Information
Nom de naissance Rodica Negroiu
Naissance
Roumanie
Nationalité Roumaine
Surnom L'empoisonneuse de Maxéville
Actions criminelles Empoisonnements
Victimes 2
PĂ©riode -
Pays Drapeau de la France France
RĂ©gions Meurthe-et-Moselle (Grand Est)
Ville Maxéville

Ă€ la suite de ces Ă©lĂ©ments, Rodica Negroiu est inculpĂ©e de deux homicides volontaires et Ă©crouĂ©e Ă  la maison d'arrĂŞt Charles III de Nancy. Les similitudes entre cette affaire et celle de Simone Weber font alors grand bruit dans la Presse jusqu'auprès de la communautĂ© roumaine de Tel Aviv-Jaffa. C'est ainsi qu'Ă  Tel Aviv, en lisant la Presse, Esther Goldstein, la sĹ“ur du premier mari de Rodica Negroiu, Herman Goldstein, dĂ©couvre le double meurtre dont est suspectĂ©e son ex-belle-sĹ“ur. Elle contacte le juge de Nancy pour lui faire part du premier mariage, en 1982 avec son frère, alors que Rodica et Herman vivaient en Roumanie, et du dĂ©cès suspect de son frère Ă  51 ans d'une crise cardiaque[6].

Remise provisoire en liberté

Pendant son incarcĂ©ration provisoire, l'avocat de Rodica Negroiu rĂ©clame des contre-expertises sur les corps de Jactel et Helluy. Les analyses sont effectuĂ©es par l'Institut mĂ©dico-lĂ©gal de Paris. Les rĂ©sultats ne sont positifs que concernant la prĂ©sence de phĂ©nobarbital dans le corps de Jactel, mais sont nĂ©gatifs sur les deux corps concernant la digoxine. L'avocat dĂ©pose une demande de libertĂ© pour sa cliente et l'obtient contre une caution de 500 000 francs.

Une troisième expertise toxicologique est alors diligentée par le juge auprès d'un expert de Lille. Les résultats sont cette fois-ci positifs et conformes aux premières analyses. Interrogé sur cette fluctuation de résultats entre les différentes analyses l'expert explique au juge que les résultats dépendent de la quantité d'échantillonnage expertisé et de la méthode d'analyse. Malgré ces nouveaux résultats le juge décide de maintenir Rodica Negroiu en liberté.

Retour en détention provisoire

Pendant sa période de liberté, Rodica Negroiu porte plainte contre un certain nombre d'acteurs de son dossier : contre X, contre Esther Goldstein, contre les voisins de Raymond Jactel, contre Claude, contre la famille Helluy, contre le directeur de la maison d'arrêt de Nancy, contre le juge chargé de son dossier, contre les policiers l'ayant entendue. À la suite de ses plaintes, Rodica est condamnée à deux reprises pour dénonciation calomnieuse et réincarcérée.

Procès

Le juge d'instruction décide de poursuivre Rodica uniquement pour le meurtre de Raymond Jactel et celui de Gérard Helluy. La défense de Rodica Negroiu est assurée par Alain Behr et Gérard Michel.

Le procès débute le à la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle, à Nancy. Au cours de ce procès le comportement de Rodica joue en sa défaveur : elle est décrite comme ayant un besoin de contrôle absolu de son procès, comme faisant preuve de colère lorsqu'elle est contredite. Elle agresse, menace et insulte les témoins. La Présidente du Tribunal laisse faire, un choix que l'avocat de la famille Helluy analysera comme relevant d'une grande habileté, l'objectif étant alors de faire jaillir la vérité en abaissant les défenses de la prévenue. Rodica tombe dans ce piège :

  • Ainsi, Claude, l'hĂ©ritier choisi par Raymond Jactel, avoue finalement avoir encaissĂ© les 700 000 francs en bons du TrĂ©sor dès le dĂ©cès de celui-ci : il possĂ©dait les numĂ©ros de sĂ©rie des bons. Cette rĂ©vĂ©lation Ă©tait susceptible d'invalider le mobile de la prĂ©venue pour assassiner Raymond Jactel, et donc d'amener le jury Ă  acquitter Rodica. Mais cette dernière commet l'erreur d'exploser de colère en traitant la partie civile de voleuse. Cette stratĂ©gie dĂ©veloppĂ©e par Claude et pouvant initialement le mettre en danger le fera finalement passer pour le hĂ©ros du procès, celui qui aura pu mener Rodica Ă  dĂ©voiler sa vĂ©ritable nature cupide au jury. Effectivement, folle de rage Rodica pointe Claude comme Ă©tant donc la personne lui ayant volĂ© "ses" bons du TrĂ©sor, des bons qui pourtant ne lui appartenaient pas[1].
  • De plus, l'autre Ă©vĂ©nement marquant de ce procès est la prĂ©sentation devant la cour de tous les objets qui ont Ă©tĂ© trouvĂ©s chez Rodica pendant la perquisition du domicile. Bon nombre Ă©taient la propriĂ©tĂ© de Raymond Jactel. Elle affirme pourtant que chaque objet lui appartenait, Ă  elle, car provenant de Roumanie. Chose impossible. Face Ă  ce comportement, et sans que Rodica ne le voit, l'avocat de la Partie Civile y glisse sa propre montre puis demande Ă  Rodica Ă  qui elle appartient. Tombant dans ce piège, elle rĂ©pond que la montre lui appartient, finissant ainsi par se prĂ©senter auprès des jurĂ©s Ă  la fois comme une personne cupide et une menteuse[1].

Ă€ l'issue de ce procès, en , le jury suit les rĂ©quisitions de l'avocat gĂ©nĂ©ral et condamne Rodica Negroiu Ă  20 ans de rĂ©clusion criminelle. Ă€ cette Ă©poque le pourvoi en appel n'existe pas, la peine est donc dĂ©finitive.

En 2002, le tribunal de grande instance de Nancy déclare le mariage de Rodica Negroiu et de Gérard Helluy nul et la déchoit de sa nationalité française[7].

Rodica Negroiu sort de prison le [8]. Elle a passé la plupart du temps de sa peine au mitard à cause de son esprit de révolte vis-à-vis de l'autorité pénitentiaire[9].

Demandes de révision

L'avocat de Rodica Negroiu, dans une première demande de révision, déposée en 2007, avait démontré que les experts avaient oublié de relever que Raymond Jactel prenait un médicament (Colchimax) contenant du phénobarbital. La Commission de révision avait pris acte mais avancé que le taux de barbituriques dans le sang de Jactel n’était pas compatible avec une prise thérapeutique. Et elle avait rejeté la demande.

Lors de la seconde requête en révision, déposée en novembre 2011, l’avocat avait soutenu que pour le phénobarbital, découvert, selon les experts, « à des doses toxiques », « de récentes découvertes scientifiques » avaient démontré qu’il était « impossible d’extrapoler un résultat post-mortem dans le sang pour en déduire une concentration du vivant ». Pour la digoxine, retrouvée par deux experts sur trois à des doses thérapeutiques dans les corps de Jactel et Helluy, Me Behr avait avancé que « d’après des découvertes postérieures au procès, certains patients qui souffrent de pathologies dont étaient atteintes les deux victimes (diabète, hypertension artérielle, infarctus du myocarde, éthylisme) produisent de façon endogène des DLIS (Digoxin Like Immunoreactive Substances), des substances identiques à la digoxine ».

En septembre 2014, la Commission d’instruction, filtre préalable à une éventuelle saisie de la Cour de révision, seule habilitée à annuler un verdict criminel, avait ordonné un supplément d’information.

L’expert commis devait dire si les pathologies d’Helluy et Jactel avaient pu avoir une influence quelconque sur le taux de digoxine relevé post-mortem mais il devait également décrire les DLIS et les circonstances précises dans lesquelles certaines pathologies seraient causes d’anomalies ou d’un changement du taux des substances imunoréactives.

L’expert a répondu qu’il n’apparaissait « pas possible, eu égard à l’absence avérée des dossiers médicaux, d’évaluer les pathologies des victimes dans l’année précédent leurs décès ». Par ailleurs, il a assuré que « l’hypertension artérielle, le diabète et l’infarctus du myocarde ne sont pas mentionnées dans les causes de présence des DLIS ».

La demande de révision a donc été rejetée.

Documentaires télévisés

Émission radiophonique

  • « L’affaire Rodica Negroiu » le dans l'Ă©mission Hondelatte raconte sur Europe 1[9]

Notes et références

  1. « Rodica Negroiu, l'empoisonneuse de Maxéville » le 24 mars 2013 dans Faites entrer l'accusé présenté par Frédérique Lantieri sur France 2.
  2. « Faites entrer l'accusé du 25 juin sur France 2 - Lire la page 8 (TeleScoop) », sur Telescoop (consulté le ).
  3. « Faites entrer l'accusé du 25 juin sur France 2 - Lire la page 7 (TeleScoop) », sur Telescoop (consulté le ).
  4. « Faites entrer l'accusé du 25 juin sur France 2 - Lire la page 9 (TeleScoop) », sur Telescoop (consulté le ).
  5. « Rodica Negroiu, fin de la partie », L'Est républicain,‎ (lire en ligne).
  6. « Faites entrer l'accusé du 22 juin sur France 2 - Lire la page 12 (TeleScoop) », sur Telescoop (consulté le ).
  7. « Déchue de sa nationalité après avoir empoisonné son mari », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. Éric Nicolas, « Rodica Negroiu : « Ils m'ont volé ma vie… » », L'Est républicain,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. « Hondelatte raconte l'affaire Rodica Negroiu », sur Europe1.

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