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Acte administratif unilatéral en France

L'acte administratif unilatéral (AAU) ou décision administrative (selon des auteurs qui estiment ces deux expressions synonymes) est, avec le contrat administratif, l'un des moyens juridiques dont dispose l'administration.

Qualification des actes administratifs unilatéraux selon leur caractÚre décisoire ou non

Manifestation d'une volonté, celle de la puissance publique, l'acte administratif unilatéral est un acte juridique accompli unilatéralement par une autorité administrative dans l'exercice d'un pouvoir administratif qui s'impose à ses destinataires sans leur consentement ; il est présumé légal aussi longtemps qu'un juge ne l'a pas déclaré illégal en raison du privilÚge du préalable dont dispose l'administration.

Quand il est qualifié de décisoire, l'acte administratif unilatéral fait grief, c'est-à-dire crée pour les tiers des droits ou des obligations : il modifie l'ordre juridique existant, et est à ce titre susceptible de recours devant la justice administrative. Au contraire, l'acte administratif unilatéral qualifié de non-décisoire ne fait pas grief, et est alors insusceptible de recours devant le juge administratif.

ÉlĂ©ments constitutifs de l'acte administratif unilatĂ©ral

La volonté unilatérale

L’acte administratif est un acte juridique parce qu’il participe d’une manifestation de volontĂ© en vue de produire des effets de droit. L’acte administratif peut ĂȘtre explicite : on dira qu'il s'agit d'un instrumentum, ou il peut ĂȘtre implicite : on dira qu'il s'agit d’un negotium.

L'instrumentum est un acte Ă©crit. Le negotium peut ĂȘtre une action, une Ɠuvre, laquelle peut ĂȘtre orale ou rĂ©sulter de simples agissements.

L’acte administratif est un acte unilatĂ©ral parce qu’il a pour objet de rĂ©glementer la conduite des personnes autres que ses auteurs ; le caractĂšre unilatĂ©ral n’implique pas que l’acte administratif Ă©mane d’une seule personne, mais que ses destinataires ne prennent pas part Ă  son adoption.

Un acte émanant d'une autorité administrative dans l'exercice d'un pouvoir administratif

L’autoritĂ© qui accomplit l'AAU doit appartenir Ă  l’administration et agir dans le cadre administratif. Il se dĂ©gage de cette considĂ©ration une triple exclusion :

  1. La premiÚre exclusion concerne les actes des autorités étatiques non-administratives (le Parlement par exemple) et les actes des autorités juridictionnelles.
  2. La deuxiĂšme exclusion concerne les actes de la personne publique qui relĂšvent du droit privĂ©, lorsque celle-ci n’exerce pas un pouvoir administratif : ainsi des actes de la personne publique chargĂ©e d'un SPIC (TC 1921, Bac d'Eloka), ou encore des actes de la personne publique dans le cadre de la gestion de son domaine prive (CE 1996, Formery).
  3. La troisiĂšme exclusion concerne les actes des autoritĂ©s du pouvoir exĂ©cutif lorsque celles-ci n’exercent pas un pouvoir administratif mais plutĂŽt un pouvoir politique qui se rapproche de la fonction gouvernementale : c'est le cas des actes de gouvernement.

Les actes administratifs unilatéraux décisoires

L'article L. 200-1 du CRPA dispose que « Les actes administratifs unilatéraux décisoires comprennent les actes réglementaires, les actes individuels et les autres actes décisoires non réglementaires. »

Les actes rĂ©glementaires ont une portĂ©e gĂ©nĂ©rale et impersonnelle, ils crĂ©ent des droits ou des obligations sans considĂ©ration des personnes Ă  qui ils s'adressent (exemple : interdiction de stationner dans une rue). Les actes individuels ont une portĂ©e individuelle (exemples : l’octroi d’un permis de construire, la titularisation d’un fonctionnaire, la fermeture administrative d’un Ă©tablissement recevant du public). Les autres actes dĂ©cisoires non rĂ©glementaires ne sont ni rĂ©glementaires ni individuels, ils sont impersonnels et particuliers (exemple : l'arrĂȘtĂ© d'ouverture d'un concours est impersonnel car il ne vise personne nommĂ©ment, mais il est aussi particulier car il ne s'adresse qu'aux personnes qui participent audit concours).

L'entrée en vigueur de l'acte administratif unilatéral

Si la validité (c'est-à-dire sa régularité juridique) d'un acte administratif s'apprécie dÚs sa signature, son opposabilité (c'est-à-dire sa capacité à produire des effets juridiques à l'égard de personnes) ne s'apprécie qu'une fois ces destinataires informés par une publicité adéquate.

Pour les actes rĂ©glementaires, l'opposabilitĂ© est subordonnĂ©e Ă  la publication de l'acte : ainsi, les dĂ©crets doivent ĂȘtre publiĂ©s au Journal Officiel de la RĂ©publique française, des ministĂšres disposent de Bulletins Officiels pour accueillir leurs arrĂȘtĂ©s et circulaires, les actes des dĂ©partements doivent ĂȘtre publiĂ©s au Recueil des actes administratifs disponible dans chaque prĂ©fecture, les arrĂȘtĂ©s municipaux doivent ĂȘtre publiĂ©s dans le Bulletin municipal et affichĂ©s sur des panneaux spĂ©ciaux. À cet Ă©gard, l'Ordonnance no 2004-164 du 20 fĂ©vrier 2004 relative aux modalitĂ©s et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs accorde au Journal Officiel Ă©lectronique la mĂȘme valeur que la version papier, renvoyant au Conseil d’État le soin de dĂ©finir une liste d'actes administratifs dont la publication au Journal Officiel Ă©lectronique suffit pour permettre l'entrĂ©e en vigueur.

Pour les actes individuels, l'opposabilité est subordonnée à la notification de la décision à l'intéressé par lettre avec accusé de réception.

Cependant, certains actes demandent des publicitĂ©s complexes combinant notification aux intĂ©ressĂ©s et diverses publicitĂ©s Ă  l'Ă©gard des tiers (ainsi des permis de construire, notifiĂ©s aux intĂ©ressĂ©s, affichĂ©s en mairie et sur les terrains visĂ©s). Dans l'arrĂȘt Cour europĂ©enne des droits de l'homme, 1992, Geouffre de la Pradelle[1], la juridiction du Conseil de l'Europe condamna la France en partie pour l'obscuritĂ© et l'incohĂ©rence de ses rĂšgles de publicitĂ© des dĂ©crets de classement de site.

L'entrĂ©e en vigueur ne peut pas ĂȘtre, en principe, rĂ©troactive (Conseil d’État, 1948, SociĂ©tĂ© du journal l'Aurore : la non rĂ©troactivitĂ© des actes administratifs est un principe gĂ©nĂ©ral du droit) : les actes administratifs unilatĂ©raux ne dĂ©cident que pour l'avenir, afin d'assurer la sĂ©curitĂ© juridique des administrĂ©s. Le principe connaĂźt de rares exceptions, parmi elles : les dĂ©cisions de retrait, les dĂ©cisions prises pour pallier les effets d'une annulation pour excĂšs de pouvoir (par nature, elle est rĂ©troactive le plus souvent), les dĂ©cisions prises en applications de lois rĂ©troactives.

Les actes administratifs unilatéraux non-décisoires

L'article L. 200-1 du CRPA dispose de l'existence d'actes administratifs unilatéraux non-décisoires. Les actes administratifs unilatéraux qualifiés de non-décisoires sont insusceptibles de recours devant la justice, pour la raison qu'ils sont considérés comme ne faisant pas grief, c'est-à-dire qu'ils ne créent pas de droits ni d'obligations.

Le cas des actes préparatoires

Les actes prĂ©paratoires peuvent ĂȘtre des avis d'un organe consultatif, des projets, des renseignements et autres enquĂȘtes. Ainsi un communiquĂ© par lequel un premier ministre rendait public un tracĂ© pour le TGV a Ă©tĂ© jugĂ© comme sans effet juridique et comme devant ĂȘtre regardĂ© comme une simple dĂ©claration d'intention du Gouvernement (Conseil d’État, , Ville d'Amiens).

Le cas des circulaires

Les circulaires sont un instrument de circulation de l'information entre les services centraux d'un ministĂšre d'une part, et les services extĂ©rieurs d'autre part. Ainsi jugĂ© par Ymbert (MƓurs administratives de 1825), la circulaire est une maladie organique de l'Administration. Par principe la circulaire est un acte interprĂ©tatif. Or dans la pratique, il est de plus en plus frĂ©quent que des circulaires contiennent des Ă©lĂ©ments Ă  caractĂšre dĂ©cisoire. Elles sont alors crĂ©atrices de droit. La frontiĂšre entre ces deux types de circulaires aux consĂ©quences contentieuses diffĂ©rentes a, pendant longtemps, Ă©tĂ© dominĂ©e par la jurisprudence issue de l'arrĂȘt Notre-dame du Kreisker (CE, 1954) : la distinction Ă©tait faite entre les circulaires dites rĂ©glementaires et celles seulement interprĂ©tatives.

NĂ©anmoins, les dĂ©veloppements de plus en plus subtils de cette jurisprudence ainsi que de l'Ă©volution de l'organisation de l’État, organisation dĂ©centralisĂ©e, impliquant un rĂŽle d'orientation accrue des autoritĂ©s centrales, ont conduit Ă  un correctif jurisprudentiel. Le Conseil d’État pose dĂ©sormais le principe selon lequel les circulaires interprĂ©tatives sont susceptibles de faire l'objet d'un recours. Il faut noter que l'ancienne distinction issue de la jurisprudence Notre-dame du Kreisker conserve une grande importance, dorĂ©navant en dehors de la recevabilitĂ© du recours. La loi n°78-753 du combinĂ©e avec le dĂ©cret du ont contribuĂ© Ă  l'obscurcissement du critĂšre de 1954 et avaient ainsi conduit Ă  l'adoption d'une circulaire datĂ©e du qui vise Ă  rappeler le cadre juridique dans lequel doivent ĂȘtre prises ces circulaires.

Aujourd'hui, c'est une nouvelle distinction qui est appliquĂ©e par le Conseil d'État. Dans un arrĂȘt du dit DuvignĂšres, le Conseil d’État abandonne la distinction entre circulaire rĂ©glementaire et circulaire interprĂ©tative au profit d’une nouvelle distinction entre circulaire impĂ©rative et circulaire non impĂ©rative, que l’on appelle aussi circulaire indicative. Cet arrĂȘt a Ă©tĂ© annoncĂ© par plusieurs arrĂȘts antĂ©rieurs et la solution DuvignĂšres se dĂ©cline en deux temps :

  1. Dans un premier temps le juge examine la recevabilitĂ© du recours pour excĂšs de pouvoir. À ce stade, le juge se demande si la circulaire est impĂ©rative ou non selon un critĂšre dĂ©sormais purement matĂ©riel. En clair, est impĂ©rative la circulaire qui modifie l’ordonnancement juridique ou bien le maintient en l’état, autrement dit le caractĂšre impĂ©ratif d’une circulaire se confond avec sa nature dĂ©cisoire.
  2. Dans un second temps, une fois le recours recevable Ă  l’encontre de la circulaire, le juge s'interroge sur les moyens invocables pour Ă©ventuellement annuler la circulaire. S'agissant des moyens invocables, l’arrĂȘt DuvignĂšres en met deux en exergue : d’une part l’incompĂ©tence et d’autre part la violation directe de la loi dans le cas oĂč la circulaire mĂ©connaĂźt les textes qu’elle interprĂšte ou bien mĂ©connaĂźt une norme supĂ©rieure.

Le cas des directives ou lignes directrices

Les directives administratives se dĂ©finissent comme des normes d'orientation adressĂ©es par une autoritĂ© administrative, dans l'exercice d'un pouvoir discrĂ©tionnaire, Ă  ses subordonnĂ©s afin de fixer une ligne de conduite et assurer la cohĂ©rence de leur action. Moins qu'un ordre mais plus qu'un vƓu, l'hybriditĂ© intrinsĂšque de tels actes relevant tant d'une logique impĂ©rative que d'une logique incitative n'est pas sans rappeler les directives communautaires : comme ces derniĂšres, la directive administrative est ferme sur les rĂ©sultats Ă  atteindre et souple quant aux moyens pour y parvenir.

C'est dans son arrĂȘt CrĂ©dit foncier de France (1970) que le Conseil d’État a dĂ©gagĂ© et dĂ©fini cette notion. Mais bien que ne prenant pas place parmi les sources de la lĂ©galitĂ©, la directive n'Ă©chappe pas pour autant Ă  l'obligation de lĂ©galitĂ©. L'administrĂ©, en effet, peut toujours dĂ©fĂ©rer au juge une mesure individuelle d'application de la directive et s'en prĂ©valoir pour contester ladite mesure : les directives administratives sont donc opposables Ă  l'administration, bien qu'Ă©tant insusceptibles de recours. Il est possible de noter encore une fois le caractĂšre hybride de tels actes, qui, bien que non rĂ©glementaires, doivent ĂȘtre publiĂ©s. Cette publication a Ă©tĂ© rendue obligatoire par la loi du .

À la suite de nombreuses confusions des administrations entre les directives europĂ©ennes et les directives administratives, le Conseil d'État a pris la dĂ©cision de renommer les directives en lignes directrices depuis l'arrĂȘt Jousselin de 2014. Si la distinction est purement textuelle, elle permet maintenant d'Ă©viter les confusions de deux actes juridiques bien distincts.

Le cas des orientations générales

Les orientations gĂ©nĂ©rales sont un autre type d'acte qui vise Ă  orienter l'administration. Dans l'arrĂȘt Ministre de l’intĂ©rieur c/ Cortes Ortiz (2015), le Conseil d'État dispose que « dans le cas oĂč l'administration peut lĂ©galement accorder une mesure de faveur au bĂ©nĂ©fice de laquelle l'intĂ©resssĂ© ne peut faire valoir aucun droit, [...] il est loisible Ă  l'autoritĂ© compĂ©tente de dĂ©finir des orientations gĂ©nĂ©rales pour l'octroi de ce type de mesures »[2]. Donc, les orientations gĂ©nĂ©rales visent Ă  conseiller les autoritĂ©s compĂ©tentes dans leur pouvoir d'apprĂ©ciation de prise de mesures de faveur.

Le cas des mesures d'ordre intérieur

Les mesures d'ordre intérieur sont des actes administratifs unilatéraux adoptés pour l'organisation du service ou à l'attention de ses usagers, et qui sont considérés comme ne faisant pas grief. Longtemps, elles furent surtout réservées aux milieux carcéraux et militaires, milieux que le juge administratif se refusait de contrÎle ; mais on observe une restriction notable de l'étendue des mesures d'ordre intérieur, surtout depuis que le juge administratif s'est autorisé à contrÎler ces milieux par la jurisprudence Hardouin et Marie de 1995.

L'exécution de l'acte administratif

Selon l'arrĂȘt Huglo (Conseil d’État, Ass., 1982), le caractĂšre exĂ©cutoire des dĂ©cisions administratives est « la rĂšgle fondamentale du droit public »[3]. Ce caractĂšre entraĂźne le privilĂšge du prĂ©alable (les dĂ©cisions administratives sont prĂ©sumĂ©es rĂ©guliĂšres) dont le corollaire est l'exĂ©cution provisionnelle (l'administration peut poursuivre l'exĂ©cution de ses dĂ©cisions en dĂ©pit d'un recours dirigĂ© contre elles).

Cette exĂ©cution provisionnelle ne connaĂźt que quelques limites : des dispositions lĂ©gislatives prĂ©voient des sursis Ă  exĂ©cution (arrĂȘtĂ©s de reconduite Ă  la frontiĂšre en droit des Ă©trangers, sursis Ă  paiement en droit fiscal) et le juge, s'il doit statuer sur un rĂ©fĂ©rĂ©-suspension, a possibilitĂ© de prononcer des sursis Ă  exĂ©cution s'il estime les moyens suffisamment sĂ©rieux et le prĂ©judice que l'exĂ©cution entrainerait difficilement rĂ©parable.

Cependant, l'administration ne peut, sauf exception, exĂ©cuter elle-mĂȘme les actes administratifs unilatĂ©raux auxquels s'opposent des administrĂ©s, sans autorisation juridictionnelle : la saisine d'une juridiction civile rĂ©pressive voire un juge des rĂ©fĂ©rĂ©s. Exceptionnellement, l'exĂ©cution forcĂ©e est permise dans trois hypothĂšses, laissant la possibilitĂ© Ă  l'administration d'utiliser son pouvoir de contrainte sans intervention prĂ©alable du juge :

  • si une loi l'autorise (courant en matiĂšre de salubritĂ© publique, par exemple) ;
  • s'il y a urgence ou s'il n'existe aucune autre voie de droit possible (Tribunal des conflits, 1902, SociĂ©tĂ© immobiliĂšre de Saint-Just).

En cas d'utilisation irréguliÚre de la contrainte, l'administration commet une voie de fait (Tribunal des conflits, 1935, Action Française).

La disparition de l'acte administratif unilatéral

Traditionnellement, la question technique de la disparition de l'acte administratif unilatéral s'articule autour des concepts d'actes créateurs et actes non créateurs de droits, et en fonction de la régularité ou de l'irrégularité des actes.

Sont des actes créateurs de droits la plupart des actes individuels sauf exceptions (décisions recognitives, autorisations précaires, décisions défavorables au destinataire, actes obtenus frauduleusement). Les décisions réglementaires ne sont pas créatrices de droits car, comme les lois, elles sont des actes impersonnels et généraux.

Disparition de l'acte administratif hors la volonté de l'administration

La disparition de l'acte administratif peut ĂȘtre due Ă  la disparition de l'objet de l'acte, au dĂ©cĂšs de son destinataire. Elle peut rĂ©sulter de son annulation pour illĂ©galitĂ© par le juge administratif ou par le supĂ©rieur hiĂ©rarchique. Elle peut enfin rĂ©sulter de la survenance du terme exprimĂ© dans l'acte.

Disparition de l'acte administratif par la volonté de l'administration

L'administration peut retirer un acte de l'ordre juridique par deux moyens :

  • l'abrogation, qui ne fait disparaĂźtre l'acte que pour l'avenir ;
  • le retrait, plus exceptionnel, qui entraĂźne la disparition rĂ©troactive de l'acte, qui, dĂšs lors, est considĂ©rĂ© comme n'ayant jamais existĂ©.

L'abrogation

L'abrogation est le procĂ©dĂ© normal de l'administration. Elle peut ĂȘtre expresse (elle doit alors ĂȘtre prise par un acte contraire) ou tacite. En vue de concilier le principe gĂ©nĂ©ral du droit de la mutabilitĂ© des actes administratifs avec celui de la sĂ©curitĂ© juridique, le juge administratif a rappelĂ© la nĂ©cessitĂ© d'Ă©dicter le cas Ă©chĂ©ant des mesures transitoires entre la rĂ©glementation abrogĂ©e et la nouvelle rĂ©glementation (Conseil d’État, 2006, StĂ© KPMG).

L'abrogation des actes réguliers
  • Pour les actes rĂ©guliers non crĂ©ateurs de droits, qu'ils soient individuels ou rĂšglementaires, l'abrogation est une facultĂ© que l'administration peut Ă  tout moment, sur simple opportunitĂ©, sans condition de lĂ©galitĂ©, utiliser, et ce, mĂȘme si le rĂšglement avait Ă©tĂ© pris pour une durĂ©e prĂ©cise (et avortĂ©e) : cette libertĂ© est justifiĂ©e par le principe de mutabilitĂ© des actes administratifs (Conseil d’État, 1961, Vannier) : aucun droit acquis, aucun engagement contractuel ne peut faire obstacle Ă  l'adaptation de l'administration aux nĂ©cessitĂ©s mouvantes de l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.
  • Pour les actes rĂ©guliers crĂ©ateurs de droits, l'abrogation est impossible, mais un autre acte peut mettre fin aux effets produits : ainsi la nomination rĂ©guliĂšre d'un fonctionnaire ne peut ĂȘtre abrogĂ©e mais ce dernier peut ĂȘtre licenciĂ©, rĂ©voquĂ© ou mis Ă  la retraite.
L'abrogation des actes irréguliers

Qu'ils soient crĂ©ateurs de droits ou non, l'administration a obligation d'abroger les actes individuels ou rĂšglementaires devenus illĂ©gaux du fait d'un changement de droit ou de circonstances (Conseil d’État, 1930, Despujol) sur simple demande d'un intĂ©ressĂ© ; le juge pouvant recevoir un recours pour excĂšs de pouvoir contre la dĂ©cision de refus d'abroger (implicite ou explicite).

Concernant les actes irrĂ©guliers dĂšs leur origine, la jurisprudence a Ă©tĂ© longtemps plus floue, avant que l'arrĂȘt C.E. Ass. , Compagnie Alitalia[4] n'affirme l'obligation d'abroger les rĂšglements illĂ©gaux dĂšs l'origine ou en raison d'un changement de circonstance de droit ou fait (dans le cas d'espĂšce, rĂšglement contraire aux objectifs d'une directive communautaire dont le dĂ©lai de transposition Ă©tait dĂ©passĂ©). Cependant, la jurisprudence Alitalia ne s'applique pas explicitement aux actes crĂ©ateurs de droits. Cependant depuis 2009 et l'arrĂȘt Coulibaly, on ne peut retirer ou abroger un acte illĂ©gal individuel crĂ©ateur de droit que dans un dĂ©lai de 4 mois suivant l'intervention de cette dĂ©cision (la signature de l'acte en l'occurrence)[5]. Un arrĂȘt CE en date du fĂ©dĂ©ration française de gymnastique a prĂ©cisĂ© que si l'illĂ©galitĂ© a cessĂ© en raison de circonstances nouvelles au moment oĂč la demande d'annulation est examinĂ©e, l'administration peut refuser l'abrogation.

Le retrait

Encore plus attentatoire au principe de la sécurité juridique est le retrait, qui permet, comme l'annulation d'un acte par le juge, d'effacer rétroactivement les actes administratifs. De fait, il fut conçu comme un moyen de faire l'économie d'une future et probable annulation contentieuse, ses délais étant primitivement enfermés dans ceux du recours contentieux.

Retrait des actes non créateurs de droits

Concernant les rÚglements, le retrait n'est possible que tant que celui-ci n'est pas devenu définitif. Au-delà, seule l'abrogation est possible, qu'il soit régulier ou non.

Concernant les actes individuels non crĂ©ateurs de droit (c'est le cas des actes frauduleux, des autorisations prĂ©caires), l'administration est dans l'obligation de les retirer s'ils sont illĂ©gaux dĂšs le dĂ©part (cas d’un acte obtenu par fraude par exemple, ou d'un acte purement recognitif erronĂ©).

En vertu du principe de non-rĂ©troactivitĂ© des actes administratifs, les actes administratifs rĂ©guliers ne peuvent ĂȘtre retirĂ©s. Par exception, la jurisprudence a admis ce retrait pour les actes individuels Ă  la demande de leur bĂ©nĂ©ficiaire.

Retrait des actes créateurs de droits

Concernant les actes individuels rĂ©guliers crĂ©ateurs de droit, le retrait n'est admis par la jurisprudence que si le bĂ©nĂ©ficiaire en fait lui-mĂȘme la demande.

Pour les actes individuels irrĂ©guliers crĂ©ateurs de droit, la rĂšgle traditionnelle provenait de l'arrĂȘt Dame Cachet (C.E ) selon lequel l'administration pouvait retirer l'acte illĂ©gal tant que le juge de l'excĂšs de pouvoir Ă©tait compĂ©tent pour l'annuler. Le dĂ©lai Ă©tait donc de deux mois Ă  compter de la publication Ă©ventuelle de l'acte. Cette jurisprudence a montrĂ© ses limites car l'absence de publication d'un acte individuel (et l'absence de notification aux tiers concernĂ©s) ne permettait pas de dĂ©clencher Ă  leur Ă©gard le dĂ©lai de deux mois. L'acte devenait donc retirable par l'administration indĂ©finiment (C.E Ville de Bagneux). Cette jurisprudence fut tempĂ©rĂ©e par les arrĂȘts Ève (C.E. Sect. ) en ce qui concerne les dĂ©cisions implicites d'acceptation (non retirables) et Mme de Laubier (C.E. Ass. ) en ce qui concerne l’effet d’un dĂ©faut de mention des voies et dĂ©lais de recours (dont l’administration ne pouvait se prĂ©valoir Ă  son propre profit).

Les rÚgles de droit ont radicalement évolué depuis.

Il faut distinguer trois cas quant aux décisions individuelles créatrices de droit mais illégales :

  1. Pour les dĂ©cisions implicites d'acceptation, l'article 23 de la loi n° 2000-321 du indique qu’une telle dĂ©cision peut ĂȘtre retirĂ©e, pour illĂ©galitĂ©, par l'autoritĂ© administrative : 1° Pendant le dĂ©lai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont Ă©tĂ© mises en Ɠuvre; 2° Pendant le dĂ©lai de deux mois Ă  compter de la date Ă  laquelle est intervenue la dĂ©cision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a Ă©tĂ© mise en Ɠuvre; 3° Pendant la durĂ©e de l'instance au cas oĂč un recours contentieux a Ă©tĂ© formĂ©.
  2. Pour les dĂ©cisions implicites de rejet, la jurisprudence Cachet (1922) continue de s’appliquer : l’administration peut et doit retirer l’acte, pour illĂ©galitĂ©, dans le dĂ©lai du recours contentieux (CE, , n° 284605, SAS Kaefer Wanner).
  3. Pour les dĂ©cisions explicites, la jurisprudence a Ă©tĂ© transformĂ©e profondĂ©ment le avec l'arrĂȘt Ternon selon lequel le retrait d'un acte crĂ©ateur de droit explicite est possible, s'il est illĂ©gal et sauf lĂ©gislation ou rĂ©glementation spĂ©cifique, dans les quatre mois suivant la prise de dĂ©cision et seulement dans ce dĂ©lai (il peut aussi ĂȘtre retirĂ© dans le cas, trĂšs rare, oĂč le bĂ©nĂ©ficiaire demande lui-mĂȘme le retrait). Le dĂ©lai de retrait d'un tel acte est donc dĂ©sormais totalement dĂ©connectĂ© du dĂ©lai de recours contentieux.

Les dĂ©cisions pĂ©cuniaires sont crĂ©atrices de droit, et ne peuvent ĂȘtre retirĂ©es au-delĂ  du dĂ©lai de quatre mois (jurisprudence Soulier, C.E. ), mais peuvent ĂȘtre abrogĂ©es si les conditions lĂ©gales de versement ne sont pas ou ne sont plus rĂ©alisĂ©es. En revanche, de simples erreurs de liquidation dans le paiement d'une somme ne sont pas crĂ©atrices de droit et l'administration est alors en droit de rĂ©cupĂ©rer les trop-perçus.

Exceptions

Une exception aux rĂšgles prĂ©cĂ©dentes rĂ©sulte de l'article L. 424-5 du Code de l’urbanisme qui dispose, pour les dĂ©cisions rendues aprĂšs le :

  • « La dĂ©cision de non-opposition Ă  la dĂ©claration prĂ©alable ne peut faire l'objet d’aucun retrait.
  • Le permis de construire, d’amĂ©nager ou de dĂ©molir, tacite ou explicite, ne peut ĂȘtre retirĂ© que s'il est illĂ©gal et dans le dĂ©lai de trois mois suivant la date de cette dĂ©cision. PassĂ© ce dĂ©lai, le permis ne peut ĂȘtre retirĂ© que sur demande explicite de son bĂ©nĂ©ficiaire. »
  • Mais cette uniformisation des dĂ©lais de retrait de l'article L.424-5 du Code de l’urbanisme ne concerne pas les certificats d'urbanisme.

D'autres exceptions peuvent résulter de normes spécifiques, notamment lorsque le droit de l'Union européenne entre en jeu.

Bibliographie

  • Yves Gaudemet, TraitĂ© de Droit administratif Tome 1 16e Ă©dition, 2001
  • CĂ©dric Milhat, L'acte administratif - Entre processus et procĂ©dure, Éditions du Papyrus, Paris, 2007

Notes et références

  1. Le Conseil d’État avait considĂ©rĂ© que la requĂȘte du demandeur Ă©tait forclose, le dĂ©lai courant Ă  partir non pas de la notification du dĂ©cret, mais de sa prĂ©cĂ©dente publication.
  2. http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Selection-des-decisions-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/CE-4-fevrier-2015-Ministre-de-l-interieur-c-M.-B-A.
  3. Conseil d’État, assemblĂ©e, , no 25288 et 25323, publiĂ© au recueil Lebon. « Sur la lĂ©galitĂ© de la disposition attaquĂ©e : Cons. que les dĂ©cisions du prĂ©sident et des prĂ©sidents adjoints de la section du contentieux ont pour seul objet de suspendre provisoirement les effets d'un jugement du tribunal administratif ordonnant le sursis Ă  exĂ©cution d'une dĂ©cision administrative qui a un caractĂšre exĂ©cutoire ; que ce caractĂšre est la rĂšgle fondamentale du droit public et que le sursis Ă  exĂ©cution n'est pour le juge qu'une simple facultĂ© » [lire en ligne (page consultĂ©e le 2022-08-13)].
  4. Jurisprudence reprise par la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit.
  5. L'abrogation des actes administratifs individuels créateurs de droits, Patrick Gaulmin, http://avocats.fr/space/patrick.gaulmin/content/l-abrogation-des-actes-administratifs-individuels-createurs-de-droits_9F98CBE2-F97F-4F7C-9C3C-EB5E43434518.
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