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Affaire RĂ©veillon

L'affaire Réveillon est une révolte populaire, qui eut lieu du au au faubourg Saint-Antoine, à Paris, en France. Cet événement est considéré comme un élément avant-coureur de la prise de la Bastille, le et, à plus grande échelle, de la Révolution française.

Le saccage de la Folie Titon, le 28 avril 1789.

Le déclenchement de la révolte

Attroupement au faubourg Saint-Antoine, le 28 avril 1789.

Jean-Baptiste Réveillon est un entrepreneur à la tête de la Manufacture royale de papiers peints employant 300 travailleurs et installée à la Folie Titon, dans les jardins de laquelle s'élève la première montgolfière, le . Ce lieu, aujourd'hui disparu, se situait sur l'actuelle rue de Montreuil, près de la station de métro Faidherbe-Chaligny, à Paris, une plaque en témoigne.

Depuis la signature du traité de libre-échange entre la France et l'Angleterre, en l'an 1786, les importations textiles anglaises à bas prix inondent le marché français. Les entreprises françaises du textile ont de plus en plus de mal à écouler leurs marchandises. En l'espace de quatre ans, les exportations anglaises ont quintuplé en valeur[1].

Après un hiver particulièrement rigoureux, le prix du pain augmente fortement dans les premiers mois de 1789. La tension est augmentée par l'ouverture prochaine des États généraux qui doivent se tenir à Versailles, mais qui est finalement reportée au 5 mai. Les élections des députés du Tiers-État ne sont pas encore terminées à Paris et les ouvriers et les apprentis compagnons n'ont pas le droit de vote, plus restrictif qu'ailleurs dans le royaume[2] - [3]. La menace de la disette et du chômage, l'exclusion des assemblées électorales du tiers état mécontentent les habitants des populaires faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel.

Le , au cours d'une assemblée d'électeurs du tiers état, Réveillon aurait tenu des propos inquiétants sur les salaires des ouvriers[4]. Il aurait regretté le bon vieux temps où les ouvriers étaient payés 15 sous par jour[5] au lieu de 25 alors. Selon une deuxième interprétation, ce patron nourri d'idées libérales aurait suggéré de supprimer l'octroi afin de diminuer le prix d'importation de la farine et donc le prix du pain, l'autorisant ainsi à baisser les salaires[6]. Un autre patron, Henriot (ou Hanriot), fabricant de salpêtre, partage son opinion[7]. Quoi qu'il en soit, parmi le peuple, le bruit se répand que Réveillon veut baisser les salaires[8]. Dès le soir, son nom est conspué. La rumeur est répétée et commentée dans les cabarets et les ateliers, si bien que le mécontentement finit par exploser.

Le déroulement

Fusillade au faubourg Saint-Antoine, le 28 avril 1789, après le pillage de la maison et de la manufacture de Réveillon.

Le lundi , des milliers de chĂ´meurs, d'ouvriers, d'artisans, de petits patrons, de dĂ©bardeurs s'ameutent près de la Bastille, puis se dirigent vers l'hĂ´tel de ville, aux cris de « Mort aux riches ! Mort aux aristocrates ! Mort aux accapareurs ! Le pain Ă  deux sous ! Ă€ bas la calotte ! Ă€ l'eau les foutus prĂŞtres[9] ! Â» Place de Grève, sont brĂ»lĂ©es les effigies de RĂ©veillon et d'Henriot. Devant l'hĂ´tel de ville, une dĂ©lĂ©gation de bourgeois envoyĂ©e par l'assemblĂ©e Ă©lectorale convainc les manifestants de se disperser. Mais la colonne se dirige vers la manufacture et l'hĂ´tel de RĂ©veillon. Un dĂ©tachement d'une cinquantaine de gardes-françaises leur en interdisant l'accès[8], les manifestants se rabattent sur la maison d'Henriot, laquelle n'est pas protĂ©gĂ©e. Le salpĂŞtrier et sa famille ont juste le temps de s'enfuir au donjon de Vincennes avant que leur maison ne soit saccagĂ©e et pillĂ©e.

Le lendemain, , un nouveau rassemblement se tient devant l'hôtel et la manufacture de Réveillon, mais les forces de l'ordre, renforcées depuis la veille et retranchées derrière des barricades, tiennent à distance la foule houleuse et désarmée. Dans l'après-midi, le duc d'Orléans, prince du sang, traverse le rassemblement en carrosse et appelle au calme, avant de distribuer le contenu de sa bourse à la volée. Il est ovationné. Dans la soirée, le passage du carrosse de sa femme, la duchesse d'Orléans, ouvre une brèche temporaire dans les barricades. Les émeutiers en profitent pour forcer l'entrée de l'hôtel et tout saccager. Des fenêtres et du haut des toits, ils lancent des tuiles et des meubles sur la troupe. Exaspérés, les gardes tirent. Cette riposte tue un nombre indéterminé d'émeutiers, 25 selon le commissaire du Châtelet, 900 selon le marquis de Sillery[10], un soulèvement particulièrement meurtrier en considérant la fourchette haute. Du côté des soldats, le bilan s'établit plus sûrement à 12 tués et 80 blessés. Jusqu'à dix heures du soir, le lieutenant de police Thiroux de Crosne quadrille le faubourg Saint-Antoine et fait pourchasser les séditieux jusqu'au faubourg Saint-Michel.

Le , il en fait pendre deux.

Analyses et interprétations

Lieu des affrontements en date en  : en face de l’hĂ´pital Saint-Antoine, au centre, la fontaine de la Petite-Halle de 1710, on distingue une des colonnes de la place de la Nation (l'ancienne barrière de l'octroi) et Ă  gauche, la rue de Montreuil.
Plaques commémoratives de la Folie Titon, 31 bis rue de Montreuil, à Paris.

Selon l'historienne Raymonde Monnier, qui note l'absence des salariĂ©s de RĂ©veillon dans l'Ă©meute du [4], cette affaire RĂ©veillon n'est pas un « affrontement entre patrons et ouvriers Â». MotivĂ©e par l'augmentation du prix du pain et donc par la faim et la misère, elle se rattache aux Ă©meutes de subsistance, typiques de l'Ancien RĂ©gime. En mĂŞme temps, se dessinent les caractères d'une journĂ©e rĂ©volutionnaire : le peuple se rĂ©clame du tiers Ă©tat et lance des slogans nouveaux tels que « LibertĂ© Â». Ă€ dix jours de l’ouverture des États gĂ©nĂ©raux, les Parisiens les plus pauvres, exclus du scrutin, s'impatientent et entendent exprimer, par la force, leurs revendications[11]. De ce point de vue, ces journĂ©es peuvent ĂŞtre vues comme le premier soulèvement populaire de la RĂ©volution.

Les Ă©vĂ©nements du faubourg Saint-Antoine sont certainement spontanĂ©s, mais des contemporains ont pensĂ© Ă  une action commanditĂ©e et alimentĂ© la thèse du complot. Certains y ont vu la main de l'Angleterre ou des aristocrates. RĂ©tif de la Bretonne, dans Les Nuits de Paris ou le Spectateur nocturne, accuse « Aristocratie Â» d'avoir achetĂ© des bons Ă  rien pour aller attaquer RĂ©veillon[12]. Plus prĂ©cisĂ©ment, la rumeur pointa du doigt le duc d’OrlĂ©ans. Le baron de Besenval et Jean-François Marmontel le rapportent dans leurs mĂ©moires respectifs[n 1]. L'historienne Évelyne Lever estime qu'aucune preuve ne dĂ©signe Louis-Philippe d'OrlĂ©ans[13]. De mĂŞme, Jean-Christian Petitfils disculpe le prince, « agitateur inconsĂ©quent » mais trop dilettante pour mener une conspiration[14]. Par contre, la faction OrlĂ©ans, qu'animait notamment Choderlos de Laclos, a pu agir pour son compte[14]. On comprendrait alors mieux pourquoi, pris dans l'Ă©meute, ni le carrosse du duc, ni celui de la duchesse ne furent pris Ă  partie par la foule excitĂ©e[15].

Notes

  1. Lever 1996, p. 301-304. Marmontel rapporte une discussion avec l'académicien Chamfort dans laquelle ce dernier explique l'achat d'hommes du peuple par le duc d'Orléans pour faire saccager la manufacture de Réveillon. Mémoires cités dans Paul Copin-Albancelli, Le Drame maçonnique. Le Pouvoir occulte contre la France, éd. Lyon et Paris, Emmanuel Vitte et La Renaissance française, 1908, chap. X, p. 332.

Références

  1. « Calonne et le traité de libre-échange de 1786 CHRONIQUE », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. Lever 1996, p. 298.
  3. Monnier 1981, p. 113-114.
  4. Monnier 1989, p. 904.
  5. Tulard 1987, p. 1066 ; Petitfils 2016.
  6. Petitfils 2005, p. 642.
  7. Lever 1996, p. 299.
  8. Dupuy 2010.
  9. Petitfils 2005, p. 643.
  10. Petitfils 2005, p. 644.
  11. Monnier 1989, p. 904-905.
  12. Les Nuits de Paris ou le Spectateur nocturne, t. 15, Londres, [s.n.], 1788-1794, 275 p., 8 tomes en 16 parties : pl., front. ; in-12 (lire en ligne sur Gallica), p. 15.
  13. Lever 1996, p. 304-305.
  14. Petitfils 2005, p. 645.
  15. Tulard 1987, p. 1 067.

Bibliographie

  • « RĂ©veillon (affaire) », dans Jean Tulard, Jean-François Fayard et Alfred Fierro, Histoire et dictionnaire de la RĂ©volution française, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », (ISBN 978-2-22104-588-6), p. 1066-1067.
  • Jacques Collot, « L’Affaire RĂ©veillon », Revue des Questions historiques, t. cxxi,‎ , p. 35-55.
  • Jacques Collot, « L’Affaire RĂ©veillon », Revue des Questions historiques, t. cxxii,‎ , p. 239-254.
  • Roger Dupuy, La garde nationale (1789-1872), Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », , 606 p. (ISBN 978-2-07242-513-4).
  • Évelyne Lever, Philippe ÉgalitĂ©, Paris, Fayard, , 578 p. (ISBN 978-2-21359-760-7), p. 298-305.
  • Raymonde Monnier, « RĂ©veillon, Jean-Baptiste », dans Albert Soboul, Dictionnaire historique de la RĂ©volution française, Paris, Robert Laffont, coll. « Quadrige », (1re Ă©d. 1989) (ISBN 978-2-13-053605-5), p. 904-5.
  • Raymonde Monnier, Le Faubourg Saint-Antoine (1789-1815), Paris, SociĂ©tĂ© des Ă©tudes robespierristes, coll. « Bibliothèque d'histoire rĂ©volutionnaire », , 367 p., 25 cm (ISBN 2908327759).
  • Jean-Christian Petitfils, La Bastille : mystères et secrets d'une prison d’État, Paris, Tallandier, , 400 p. (ISBN 979-1-02102-053-5).
  • Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Paris, Perrin, , 1114 p. (ISBN 978-2-26201-484-1), p. 642-645.
  • Marcel Reinhard, Paris pendant la RĂ©volution, t. 1, Paris, CDU, coll. « Les cours de la Sorbonne », , p. 136-163.
  • Georges RudĂ©, La Foule dans la RĂ©volution, Paris, François MaspĂ©ro, (1re Ă©d. 1959) (ISBN 978-2-02-011554-4).

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